Feb 1, 2020 | Sur les portulans |
Boreaalinen vyöhyke
Zone boréale
Le boréal est entré dans ma vie par plusieurs angles différents. Le premier aura été la découverte de l’auteur danois Jørn Riel, aujourd’hui âgé de 88 ans et qui a écrit la série des racontars arctiques qui ont émaillé mes nuits d’étudiants de beaux souvenirs et d’histoires humaines fascinantes, que je n’ai toujours pas fini de lire, me les réservant comme de précieux trésors, des cadeaux qu’on ne déballe pas tous à la fois. L’homme vit aujourd’hui en Malaisie, pour décongeler, dit-il. Et puis par cette porte ouverte sont entrés les très beaux textes de Jean Malaurie (97 ans), Ultima Thulé, Les derniers rois de Thulé, des oeuvres magistrales qui m’ont aussi ouvert les portes de ceux de Paul-Émile Victor, puis bien d’autres encore après. Le dernier en date est un polar, écrit par Sonja Delzongle, un thriller très dur, qui m’a donné des cauchemars et qui porte le simple nom de Boréal, et que j’ai acheté à cause de la belle couverture aux teintes vert pastel et de la photo d’un ours sur la banquise. Petite parenthèse.
Photo d’en-tête Wim Pauwels on Unsplash
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le boréal va mal. Il est loin de nous, loin des yeux, loin du cœur, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne dit rien de notre monde qui va mal.
Un des symptômes de ce mal, c’est le Zachariæ Isstrøm. C’est un immense glacier groënlandais de 91 780 km2, dont la vitesse d’écoulement a plus que doublé ces cinq dernières années. Sa fonte, ainsi que celle d’un autre glacier, le Nioghalvfjerdsfjorden, qui se trouve sur le même sous-continent glacé, n’aurait qu’une incidence mineure sur l’avenir de l’humanité : l’élévation du niveau de la mer de plus d’un mètre… Une paille, avec les conséquences qu’on imagine. Lire l’article sur Le monde.
Photo by Eric Welch on Unsplash
Dans le livre de Sonja Delzongle, sans vouloir dévoiler l’intrigue, il est question d’une gigantesque faille qui se creuse dans l’inlandsis du Groënland. La réalité dépasse alors la fiction puisqu’on vient de découvrir (avant l’écriture du bouquin) le canyon terrestre le plus profond du monde, non pas au Groënland mais sous la glace de l’Antartique, très exactement sous le glacier Denman. Avec une profondeur de 3500 mètres sous le niveau de la mer, il dépasse la profondeur du canyon de Colca au Pérou.
Ce même relief abriterait également celui du point le plus bas de la surface terrestre non recouvert d’eau (bien qu’il soit recouvert par de la glace) — Géo.
En Islande, pays des glaces, pays des glaciers, on vient de rendre hommage au premier glacier disparu du pays. Une plaque commémorative posée en août 2019 fait état de la disparition du glacier, en forme de lettre au futur (Bréf til framtíðarinnar), prévenant que d’ici 200 ans, tous les glaciers du pays auront disparu. L’Okjökull n’est plus désormais qu’une petite calotte recouvrant le volcan Ok et déclaré mort par le glaciologue Oddur Sigurðsson. Les photos satellites qu’on peut trouver sur le web sont édifiantes ; entre 1986 et 2019, le glacier a tout simplement disparu…
Certains ont cru que le Groenland était leur terrain de jeu personnel et qu’ils pouvaient s’y installer en faisant fi de tout. Ainsi les États-Unis ont colonisé le nord-ouest de cette terre glacée pour construire la plus grande base militaire entièrement creusée dans la glace, Camp Century. Installée entre 1959 et 1967, le but de cette ville souterraine était de pouvoir stocker près de 600 ogives nucléaires au plus près des côtes de l’URSS. Si l’existence de la base ainsi que du projet n’ont été révélés qu’en 1997, on sait à présent que l’installation est victime du réchauffement des zones glaciaires et qu’elle risque d’être mise à nu si la glace continue de fondre. Ce ne serait pas si grave si n’y étaient pas stockés 200 000 litres de fuel et plus encore d’eaux usées et c’est sans compter les fuites liées à l’abandon du réacteur nucléaire qui approvisionnait la base en électricité. La ville souterraine étant enfouie sous plus de trente mètres de glaces, on imagine parfaitement le risque de pollution qu’entrainerait la dispersion de liquides hautement toxiques dans le sous-sol… Mais qu’on se rassure, les Américains ne se sentent absolument pas concernés par les erreurs de leurs ainés et ne comptent pas investir le moindre dollar dans la dépollution du site.
