Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 31 juillet) : Kariye Kili­se­si, Balat, Fener…

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 31 juillet) : Kariye Kili­se­si, Balat, Fener…

Épi­sode pré­cé­dent :Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 30 juillet) : Ana­do­lu Kavağı et Rüs­tem Paşa Camii

Bul­le­tin météo de la jour­née (mar­di) :

  • 10h00 : 36.4°C / humi­di­té : 42% / vent 33 km/h
  • 14h00 : 35.6°C / humi­di­té : 43% / vent 26 km/h
  • 22h00 : 31.2°C / humi­di­té : 53% / vent 15 km/h

Il fait tel­le­ment chaud que je pense pou­voir comp­ter sur les mos­quées ou les églises pour me rafrai­chir un peu, mais en pure perte. Je finis quand même après quatre jours à ne plus res­sen­tir la cha­leur comme une fata­li­té et j’ai l’im­pres­sion que mon corps ne trans­pire plus autant. C’est étrange à dire, mais j’ai l’im­pres­sion d’a­voir pas­sé mon temps à suer du matin au soir pen­dant ces quelques jours. Les choses vont mieux à pré­sent, et c’est vrai­ment comme si mon méta­bo­lisme s’a­dap­tait dou­ce­ment. Ce matin, je file encore vers Eminönü pour prendre le bus. Je ver­rai bien sur place com­ment faire et par chance, en regar­dant les plans de bus de la gare rou­tière, un type me tape sur l’é­paule et me dit « Kariye Museum ? this bus » et il me fait mon­ter dans le E38 qui va jus­qu’à Edir­ne­kapı, une des portes de la ville située près des rem­parts. Par bon­heur, le bus est cli­ma­ti­sé, ce qui sur­prend un peu quand on voit que ce sont quand même de grosses machines qui crachent leur die­sel dans des nuages de fumées noires. On s’i­ma­gine faci­le­ment que ce sont des fours rou­lants mais pas du tout.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 03 - Edirnekapı

Lorsque le bus s’ar­rête, le chauf­feur klaxonne pour pré­ve­nir qu’il est là (comme à peu près tout ce qui roule à Istan­bul) et par­ler d’un arrêt est peut-être exa­gé­ré. On dirait plu­tôt que, jeune ou vieux, il faut attra­per le bus en marche, et donc pour en des­cendre, c’est à peu près le même tarif. Le chauf­feur, sans cha­leur exces­sive mais très ser­viable me fait signe lors­qu’il est temps pour moi de des­cendre, ce qui m’ar­range plu­tôt étant don­né que je voyais bien les arrêts défi­ler sur le tableau de contrôle, mais je n’a­vais aucune idée du nom de l’ar­rêt qu’il fal­lait que je prenne. C’est Edir­ne­kapı, tout simplement.

Kariye KilisesiL’é­glise est très bien indi­quée, des pan­neaux indiquent à ma grande sur­prise le che­min au tra­vers des petites rues qui des­cendent le long de la col­line pour arri­ver au pied de ce qui fut autre­fois l’é­glise Saint-Sau­veur-in-Cho­ra. Cette église byzan­tine se trou­vait à l’é­poque de sa construc­tion en dehors de la ville, dans les champs (en grec, le mot cho­ra désigne ce qui fait par­tie de la ville mais n’est pas en son centre même) En turc, l’é­glise peut prendre trois appel­la­tions différentes :

  • Kariye Kili­se­si (église de Chora)
  • Kariye Camii (mos­quée de Chora)
  • Kariye Müze­si (musée de Chora)

A l’é­poque de la conquête, l’in­té­rieur de l’é­glise fut recou­vert d’un badi­geon léger qui au lieu d’en­dom­ma­ger les mosaïques, les pro­té­gèrent de la lumière pen­dant des années, jus­qu’à ce qu’elle fut réha­bi­li­tée en musée. Pour cela, je pré­fère par­ler d’é­glise plu­tôt que de musée puisque c’est sa voca­tion pre­mière. On arrive à l’é­glise en pas­sant par une petite place ombra­gée sous les mar­ron­niers, sur la gauche, là où se trouve un türbe (tombe) à l’angle d’une rue sans pas­sage, où deux femmes voi­lées de noir sont en train de prier der­rière les grilles.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 09 - Kariye Türbesi

