Car­thage d’Han­ni­bal et de Saint-Louis par Daniel Rondeau

Car­thage d’Han­ni­bal et de Saint-Louis par Daniel Rondeau

Daniel Ron­deau, dont je par­le­rai plu­sieurs fois ici puis­qu’il a pro­duit une série de livres sur les grandes cités de la Médi­ter­ra­née (Tan­ger, Alexan­drie, Istan­bul, Malte), s’est per­du sur les rives de l’an­tique cité punique détruite par les Romains. L’his­toire de Car­thage (Qart Hada­sht) est d’une com­plexi­té rare, depuis sa fon­da­tion par la mythique Elis­sa, plus connue sous le nom de Didon, la Phé­ni­cienne jus­qu’à son effa­ce­ment de la carte par les armées du césar Sci­pion Emi­lien le Second Afri­cain. Entre ces deux évé­ne­ments fon­da­teurs, un homme se ren­dit célèbre entre autre pour avoir tra­ver­sé les Alpes avec ses élé­phants afri­cains et avoir eu l’ou­tre­cui­dance de mar­cher sur Rome dans l’es­poir de la prendre ; Han­ni­bal Bar­ca. C’est de cette grande figure dont Ron­deau fait un des points cen­traux de son livre :

Hannibal traverse le Rhône - Henri Motte -1878

Quelques ins­tants plus tard, quand l’his­to­rien me quitte pour rejoindre Tunis, je reste seul devant ce pay­sage, qui baigne dans une brume de bleu et d’or, et j’en pro­fite pour ras­sem­bler mes notes de la jour­née. Mes deux voi­sins conti­nuent à se par­ler, les yeux dans les yeux. Dans leurs phrases revient à plu­sieurs reprises le nom d’Han­ni­bal. Han­ni­bal fut l’homme le plus glo­rieux d’une cité dis­pa­rue. Nous ne connais­sons pas son visage, les his­to­riens l’ont négli­gé (Plu­tarque ne l’a pas consi­dé­ré comme un homme illustre) ou cari­ca­tu­ré (Tite-Live et ses épi­gones se sont foca­li­sés sur sa cruau­té, sur le soi-disant can­ni­ba­lisme des troupes catha­gi­noises, sur la mau­vaise fois punique). Les aven­tu­riers de l’ar­chéo­lo­gie n’ont jamais retrou­vé ses cendres. Au pre­mier siècle de notre ère, Pline l’An­cien évoque sim­ple­ment l’exis­tence d’un tumu­lus cen­sé abri­ter son tom­beau. Il suf­fit pour­tant de le nom­mer pour son ombre se lève.

Autre figure mythique pas­sée sur les terres tuni­siennes de l’his­toire alors que celle-ci était deve­nue terre d’is­lam, Saint Louis, dont la pré­sence à Car­thage est entou­rée d’un voile de mys­tères et de contes dont on ne sait plus où la fic­tion déborde sur la réa­li­té his­to­rique, mais après tout, peu importe, il n’en reste pas moins de belles histoires.

Rue principale de Sidi Bou Said avant la foule !

Pho­to © Romain Cloff

— Ça tombe bien, je suis une des­cen­dante de Sidi Bou Saïd. Tu connais la véri­té sur Saint Louis ? Tu sais ce qu’il s’est réel­le­ment pas­sé ? Ton roi était à Car­thage, à deux kilo­mètres d’i­ci, et Sidi Bou Saïd était dans sa mai­son, là où tu es. Saint Louis vou­lait tous nous tuer, comme musul­mans, et il vou­lait tuer notre mara­bout dans le dos. Sidi Bou Saïd lui a fait prendre conscience de ses péchés et, fina­le­ment, San­lu­wis a rejoint l’is­lam. Si tu veux en savoir plus, reviens demain, ce soir j’ai des invi­tés, il faut que je pré­pare le repas.
— Je vou­drais sim­ple­ment jeter un œil sur le tombeau.
Elle ouvre les portes du sanc­tuaire sans m’au­to­ri­ser à y péné­trer, puis rejoint sa cui­sine en cou­rant. Le len­de­main, je repasse, mais elle s’est absen­tée. Plu­sieurs per­sonnes m’ont signa­lé l’exis­tence d’une fleur de lys sur la porte du tom­beau du saint. D’a­près eux, cet emblème royal incrus­té dans la pierre du sanc­tuaire musul­man prouve que la légende ne ment pas. Je la cherche tout autour de la mos­quée, en vain.

Un livre par­cou­ru de légendes, d’am­biances, bai­gné de lumières médi­ter­ra­néennes dans le bleu clair des pein­tures des villes per­chées et le blanc des murs chau­lés, et tra­ver­sé de ques­tions sans cesse en suspens…

Daniel Ron­deau, Car­thage
Folio Gal­li­mard pour NiL Edi­tions, 2008

Ceci était mon six-cen­tième billet sur ce blog.