Pour en savoir plus, voir cette vidéo sur Camp Century sur Dailymotion.
Pour se rassurer sur les intentions des êtres humains au regard des terres glacées, laissez-moi vous faire découvrir ces cairns que construisent les peuples inuit et yupik le long de la ceinture allant de l’Alaska au Groenland. Le mot inukshuk (au pluriel inuksuit) définit une forme qui aurait la capacité d’agir comme un être humain. La construction de pierre qui porte aujourd’hui ce nom est plutôt considérée par les Inuits comme inunnguaq (pluriel : inunnguait) ; ce qui ressemble à un être humain, et le terme Inuksugalait désigne le lieu « où il y a beaucoup d’inuksuit ». Mais que sont ces empilements ?
Leur forme clairement anthropomorphe a résolument une fonction liée à la chasse. Si on peut facilement imaginer que c’est une sorte de totem, il n’en est rien. L’inukshut sert en réalité d’épouvantail à l’attention des caribous pour les attirer dans des culs de sac ; les chasseurs sont généralement cachés derrière les hommes de pierre et attendent les animaux qui se font piéger. Les inuksuit pouvait également servir de cache à nourriture, de borne de territoire ou de panneau directionnel, le bras le plus long indiquant la direction du village le plus proche.
Aujourd’hui, l’inukshuk fait office de symbole pour une nation qui cherche ses repères, autant que son autonomie, puisque c’est la forme stylisée qu’on trouve sur le drapeau du territoire fédéral canadien du Nunavut, mais aussi du Nunatsiavut, l’association des Inuits du Labrador.
Voici la légende de la création du premier inukshuk :
Il y a très longtemps, un petit garçon aimé de ses parents, choyé, protégé, par son père qui était un grand chasseur, et sa mère si douce… Il se retrouva pourtant très aigri à la naissance de sa petite sœur, car elle devînt l’objet de toute l’attention de ses parents, et le petit garçon, triste, énervé et plein de rancœur, décida de partir, seul.
Sur le chemin, il rencontra un chaman. Mais ce dernier n’était pas un “angakok” (chaman en langue inuit) bon pour les humains. Il enseigna donc au garçon perdu, l’art du chamanisme pour se venger des Hommes. Les années passèrent et le petit garçon grandit, et avec lui la haine qu’il portait désormais aux Hommes. Il apprit à maîtriser la magie du grand chaman, et réveilla le grand vent du Nord, qui souffla en tempête et souleva un terrible blizzard… Il voulait ainsi faire disparaître toutes les habitations et les villages des Hommes. Mais face à cet ouragan blanc qui mordait sa famille, qui l’avait tant aimé, il fût pris de remords.
Monté au sommet de la plus haute colline, il ouvrit grand les bras pour lutter contre vent glacial du Nord. Le combat dura toute la nuit. Et au petit matin, la tempête avait cessée… mais le jeune garçon lui, avait été changé en pierre. C’est ainsi qu’apparût le tout premier Inukshuk.
