Le paquet-mes­sage de Rudyard Kipling

Le paquet-mes­sage de Rudyard Kipling

Exhu­mé des terres anciennes de l’é­cri­ture, quelques mots sur­gis du passé :

J’ai trou­vé ces mots, dans l’His­toire de la lec­ture d’Alber­to Man­guel.

Alors qu’il m’écoutait lire un poème de Kipling, “Bise­sa” (dans L’homme qui vou­lut être roi), Borges m’interrompit après une scène où une veuve hin­doue envoie à son amant un mes­sage com­po­sé de plu­sieurs objets embal­lés ensemble. Il en sou­li­gna la jus­tesse poé­tique et se deman­da à haute voix si Kipling avait inven­té ce lan­gage concret et cepen­dant symbolique.

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Un numé­ro ren­voyait à une note en fin d’ouvrage :

A l’époque, ni Borges ni moi ne savions que le “paquet-mes­sage” de Kipling n’était pas une inven­tion. D’après Ignace J. Gelb (The His­to­ry of Wri­ting, Chi­ca­go, 1952), au Tur­kes­tan orien­tal, une jeune femme envoya à son amant un mes­sage consis­tant en une poi­gnée de thé, une feuille d’herbe, un fruit rouge, un abri­cot sec, un mor­ceau de char­bon, une fleur, un mor­ceau de sucre, une aile de fau­con et une noix. Le mes­sage signi­fiait : “Je ne peux plus boire de thé, je suis aus­si pâle que l’herbe sans toi, je rou­gis quand je pense à toi, mon cœur brûle comme le char­bon, ta beau­té est celle d’une fleur, ta dou­ceur celle du sucre, mais ton cœur est-il de pierre ? Je vole­rais vers toi si j’avais des ailes, je suis à toi telle une noix dans ta main.”

Un peu plus loin, une cita­tion que je ne peux lais­ser pas­ser, d’Ezechiel Martí­nez Estrada :

Lire est une des formes les plus déli­cates de l’adultère.

Pho­to d’en-tête © Pepe Pont

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Vrin­da­van, rési­dence de Krishna

Vrin­da­van, rési­dence de Krishna

Il existe un endroit en Inde, dans la ville de Vrin­da­van, dans la région de l’Uttar Pra­desh, dont nous parle l’au­teur de L’âge de Kali, William Dal­rymple, qui est un des hauts lieux saints de l’Inde, petit para­dis pour le dévot, enfer pour d’autres. A la décou­verte de ce lieu hors du commun.

Vrindavan | India

La foi per­met sou­vent de voir beau­coup de choses qui demeurent cachées au non-croyant. Aux yeux de la plu­part des visi­teurs pro­fanes, Vin­da­van semble n’être rien de plus qu’une ville mar­chande du nord de l’Inde, en piteux état, aux rues pous­sié­reuses encom­brées de vaches, de men­diants, de bicy­clettes et de rick­shaws. Mais pour le pèle­rin pieux, c’est la rési­dence de Kri­sh­na, et donc — en ce sens du moins — un para­dis ter­restre qu’embaume le par­fum des tama­ri­niers et des arjuns.
Les hin­dous dévots croient que Kri­sh­na est encore pré­sent dans cette ville aux palais en ruine et aux ash­rams four­millant de pèle­rins, aux égouts du ciel ouvert et aux étals expo­sant des litho­gra­phies de l’En­fant Dieu, aux cou­leurs vives. Un vieux sadhu, ren­con­tré au bord de la rivière, m’a dit qu’en prê­tant l’o­reille avec atten­tion, on peut encore cap­ter les accents loin­tains de la flûte de Kri­sh­na. Le matin, ajou­ta-t-il, on peut par­fois entre­voir le dieu se bai­gnant en bas des ghats ; le soir, on le voit sou­vent se pro­me­ner avec Radha sur les berges de la Yamuna.
Chaque année, des cen­taines de mil­liers de dévots hin­dous viennent à Vrin­da­van et suivent, pieds nus, le pari­kra­ma qui, pas­sant devant la plu­part des temples et des lieux saints, mène à la Yamu­na. La plu­part se rendent ensuite à un autre lieu de pèle­ri­nage voi­sin : Govard­han, une mon­tagne que, selon la légende, Kri­sh­na uti­li­sait comme ombrelle en la sou­le­vant avec son petit doigt. Ce n’est qu’une petite col­line, mais cela ne trouble pas les pèle­rins ; ils savent que plus le mal pro­li­fère dans le monde, plus la mon­tagne diminue.
Cer­tains de ceux qui viennent à Vrin­da­van n’en repartent plus. Car beau­coup d’hin­dous croient qu’il n’y a pas, dans toute l’Inde, de lieu plus saint et que c’est là qu’il convient donc de pas­ser ses der­niers jours.

