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Café du matin #13

Café du matin #13

Saint-Denis. Un air de revenez‑y. Je n’ai pas mis les pieds ici depuis une éter­ni­té, cer­tai­ne­ment depuis que je fai­sais mes études à l’u­ni­ver­si­té. J’a­vais oublié à quel point la sta­tion de métro Basi­lique était étri­quée et le quai peu large. L’embouteillage pour sor­tir, tout le monde se diri­geant vers l’es­ca­la­tor qui a du mal à absor­ber le flux. Un avant-goût de ce joyeux bor­del qui m’at­tend dehors. A peine sor­ti de la sta­tion du métro, je suis assailli par une dizaine de ven­deurs de ciga­rettes de contre­fa­çon qui tentent d’é­clu­ser leur car­gai­son en toute impunité…

Café du matin #12

Café du matin #12

Le café a un goût amer. Je n’ai jamais vrai­ment aimé les pre­miers jours de l’année, et encore moins les pre­miers jours de reprise du tra­vail, et cer­tai­ne­ment encore moins le jour de la ren­trée, une fois que les fêtes sont pas­sées, que la lumière s’est éteinte et qu’on retrouve les éclai­rages crus et imper­son­nels des chambres d’hôpital que sont nos bureaux, quand on n’en prend pas réel­le­ment soin.

Café stam­bou­liote #11

Café stam­bou­liote #11

Istan­bul est une ville qui confine à la mélan­co­lie, le fameux hüzün dont parle Orhan Pamuk. Dans la mys­tique sou­fie, le hüzün trouve son ori­gine dans un sen­ti­ment de manque dû à notre trop grand éloi­gne­ment de Dieu. On retrouve quelque chose de proche du hüzün dans la culture japo­naise, asso­cié à la noblesse de l’échec.

Café du matin #13

Der­nier café avant le pro­chain #10

C’est mar­rant, les absents, ceux qui par lâche­té ne viennent pas. J’essaie d’en ana­ly­ser la rai­son. A part la lâche­té, je ne vois pas. La peur de ne pas assu­mer, peut-être ? Oui eh bien on en revient au même, c’est de la lâcheté.

Café thaï #9

Café thaï #9

De là où je suis, j’en­tends l’an­gé­lus élec­trique entre mes oreilles. La cha­leur de cette douce soi­rée au bord de la Chao Phraya me donne des fris­sons de fièvre. Un Mai Tai à la main, une ciga­rette coin­cée entre les doigts, j’é­coute les vedettes rapides décou­per l’onde tour­men­tée du fleuve magis­tral, empor­tant avec eux les jacinthes d’eau qui en recouvre la surface.

Café bleu et blanc #8

Café bleu et blanc #8

Ambiance élec­trique, fié­vreuse, sous un ciel char­gé d’humidité froide qui n’arrête pas de se déver­ser en fines couches, les yeux grands ouverts, l’odeur gla­cée de la pluie sur le bitume d’une ville frai­che­ment sor­tie de terre, là où avant ne se trou­vaient que des entre­pôts d’usines mortes depuis une bonne décennie.

Café de rêves #7

Café de rêves #7

Mes nuits sont faites de rêves dont je ne me sou­viens plus au petit matin. Par­fois, tou­te­fois, je m’en sou­viens. Alors que je pré­fé­re­rais ne pas. Je rêve sou­vent de situa­tions dans des mai­sons que j’attribue à une connais­sance, situa­tion sou­vent impro­bable, avec des per­sonnes dont le lien lui-même semble impro­bable, et sou­vent, ça se ter­mine dans une débauche de sexe, impro­bable aussi.

Café du matin #6

Café du matin #6

Sur­pris par l’ennui d’un same­di froid et gris, j’ai cher­ché sur mes éta­gères quelque chose qui pour­rait m’exciter un peu l’esprit. Je suis même allé jusqu’au gre­nier pour retrou­ver ce livre d’André Gra­bar que j’ai ache­té il n’y a pas si long­temps que ça : L’iconoclasme byzan­tin. J’ai aus­si des­cen­du les deux tomes de l’Enquête, d’Hérodote, mon livre sur Mimar Sinan, celui sur l’art de Constan­ti­nople de Sté­phane Yéra­si­mos et enfin l’Art seld­jou­kide et otto­man de Gio­van­ni Curatola.

Café du matin #5

Café du matin #5

Le rêve de soleil et de cha­leur me reprend. Il est là, il me taraude. Il va de pair avec la fin de l’hi­ver, de cet hiver hor­rible, humide, triste, long inter­mi­nable, qui même une fois le prin­temps arri­vé conti­nue de sévir.

Café du matin #4

Café du matin #4

Sor­did details fol­lo­wing… Qu’est ce qui peut bien me mettre de bonne humeur comme ça ? Le sale gosse est de sor­tie, avec son tee-shirt sur lequel une gei­sha fait un doigt d’hon­neur, chaus­sures et jeans de punk, il faut vous faire un des­sin ? J’ai tou­jours rêvé d’être une gei­sha, et sur­tout de faire un doigt d’hon­neur en étant une geisha.

Bang­kok, 1935, aux ori­gines du Siam (Les oubliés du pays doré #15)

On pour­rait com­men­cer par Ang­kor, évi­dem­ment. Com­men­cer par les temples englou­tis sous la jungle, par les racines des fro­ma­gers qui éventrent les pierres khmères, par cette obses­sion occi­den­tale de tout dater, tout clas­ser, tout com­prendre. Mais non. Com­men­çons plu­tôt par un couple d’An­glais en 1935, débar­quant à Bang­kok avec leurs malles et leurs car­nets, leurs théo­ries et leur naï­ve­té, ne sachant pas encore qu’ils allaient pas­ser le reste de leur vie à recons­ti­tuer un pas­sé qui n’é­tait pas le leur.