Il est temps de refermer la page boréale de ce blog, dans un hiver qui ressemble à un printemps et qui n’annonce rien de bon pour les mois prochains, pour la terre, pour le jardin. Je nourris un rêve secret, celui de rejoindre un jour les terres glacées des régions arctiques, bien au-delà du cercle polaire et au-dessus encore des glaciers de l’Islande. Il y a trois lieux qui m’enchantent et qui sont pour moi comme des nirvanas où j’aimerais un jour poser le pied.
Les îles Lofoten, un archipel au nord de la Norvège et au large de Bodø, où les falaises tombent à pic dans une mer noire, où subsistent encore quelques villages de pêcheurs et où les noms des îles se finissent tous en -øya (Austvågøya, Gimsøya, etc.).
J’aimerais aussi vivre quelques semaines à Tromsø, encore plus au nord de la Norvège, la ville de plus de cinquante mille habitants la plus septentrionale du monde. Plus de 6000 étudiants y étudient la glaciologie et la climatologie arctique, et selon les périodes de l’année, dans l’obscurité de la nuit polaire… Enchâssée dans un dédale de fjords aux eaux profondes et de montagnes enneigées, la ville est un refuge, loin des côtes de la haute mer et des vents impétueux.
J’aimerais connaître le pays sâme finlandais (Sápmi), plus connu sous le nom de Laponie, plus à l’est que Tromsø, pour y admirer les aurores boréales et y voir, dit-on, le blanc le plus blanc du monde. Il n’y a rien qui me ferait plus plaisir au monde que faire la connaissance de ce peuple encore un peu préservé, dont on dit que les jeunes filles ont les yeux clairs et les cheveux de la couleur de la neige.
Photo ci-dessous © Erika Larsen
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Feb 6, 2014 | Chambre acoustique |
Découverts un peu au hasard, les travaux de l’ethnologue Marceau Gast constituent une source importante de témoignages sonores recueillis dans le Sahara du sud algérien, au Yémen mais aussi en France ; ses quatre thèmes de travail sont l’artisanat, les pratiques agricoles, les techniques de conservation des aliments et les traditions orales. On peut trouver sur cette page (sur le site Encyclopédie Berbère) l’intégralité des références de ses travaux.
Ses archives sonores, dans le but d’être exploitées, de constituer un fonds patrimonial conséquent et pour aussi être protégées des méfaits du temps, ont été déposées sur le site de la phonothèque de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme (MMSH).
On trouvera également ici une notice de référence sur Marceau Gast.
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Jan 2, 2014 | Barattages |
Barattage [baʁataʒ] n. m. — 1845 ; de baratter ♦ Action de baratter (la crème) pour obtenir le beurre.
Baratter [baʁate] v. tr. — 1583 ; « s’agiter » XIIè ; peut-être du scandinave barâtta « combat », ou du préf. bar- exprimant l’oppos., et lat. actiare de agere « agir » ♦ Battre (la crème) dans une baratte.
Barattage du lait aigri en pays berbère (photo M. Gast)
Je n’avais pas assez d’espace, alors j’en ai créé. Il me fallait un endroit où déposer quelque chose de l’ordre de la pensée instinctive, de la pure immanence de la pensée, que je ne savais pas où mettre et qu’il fallait que j’exprime quelque part ; une onde me murmure qu’il faut que j’en fasse quelque chose, que ce que j’écris un peu dans la marge prenne un peu plus d’ampleur ; c’est ici l’endroit.
J’ai appelé cette section barattage avec plusieurs références.
Le barattage est une action ancestrale dont on ne connait plus le sens aujourd’hui. Demandez à n’importe qui dans la rue comment on fabrique du beurre, je ne suis pas certain qu’on vous réponde correctement et dans l’ordre que c’est fait à partir du lait (de vache), dont on extrait la crème qu’on bat dans une baratte, là où se séparent la matière grasse et le babeurre… On en perd le sens, mais cela signifie qu’on en perd aussi le geste. Les plus terriens d’entre nous ont déjà vu une baratte à manche ou une baratte mobile dans une brocante ou chez un parent qui conserve encore des outils familiaux, voire ancestraux, mais on serait bien en peine aujourd’hui de reproduire ces gestes d’alchimistes par lesquels on créé une matière aussi commune dans la cuisine que le beurre.
