Apr 15, 2018 | Archéologie du quotidien |
Je retrouve le temps très lent des toutes petites choses et je me rends bien vite compte que toutes les toutes petites choses se locaÂlisent prĂ©ÂciÂsĂ©Âment dans mon esprit pluÂtĂ´t que dans mon immĂ©ÂdiaÂteÂtĂ© au monde, comme si je vivais une parÂtie de mon prĂ©Âsent dans mes souvenirs.
En reveÂnant de voyage nous sommes comme des galions pleins de poivre et de musÂcade et d’autres Ă©pices prĂ©Âcieuses, mais une fois reveÂnu au port, nous ne savons jamais que faire de notre carÂgaiÂson. NicoÂlas BouÂvier (oui, encore lui)
Le temps de prĂ©ÂpaÂrer un thĂ© vert au fruit dans une thĂ©ière en fonte de laquelle monte une odeur de fer chaud, le temps de laisÂser infuÂser quelques infimes minutes et de faire autre chose, le temps de prendre un peu de temps, quelques insÂtants susÂpenÂdus avant de goĂ»Âter Ă l’eau chaude parÂfuÂmĂ©e. Et puis Ă©couÂter Hương Thanh chanÂter QuĂŞ Hương LĂ Gì ? avec sur mes mains l’oÂdeur encore très prĂ©Âsente de l’HeliÂchryÂsum itaÂliÂcum, qui me fait touÂjours penÂser aux plages de sable fin derÂrière les dunes de Grand-VilÂlage plage Ă OlĂ©ron.
PuisÂqu’auÂjourd’Âhui on est dimanche, comÂmenÂçons cette jourÂnĂ©e avec la litÂtĂ©ÂraÂture biblique, un des plus beaux livres de l’AnÂcien TesÂtaÂment qui reste ausÂsi un des plus Ă©nigÂmaÂtiques, le Livre de Job. LamarÂtine disait qu’au cas oĂą la fin du monde advienÂdrait, il fauÂdrait avant tout sauÂver le poème de Job… Mais bon, on connaĂ®t la sponÂtaÂnĂ©iÂtĂ© de LamarÂtine… Quelques insÂtants de lecÂture avec le chaÂpitre 41. Texte Ă©trange et symÂboÂliste, il n’y est quesÂtion que du Mal, avec un M majuscule…
Ses Ă©terÂnueÂments font jaillir la lumière ; ses yeux sont les pauÂpières de l’aurore.
De sa gueule partent des Ă©clairs, des Ă©tinÂcelles de feu s’en Ă©chappent.
De ses naseaux sort une fumĂ©e, comme d’une marÂmite chaufÂfĂ©e et bouillante.
Son haleine embrase les braises, et de sa gueule sort une flamme.
En son cou rĂ©side la force, devant lui bonÂdit l’épouvante.
Les fanons de sa chair tiennent ferme, durs sur lui et compacts.
Son cĹ“ur est dur comme pierre, dur comme la meule de desÂsous. »
Mais puisÂqu’il est couÂtume de ne pas parÂtir ainÂsi traÂvailler au jarÂdiÂnet sans avoir Ă l’esÂprit quelque bon mot Ă se mettre sous la dent, laisÂsons encore une fois parÂler BouÂvier qui m’acÂcomÂpaÂgneÂra encore tant que la lecÂture est en cours :
N’ouÂblions tout de mĂŞme pas qu’en Chine du sud le croÂcoÂdile est père du tamÂbour et de la musique, qu’au CamÂbodge il est seul maĂ®tre des Ă©clairs et des salÂviÂfiques pluie de la mousÂson, qu’en Égypte… Mais lĂ je m’aÂvenÂture sur un terÂrain dont la denÂsiÂtĂ© cultuÂrelle m’éÂpouÂvante, d’auÂtant plus que le trou du cul auquel j’ai prĂŞÂtĂ© mon DicÂtionÂnaire de la civiÂliÂsaÂtion Ă©gypÂtienne ne me l’a jamais rendu.
