Le Codex Chan­tilly, témoin de l’Ars Subitilior

L’Ars Sub­ti­lior, l’art le plus sub­til, est une école de musique née à la fin du Moyen-Âge, dont la prin­ci­pale carac­té­ris­tique était son extrême raf­fi­ne­ment et sa com­plexi­té ryth­mique et poly­pho­nique (Wiki­pé­dia). On trouve un superbe témoi­gnage de cet art com­plexe dans un manus­crit qui, comme son nom l’in­dique, est conser­vé dans la biblio­thèque du Châ­teau de Chan­tilly (cote MS 0564).
Le manus­crit datant lui-même du XIVe siècle est un chef‑d’œuvre d’illus­tra­tion, repro­dui­sant en des formes com­plexes l’as­pect flo­ral et tra­vaillé des com­po­si­tions d’au­teur de l’é­poque comme Baude Cor­dier, Jacob Sen­leches ou Guillaume de Machaut, per­son­nages dont on sait fina­le­ment peu de choses et dont l’exis­tence même est sujette à cau­tion. Le manus­crit tel qu’il nous est par­ve­nu est dans son inté­gra­li­té reco­pié d’a­près des ori­gi­naux aujourd’­hui dis­pa­rus, et cela par un copiste cer­tai­ne­ment Ita­lien ; le nombre de fautes dans le texte fran­çais indique que celui qui en est l’au­teur ne com­pre­nait pas ce qu’il écri­vait. L’œuvre com­prend en tout 99 chan­sons et 13 motets datant de la deuxième moi­tié du XIVe siècle. On trou­ve­ra un cata­logue détaillé sur Wiki­pe­dia.

Baude Cordier - Partition de la chanson Belle, bonne, sage - MS 564 - Codex Chantilly

Baude Cor­dier — Par­ti­tion de la chan­son Belle, bonne, sage — MS 564 — Codex Chantilly

Il n’existe à ce jour aucun fac-simile du manus­crit ori­gi­nal, ni non plus de copie numé­ri­sée, ce qui semble tout de même assez éton­nant et qui doit cer­tai­ne­ment tenir à des rai­sons édi­to­riales ou d’in­té­rêts finan­ciers. Même la page Wiki­pe­dia Com­mons a été sup­pri­mée, ce qui en dit long.

On se conten­te­ra d’é­cou­ter des évo­ca­tions de l’ars sub­ti­lior avec ces extraits.

http://www.youtube.com/watch?v=k_HAVv2VTzI&list=PL7CF2FE2EC75A5129

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Le Codex Manesse

Enlu­mi­né et manus­crit entre 1305 et 1340 en alle­mand médié­val (Mit­tel­ho­ch­deutsch), le Codex Manesse illustre les chants d’a­mour des artistes les plus connus de l’é­poque dans l’Em­pire Ger­ma­nique. Il a la par­ti­cu­la­ri­té d’être clas­sé par ordre de hié­rar­chie sociale ; il com­mence donc avec l’empereur Hen­ri VI, fils de Fré­dé­ric Ier Bar­be­rousse, let­tré et ayant lui-même com­po­sé des vers et conti­nue avec tous les étages de la socié­té noble pour se ter­mi­ner avec les hommes sans sta­tut. Les 137 minia­tures de ce très beau livre conser­vé à l’Uni­ver­si­té d’Hei­del­berg repré­sentent les per­son­nages dans leurs cos­tumes d’apparat et recon­nais­sable à leur héral­dique, ce qui fait de ce docu­ment une mine d’in­for­ma­tions inéga­lables sur les habi­tudes ves­ti­men­taires de la cour de l’Em­pe­reur à cette époque.
Le livre porte le nom des Manesse de Zurich, com­man­di­té par Rüdi­ger II Manesse le Vieux et consti­tue le plus impor­tant recueil de bal­lades et de poé­sie de l’é­poque avec 6000 ver­sets de 140 écri­vains différents.