Baratte indiennes (batte-beurre) — Musée de Bâle (Wirz 1938–1939)
Le second sens que j’ai voulu y mettre fait référence au barattage de la mer de lait (amritamanthana), qui est une des scènes principales qu’on peut trouver gravée sur les murs d’Angkor Vat et qu’on retrouve comme un mythe fondateur de la cosmogonie hindouiste. Mythe principal et fondateur, pour dire mon attachement à la parole fondatrice et mythologique. Là encore, les mythes ne sont plus tellement pris au sérieux, à part par les ethnologues et les historiens des religions.
Enfin, la troisième référence, c’est celle qui concerne les peuples nomades. Le barattage est une action instantanée reproduite par les peuples nomades et les peuples qui gardent une forte tradition pastorale. On trait le lait qu’on laisse reposer une nuit et on en fait du beurre ou du yaourt. C’est un geste ancestral et universel de transformation de la matière, qui contient en lui une foule de signifiants.
Pour finir, l’idée que le mot barattage puisse venir d’un mot scandinave (barâtta) qui signifie “combat” est une notion presque excitante si on y place un sens dans lequel on y voit un combat de l’homme contre le lait pour lui faire subir une transformation. La notion est là.
Barattage de la mer de lait — Angkor Vat
Voilà l’esprit dans lequel je créé cette section dont je numéroterai les actes ; ce que je compte faire ici est de transcrire un certain nombre de travaux que je compte mener tout long de cette année. Il se trouve que ces derniers jours, j’ai eu toute latitude pour réfléchir à un certain nombre de choses qui me travaillent depuis quelques temps et que j’ai envie de mettre en mots, puis en forme.
A lire sur le barattage : Les mots et les actes Baratter, allumer le feu. Question de texte et d’ensemble technique par Marie-Claude Mahias, ainsi que ce très bon article sur l’alimentation et les laitages en particulier sur le site de l’Encyclopédie Berbère (E.B., G. Camps, J.-P. Morel, G. Hanoteau, A. Letourneux, A. Nouschi, R. Fery, F. Demoulin, M.-C. Chamla, A. Louis, A. Ben Tanfous, S. Ben Baaziz, L. Soussi, D. Champault et M. Gast), deux articles dont sont extraites les photos illustrant ce billet.
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Aug 30, 2013 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Robert Louis Stevenson a fini sa courte vie (il est mort à 44 ans d’une crise d’apoplexie) dans les îles Samoa. Sa santé précaire depuis son plus jeune âge et un emphysème chronique lui rongeant les poumons le forcèrent à quitter le climat humide et froid de son Écosse natale. Il s’était installé non comme un vulgaire occidental dans une hutte pour faire un peu bohème, il était réellement venu ici pour terminer son rêve, sa vie et chemin faisant, prendre fait et cause pour le peuple samoan contre l’impérialisme. Les iliens qu’il côtoya pendant les dernières années de sa vie construisirent une route jusqu’à sa plantation et lui donnèrent le nom respectueux de Tusitala, le raconteur d’histoires.
Pendant ces années d’isolement, loin de Londres et d’Édimbourg, il continua d’écrire mais dans un style beaucoup plus âpre que celui qu’on lui connaissait, plus sauvage, dans un style qu’on pourrait qualifier de style de la maturité. Mort trop jeune, on ne lui connait finalement pas d’autre envergure et il n’eut pas l’occasion de montrer ce nouveau visage. En effet, vivant à l’autre bout du monde, Sidney Colvin, son (soi-disant) ami et « agent littéraire » qui s’occupait de ses écrits fit en sorte que son dernier livre, Ceux de Falesa, ne soit pas publié de son vivant, par un concours de circonstance qui demeure aujourd’hui encore complexe à comprendre.