William Dal­rymple, L’âge de Kali
A la ren­contre du sous-conti­nent indien
Libret­to, 1998

Vrindavan | India

Pour­tant, dans l’Inde d’au­jourd’­hui, cette ville porte une his­toire triste et est deve­nue le théâtre d’un véri­table drame humain qui touche direc­te­ment la popu­la­tion fémi­nine d’un pays qui, s’é­tant débar­ras­sé de quelques unes de ses lois les plus iniques (les castes), a plon­gé toute une popu­la­tion dans une situa­tion hor­rible. En effet, les veuves, autre­fois, avait comme obli­ga­tion à la mort de leur époux de pra­ti­quer la cou­tume sécu­laire de la sati, qui consis­tait à ce que la femme soit immo­lée par le feu en même temps que son époux sur le bûcher lors de la mort de celui-ci. Dans la tra­di­tion hin­doue, la femme perd son sta­tut à la mort de son mari. Ce pra­tique de la sati (lit­té­ra­le­ment femme bien, ce qui implique que si elle n’est plus sati, c’est une mau­vaise femme…) désor­mais inter­dite a créé les condi­tions d’une situa­tion impos­sible pour ces veuves puis­qu’elles sont désor­mais reje­tées par leurs enfants, envoyées à la rue comme des men­diantes, quelle que soit leur condi­tion et c’est dans cette ville qu’elle se retrouvent, vêtues de blanc sale, le crâne rasé. Pour les plus jeunes d’entre elles, et peut-être aus­si les plus belles, elles sont mises à la dis­po­si­tion des gang­sters ou même de cer­tains sadhus indé­li­cats qui ali­mentent ces tra­fics dans les ash­rams de Vin­da­vran. Une fois abî­mées, elles sont alors reven­dues dans les bor­dels de Deh­li. Une situa­tion atroce pour ces mil­liers de femmes à qui on confisque tout une fois leur mari décé­dé, et qui vient presque à se poser la ques­tion de savoir si la sati n’é­tait pas une tra­di­tion qui avait au moins le mérite de ne pas per­mettre une telle humiliation.
La petite ville pro­vin­ciale de Vin­da­vran devient alors le révé­la­teur d’une dégra­da­tion sociale pas for­cé­ment visible, mais qui se concentre ici et devrait faire réagir les forces publiques, désor­mais tenues par des escrocs et des bandits.

Lire cet article sur le site de l’Ex­press, ain­si que sur le site Mes car­nets d’A­sie.

Pho­to d’en-tête © Some­bo­dy

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Le regard d’une prin­cesse sur les bords du Lac Turkana

Princess Loingalani, El Molo Bay, Lake Rudolf, Kenya, 1967

Tout ce qu’on peut lire dans le regard d’une prin­cesse… une femme qui n’est pas comme les autres, une femme qui porte en elle la fier­té et la noblesse de son rang et qui pour­tant n’en est pas moins ni plus femme que n’im­porte quelle autre.
Cette femme est une prin­cesse Loin­ga­la­ni pho­to­gra­phiée en 1967 sur les bords du Lac Tur­ka­na (ancien­ne­ment LacRu­dolf) au Kenya par le docu­men­ta­riste et pho­to­graphe Peter Beard.
Cli­quez des­sus pour la voir en grand. Pho­to trou­vée chez Le Clown Lyrique.

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Mys­té­rieux por­trait de femme du Fayoum (l’in­ven­tion de la pein­ture de che­va­let et du pointillisme)

Ne vous est-il jamais arri­vé de ren­con­trer une pein­ture qui vous trouble à ce point que vous n’ar­ri­viez pas à chas­ser l’i­mage de votre mémoire ? Ne vous est-il jamais arri­vé d’être à ce point trou­blé par le visage d’une femme que vous n’au­riez jamais pu connaître puisqu’elle est morte il y a des cen­taines d’an­nées, éloi­gnée de vous par un gouffre d’in­tem­po­ra­li­té, mais que vous vous disiez tout de même que vous auriez aimé la connaître ? C’est à peu près l’im­pres­sion que j’ai eu la pre­mière fois que j’ai vu ce visage peint exhu­mé du Fayoum.

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Vénus et autres Vénus

Moins connues que leurs consœurs, elles sont néan­moins repré­sen­ta­tives de leur époque et d’un art hau­te­ment avan­cé, capable d’in­ven­tion et d’une sty­li­sa­tion très pous­sée. Revue de détail de ces femmes venues de la pré­his­toire, qu’on a sou­vent appe­lé “Vénus” pour rendre hom­mage à la beau­té intrin­sèque de la femme, mais qui sont plus géné­ra­le­ment des odes à la fer­ti­li­té. (suite de l’ar­ticle Sept femmes (Vénus du gra­vet­tien))

La Vénus impu­dique de Laugerie-Basse

Lau­ge­rie-Basse se trouve sur la route entre Rouf­fi­gnac et Les Eyzies, dans la val­lée de la Vézère où l’on peut pas­ser des jours à s’ex­ta­sier sur cer­tains des plus beaux sites pré­his­to­riques (Las­caux, La Made­leine, Com­ba­relles, Font-de-Gaume, etc.) lors­qu’ils sont encore ouverts au public. Cette vénus a été appe­lée impu­dique en rai­son de l’in­ci­sion pro­fonde mar­quant la forme de la vulve. Peu for­mée, élan­cée, (ce qui laisse pen­ser qu’on a plu­tôt affaire à une ado­les­cente qu’à une femme mûre) c’est la pre­mière “Vénus” a avoir été mise au jour, en 1864. Sculp­tée dans l’i­voire, elle mesure 8cm de haut.

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