Voir le livre com­plet sur le site de l’U­ni­ver­si­té d’Hei­del­berg, ou seule­ment les enlu­mi­nures.

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Le car­net de Vil­lard de Honnecourt

Vil­lard de Hon­ne­court nous vient tout droit du début du XIIIè siècle, de sa Picar­die natale. Sa pro­fes­sion était magis­ter lato­mus, c’est-à-dire maître d’œuvre, pro­fes­sion dans laquelle on recon­naît le titre de des­si­na­teur, archi­tecte, chef de chan­tier et com­pa­gnon du devoir. Vil­lard n’a­vait en soi rien d’ex­cep­tion­nel, si ce n’est que l’homme était un voya­geur, un artiste et cer­tai­ne­ment une per­sonne recon­nue dans la pro­fes­sion des bâtis­seurs de cathé­drales, mais il nous a lais­sé un témoi­gnage de son art dans son car­net, car l’homme était des­si­na­teur de talent, lais­sant une trace des monu­ments qui lui ont plu, expé­ri­men­tant diverses tech­niques pour des­si­ner les pro­por­tions d’un corps humain ou appli­quer des moyens mné­mo­tech­niques. On y trouve éga­le­ment des recettes, des planches natu­ra­listes et des scènes religieuses.
Le car­net conte­nait à l’o­ri­gine une cen­taine de pages au for­mat 14x22, mais il n’en reste plus qu’une soixan­taine aujourd’­hui, par­fai­te­ment conser­vés à la Bil­bio­thèque Natio­nale de France. (more…)

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Mots d’un voca­bu­laire oublié VIII

Aver­tis­se­ment: billet à haute teneur en mots rares et pré­cieux, sau­vés de l’oubli.

  1. 1er volet
  2. 2nd volet
  3. 3ème volet
  4. 4ème volet
  5. 5ème volet
  6. 6ème volet
  7. 7ème volet
  8. 8ème volet
  9. 9ème volet
  10. 10ème volet

Bucrane

Un bucrane (sans accent cir­con­flexe) désigne un motif gra­vé repré­sen­tant le crâne d’un bœuf dont les cornes sont enguir­lan­dées de feuillages et que l’on trouve comme orne­ments de frises dans les ordres grecs. Les bucranes, orne­ments cano­niques de l’ordre dorique depuis la Renais­sance, sont pla­cés ordi­nai­re­ment dans les métopes, ou inter­valles qui séparent deux tri­glyphes. Leur signi­fi­ca­tion est sup­po­sée rap­pe­ler les vic­times offertes en sacri­fice aux dieux. Il était encore beau­coup uti­li­sé à la Renaissance.

Les bucranes se retrouvent très fré­quem­ment dans les sépul­tures préhistoriques.

  • Paléo­li­thique supé­rieur.- Le site de Saint-Ger­main-la-Rivière en France où le défunt, recro­que­villé sous un cais­son de dalles en pierre, est accom­pa­gné d’un bucrane et de ramures (Otte 2003)
  • Néo­li­thique. — Mani­fes­ta­tions reli­gieuses ou l’on retrouve encore des mode­lages de bucranes et des che­villes osseuses de bovi­dés asso­ciés aux sépul­tures (Otte 1993)

À Rome, le bucrane se retrouve déjà sur les mau­so­lées patri­ciens de l’é­poque répu­bli­caine (tom­beau de Ceci­lia Metel­la) et reste en usage jus­qu’à l’é­poque d’Hadrien. Selon F. Lemerle, il rapelle le sacri­fice tra­di­tion­nel (suo­ve­tau­rile) qui accom­pagne les obsèques.

À la Renais­sance, ce motif ne com­mence à être uti­li­sé que par Michele San­mi­che­li (Por­ta Nuo­va de Vérone, 1535). C’est Fra Gio­van­ni Gio­con­do (1511), et après lui Ser­lio et Vignole qui, dans leurs com­men­taires-tra­duc­tion du De archi­tec­tu­ra de Vitruve, asso­cient le bucrane à l’ordre dorique.

