Lungarno e Oltrarno, le long de l’Arno et de l’autre côté de l’Arno, c’est ainsi que les Florentins parlent avec tendresse de leur ville coupée en deux par un fleuve majestueux en apparence. Ce n’est finalement qu’un rivière qui a du mal à couler et qu’on contient entre deux retenues d’eau artificielles, histoire que la belle ville ne se retrouve pas assise sur un fleuve à sec. Quoi qu’il en soit, on n’y verra jamais autre chose naviguer que de petites embarcations légères, de sottes petites barques pour les amoureux romantiques…
Florence et moi, ce n’était pas une première fois. J’ai eu la chance de partir en voyage d’étude pour aller admirer les sculptures du Bargello, ainsi que tout ce qui avait à voir avec notre programme d’histoire de l’art, soit la Renaissance. C’était en 1992 il me semble, une éternité déjà. Ce n’était que la première étape d’une vision d’ensemble de l’art puisque l’année d’après j’étais à Venise. Des années après donc, j’y retourne, dans une certaine confusion, ne sachant pas trop ce que je vais y faire ni ce que je vais voir, mais tout ce que je sais le matin même, c’est que je pars en train et que ça fait des années que je n’ai pas fait de grand voyage en train. Florence, Venise, Madrid encore avant, j’ai l’impression que ce temps remonte à une autre vie. Cette fois-ci, ce sera un TGV jusqu’à Turin, et en première classe, s’il vous plait… Je crois que je n’ai voyagé qu’une seule fois en première classe, et c’était pour revenir de l’enterrement de mon grand-père en Bretagne. Il faut dire ce qui est, c’est rudement confortable, mais je ne suis pas certain que ça vaille de le coup de payer le double pour ça. En même temps, il ne restait plus que ça…
Je prends le temps d’admirer une France à 400 à l’heure, plate, belle sous le soleil, quadrillée de verts qui se cousent entre eux comme des carrés de patchwork.
Premières montagnes au loin, les Alpes d’Hannibal Barca aux éléphants romains, de plus en plus hautes, la neige résiduelle sur des sommets qui se rapprochent jusqu’à enserrer la ligne de chemin de fer dans une vallée verte ponctuée de ponts passant sur des rivières torrentielles où des eaux grises et boueuses, poussiéreuses, se frottent sur les éboulis. Dans la vallée de la Maurienne, la pierraille est partout présente, parfois ce sont de grandes falaises à pic, des pans lisses de schiste ou de granit découpés à pic comme des tranches de brioche. Les tunnels se multiplient et le train longe des retenues d’eau artificielles couleur de lagon du Pacifique qui servent à alimenter les centrales électriques des environs.
Le train s’arrête à Modane, je n’ai pas vu le temps passer et je suis déjà au cœur de la montagne. Je sors le temps de l’arrêt pour prendre un peu l’air frais et ensoleillé. En levant les yeux, je tombe sur une grand bâtisse qui m’a tout l’air d’être un fort militaire. C’est le Fort du Replaton, destiné à protéger la voix de chemin de fer, en d’autres temps, il faut le préiser, parce qu’aujourd’hui on circule à peu près librement. Je dis à peu près, car le train a été arrêté à la frontière et des carabinieri de la Guardia di Finanza ont effectué un contrôle de papier sur tous les hommes présents dans le train. Première image de l’Italie…
Le train s’arrête à Bardonecchia que les Français appellent avec leur goût immodéré de la prononciation… Bardonèche. Il fait bon et le soleil me caresse doucement le cuir pendant la halte.
Le train arrive enfin à Turin, Porta Susa. La gare est en travaux, sale, poussiéreuse, barricadée. Pendant une heure j’attends la correspondance, assis sur ma valise en plein soleil en regardant les jambes des étudiantes qui passent. Je ne verrai rien de Turin, mais en même temps, il n’y a pas grand-chose à voir. Puis je redescends sous terre, dans ce qui ressemble à une gare de RER où des trains ne font que passer puis repartent.
Un vieux m’attrape du regard et me propose de m’aider car je n’arrive pas à trouver le quai où mon train va arriver. La providence l’a placé là, c’est certain. Il me parle en italien, vite, et étrangement, j’arrive à comprendre tout ce qu’il me dit, je n’ai pas tant perdu que ça… Il m’indique le numéro du train et le numéro du quai.
Mon train entre en gare. Il est flambant neuf, ce qui me rassure étant donné que tout ceux que j’ai vu passer jusque là n’étaient que de vieux tacots rouillés. Les stores se lèvent et se baissent à l’aide d’un bouton situé sur la tablette. Je découvre tout cela avec un air qui doit ressembler à celui d’un enfant. La fille assise de l’autre côté de la rangée se marre en me voyant. Je sais qu’elle est Française.
Je suis en train de filer vers la Toscane, où une ville m’attend… Pour voir ou revoir la vidéo du voyage en train, c’est ici…
Épisode suivant : Lungarno e Oltrarno – Carnet de voyage à Florence 2 – Lumière sur le Duomo
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