La tur­bine

La tur­bine

Dans son petit appar­te­ment du centre-ville, les rideaux tirés, volets fer­més, il est presque trois heures du matin lorsqu’elle ouvre un œil, les deux, entre ses pau­pières lourdes du som­meil qu’elle vient de subir. Ses longs che­veux raides épar­pillés sur l’oreiller, la joue col­lée des­sus et la bouche sèche, elle ne bouge pas, les yeux entr’ouverts.

L’homme sans clefs

L’homme sans clefs

Il est en train de perdre ses clefs mais il ne le sait pas. Pas encore. Et puis de toute façon ça ne veut rien dire, on ne peut pas être en train de perdre ses clefs, c’est quelque chose de sou­dain ou dont on se rend compte après coup, dans aucune langue la forme pro­gres­sive ne per­met de dire qu’on est en train de perdre ses clefs. Et pour­tant. Il est bien en train de perdre ses clefs. 

Moka au bar sur les marches glis­santes à Borobudur

Moka au bar sur les marches glis­santes à Borobudur

Je ne sais pas vrai­ment ce qu’il s’est pas­sé en 1957, je ne m’en sou­viens plus trop. Roger Vailland a obte­nu le prix Gon­court pour La loi. Je crois en fait qu’il ne s’est pas pas­sé grand-chose, que les jours ont pas­sé sans que per­sonne ne s’en aper­çoive, que les hommes étaient grands et secs, qu’ils por­taient des cos­tumes droits…

Car­net de cam­pagne #5

Car­net de cam­pagne #5

Après m’être bala­dé au Laos avec Isa­belle Mas­sieu, me voi­ci repar­ti dans le pays que décri­vait Pierre Loti dans les Pagodes d’or, la Bir­ma­nie, avec cette fois-ci un auteur par­fai­te­ment incon­nu, Émile Cavaglion.

Car­net de cam­pagne #4

Car­net de cam­pagne #4

Si tou­te­fois, un jour, vous pas­sez par Can­franc… Non, je recom­mence, il n’y a aucune rai­son que vous pas­siez un jour par Can­franc… A moins que vous ne pre­niez un jour le train pour relier Pau à Sara­gosse… Oui hein, les chances sont maigres…

Car­net de cam­pagne #3

Car­net de cam­pagne #3

J’ai regrou­pé autour de moi des petits tré­sors, et pour cer­tains, le sou­ve­nir-même de les avoir ache­tés m’avait quit­té. L’énorme volume des Voyages en Extrême-Orient de Pierre Loti, mais aus­si les Essais sur la Chine, de Simon Leÿs, celui qui prit comme nom de plume le nom de famille du per­son­nage créé par Vic­tor Sega­len, René Leÿs. Les boucles se bouclent. 

Car­nets de cam­pagne #2

Car­nets de cam­pagne #2

De petits dra­peaux tri­an­gu­laires, colo­rés, frap­pés d’écritures et de prières, pal­pitent dans l’air – ornés d’un garu­da, d’un dra­gon, d’un tigre et d’un lion, on les appelle les “che­vaux du vent”.

Car­nets de cam­pagne #1

Car­nets de cam­pagne #1

Des lettres en forme de car­net de cam­pagne, jour après jour, pour consi­gner quelque part le flux des jours. Il n’y aura pas beau­coup de jours comme celui-ci, chaud et fié­vreux, où le vent ne semble pas lais­ser com­plè­te­ment son jeu ouvert face au soleil.

Les plus belles mains de Delhi

Les plus belles mains de Delhi

Lorsqu’un jour­na­liste sué­dois sur le retour, en bout de course, s’envole pour Del­hi au risque de perdre pied dans un pays qu’il ne connaît pas et pour lequel il n’a a prio­ri aucune espèce d’attirance et qu’une fois arri­vé, il tombe gra­ve­ment malade au point de crou­pir dans une chambre d’hôtel miteuse, ter­ras­sé par une indi­ges­tion cara­bi­née, on se dit qu’il ne peut que remon­ter la pente.

Pen­dant ce temps… En Mon­go­lie ou ailleurs…

Pen­dant ce temps… En Mon­go­lie ou ailleurs…

Nous avons per­du le sens des réa­li­tés, le sens de l’hu­ma­ni­té. Nous avons per­du le sens de la bien­veillance et de l’autre. Je ne sais pas com­ment on a pu en arri­ver là. Il faut conti­nuer les lec­tures et l’a­ven­ture des mots coule dans mes veines, que ce soit un poi­son ou une ambroi­sie. Ce fut une année de peu de lec­tures, un peu courte et chao­tique, où quelques livres ont trou­vé grâce à mes yeux fatigués.