Motif d’or­ne­ment sculp­té : bucrane et deux études de sta­tues (?) de femmes dra­pées. Oppe­nord Gilles-Marie (1672–1742)
© RMN / Made­leine Cour­sa­get. Encre brune, lavis gris, pierre noire. Musée du Louvre, Dépar­te­ment des Arts Graphiques

Chres­to­ma­thie

Du grec ancien χρηστομάθεια, khrês­tomá­theia (« savoir utile »).
Antho­lo­gie de textes d’auteurs répu­tés clas­siques, notam­ment assem­blée pour l’ap­pren­tis­sage d’une langue.

Chry­so­gra­phie

Du grec ancien chry­sos, or et gra­phein, écri­ture.
Art d’écrire en lettres d’or.

Burney MS 13, f. 1Bur­ney MS 13, f. 1, Bri­tish Library

Dac­tyle

Le dac­tyle (du grec ancien δάκτυλος dák­tu­los, « doigt ») est un pied, c’est-à-dire un élé­ment métrique (un module ryth­mique) de la poé­sie grecque et latine au départ puis, par exten­sion, de toutes les poé­sies dont le mètre est ryth­mique ou accen­tuel et non syllabique.

Il est com­po­sé d’une syl­labe longue (ou accen­tuée pour les métriques accen­tuelles) sui­vie de deux syl­labes brèves (ou atones). On sym­bo­lise le tout ain­si : _UU. Le dac­tyle est donc de rythme des­cen­dant, puisqu’il attaque par un temps fort. Par exemple, fōns ĕrăt (sui­vi d’une voyelle), en latin, forme un dac­tyle, de même que sán­dige en alle­mand. Dans le second cas, ce n’est pas la quan­ti­té syl­la­bique qui compte mais l’opposition entre la voyelle tonique et les voyelles atones. La déno­mi­na­tion grecque de « doigt » résulte pro­ba­ble­ment1 d’une ana­lo­gie avec les pha­langes d’un doigt. La pre­mière pha­lange, plus longue, est sui­vie par deux pha­langes plus courtes.

Note : en scan­sion, la marque de quan­ti­té voca­lique (macron pour la longue et brève) compte pour la syl­labe entière et non la seule voyelle qui la porte.

« Pseu­do-Sénèque » : long­temps consi­dé­ré comme un buste du phi­lo­sophe stoï­cien, ce por­trait pour­rait repré­sen­ter un poète archaïque, peut-être Hésiode.
Copie romaine d’un ori­gi­nal hel­lé­nis­tique, Bri­tish Museum

Ecoin­çon

Un écoin­çon est un ouvrage de menui­se­rie ou de maçon­ne­rie for­mant l’en­coi­gnure de l’embrasure d’une baie.
Dans le style gothique, on trouve cet élé­ment aux angles des roses ou des rosaces for­mant des ouver­tures de ver­rières déco­rées avec des écoin­çons ajourés.
Un écoin­çon est aus­si une par­tie d’un tapis qui est située aux coins du champ.

Figure de Renom­mée nue pour écoin­çon. Pri­ma­tice (dit), Pri­ma­tic­cio Fran­ces­co (1504–1570)
© RMN / René-Gabriel Ojé­da. Lavis bistre, plume (des­sin)
Bayonne, musée Bonnat

Gno­mon

Le mot gno­mon est un mot latin qui veut dire aiguille de cadran solaire, venant du grec gnô­môn qui dési­gnait une règle ou ce qui sert de règle. Par déri­va­tion un gno­mon est le nom du plus simple cadran solaire : un bâton plan­té ver­ti­ca­le­ment dans le sol, ou même encore plus simple : l’homme lui-même.

Le gno­mon a don­né son nom à la science des cadrans solaires : la gno­mo­nique, ain­si qu’à la per­sonne qui conçoit et réa­lise des cadrans : le gno­mo­niste.

Cadran solaire mul­tiple en dip­tyque. Rein­mann Paul (1557?-1609)
Paris, musée du Louvre
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