NicoÂlas BouÂvier, HisÂtoires d’une image
ÉdiÂtions ZoĂ©, 2001

Le dieu croÂcoÂdile Sobek — Temple de Kom Ombo
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Sep 16, 2015 | Livres et carnets |
Je ne rate jamais une occaÂsion de dire Ă quel point j’adÂmire le traÂvail du palĂ©onÂtoÂlogue Jean Clottes, pour la mulÂtiÂtude de dĂ©couÂvertes dont il est l’auÂteur et l’inÂvenÂteur mais Ă©gaÂleÂment par son approche non convenÂtionÂnelle qui a fait de lui un quaÂsi paria dans la comÂmuÂnauÂtĂ© scienÂtiÂfique, et a forÂtioÂri auprès de ses colÂlègues. De par son expĂ©Ârience, il fut un de ceux, bien que preÂmier sur la liste, qui dĂ©cryptent et contiÂnuent d’éÂtuÂdier les deux hauts-lieux de la prĂ©ÂhisÂtoire que sont les grottes ChauÂvet et CosÂquer.
En 2009 dĂ©jĂ , je faiÂsais part de cette lecÂture d’un livre pasÂsionÂnant qu’il a co-Ă©crit avec David Lewis-Williams, peut-ĂŞtre celui qui est Ă l’oÂriÂgine des recherches sur le chaÂmaÂnisme prĂ©ÂhisÂtoÂrique dont Clottes se fait le chantre dans ses livres, au traÂvers d’un article assez long et dans lequel j’exÂpoÂsai en dĂ©tail les thèses du prĂ©ÂhisÂtoÂrien : Ceux qui ornaient les parois de cavernes d’animaux, les chaÂmanes de la prĂ©ÂhisÂtoire.
Clottes fait parÂtie de ces intelÂlecÂtuels qui ne disent pas leur nom, qui avancent masÂquĂ©s et qui surÂtout n’imÂposent rien, s’en remettent Ă la magie de la transÂmisÂsion, et, l’oÂseÂrais-je… proÂcède comme un chaÂmane en difÂfuÂsant sa penÂsĂ©e telle une poiÂgnĂ©e de poudre magique. A celui qui s’en empare d’en lire les arcanes de la conscience humaine. Comme dans cerÂtains couÂrants de penÂsĂ©e, il fait confiance Ă la perÂmisÂsion de l’esÂprit de proÂcĂ©Âder par assoÂciaÂtion (je ne parle pas ici de psyÂchaÂnaÂlyse), de prendre des tanÂgentes, d’oÂbliÂquer sur le cheÂmin. Les remarques qu’il Ă©tale sur la table, les idĂ©es qu’il avance, sont comme autant de cartes dont on peut se saiÂsir pour transÂforÂmer la connaisÂsance en quelque chose d’autre.
VoiÂci un extrait du très beau texte paru en 2011, PourÂquoi l’art prĂ©ÂhisÂtoÂrique ?, venant Ă la suite du livre Les chaÂmanes de la prĂ©ÂhisÂtoire (1996). Il nous emmène Ă Rocky Hill au pied de la ForĂŞt NatioÂnale de Sequoia, dans le centre de la CaliÂforÂnie, en plein terÂriÂtoire des Indiens Yokut. Il nous emmène dĂ©amÂbuÂler dans la nature pour nous dire Ă quel moment il va falÂloir dĂ©croÂcher, se perÂmettre de penÂser autreÂment et laisÂser tomÂber ces sales petites manies qui nous enferment dans la paresse. On dirait du LĂ©vi-Strauss Ă l’éÂpoque de La penÂsĂ©e sauÂvage (1962).
