Dec 9, 2012 | Carnets de route (Osmanlı lale), Lungarno e Oltrarno (carnet de voyage à Florence) |

Voilà, Florence en 4 jours, 11 heures de train à l’aller, 1h30 au retour en avion… Je ne sais pas me poser quelque part et ne rien faire. Je ne sais pas aller à l’autre bout du monde pour simplement y respirer l’air et ne pas bouger, il faudrait que j’apprenne…
En attendant, ce voyage a ravivé en moi des souvenirs d’il y a 20 ans lorsque j’y suis allé en voyage d’études alors que j’étais en terminale artistique. L’hôtel se trouvait près de la gare, dans un quartier gris et crasseux… tous les jours nous passions devant Santa Maria Novella et je n’ai même plus en tête ce que j’y ai vu. Je sais que je suis allé au Bargello, aux Offices, à Santa Croce… En fait, tout ce que je n’ai pas pu faire cette fois-ci.
Tout de suite après ces quatre jours, j’ai eu comme une sensation d’inachevé, comme s’il me manquait quelque chose mais sans réellement savoir quoi.
Florence est une ville de province, une petite ville si l’on compte uniquement le cœur historique, on peut vite en appréhender les contours, y découvrir les recoins, une ville riche aussi, où fleurissent les magasins de luxe et comme je le disais tout au début, à l’image de ce qu’elle fut et de ce qu’elle a toujours été, une ville de seigneurs, de commerçants, d’artisans, de corporations, une ville citadelle, à cheval entre le Moyen-âge et la modernité. Mais par-dessus tout, Florence est une ville musée. Elle ne vit que grâce à l’image qu’en ont façonné les hommes du Quattrocento et de la Renaissance, elle n’est que cela, elle est douceur de vivre sur les berges de l’Arno. Ce que je regrette, c’est de n’avoir pu m’organiser suffisamment bien pour y voir les œuvres peintes à l’intérieur des musées, mais la ville ne facilite pas les choses : telle église n’est ouverte que le matin, telle autre l’après-midi et pas le samedi, tel monastère la matin et pas le week-end… Il faudrait presque faire un planning avant de partir, ce que je déteste faire.
Un jour, je retournerai à Florence, mais j’y resterai 10 jours et je sillonnerai toutes les églises, Ognissanti, Santa Croce, Santo Spirito, Santa Maria del Carmine, San Marco, Orsanmichele, mais aussi Oltrarno avec San Miniato et puis j’irai voir un jour aussi les jardins de Boboli, et les frasques du Palazzo Pitti et ses trésors de peinture, je retournerai aux Uffizi, je pense aussi que je montrai au sommet du beffroi du Palazzo Vecchio et je réserverai ma place longtemps à l’avance pour parcourir le corridor Vasari… Et puis allez, soyons fou, je ferai la queue pour aller à la Galleria dell’Accademia, je retournerai au Bargello puis au Museo dell’Opera del Duomo où l’on peut voir les originaux de nombreuses œuvres qu’on trouve dans la ville… Et évidemment, j’irai manger du prosciutto, de l’arrosto et du carpaccio avec un grand verre de spumante, du tiramisu maison et des cantucci au vin santo.
Bien sûr, je suis content de mon voyage, je suis heureux d’avoir pu déambuler à ma guise, mais je veux toujours plus, je n’ai jamais assez, et j’ai comme l’impression de ne pas avoir pu épuiser les lieux, comme si partout où je passais, il fallait que je vienne chercher à nouveau quelque chose que j’avais laissé sur place…
- Jour 1
- Le voyage en train
- Lumière sur le Duomo
- Le feu et la glace
- Jour 2
- L’errance
- La croix et l’étoile
- Jour 3
- Du baptême au chemin de croix
- Jour 4
- De fresques et de grotesques
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Dec 5, 2012 | Arts, Histoires de gens |
Exécutés par un peintre anonyme de Vérone un peu avant 1580, ces représentations des sultans ottomans de l’époque de la Renaissance ont été réalisées à la demande du Grand Vizir Sokollu Mehmet Paşa et sont exposées à Venise. On sait que l’auteur, depuis son atelier italien, peignit les portraits des sultans sans même avoir mis le pied à Istanbul…
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Nov 17, 2012 | Arts |
Ce tout petit tableau (33 x 22,5 cm) de Canaletto est exposé actuellement au Musée Jacquemart-André pour l’exposition Canaletto-Guardi. Il fait partie d’un petit lot de peintures exceptionnellement prêté par la Couronne du Royaume-Uni puisqu’il fait partie des collections personnelles de la Reine d’Angleterre. Il n’y aura peut-être pas dans cette vie d’autre opportunité de le voir exposé. Cette vue (veduta) est rare à plus d’un titre puisqu’on le sait, Canaletto avait pour sujet de prédilections ces vues de Venise que lui commandaient les riches visiteurs de Venise. Cette scène d’intérieur est donc une quasi exception. D’autre part, il est à noter que la scène se déroule lors d’une cérémonie religieuse, ce qui n’est pas le fond de commerce du peintre, et en l’occurrence, c’est la célébration du Vendredi Saint. Ce qui nous permet de savoir cela, c’est la présence sous le baldaquin visible dans le fond, d’un sarcophage reliquaire représentant le saint Sépulcre que l’on sort de son tabernacle le jeudi saint à la veille de Pâques.