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 8 août) : Arri­vée à Pata­ra, Gele­miş, Kum­luo­va, le Lêtôon

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 8 août) : Arri­vée à Pata­ra, Gele­miş, Kum­luo­va, le Lêtôon

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 7 août) : Pamuk­kale, le châ­teau de coton et le mar­ty­rium de l’apôtre Phi­lippe, Hiérapolis

Bul­le­tin météo de la jour­née (mer­cre­di) :

  • 10h00 : 35.8°C / humi­di­té : 27% / vent 33 km/h
  • 14h00 : 38.9°C / humi­di­té : 19% / vent 9 km/h
  • 22h00 : 39.6°C / humi­di­té : 64% / vent 7 km/h

C’é­tait mon der­nier jour au Kaş Marin Hotel. Je quitte l’hô­tel sans vrai­ment regret­ter. Je n’é­tais pas là pour faire bron­zette, juste me poser un peu et avoir un point de chute dans les envi­rons, guère plus. L’air mafieux du patron, le per­son­nel à l’œil un peu torve, tout ceci était le cadet de mes sou­cis. Comme on m’a fait payer au début du séjour — on ne sait jamais, des fois que je me cara­pate à tra­vers la Tur­quie avec une voi­ture imma­tri­cu­lée à Izmir — je prends mon petit déjeu­ner, je file à la chambre pour enfi­ler mon maillot de bain et je retourne ran­ger ma valise pour m’é­chap­per loin de là après avoir dépo­sé la clé sur le comp­toir. J’é­vite soi­gneu­se­ment de regar­der autour de moi. Dom­mage, je n’au­rais pas lais­sé une bonne image du Fran­çais moyen, mais là, je rends la mon­naie de ma pièce.

Turquie - jour 13 - Letôon, Kumluova - 001 - Kas

Il est quand même l’heure de déjeu­ner, alors je prends la direc­tion de la ville, dans le petit res­tau­rant où j’ai pris à man­ger à empor­ter (götur­mek) avant-hier (au Lykia Café) et je suis à peine posé sous les ven­ti­la­teurs que le muez­zin com­mence à chan­ter, tan­dis que des petits chats font les imbé­ciles sous les tables. Je mange un plat d’Ev mantı (ravio­lis à la viande et à la crême) et une assiette de frites.

Je prends la route tran­quille­ment. Il n’y a qu’une tren­taine de kilo­mètres entre mes deux points de chute et je prends le temps, un peu, de regar­der le pay­sage et je tourne lorsque je vois le pan­neau mar­ron indi­quant Pata­ra. Pata­ra n’est pas une ville en soi, mais le nom que le hameau a pris en rela­tion avec le site archéo­lo­gique qui se trouve au bout de la route. Il me semble, mais je n’en suis pas cer­tain, que la petite ville est en fait la ville de Gele­miş. Ce n’est fina­le­ment qu’une route bor­dée de quelques mai­sons et d’hô­tels, quelques com­mer­çants et rien d’autre. En cher­chant au pre­mier abord l’hô­tel, je me retrouve en cinq minutes tout au bout de la ville à remon­ter de l’autre côté de la val­lée sur les hau­teurs ; là, je peux consta­ter l’é­ten­due des dégâts. On sent que Pata­ra n’est plus ce qu’elle était ; de grands hôtels désor­mais fer­més, aban­don­nés, des bâtisses immenses déser­tées et qui ne retrou­ve­ront jamais leur faste d’an­tan. (more…)

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 7 août) : Pamuk­kale, le châ­teau de coton et le mar­ty­rium de l’a­pôtre Phi­lippe, Hiérapolis

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 7 août) : Pamuk­kale, le châ­teau de coton et le mar­ty­rium de l’a­pôtre Phi­lippe, Hiérapolis

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 6 août) : La route d’Arycanda et les mantı

Bul­le­tin météo de la jour­née (mar­di) :

  • 10h00 : 36.7°C / humi­di­té : 25% / vent 31 km/h
  • 14h00 : 39.6°C / humi­di­té : 18% / vent 17 km/h
  • 22h00 : 35.1°C / humi­di­té : 25% / vent 17 km/h

Turquie - jour 12 - De Kas à Pamukkale - 001 - Kaş

Ce matin, je me réveille tôt ; je sors sur le bal­con et j’hume l’air chaud qui traîne alors qu’il est à peine 6h30. C’est la mi-nuit et il flotte un vent venu des terres qui balan­cé mes ser­viettes de bain et de toi­lette dans le pré­ci­pice en bas de l’hô­tel. Une ambiance bizarre. Je dois des­cendre par mes propres moyens pour aller cher­cher mes affaires dis­sé­mi­nées au milieu de celles des autres. Je me rends compte une fois arri­vé en bas que mon maillot de bain est per­ché dans le figuier, le reste jonche le sol.

