Dec 4, 2013 | Arts, Sur les portulans |
Objet phare des cultes à mystères, cette ciste destinée à recevoir des objets que les profanes n’avaient pas à voir dans la civilisation grecque, provient de la civilisation étrusque et avait certainement un usage plus féminin. On estime que son usage était de conserver les instruments de toilette des femmes de haut-rang. Découverte à Préneste (Palestrina), c’est un objet tout à fait unique par sa taille (575 mm dans sa hauteur totale) ainsi que par sa facture. Conservée actuellement à Rome, au Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia, ce bronze laminé datant de la fin du IVè siècle av. J.-C. fait partie de l’exposition actuelle que l’on peut voir au Musée Maillol et ce, jusqu’au 9 février 2014.
Posée sur trois pieds reposant eux-mêmes sur des grenouilles, c’est un objet assez massif, dont les pieds sont soutenues par trois génies féminins ailés. La poignée, imposante, représente une amazone nue, décédée, portée par deux amazones en armes. Les trois scènes représentées sur le corps de la ciste se décomposent ainsi : l’enlèvement de Crysippe, la consultation de l’oracle d’Apollon et le jugement de Pâris.
De taille moins imposante que la Ciste Ficoroni et moins connue, son originalité réside dans le dessin du corps de cet objet tardif. En regardant de près, on voit que les scènes centrales ont été gravées dans le métal et la scène de l’enlèvement qu’on peut voir en détail ci-dessous est dessinée de trois-quarts face, enroulée autour du corps de la ciste, avec un réalisme assez incroyable compte-tenu de l’époque où elle a été réalisée, puisque la plupart des scènes dessinées à l’époque l’étaient généralement de profil. Une œuvre d’art hautement symbolique de l’état d’avancement de la civilisation étrusque, que ce soit en matière de réalisation, ou en matière d’élaboration du dessin.
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Oct 18, 2013 | Arts, Sur les portulans |
Vertige de la liste minoen par Fernand Braudel.
A la grande époque de l’art crétois — celle des seconds palais —, avant la période mycénienne qui figera toute cette liberté, le naturalisme est triomphant : bêtes et plantes sont partout sur les murs ou au flanc des vases de céramique ; un brin d’herbe, une touffe de crocus ou d’iris, un jet de lys blancs sur l’ocre d’un vase ou sur le rouge pompéien d’un stuc mural, des roseaux qui se marient et un motif continu, presque abstrait, un rameau d’olivier fleuri, les bras tordus d’un poulpe, des dauphins, une étoile de mer, un poisson bleu ailé, une ronde d’énormes libellules, autant de thèmes en soi, mais jamais traités avec la minutie botanique des herbes ou des violettes de Dürer. Ils sont le décor irréel d’un monde irréel ou un singe bleu cueille des crocus, un oiseau bleu se perche sur des rochers rouges, jaunes, bleus, jaspés de blanc, où fleurissent des églantiers ; un chat sauvage guette à travers des branches de lierre aériennes un oiseau innocent qui lui tourne le dos, un cheval traîne le char de deux jeunes déesses souriantes… La céramique se prête comme la fresque à cette fantaisie inventive. Il est curieux de voir le même thème végétal ou marin traité de mille façons différentes, sur tant de vases multipliés par le tour du potier et exportés par centaines. Comme si le peintre, chaque fois, exigeait le plaisir de la création.
Fernand Braudel : Les Mémoires de la Méditerranée (préhistoire et antiquité)
Livre de poche, collection Références
Éditions de Fallois, 1998
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Oct 7, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 11 août) : Patara et Xanthos, les grandes cités lyciennes
Bulletin météo de la journée (dimanche) :
- 10h00 : 41.1°C / humidité : 61% / vent 9 km/h
- 14h00 : 42.2°C / humidité : 61% / vent 17 km/h
- 22h00 : 38.3°C / humidité : 72% / vent 9 km/h
C’est le jour du départ pour Antalya. dernière expédition pour retourner sur la route, direction la Cappadoce. Cette fois-ci, je ne prends pas l’avion, mais le car et j’avoue que je suis un peu angoissé. De toute façon, dès lors que je ne connais pas, je suis angoissé, il y a toujours quelque chose qui m’inquiète et qui me tord le ventre au point que je comprends mieux pourquoi je me sens parfois aussi épuisé lorsque je voyage. Bien loin de ne pas profiter, je suis toujours à l’affût, de peur de manquer quelque chose, de me dire que je ne pourrai jamais vivre le choses qu’une seule fois et que si je rate, c’est fichu. Les sens en éveil, je m’épuise vite.
Je fais ma valise et je vais prendre mon dernier petit déjeuner en compagnie des Allemands. Avec du recul, je n’étais pas très heureux d’être dans cet hôtel, même si je n’y ai passé que très peu de temps au final et je me rends compte que tout ceci n’a pas d’importance, malgré le fait que la nuitée n’était pas donnée. Je pars sans regret et je file vers Kalkan et Kaş, direction l’est pour retrouver Antalya. Je dois rendre la voiture au loueur et retourner ensuite à la gare routière (Otogar) et pour cela, j’ai pas mal de temps, rien ne presse, le car part à 21:00 et je dois rendre la voiture à 19:30. Une heure et demie pour rejoindre la gare routière, c’est plutôt confortable.
