Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 3 août) : Üçağız, Kekova, Dochiste (Apollonia), Geyikova Adası, Kaleköy (Simena)
Bulletin météo de la journée (samedi) :
- 10h00 : 39.4°C / humidité : 58% / vent 7 km/h
- 14h00 : 40.1°C / humidité : 58% / vent 22 km/h
- 22h00 : 39.2°C / humidité : 76% / vent 4 km/h
Aujourd’hui, je me lève fourbu, la peau rougie, douloureuse et la tête me tourne. J’ai l’impression d’avoir trop pris le soleil et le manque d’habitude m’indique qu’il faut que je me pose, que le calme sera le bienvenu. Je n’irai pas beaucoup plus loin que la zone ombragée de la piscine une partie de la journée, et en soirée j’improviserai.
Il flotte dans les couloirs de l’hôtel une odeur de détergent au citron qui me fait penser aux bungalows de Majorque où j’étais allé avec ma mère adolescent. Le bâtiment lui-même est un monument un peu daté, très années 50, qui commence à faire hors d’âge. C’est un bloc de béton accroché à la montagne, sur le bord de la route, desservi par un escalier très large donnant sur des coursives ; celle du premier étage donne sur une terrasse ouverte qui fait toute la largeur du bâtiment. Il y a du marbre partout dans les halls, les corridors et sur la terrasse, mais pas dans les chambres où l’on trouve un carrelage imitant (mal) un parquet en bois lui-même hors d’âge. Le mobilier est simple, lourd, mais relativement moderne, la literie est dure mais c’est un gage de bonne nuit sans courbatures.
Il fait encore très chaud ce matin, je devrais être habitué. D’après la météo, demain et après-demain, les températures devraient être plus élevées de quelques degrés, mais au point où j’en suis, je ne sais pas si je pourrais faire la différence.
Lorsque je regarde autour de moi, j’ai quand-même l’impression que le mois d’août n’est pas franchement la haute saison. Il n’y a vraiment pas tant de monde que ça, ou alors c’est que je suis trop habitué à voir du monde en France pendant la période estivale.
De ce que j’ai compris, la région lycienne est une des régions les plus chaudes de la Turquie ; je ne sais pas ce qui géographiquement explique ce phénomène, d’autant qu’il pleut ici six mois de l’année sur la période hivernale.
Je déjeune le midi de nectarines sucrées et de figues fraîches bien mures achetées hier dans le centre de Kaş, enfermé dans l’atmosphère climatisée de la chambre tandis que ma peau se repose. Je fais défiler les minutes dans le ronron du climatiseur en lisant Amin Maalouf. J’ai l’impression de ne pas avoir entendu le muezzin chanter depuis plusieurs jours. Celui de la petite mosquée du centre est un véritable artiste.
Un peu plus tard dans l’après-midi, je me décide à quitter les rebords de la piscine qui se trouve désormais au soleil pour aller à Kalkan en passant par la D400. C’était la première ville que j’avais pressentie pour passer cette semaine. Heureusement que je me suis ravisé car si Kaş a été envahie par les Anglais dans sa partie orientale, Kalkan est une colonie germano-britannique. Tout y est marqué en anglais, et la ruelle principale qui descend vers le port est lardée de pubs avec grand écran (on est en plein Jeux Olympiques) et terrasses rafraichies par des ventilateurs géants ; l’horizon est un champ de choppes de bière. J’adresse une prière à l’entité supérieure qui m’a fait raison garder en me déportant sur Kaş ; j’y aurais été incroyablement malheureux. En fait, c’est plutôt le guide touristique qui m’a inspiré et que j’ai bien fait d’écouter.
Après avoir passé pas mal de temps dans une pharmacie pour acheter de quoi calmer le feu du soleil sur ma peau (j’apprendrai ici que la Biafine est très confidentielle et n’est vendue qu’en France, ici la recette miracle c’est l’Aloe Vera), je me suis installé à la terrasse d’un restaurant qui n’avait pas encore de clients et qui apparemment était embarrassé de devoir servir avant l’heure. Là je me suis dit que c’était trop, car manifestement, on s’était calé sur les horaires des touristes plutôt que sur ceux du crû, qui eux ne mangent pas comme les poules à heure fixe. Peu importe, je me considère comme de passage et je vais bientôt retourner à Kaş, dans ma tour d’ivoire, loin des autres. Je mange une petite salade hors de prix avec un ayran avant de repartir et cette fois-ci je m’attarde sur la route.
Au lieu dit Mavi Mağara, littéralement la grotte bleue, se trouve la plage de Kaputaş, une plage réputée pour la couleur de ses eaux. Non loin de là on peut aller à la nage voir la grotte elle-même, large de 40 mètres à l’entrée et haute de 15 mètres, dont les hauts fonds clairs font se refléter les rayons du soleil qui donnent une couleur tendre à l’endroit. La plage elle-même est encaissée entre deux pans de montagne qui l’hiver doit déverser sur l’embouchure un torrent proprement diabolique vue l’installation qui se trouve un peu plus haut, avant les galets et le peu de sable qu’on trouve sur la plage. Un canal bétonné témoigne que ça ne doit pas être de tout repos.
En rentrant sur Kaş, je prends le temps de regarder la route, je n’hésite pas à sortir mon appareil tout en roulant, mitraillant la route et ses panneaux, ses airs de route perdue au milieu de nulle part alors que c’est un grand axe, mais je croise à peine quelques voitures en cette fin de journée. Sur le long chemin planté d’oliviers, le ruban des îles se déroule comme ces chapelets que les hommes passent leurs journées à égrainer, le tesbih. A la sortie de Bezirgan, petite bourgade où l’on ne fait que passer et où se trouve certainement le plus petit minaret du monde, je trouve un endroit superbe, une langue de terre qui s’avance dans la mer et au bord de laquelle se trouve des enclos de bergers, une petite barque solitaire amarrée près des rochers, des lauriers roses dont les fleurs sont comme autant de taches éclatantes dans ce paysage essentiellement minéral et surtout, une vue hallucinante sur Kastelórizo derrière une mer qui fait sa timide en se cachant derrière un léger voile de brume. Je trouve une petite plage de galets en contrebas de la route où je m’arrête. Des gens viennent ici pour faire un barbecue, des petits enfants barbotent au bord de l’eau alors que de belles vagues les chahutent sous le regard perdu de leur père, des femmes se baignent tout habillées, la tête couverte de leur hijab. La vie simple, en somme.
A Kaş, je me balade un peu pour tenter de trouver ces quatre tombes creusées dans la montagne qu’on voit éclairées le soir ; je finis par les trouver, je peux même grimper jusqu’à leur ouverture en me faufilant entre les maisons d’une rue haute, et je manque plusieurs fois de glisser et de dévaler les pentes poussiéreuses, puis je vais dîner… au Sofram Café où je retrouve Sarpi, souriante, comme toujours… Le muezzin se met à chanter alors que je suis en train de m’écrouler dans mon assiette, littéralement… et comme tous les soirs, je ne bois pas une goutte d’alcool ; les contrôles de police, il me semble, sont très sévères, tolérance zéro, même si je n’ai que quatre kilomètres à faire.
Je rentre en me disant que je ferai mieux demain, mais c’est déjà pas si mal.
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