Café thaï #9

De là où je suis, j’en­tends l’an­gé­lus élec­trique entre mes oreilles. La cha­leur de cette douce soi­rée au bord de la Chao Phraya me donne des fris­sons de fièvre. Un Mai Tai à la main, une ciga­rette coin­cée entre les doigts, j’é­coute les vedettes rapides décou­per l’onde tour­men­tée du fleuve magis­tral, empor­tant avec eux les jacinthes d’eau qui en recouvre la surface.

Café bleu et blanc #8

Ambiance élec­trique, fié­vreuse, sous un ciel char­gé d’humidité froide qui n’arrête pas de se déver­ser en fines couches, les yeux grands ouverts, l’odeur gla­cée de la pluie sur le bitume d’une ville frai­che­ment sor­tie de terre, là où avant ne se trou­vaient que des entre­pôts d’usines mortes depuis une bonne décennie.

Café de rêves #7

Mes nuits sont faites de rêves dont je ne me sou­viens plus au petit matin. Par­fois, tou­te­fois, je m’en sou­viens. Alors que je pré­fé­re­rais ne pas. Je rêve sou­vent de situa­tions dans des mai­sons que j’attribue à une connais­sance, situa­tion sou­vent impro­bable, avec des per­sonnes dont le lien lui-même semble impro­bable, et sou­vent, ça se ter­mine dans une débauche de sexe, impro­bable aussi.

Café du matin #6

Sur­pris par l’ennui d’un same­di froid et gris, j’ai cher­ché sur mes éta­gères quelque chose qui pour­rait m’exciter un peu l’esprit. Je suis même allé jusqu’au gre­nier pour retrou­ver ce livre d’André Gra­bar que j’ai ache­té il n’y a pas si long­temps que ça : L’iconoclasme byzan­tin. J’ai aus­si des­cen­du les deux tomes de l’Enquête, d’Hérodote, mon livre sur Mimar Sinan, celui sur l’art de Constan­ti­nople de Sté­phane Yéra­si­mos et enfin l’Art seld­jou­kide et otto­man de Gio­van­ni Curatola.

Café du matin #5

Le rêve de soleil et de cha­leur me reprend. Il est là, il me taraude. Il va de pair avec la fin de l’hi­ver, de cet hiver hor­rible, humide, triste, long inter­mi­nable, qui même une fois le prin­temps arri­vé conti­nue de sévir.

Café du matin #4

Sor­did details fol­lo­wing… Qu’est ce qui peut bien me mettre de bonne humeur comme ça ? Le sale gosse est de sor­tie, avec son tee-shirt sur lequel une gei­sha fait un doigt d’hon­neur, chaus­sures et jeans de punk, il faut vous faire un des­sin ? J’ai tou­jours rêvé d’être une gei­sha, et sur­tout de faire un doigt d’hon­neur en étant une geisha.

Café du matin #3

Qua­rante-cinq degrés à l’ombre de ton corps fris­son­nant. J’ai les doigts rouges et gon­flés sur mon cla­vier, gourds d’être res­té trop long­temps dehors par quelques degrés en-des­sous de zéro, res­té trop long­temps à lire et à te cher­cher alors que tu n’étais pas là. Les pieds humides et froids, l’âme déchi­rée comme la glace qui fond et s’écrase sur le sol gelé, avec le même bruit, la même lourdeur.

Café du matin #2

Café du matin, je ne sais plus com­bien. Une crême oran­gée, mous­seuse, qui reste sur les parois de la tasse tan­dis que je bois la der­nière goutte dans un léger bruit de bouche qui me per­met d’aspirer tout ce qui peut res­ter dans la tasse.

Café du matin #1

Alors voi­là, on boit son café tran­quille, pre­mier café du matin… la jour­née risque d’être belle, légè­re­ment voi­lée mais belle, la pre­mière vraie jour­née chaude de la sai­son, il va cer­tai­ne­ment faire chaud, du moins de quoi sor­tir en tee-shirt sans risque d’avoir le moindre fris­son sur les tétons sous le tis­su. Encore une occa­sion de ratée de s’exprimer avec pudeur.

Petit réper­toire des rêves d’un long été

J’ai tou­jours aimé les jour­nées chaudes, brû­lantes, pen­dant les­quelles je m’esquinte la peau au soleil brû­lant, tou­jours avec excès, jamais avec modé­ra­tion, jusqu’à la nau­sée, aux trem­ble­ments fébriles. Une jour­née passe et je suis à nou­veau sur pied. J’ai des sou­ve­nirs de jour­nées tor­rides, cloî­tré der­rière les stores bais­sés, dans une semi-obs­cu­ri­té d’où on ne voit per­cer que quelques fins rayons de soleil sur le tapis.