Jun 22, 2013 | Histoires de gens, Livres et carnets, Sur les portulans |
Daniel Rondeau, dont je parlerai plusieurs fois ici puisqu’il a produit une série de livres sur les grandes cités de la Méditerranée (Tanger, Alexandrie, Istanbul, Malte), s’est perdu sur les rives de l’antique cité punique détruite par les Romains. L’histoire de Carthage (Qart Hadasht) est d’une complexité rare, depuis sa fondation par la mythique Elissa, plus connue sous le nom de Didon, la Phénicienne jusqu’à son effacement de la carte par les armées du césar Scipion Emilien le Second Africain. Entre ces deux événements fondateurs, un homme se rendit célèbre entre autre pour avoir traversé les Alpes avec ses éléphants africains et avoir eu l’outrecuidance de marcher sur Rome dans l’espoir de la prendre ; Hannibal Barca. C’est de cette grande figure dont Rondeau fait un des points centraux de son livre :
Quelques instants plus tard, quand l’historien me quitte pour rejoindre Tunis, je reste seul devant ce paysage, qui baigne dans une brume de bleu et d’or, et j’en profite pour rassembler mes notes de la journée. Mes deux voisins continuent à se parler, les yeux dans les yeux. Dans leurs phrases revient à plusieurs reprises le nom d’Hannibal. Hannibal fut l’homme le plus glorieux d’une cité disparue. Nous ne connaissons pas son visage, les historiens l’ont négligé (Plutarque ne l’a pas considéré comme un homme illustre) ou caricaturé (Tite-Live et ses épigones se sont focalisés sur sa cruauté, sur le soi-disant cannibalisme des troupes cathaginoises, sur la mauvaise fois punique). Les aventuriers de l’archéologie n’ont jamais retrouvé ses cendres. Au premier siècle de notre ère, Pline l’Ancien évoque simplement l’existence d’un tumulus censé abriter son tombeau. Il suffit pourtant de le nommer pour son ombre se lève.
Autre figure mythique passée sur les terres tunisiennes de l’histoire alors que celle-ci était devenue terre d’islam, Saint Louis, dont la présence à Carthage est entourée d’un voile de mystères et de contes dont on ne sait plus où la fiction déborde sur la réalité historique, mais après tout, peu importe, il n’en reste pas moins de belles histoires.
Photo © Romain Cloff
— Ça tombe bien, je suis une descendante de Sidi Bou Saïd. Tu connais la vérité sur Saint Louis ? Tu sais ce qu’il s’est réellement passé ? Ton roi était à Carthage, à deux kilomètres d’ici, et Sidi Bou Saïd était dans sa maison, là où tu es. Saint Louis voulait tous nous tuer, comme musulmans, et il voulait tuer notre marabout dans le dos. Sidi Bou Saïd lui a fait prendre conscience de ses péchés et, finalement, Sanluwis a rejoint l’islam. Si tu veux en savoir plus, reviens demain, ce soir j’ai des invités, il faut que je prépare le repas.
— Je voudrais simplement jeter un œil sur le tombeau.
Elle ouvre les portes du sanctuaire sans m’autoriser à y pénétrer, puis rejoint sa cuisine en courant. Le lendemain, je repasse, mais elle s’est absentée. Plusieurs personnes m’ont signalé l’existence d’une fleur de lys sur la porte du tombeau du saint. D’après eux, cet emblème royal incrusté dans la pierre du sanctuaire musulman prouve que la légende ne ment pas. Je la cherche tout autour de la mosquée, en vain.
Un livre parcouru de légendes, d’ambiances, baigné de lumières méditerranéennes dans le bleu clair des peintures des villes perchées et le blanc des murs chaulés, et traversé de questions sans cesse en suspens…
Daniel Rondeau, Carthage
Folio Gallimard pour NiL Editions, 2008
Ceci était mon six-centième billet sur ce blog.
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Jun 15, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 7 août) : Pamukkale, le château de coton et le martyrium de l’apôtre Philippe, Hiérapolis
Bulletin météo de la journée (mercredi) :
- 10h00 : 35.8°C / humidité : 27% / vent 33 km/h
- 14h00 : 38.9°C / humidité : 19% / vent 9 km/h
- 22h00 : 39.6°C / humidité : 64% / vent 7 km/h
C’était mon dernier jour au Kaş Marin Hotel. Je quitte l’hôtel sans vraiment regretter. Je n’étais pas là pour faire bronzette, juste me poser un peu et avoir un point de chute dans les environs, guère plus. L’air mafieux du patron, le personnel à l’œil un peu torve, tout ceci était le cadet de mes soucis. Comme on m’a fait payer au début du séjour — on ne sait jamais, des fois que je me carapate à travers la Turquie avec une voiture immatriculée à Izmir — je prends mon petit déjeuner, je file à la chambre pour enfiler mon maillot de bain et je retourne ranger ma valise pour m’échapper loin de là après avoir déposé la clé sur le comptoir. J’évite soigneusement de regarder autour de moi. Dommage, je n’aurais pas laissé une bonne image du Français moyen, mais là, je rends la monnaie de ma pièce.