Turquie - jour 12 - De Kas à Pamukkale - 004 - Kaş

Ce jour est un jour par­ti­cu­lier puisque je prends la voi­ture pour aller loin, à plus de deux cents kilo­mètres de là dans la direc­tion du nord-nord-ouest, non loin d’une grande ville qui s’ap­pelle Deniz­li. Le but de cette jour­née est d’al­ler visi­ter un des plus grands sites de la Tur­quie, un des plus connus, des plus impres­sion­nants : Pamuk­kale (pamuk = coton, kale = châ­teau ou for­te­resse). La route est un peu longue, je compte envi­ron 4h30 pour presque 300 km en taillant un iti­né­raire le plus droit pos­sible, sur une route que je ne connais abso­lu­ment pas et qui pour­rait très bien m’ap­por­ter des sur­prises. La décep­tion d’Ary­can­da me pousse à pré­pa­rer et à assu­rer au maxi­mum cette virée. Je n’ai pas l’in­ten­tion de reve­nir bre­douille cette fois-ci.
Je prends un petit déjeu­ner bâclé en cinq minutes et je suis déjà sur la route, appa­reil pho­to prêt à tirer et me voi­ci parti.

Carte Kas-Pamukkale (more…)

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 5 août) : Myra (Demre), Andriake, Lykia Yolu

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 5 août) : Myra (Demre), Andriake, Lykia Yolu

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 4 août) : Kapu­taş pla­ji, Mavi Mağa­ra, Kal­kan (Anta­lya Fethiye Yolu)

Bul­le­tin météo de la jour­née (dimanche) :

  • 10h00 : 37.5°C / humi­di­té : 25% / vent 26 km/h
  • 14h00 : 40.4°C / humi­di­té : 17% / vent 15 km/h
  • 22h00 : 36.3°C / humi­di­té : 25% / vent 19 km/h

Comme j’ai vu que la tem­pé­ra­ture allait peut-être grim­per aujourd’­hui, je n’ose pas mettre le nez dehors, mais fina­le­ment, il fait assez bon, ni plus ni moins que les jours pré­cé­dents, tout ceci est tel­le­ment rou­ti­nier à pré­sent. Mais bon 38°C c’est quand-même chaud… Je monte dans la voi­ture où j’at­trape une suée à peine assis, il doit faire plus de 50°C… A peine sor­ti de Kaş, je tombe sur un groupe de jeunes au bord de la route qui me font signe, ils sont huit au moins et ils m’in­diquent la direc­tion de Demre et je leur dit oui, c’est bien par là, mais ce n’é­tait pas la ques­tion, ils vou­laient que je les emmène, mais huit dans la voi­ture, ça ne va pas être pos­sible alors je sors un gros bobard, comme quoi je quitte la route à cent mètres pour aller vers l’est. Décep­tion de leur part, sou­la­ge­ment de la mienne.

Turquie - jour 10 - Demre (Myra) - 007 - Andriake

Sur la route, c’est un étrange pay­sage com­po­sé de pierres éri­gées sépa­rées par des touffes d’herbes, des arbustes drus. A Yavu, je tombe sur des chèvres qui sont enfer­mées sous une bâche bleue, dans un enclos ridi­cule sur une immense plaine nue. Le pay­sage en arri­vant sur la grande ville n’est fait que d’un océan de serres, troué de temps en temps par le mina­ret d’une mos­quée soli­taire dans le morne paysage.

Turquie - jour 10 - Demre (Myra) - 010 - Nécropole de Myra (Örenyeri) (more…)

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Mys­té­rieux por­trait de femme du Fayoum (l’in­ven­tion de la pein­ture de che­va­let et du pointillisme)

Ne vous est-il jamais arri­vé de ren­con­trer une pein­ture qui vous trouble à ce point que vous n’ar­ri­viez pas à chas­ser l’i­mage de votre mémoire ? Ne vous est-il jamais arri­vé d’être à ce point trou­blé par le visage d’une femme que vous n’au­riez jamais pu connaître puisqu’elle est morte il y a des cen­taines d’an­nées, éloi­gnée de vous par un gouffre d’in­tem­po­ra­li­té, mais que vous vous disiez tout de même que vous auriez aimé la connaître ? C’est à peu près l’im­pres­sion que j’ai eu la pre­mière fois que j’ai vu ce visage peint exhu­mé du Fayoum.

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