Dans cette perspective exagérée qui permet de voir la basilique dans son ensemble, comme au travers d’un objectif grand-angle, on peut comprendre que le peintre a souhaité exprimer l’impression de grandeur donnée par l’espace du bâtiment religieux. On voit aussi qu’il a volontairement souhaité rendre la chaleur des lieux et de la lumière venant de chandelles en masquant ce qui fait principalement l’intérêt du lieu ; les mosaïques. Celles-ci sont à peine visibles, mais en revanche, la lueur des bougies se réverbérant sur la croix et le fil de l’encensoir créent une sensation de proximité et d’intimité, exacerbée par la lumière se réfléchissant sur la moitié supérieure des corps des fidèles.
De ce qui doit être une cérémonie pleine de ferveur se dégage au final une étrange ambiance silencieuse, solennelle, chaleureuse…

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Oct 28, 2012 | Arts |
Jeté comme ça, un peu en vrac, quelques unes des plus belles toiles qu’il m’ait été donné de voir au Musée Jacquemart-André dans les collections permanentes. Je sais qu’il m’en manque pas mal, notamment parce qu’il y a des salles que je n’ai pas vues, et pas des moindres, mais j’avoue que pour le coup je me suis focalisé sur Canaletto qui était quand-même l’objet de ma visite. Dans les salons, je me suis extasié devant ces très beaux tableaux, comme notamment La toilette de Vénus et Le sommeil de Vénus de François Boucher, chez qui on ressent toujours une vitalité au niveau des carnations, pour ne pas dire un certain érotisme vachard. Voici ce qu’en disait le peintre Millet :
J’ai eu même de la répulsion très prononcée pour Boucher. Je voyais bien sa science, son talent, mais je ne pouvais comprendre ses sujets provocants et voir ses tristes femmes, sans songer combien tout cela était d’une pauvre nature. Boucher ne faisait pas des femmes nues, mais de petites créatures déshabillées : ce n’était pas la plantureuse exhibition des femmes de Titien, fières de leur beauté jusqu’à en faire parade, jusqu’à se montrer nues tant elles étaient sûres de leur puissance. À cela il n’y a rien à répondre ; ce n’est pas chaste, mais c’est fort, c’est grand par l’attraction féminine, c’est de l’art, et du bon. Mais les pauvres dames de Boucher, leurs jambes fluettes, leurs pieds meurtris dans le soulier à talons, leur taille amincie sous le corset, leurs mains inutiles, leurs gorges exsangues, tout cela me repoussait. Devant la Diane de Boucher, qu’on copie tant au musée, je me figurais voir des marquises de ce temps qu’il s’était amusé à peindre dans un but peu recommandable et qu’il avait déshabillées et placées lui-même dans son atelier transformé en paysage. Je me reportais à la Diane chasseresse des Antiques, si belle, si noble et de la plus haute distinction de formes. Boucher n’était qu’un entraîneur.
De Jean-Baptiste-Siméon Chardin, j’ai trouvé deux belles grandes toiles, des dessus de porte, Les attributs des arts et Les attributs des sciences, ainsi plus loin qu’une nature morte à la côtelette… Chardin était un monsieur étrange, un brin rustique. On ne pense pas toujours à regarder les plafonds, mais vous trouverez ici un superbe plafond peint sur papier marouflé de Giambattista Tiepolo, L’apothéose d’Hercule. J’adore Tiepolo pour sa grandiloquence et ses compositions aux points de vue plus qu’audacieux, il livre quelque chose de l’âme vénitienne. On verra aussi une toile très particulière, un Portrait du peintre par lui-même par Joseph Ducreux, un peintre pour ses autoportraits satiristes et irrévérencieux, dont il faudra que je fasse un papier pour lui tout seul. On verra aussi des petites toiles, Ruines, troupeau de moutons et de chèvre par Jan Wynants et deux allégories, L’Abondance et La Nuit de Jan de Witt. On verra aussi dans la petite salle du fond, mal éclairée, certains des tableaux les plus sombres de ces collections, comme un Portrait d’homme de Franz Hals, une œuvre tardive, audacieuse, réalisée rapidement avec de grandes griffures de couleurs et des à‑plats inhabituels chez ce grand maître, mais aussi un beau portrait austère du Docteur Arnold Tholinx par le grand Rembrandt Harmenszoon van Rijn et une autre toile, très connue, petite et remplie de mystère qu’est Les pèlerins d’Emmaüs, dont je reparlerai également ici. On verra aussi des choses plus classiques comme le Portrait du graveur Wille par Jean-Baptiste Greuze, une toile noble et remplie de silences et un pastel très vif et lumineux de Maurice Quentin de la Tour, le Portrait d’un homme au pastel. Les amateurs de ruines ne manqueront pas de s’arrêter devant les Ruines d’une galerie du célèbre Hubert Robert…
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Oct 25, 2012 | Arts, Histoires de gens |
Ne vous est-il jamais arrivé de rencontrer une peinture qui vous trouble à ce point que vous n’arriviez pas à chasser l’image de votre mémoire ? Ne vous est-il jamais arrivé d’être à ce point troublé par le visage d’une femme que vous n’auriez jamais pu connaître puisqu’elle est morte il y a des centaines d’années, éloignée de vous par un gouffre d’intemporalité, mais que vous vous disiez tout de même que vous auriez aimé la connaître ? C’est à peu près l’impression que j’ai eu la première fois que j’ai vu ce visage peint exhumé du Fayoum.

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