Photo © Marques Stewart
Encore une préface de Michel Le Bris qui nous explique avec force détails la situation. Colvin fait tout son possible pour ne pas publier ce que lui envoie Stevenson depuis les Samoa, mais Stevenson ne sait pas pourquoi. Il enrage devant les compromissions que lui demande son agent. Il est question dans l’histoire d’un contrat de mariage entre le narrateur et une ilienne dont la date doit être censurée, repoussée, pour ne pas choquer les bonnes âmes chrétiennes ; d’autre part, il est mal venu de faire l’apologie du sauvage de la part d’un grand écrivain au succès énorme de son vivant. Il est également aussi question de langage. Stevenson emploie le bêche-de-mer(1) et systématiquement le langage sera corrigé pour revenir vers un anglais traditionnel. D’autre part, il y a fort à parier que derrière cette volonté de censurer se trouve une forte raison politique. Les Samoa sont à l’époque l’objet de convoitises de territoire et le fait que Stevenson se batte pour l’autonomie du peuples des îles fait mauvais effet.
Stevenson est un écrivain à succès et son style devenu rude, ses sujets sombres risquent de choquer son lectorat et de créer un séisme. Ce sont en tout cas les raisons officieuses qui ont dû pousser l’ami Colvin à censurer celui qui représentait pour lui une manne financière incroyable. Stevenson n’était certainement pas dupe, mais sans lui, il n’avait aucune porte d’entrée vers la publication.
Le texte sera publié en Angleterre, censurée, tronqué, modifié, et de surcroît après la mort de l’écrivain. Pour la première fois, il est restitué ici dans sa version originale, tel que Stevenson l’avait souhaité, et dans l’esprit dans lequel il aurait certainement souhaité voir son œuvre perdurer s’il n’avait succombé à son mauvais état de santé. Stevenson est enterré sur le mont Vaea selon sa volonté et sur sa tombe est inscrite cette épitaphe, un extrait d’un de ses poèmes écrit en 1884 :
Sous le vaste ciel étoilé
Creuse la tombe et laisse moi en paix;
Heureux ai-je vécu et heureux je suis mort
Et me suis couché ici de mon plein gré.
Ceux de Falesa est un texte à caractère ethnographique. Il raconte la vie d’un homme, un Blanc, débarqué dans une île pour y faire commerce. Il établit un contrat de mariage bidon avec une jolie fille de l’île dont il ne sait rien. D’autres Blancs vivent ici et lui parlent de le façon de vivre locale et bien vite il se retrouve “tabou”, incapable de vendre quoi que ce soit sur cette terre, pour une raison qu’il n’arrive pas à détecter. Il s’avère bien vite que ces Blancs utilisent la ruse pour asservir (une vieille histoire) les iliens en les maintenant dans la crainte des ancêtres et des démons. Le narrateur va découvrir le pot-aux-roses…
Une nouvelle d’aventures comme on en voit peu, à l’opposé des autres textes de Stevenson, moins joyeux, moins optimiste, mais manufacturé dans une langue claire et riche, lumineuse.
Bref, ce que je pouvais faire de mieux était de rester bien tranquille, de garder la main sur mon fusil et d’attendre l’explosion. Ce fut un moment d’une solennité écrasante. La noirceur de la nuit était comme palpable ; la seule chose qu’on pût voir était la sale lueur malsaine du bois mort mais elle n’éclairait rien qu’elle-même. Quant aux bruits alentour, j’eus beau tendre l’oreille jusqu’à’ m’imaginer entendre brûler la mèche dans le tunnel, la brousse restait aussi silencieuse qu’un tombeau. De temps en temps se produisaient bien des espèces de craquements, mais quant à dire s’ils étaient proches ou lointains, s’ils provenaient de Case se cognant les orteils contre une branche à quelques pas de moi ou d’un arbre de brisant à des milles de là, j’en étais aussi incapable qu’un enfant à naître.
