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Par­tir avec Rim­baud et ne pas reve­nir de Tadjourah

Par­tir avec Rim­baud et ne pas reve­nir de Tadjourah

Quelle idée de m’être lan­cé là-dedans. Sur le coin d’un étal de libraire m’at­ten­dait un jour un livre à la cou­ver­ture oran­gée, un livre por­tant sobre­ment son titre comme une allu­mette ten­due dans la nuit afri­caine, comme pour bali­ser le che­min vers la ville plon­gée dans l’obs­cu­ri­té. Un nom ; Sébas­tien de Cour­tois. Je me suis dit que c’é­tait encore un de ces voya­geurs tout droit sor­tis de Neuilly qui s’est enca­naillé dans les bas-fonds des cales du port de Manille ou dans les bor­dels de Ham­bourg. Mais non, enfin peut-être mais peu importe, ce qui importe c’est que le type est jour­na­liste et a déjà écrit quelques livres sur les Chré­tiens d’O­rient, et là, il parle à mon cœur. Un titre ; Éloge du voyage, sur les traces d’Ar­thur Rim­baud. Évi­dem­ment, ça touche encore son cœur de cible, ça parle direc­te­ment à l’a­ma­teur, celui qui aime le voyage autant que la poé­sie, alors la résis­tance n’o­père pas long­temps et on finit par pas­ser en caisse avec la bave aux lèvres. Comme tout bou­quin qui se res­pecte, j’aime les lais­ser mûrir dans un coin de la mai­son, à l’a­bri de la lumière et de l’hu­mi­di­té, à une tem­pé­ra­ture de 14°C maxi­mum ; on le sort ensuite au grand-jour pour le cham­brer, pour lui faire atteindre gen­ti­ment la tem­pé­ra­ture de 16°C et c’est alors qu’on l’ouvre déli­ca­te­ment et c’est rare qu’on y trouve des mor­ceaux de bou­chon tom­bés dans la robe.
L’é­cri­ture y est bar­bare, rude, une écri­ture sans com­plai­sance et qui parle avec la voix éraillé de ceux qui ont trop cau­che­mar­dé, tel­le­ment cau­che­mar­dé qu’ils ont crié dans leur som­meil, mais c’est une écri­ture pleine de pous­sière du désert, de cette pous­sière qu’on net­toie en se plon­geant dans les eaux dia­bo­liques du Golfe d’A­den, en face de Dji­bou­ti. Les boutres au repos attendent un coup de pein­ture sur leurs cales, une chèvre noire broute deux touffes d’herbes rai­dies par un soleil cui­sant, et pen­dant ce temps, tan­dis que le soleil plonge der­rière le conti­nent afri­cain, des hommes se saoulent en par­lant de la gran­deur pas­sée de la France, comme s’il ne fai­sait pas assez chaud comme ça…

Tadjourah

Rues de Tadjourah

Il y en a qui ne sont jamais ren­trés. Ceux que l’on a oublié, inca­pables de renouer avec leur vie anté­rieure. Les trans­fuges. Le livre d’or de Modi­no en compte une belle bro­chette, les voya­geurs de l’i­ma­gi­naire, les vacan­ciers et les autres, les auteurs que nous connais­sons, Deniau, Pratt, Guil­bert et Gary, venus assis­ter aux funé­railles de la France colo­niale : « Ils sont tous là, écrit Gary dans Les Tré­sors de la Mer Rouge, il ne manque pas un mou­choir blanc sur une nuque de légion­naire, pas un bur­nous rouge de spa­hi, pas un rire dur de ceux qu’on appe­lait jadis les “joyeux”… Vous les ver­rez tous, dans les rues de Dji­bou­ti, pour quelques secondes d’his­toire, ces fan­tômes bien vivants sur­gis d’un monde éva­noui. » Tous ont été ivres sur cette ter­rasse au soleil cou­chant lors­qu’il fait qua­rante-huit degrés en juillet.
« Je n’ai fer­mé que fin 1991, conti­nue Modi­no, lorsque l’in­sur­rec­tion afar a écla­té. L’ar­mée fran­çaise est venue nous éva­cuer en héli­co­ptère. Mon bar a été pillé… »
La révolte afar a été noyée dans le whis­ky de Modino.