La confiance Ă©tait venue. David l’inÂterÂroÂgea sur la signiÂfiÂcaÂtion des peinÂtures. L’une d’elles reprĂ©ÂsenÂtait ce qui me parut ĂŞtre un humain un peu styÂliÂsĂ©. Il tenait un objet ovale Ă la main. Je penÂsais qu’il pouÂvait s’aÂgir d’un chaÂmane avec son tamÂbour. « C’est un ours », me dit HecÂtor. SurÂpris, je rĂ©pliÂquai : « Tiens, j’auÂrais cru qu’il s’aÂgisÂsait d’un homme » — « C’est la mĂŞme chose ». Il n’en dit pas plus. David m’exÂpliÂqua ensuite qu’au cours des visions halÂluÂciÂnaÂtoires, recherÂchĂ©es dans les lieux isoÂlĂ©s, il arrive souÂvent qu’un esprit de forme aniÂmale — appeÂlĂ© spiÂrit helÂper, c’est-Ă -dire esprit auxiÂliaire — appaÂraisse Ă celui qui s’éÂtait prĂ©ÂpaÂrĂ© Ă la vision par le jeĂ»ne et la mĂ©diÂtaÂtion. D’une cerÂtaine façon il deveÂnait cet esprit. En l’esÂpèce, il Ă©tait donc Ă la fois homme et ours. La rĂ©ponse de notre guide Ă©tait parÂfaiÂteÂment cohĂ©Ârente, dans sa logique Ă lui qu’il falÂlait connaĂ®tre, rĂ©vĂ©ÂlaÂtrice d’une concepÂtion du monde bien difÂfĂ©Ârente de la nĂ´tre.
Jean Clottes, PourÂquoi l’art prĂ©historique ?
Folio Essais, GalÂliÂmard 2011
PhoÂto d’en-tĂŞte © PrinÂcess Lodges
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Dec 10, 2013 | L'oeil de la caméra |
QuaÂtrième volet des merÂveilles de PainÂleÂvĂ©. On passe quelques annĂ©es et nous voiÂci dans une autre Ă©poque ; de la musique et de la voix. MalÂgrĂ© un ton un peu acaÂdĂ©Âmique, ce petit film est plein d’une cerÂtaine poĂ©Âsie, surÂtout quand il s’aÂgit de ces petites bĂ©bĂŞtes pour lesÂquelles j’ai touÂjours eu beauÂcoup d’afÂfecÂtion. Et puis avouez-le, on n’a pas tous les jours l’ocÂcaÂsion de voir un hipÂpoÂcampe par transparence.
L’hipÂpoÂcampe ou “cheÂval de mer”
de Jean Painlevé
France/1934/14’23” (more…)
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Dec 7, 2013 | L'oeil de la caméra |
TroiÂsième volet des merÂveilles de PainÂleÂvĂ© avec cette daphÂnie qu’on ne connait quaÂsiÂment que pour serÂvir de nourÂriÂture aux poisÂsons d’aÂquaÂrium. DĂ©couÂvrez cette petite besÂtiole faiÂsant parÂtie de l’ordre des crusÂtaÂcĂ©s, qui se dĂ©place Ă l’aide de ses antennes, qui n’a qu’un seul Ĺ“il et qui se fait netÂtoyer les antennes par des besÂtioles encore plus petites, les infuÂsoires… La nature est pleine de ressources…
La DaphÂnie
de Jean Painlevé
France/1929/09’28” (more…)
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Dec 5, 2013 | L'oeil de la caméra |
Second volet des merÂveilles de Jean PainÂleÂvĂ© avec ces petits ourÂsins des sables dont les cils bougent dans un mouÂveÂment onduÂlant et dont les organes s’éÂbrouent dans le couÂrant des marĂ©es. HypÂnoÂtique Ă souÂhait, muet, il n’en reste pas moins que c’est une Ĺ“uvre scienÂtiÂfique et vous ne resÂsorÂtiÂrez pas de lĂ en ignoÂrant ce qu’est une tige flexueuse ou un pĂ©diÂcelÂlaire.
Les OurÂsins
de Jean Painlevé
France/1929/10’10” (more…)
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