N’attends pas la nuit
pour dire que le jour a été beau
Prendre son temps. Prendre le temps pour soi comme s’il n’existait personne d’autre au monde.
Histoire de se recentrer, d’évaluer pourquoi on est là, pourquoi on est au monde, se sentir un peu utile à l’ordre des choses et ne pas se dire qu’on ne fait que subir ce qui se passe. Après tout, nos actes ne sont-ils pas une part infime, mais réelle, de tout ce qui se produit chaque jour dans le monde ?
Laisse-moi être un peu égoïste pour pouvoir prendre la mesure de ce que je suis au milieu des autres, pour pouvoir me sentir un peu vivant, sentir l’air entrer dans mes poumons et en ressortir, à chaque inspiration. Si je ne prends pas conscience que je peux respirer, alors je vais peut-être tout simplement oublier que je dois le faire pour continuer à vivre…
Vis chaque instant, non pas comme s’il était le dernier, mais comme s’il était le premier de chaque chapitre.
Alors je prends la voiture en cette après-midi un peu nuageuse, la petite voiture jaune. Pas de vitres électriques, il faut mettre un peu d’huile de coude pour avoir de l’air. Je roule lentement pour sortir de la ville, pour voir si je découvre de nouveaux lieux sur lequel je n’aurais jamais porté le regard, ou tout simplement jamais pris le temps de remarquer. Je tends mon doigt vers l’autoradio d’un autre âge et ne trouve pas tout de suite le bouton de mise en marche. Les voix d’une radio privée s’élèvent dans la campagne, couvrant le son du moteur qui broute de temps en temps, mais au bout de quelques minutes, je n’ai pas envie de ça, pas de musique, pas de paroles, je ne veux rien de tout cela. Seulement le moteur et la route qui défile.
Pas de téléphone qui vibre toutes les cinq secondes, pas de GPS, la vie attendra que j’aie pu faire ce que je voulais faire.
Prendre le temps de marcher seul, la tête a besoin de se vider, de ne penser à rien.
Acheter une bouteille de Coca, celle qui contient plein de sucre, parmi les buveurs de bière qui font la queue, et la boire goulument assis sur un banc avec les rayons de soleil qui tapent dans le dos.
Sur un mur derrière sont inscrits quelques lettres qui portent à sourire.
Marcher lentement, ne pas se laisser entrainer par le rythme des autres, caler son pas sur celui de son esprit, et non sur celui de ceux qui vous dépassent, marcher sans penser à rien.
Marcher l’esprit libre, sans penser.
Marcher. Un pas devant l’autre.
Marcher (sans soutien-gorge).
Marcher.
Reprendre la voiture, et avant, prendre le temps de fumer une cigarette qui prend le goût d’un instant suspendu. Même cette cigarette t’enferme, elle a une saveur particulière.
Monter voir l’église qui se trouve au sommet de la colline.
Tes cheveux mouillés, ton sourire doux et un peu las qui reprend des couleurs.
La campagne environnante, sans rien ni personne.
Enfin, tu retrouves quelqu’un que tu connais, et qui te ressemble étrangement. Il était déjà là, avant que tu n’arrives, et il t’attendait.
Photo © Altınay Dinç sur Unsplash
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