Sébas­tien de Cour­tois, Éloge du voyage, sur les traces d’Ar­thur Rimbaud
Edi­tions Nil, 2013

Pho­tos © Visages de l’A­frique de l’est

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 13 août) : Üçhi­sar, Göreme et les églises rupestres

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 13 août) : Üçhi­sar, Göreme et les églises rupestres

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 12 août) : Retour à Anta­lya, en pas­sant par le Mont Chi­mère (Yanar­taş) et l’arrivée à Nevşehir

Bul­le­tin météo de la jour­née (lun­di) :

10h00 : 24°C / humi­di­té : 46% / vent 9 km/h
14h00 : 29°C / humi­di­té : 22% / vent 6 km/h
22h00 : 22°C / humi­di­té : 8% / vent 2 km/h

Turquie - jour 18 - Üchisar et Göreme - 003 - Üçhisar

Der­niers kilo­mètres sur la route qui mène à la Cap­pa­doce. Je viens de dépas­ser Aksa­ray (Saray : palais ; Ak : blanc) et je me dis que je n’ai fina­le­ment qu’une très vague idée de ce que je vais pou­voir décou­vrir ici. L’ar­ri­vée d’in­ter­net a ceci de confor­table qu’on peut com­men­cer à voya­ger avant même de par­tir, mais je dois confes­ser que je ne suis pas du tout dans cette optique. Je n’ai que quelques images floues de ce qu’est la Cap­pa­doce, des images que je ne tente pas de faire dur­cir plus que ça, tant j’ai envie de me lais­ser sur­prendre par l’é­cart entre le fan­tasme et la réa­li­té. Je ne fan­tasme qu’a­vec ce que j’en ai lu sur le Guide Bleu, mon com­pa­gnon de route et une fois encore, ce que donne à voir ou à ima­gi­ner ces guides ne sont qu’une vision très frag­men­taire et très éloi­gnée des émo­tions qui peuvent nous assaillir sur le ter­rain. J’a­voue être angois­sé, de la même manière que j’é­tais angois­sé lorsque je suis arri­vé à Anta­lya, pétri de doutes, apeu­ré par l’in­con­nu qui s’ouvre devant moi, sur la réserve lorsque je ne suis plus en ter­rain connu, prêt à me lais­ser vio­len­ter par ce qui m’at­tend. (more…)

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Thaï­lande, sous une lumière d’ocre (3) – Ambiances sonores à Haad Salad, Koh Pha Ngan (1ère partie)

Thaï­lande, sous une lumière d’ocre (3) – Ambiances sonores à Haad Salad, Koh Pha Ngan (1ère partie)

Après Bang­kok et son vacarme, sa cha­leur et sa pol­lu­tion, retour au sud où j’é­tais déjà allé au mois de mars. Même île, même hôtel, mais pas la même chambre… Koh Pha Ngan est une petite île dis­crète encore pré­ser­vée du tou­risme de masse. Le sud de l’île est répu­té pour ses « full moon par­ties », rai­son pour laquelle je m’en suis le plus écar­té, et le nord est encore sau­vage, avec des routes à peine pra­ti­cables sinon en scoo­ter (pas tout le temps). Douze jours de repos — plus c’eût été de la gour­man­dise — en écou­tant le chant des oiseaux et les insectes qu’on pré­fère entendre que voir… La petite plage où je me suis caché et qui était autre­fois un repaire de pirates porte le nom étrange de Haad Salad.

Koh Pha Ngan, Haad Salad

Feuille de bananier - Koh Pha Ngan - Thaïlande - août 2013

Feuille de bana­nier — Koh Pha Ngan
Thaï­lande — août 2013

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