Je me perds avec la voiture dans Kalkan, dans les petites rues pentues et pavées qui descendent vers la mer sans arriver à la moindre plage ; il n’y a que des impasses et je me finis par me retrouver dans une rue que je n’arrive pas à remonter tellement elle monte. La voiture patine et ne veut plus avancer… Je sors et je regarde les pneus ; ils sont lisses ! Je fulmine contre le loueur, son tacot et ses pneus merdiques. J’ouvre le coffre, sors ma valise et redescends la rue en marche arrière. Ensuite je prends mon élan en faisant chauffer le moteur et je réussis à remonter la portion la plus dangereuse. Le moment le plus sympa, c’est quand je dois remonter la valise sur les pavés, sur une pente que même à pied j’ai du mal à gravir et en plein soleil… Une bonne suée dès le matin et je repars de Kalkan un peu en colère. Je m’arrête à Kaş pour le déjeuner, à l’heure du muezzin, dont le chant s’intensifie ou s’étouffe avec les rafales de vent. La mer (Akdeniz) est déchaînée, dans un mauvais jour ; le vent n’est pas en reste. Je trouve quand-même Kaş plus vivante que Patara, qui semble comme en léthargie, sur le point de s’éteindre. Un hôtel sur les hauteurs est complètement abandonné, c’est dire à quel point les beaux jours sont derrière. (more…)
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Sep 20, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 10 août) : Les gözleme d’Esra, Fethiye, le tombeau d’Amyntas
Bulletin météo de la journée (samedi) :
- 10h00 : 37.8°C / humidité : 29% / vent 7 km/h
- 14h00 : 43.1°C / humidité : 55% / vent 17 km/h
- 22h00 : 42.2°C / humidité : 81% / vent 6 km/h
Encore une journée qui s’annonce calme sous un soleil écrasant. Les températures sont simplement affolantes et dépassent largement les 40°C. La raison voudrait que je reste enfermé dans ma chambre semi-climatisée ou à l’ombre d’un parasol au bord de la piscine, mais rien n’y fait, je n’arrive pas à rester en place, même si je lézarde un peu en somnolant après un petit déjeuner copieux, à base de fromage blanc et de tisane de sauge.
Je reste en admiration devant ce petit appendice qui dépasse de la cuvette des toilettes, où que je sois passé depuis mon arrivée ici, sur la partie antérieure et qui propulse un jet d’eau puissant destiné à se nettoyer. Évidemment, le sujet est un peu délicat à traiter, mais je suis admiratif de ce procédé utile et efficace qui ne me laisse plus aucun doute sur l’hygiène de ce peuple qui a l’habitude des bains publics et des ablutions liées à la prière. Je rêve qu’un jour en France, dans ce pays qu’on dit aseptisé et hygiéniste, on puisse prendre autant soin de son hygiène corporelle, ce qui est loin d’être le cas.
Le midi, je retourne déjeuner chez Ezra avant de refaire un tour par l’hôtel pour lire un peu Amin Maalouf au bord de la piscine et piquer une tête dès que la température devient intolérable.
Cet après-midi, j’ai décidé de me rendre à Patara. Après tout, c’est le site le plus proche d’ici et je ne suis même pas allé le voir. En fait, quand on suit la direction du site (les sites archéologiques sont signalés par des panneaux écrits en blanc sur fond marron qui font penser à ceux qu’on trouve au bord des autoroutes françaises) qui se trouve au bout de la route qui traverse le village, on arrive à ce qui ressemble à un poste frontière. Je crois que c’est la première fois que je vois un site aussi bien gardé. Il se trouve que c’est également l’entrée d’un site très connu car il passe pour être la plus belle plage de la côte turque. J’avoue sans honte que je n’y suis pas allé de tout mon séjour, trouvant certainement qu’il y avait bien d’autres choses à faire que d’aller se baigner dans la Méditerranée. Cela dit, avec du recul, je regrette un peu, mais je m’en remettrai. Après la barrière, on arrive donc sur le site qui s’étend tout au long de la route. Dès lors que je commence à vouloir prendre des photos, je me rends compte que quelque chose ne va pas, mon appareil reste obstinément éteint. Je commence à angoisser en me disant que si mon appareil me lâche maintenant, je ne vais plus pouvoir garder d’images de tout cela ; c’est simplement inconcevable pour moi. En tentant d’établir un diagnostic, je me rends compte que la batterie est absente de son compartiment et en une fraction de seconde, je la revois dans son chargeur, bien au frais sur la table de la chambre d’hôtel. Je n’ai plus qu’à prendre des photos avec mon téléphone.
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Sep 16, 2013 | Livres et carnets |
Lorsque le pharaon lui-même est plus grand que le plus grand des dieux, il les mange…
Le pharaon devient dieu lui-même par le couronnement, il s’approprie la force des couronnes au sens le plus réaliste, en les mangeant. C’est de la même façon qu’il s’approprie la substance divine. Dans les Textes des Pyramides se trouve «le fameux hymne au pharaon cannibale qui se nourrit des dieux, mange les grands au déjeuner, les moyens au dîner et les petits au souper, qui leur brise les vertèbres et leur arrache le cœur, qui dévore cru ceux qu’il rencontre sur son chemin.» C’est laisser entendre que le pharaon est le plus grand de tous les dieux, au moins leur égal, le maître des hommes et des choses, le maître des eaux du Nil, de la terre et même de la récolte en train de croître. «J’étais, fera-t-on dire plus tard à un pharaon défunt, quelqu’un qui faisait pousser l’orge.»
Fernand Braudel, Les mémoires de la Méditerranée
Livre de Poche, Collection Références
Éditions de Fallois 1998
Détail du Papyrus de Greenfield ou Livre des Morts de Nésitanebtashérou
British Museum, Londres
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