Le Conseiller du Siam (Les oubliés du pays doré #14)

On le retrouve tou­jours dans les ports. Anvers d’a­bord, puis Mar­seille, Colom­bo, Sin­ga­pour. Les grandes villes mari­times qui scandent les routes de l’Em­pire, ces nœuds où convergent les ambi­tions et les rêves d’hommes comme lui. Gus­tave Rolin-Jae­que­myns porte un nom à ral­longe, héri­tage d’un père illustre qui fon­da la Revue de droit inter­na­tio­nal, et cette pesan­teur généa­lo­gique le pousse vers l’Est, là où les noms euro­péens sonnent encore comme des promesses.

La chute d’A­nan­da Mahi­dol (Les oubliés du pays doré #13)

Bang­kok, juin 1946. La mous­son hésite encore, sus­pen­due au-des­sus de la ville comme une menace muette. Dans les rues, les cyclo-pousses glissent entre les flaques d’eau boueuse, évi­tant les nids-de-poule que la guerre a lais­sés par­tout, cica­trices d’un conflit qui vient à peine de s’a­che­ver. Le Siam a chan­gé de nom pen­dant l’oc­cu­pa­tion japo­naise, puis est rede­ve­nu le Siam, puis est deve­nu la Thaï­lande. Per­sonne ne sait vrai­ment quel nom don­ner à ce pays qui ne sait plus très bien qui il est et qui semble se chercher.

Le refuge de Connie Mang­skau (Les oubliés du pays doré #12)

Constance Mang­skau était née en 1907 à Chiang Mai, d’un père anglais et d’une mère thaïe, ce qui fai­sait d’elle une hybride dans un monde colo­nial qui n’ai­mait pas les hybrides. À dix-huit ans, elle avait épou­sé un plan­teur de caou­tchouc nor­vé­gien dont elle ne gar­dait que le nom et deux filles. Veuve trop jeune, elle avait dû accep­ter un poste de secré­taire à la Bri­tish Ame­ri­can Tobac­co Com­pa­ny pour nour­rir ses enfants.

Anna et le Roi, vision d’un Orient fan­tas­mé (Les oubliés du pays doré #11)

Bang­kok, 1862. La mous­son tam­bou­rine sur le toit du Grand Palais. Anna Leo­no­wens débarque avec ses malles, son fils Louis, et cette déter­mi­na­tion anglaise qui sert de cui­rasse aux femmes seules. Elle a trente et un ans, pré­tend-elle. En réa­li­té, elle vient de fran­chir le cap des qua­rante. Elle ment sur son âge, sur ses ori­gines, sur tout ce qui pour­rait la rendre vul­né­rable dans ce monde d’hommes et d’empires.

Les visi­teurs du Roi Mong­kut (Les oubliés du pays doré #10)

Les cartes du Siam, en 1856, sont fausses. On le sait. Les car­to­graphes de Paris tracent des fleuves qui n’existent pas, inventent des mon­tagnes, déplacent les villes. Louis-Antoine Léon de Rou­gé le sait aus­si, lui qui débarque à Bang­kok avec dans sa malle les der­nières publi­ca­tions de la Socié­té de Géo­gra­phie. Il a vingt-huit ans, une for­ma­tion d’in­gé­nieur, et cette façon par­ti­cu­lière qu’ont les hommes de son époque de regar­der le monde comme un pro­blème à résoudre.

La mai­son des Sur­awa­dee (Les oubliés du pays doré #9)

Bang­kok, 1937. Une année lourde comme une mangue trop mûre. On construit des mai­sons en espé­rant qu’elles résis­te­ront aux mous­sons et aux coups d’État comme on porte un talis­man contre la mal­chance. C’est cette année-là que Sa-Ang Sur­awa­dee fait bâtir une demeure en teck sur pilo­tis, dans un bout de ville encore rem­pli de coco­tiers, de buffles et de canaux sinueux où les enfants plongent depuis les berges en hur­lant de joie.

Alexan­der Mac­Do­nald, Bang­kok edi­tor (Les oubliés du pays doré #8)

On naît tou­jours quelque part, même quand ce quelque part ne nous retient pas. Alexan­der Mac­Do­nald voit le jour en 1908 à Lynn, ville indus­trielle du Mas­sa­chu­setts où les manu­fac­tures de chaus­sures grondent jour et nuit. Son père tra­vaille dans l’une d’elles. L’o­deur du cuir tan­né imprègne les vête­ments, la peau, les nuits et les rêves. Mais le jeune Mac­Do­nald ne devien­dra pas cor­don­nier pour autant.

Un Alle­mand à Bang­kok (Les oubliés du pays doré #7)

On a trou­vé dans les archives de Darm­stadt une pho­to­gra­phie sépia, datée de 1910. Karl Döh­ring pose devant une porte de Wat Che­tu­phon, la bouche close, les mains der­rière le dos. Son regard fixe l’ob­jec­tif avec cette morgue des hommes qui savent des­si­ner, et qui sont cer­tains de leur art. Der­rière lui, du gra­nit baroque dans la cha­leur de Bangkok.

Une his­toire de boud­dhas (Les oubliés du pays doré #6)

Jim Thomp­son dis­pa­raît le 26 mars 1967. Il part faire une pro­me­nade diges­tive après le déjeu­ner de Pâques. Il ne revien­dra jamais. Cinq ans plus tôt, en jan­vier 1962, Thomp­son esca­lade une mon­tagne dans la pro­vince de Phet­cha­bun. Il cherche une grotte. Il a ache­té cinq têtes de Boud­dha en cal­caire blanc à des anti­quaires de Bang­kok. Elles sont extraordinaires.