Et alors, d’un seul coup, le Vésuve explosa. Ça avait été long à venir mais quand ça vint, personne (même si ce n’est pas à moi de le dire) n’aurait pu rêver mieux. D’abord ce fut un énorme chambard et une trombe de feu, et le bois s’éclaira, au point qu’on aurait pu y lire son journal. Puis les ennuis commencèrent. Uma et moi, nous fûmes à demi recouverts d’une charrette de terre et heureux d’en être quitte à bon compte, car un des rochers qui formaient l’entrée du tunnel fut carrément projeté en l’air, et retomba à moins de deux brasses de l’endroit où nous étions, et rebondit par-dessus le sommet de la colline pour s’écraser au fond de la vallée. Ce qui montre que j’avais mal calculé la distance de sécurité, ou un peu trop forcé sur la poudre et la dynamite, à votre préférence.
Robert Louis Stevenson, Ceux de Falesa
traduit de l’anglais par Eric Deschodt
édition établie et présentée par Michel Le Bris,
La Table ronde, 1990
Notes:
(1) Le bichelamar (aussi appelé bichlamar ou — surtout en anglais — bislama) est un pidgin à base lexicale anglaise, parlé au Vanuatu (anciennes Nouvelles-Hébrides). C’est la langue véhiculaire de cet archipel qui compte, par ailleurs, environ 105 langues vernaculaires ; depuis son indépendance en 1980, c’est aussi l’une des trois langues officielles de la République du Vanuatu, à égalité avec le français et l’anglais.
Le mot bichelamar vient du portugais bicho do mar « bêche de mer » qui désignait un animal marin, l’holothurie. En anglais, cet animal est appelé sea-slug ou sea cucumber ; en français, bêche de mer, biche de mer ou concombre de mer. Les holothuries étaient un produit consommé par les Chinois. Leur commerce se fit d’abord avec les Malais, puis il s’étendit au Pacifique-Sud. Au milieu du XIXe siècle, des trafiquants, les beachcombers (« batteurs de grève »), allèrent la ramasser sur les récifs des îles mélanésiennes pour la revendre en Chine. La langue parlée entre ces navigateurs et les populations locales, sorte de sabir à base d’anglais, constitue la toute première forme du futur pidgin qui allait se répandre dans toute la Mélanésie. C’est ainsi que le terme bichelamar a fini par désigner l’une des variantes de ce pidgin. La forme bislama est la prononciation de ce même mot dans le pidgin lui-même. (source Wikipédia)
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Mar 11, 2012 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Le Museum Godeffroy, autrefois installé à Hambourg entre 1861 et 1876, était une petite entreprise familiale née du commerce avec l’Amérique centrale, les Caraïbes et plus tard l’Amérique du Sud. D’origine française, les Rochellois huguenots de la famille Godeffroy se sont installés en Allemagne au bord de la mer, suite à la révocation de l’Édit de Nantes et ont constitué une flotte qui atteindra vite 27 bateaux. Le sieur Johann Cesar IV Godeffroy demandait à ses capitaines de vaisseaux de ramener de chacun de ses voyages tout ce qui pouvait constituer la base d’une connaissance en histoire naturelle et ethnologique. La somme des objets ramenés servit en 1876 à solder les comptes de l’entreprise lors de la banqueroute de celle-ci et les collections furent éparpillées entre plusieurs musées allemands. Il en reste aujourd’hui ce fameux Journal des Museum Godeffroy, riche de table d’illustrations dessinées par les frères Semper ou l’explorateur Andrew Garrett, dont voici 86 planches superbement illustrées, colorées, autour des poissons des mers du sud. Les planches ont été regroupées dans une galerie visible en cliquant sur ce lien, accompagnée par Portico Quartet, avec le morceau Knee-Deep In The North Sea.
Un peu plus tard, seront regroupées ici les planches d’illustration des six tomes compilant les actes du Museum.
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