Il est quand même l’heure de déjeuner, alors je prends la direction de la ville, dans le petit restaurant où j’ai pris à manger à emporter (göturmek) avant-hier (au Lykia Café) et je suis à peine posé sous les ventilateurs que le muezzin commence à chanter, tandis que des petits chats font les imbéciles sous les tables. Je mange un plat d’Ev mantı (raviolis à la viande et à la crême) et une assiette de frites.
Je prends la route tranquillement. Il n’y a qu’une trentaine de kilomètres entre mes deux points de chute et je prends le temps, un peu, de regarder le paysage et je tourne lorsque je vois le panneau marron indiquant Patara. Patara n’est pas une ville en soi, mais le nom que le hameau a pris en relation avec le site archéologique qui se trouve au bout de la route. Il me semble, mais je n’en suis pas certain, que la petite ville est en fait la ville de Gelemiş. Ce n’est finalement qu’une route bordée de quelques maisons et d’hôtels, quelques commerçants et rien d’autre. En cherchant au premier abord l’hôtel, je me retrouve en cinq minutes tout au bout de la ville à remonter de l’autre côté de la vallée sur les hauteurs ; là, je peux constater l’étendue des dégâts. On sent que Patara n’est plus ce qu’elle était ; de grands hôtels désormais fermés, abandonnés, des bâtisses immenses désertées et qui ne retrouveront jamais leur faste d’antan. (more…)
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May 25, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 6 août) : La route d’Arycanda et les mantı
Bulletin météo de la journée (mardi) :
- 10h00 : 36.7°C / humidité : 25% / vent 31 km/h
- 14h00 : 39.6°C / humidité : 18% / vent 17 km/h
- 22h00 : 35.1°C / humidité : 25% / vent 17 km/h
Ce matin, je me réveille tôt ; je sors sur le balcon et j’hume l’air chaud qui traîne alors qu’il est à peine 6h30. C’est la mi-nuit et il flotte un vent venu des terres qui balancé mes serviettes de bain et de toilette dans le précipice en bas de l’hôtel. Une ambiance bizarre. Je dois descendre par mes propres moyens pour aller chercher mes affaires disséminées au milieu de celles des autres. Je me rends compte une fois arrivé en bas que mon maillot de bain est perché dans le figuier, le reste jonche le sol.
Ce jour est un jour particulier puisque je prends la voiture pour aller loin, à plus de deux cents kilomètres de là dans la direction du nord-nord-ouest, non loin d’une grande ville qui s’appelle Denizli. Le but de cette journée est d’aller visiter un des plus grands sites de la Turquie, un des plus connus, des plus impressionnants : Pamukkale (pamuk = coton, kale = château ou forteresse). La route est un peu longue, je compte environ 4h30 pour presque 300 km en taillant un itinéraire le plus droit possible, sur une route que je ne connais absolument pas et qui pourrait très bien m’apporter des surprises. La déception d’Arycanda me pousse à préparer et à assurer au maximum cette virée. Je n’ai pas l’intention de revenir bredouille cette fois-ci.
Je prends un petit déjeuner bâclé en cinq minutes et je suis déjà sur la route, appareil photo prêt à tirer et me voici parti.
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Apr 14, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 4 août) : Kaputaş plaji, Mavi Mağara, Kalkan (Antalya Fethiye Yolu)
Bulletin météo de la journée (dimanche) :
- 10h00 : 37.5°C / humidité : 25% / vent 26 km/h
- 14h00 : 40.4°C / humidité : 17% / vent 15 km/h
- 22h00 : 36.3°C / humidité : 25% / vent 19 km/h
Comme j’ai vu que la température allait peut-être grimper aujourd’hui, je n’ose pas mettre le nez dehors, mais finalement, il fait assez bon, ni plus ni moins que les jours précédents, tout ceci est tellement routinier à présent. Mais bon 38°C c’est quand-même chaud… Je monte dans la voiture où j’attrape une suée à peine assis, il doit faire plus de 50°C… A peine sorti de Kaş, je tombe sur un groupe de jeunes au bord de la route qui me font signe, ils sont huit au moins et ils m’indiquent la direction de Demre et je leur dit oui, c’est bien par là, mais ce n’était pas la question, ils voulaient que je les emmène, mais huit dans la voiture, ça ne va pas être possible alors je sors un gros bobard, comme quoi je quitte la route à cent mètres pour aller vers l’est. Déception de leur part, soulagement de la mienne.
Sur la route, c’est un étrange paysage composé de pierres érigées séparées par des touffes d’herbes, des arbustes drus. A Yavu, je tombe sur des chèvres qui sont enfermées sous une bâche bleue, dans un enclos ridicule sur une immense plaine nue. Le paysage en arrivant sur la grande ville n’est fait que d’un océan de serres, troué de temps en temps par le minaret d’une mosquée solitaire dans le morne paysage.
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Oct 25, 2012 | Arts, Histoires de gens |
Ne vous est-il jamais arrivé de rencontrer une peinture qui vous trouble à ce point que vous n’arriviez pas à chasser l’image de votre mémoire ? Ne vous est-il jamais arrivé d’être à ce point troublé par le visage d’une femme que vous n’auriez jamais pu connaître puisqu’elle est morte il y a des centaines d’années, éloignée de vous par un gouffre d’intemporalité, mais que vous vous disiez tout de même que vous auriez aimé la connaître ? C’est à peu près l’impression que j’ai eu la première fois que j’ai vu ce visage peint exhumé du Fayoum.
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