On contourne dans un pre­mier temps l’é­glise par le jar­din qui se trouve à ses pieds et qui offre une jolie vue sur les quar­tiers hauts de la ville. J’entre dans l’é­glise qui est de taille assez réduite, mais qui offre dès les pre­miers ins­tants une vision épous­tou­flante de ce que pou­vait être l’art byzan­tin, l’art d’a­vant la conquête. On dit sou­vent que cette église est le chant du cygne de l’art byzan­tin, avec notam­ment ses deux superbes cou­poles et la scène de l’Anas­ta­sis du Parac­cle­sion, scène qui tient du mys­tère par­fait. L’é­glise est construite sur un plan qu’on n’a pas for­cé­ment l’ha­bi­tude de voir. La par­tie cen­trale, qu’on peut appe­ler église prin­ci­pale et qui est en fait un Naos pro­lon­gé par une abside orien­tée est, est déco­rée très sim­ple­ment de marbres colo­rés et d’une cou­pole nue. Au-des­sus de la porte se trouve une Dor­mi­tion de la Vierge assez étrange puis­qu’on voir au-des­sus de Marie, le Christ tenant un enfant (lui-même ?) dans ses bras, sur­mon­té d’une man­dorle et de la repré­sen­ta­tion byzan­tine du séra­phin. Sur les piliers laté­raux, seule­ment deux mosaïques repré­sen­tant Marie et l’en­fant à droite et Saint-Jean Bap­tiste à gauche. C’est donc une repré­sen­ta­tion de la Déi­sis.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 57 - Kariye Kilisesi

Turquie - jour 5 - Istanbul - 59 - Kariye Kilisesi

Avant d’en­trer dans ce naos, on accède à deux nar­thex. Le pre­mier, l’exo­nar­thex, com­mence l’his­toire sur la par­tie nord avec l’an­nonce à Joseph de la nais­sance du Christ puis raconte au fur et à mesure la vie du Christ jus­qu’à ses miracles et la cou­pole du Christ Pan­to­cra­tor qui est cer­tai­ne­ment la pièce maî­tresse de ce lieu ; le Christ bénis­sant entou­ré de ses ancêtres.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 26 - Kariye Kilisesi

Le nar­thex inté­rieur ou exo­nar­thex s’en­vi­sage en repar­tant du nord où l’on peut voir des scènes plus anciennes dans la chro­no­lo­gie (Annon­cia­tion, la pré­sen­ta­tion au temple, etc.).

Turquie - jour 5 - Istanbul - 40 - Kariye Kilisesi

La visite se ter­mine par le Parac­cle­sion (lit­té­ra­le­ment, église paral­lèle), orien­té est éga­le­ment, dans lequel on trouve la seconde cou­pole inté­res­sante, la Vierge à l’en­fant. Dans le nar­thex on trouve éga­le­ment une vierge à l’en­fant avec les Patriarches sous une cou­pole en mosaïque, mais celle-ci, comme tout le Parac­clé­sion est peint à fresque, ce qui témoigne d’un chan­ge­ment d’é­poque et de tech­nique (du XIII au XIVè siècle).

Turquie - jour 5 - Istanbul - 45 - Kariye Kilisesi

Turquie - jour 5 - Istanbul - 52 - Kariye Kilisesi

Plus on avance, plus on va vers la fin des temps. On arrive au pla­fond du juge­ment der­nier, où l’on peut voir un archange tenant au-des­sus de lui une immense coquille d’es­car­got blanche, sym­bole fort de pure­té et de cycli­ci­té rela­tive à la résurrection.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 67 - Kariye Kilisesi

Enfin, dans l’ab­side, la scène la plus connue ; l’Anas­ta­sis (en grec anas­ta­tis, sta­sis = res­ter, gésir, ne pas bou­ger. Anas­ta­sis = se rele­ver) est une scène poi­gnante, chro­no­lo­gi­que­ment située après le juge­ment der­nier puisque c’est le moment de la Résur­rec­tion (non pas du Christ) à la fin des temps où les morts se relè­ve­ront de leur tombe après la pesée des âmes. Une scène très belle, très dyna­mique où les corps semblent en lévi­ta­tion et qui pré­fi­gure réel­le­ment l’art ita­lien du Quattrocento.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 72 - Kariye Kilisesi

Turquie - jour 5 - Istanbul - 76 - Kariye Kilisesi

Turquie - jour 5 - Istanbul - 73 - Kariye Kilisesi

Au pied du Christ se trouvent tout un tas d’ou­tils bri­sés dont je n’ai pas encore réus­si à com­prendre la signi­fi­ca­tion, mais on peut res­ter des heures devant cette scène sans res­sen­tir la moindre las­si­tude. Voi­là pour­quoi je vou­lais venir me perdre dans ce quar­tier et voir cette église, car accro­chée au flanc de cette col­line se trouve le ves­tige le mieux conser­vé de cette chré­tien­té qui a fait Constan­ti­nople, il ne fal­lait pas que je manque ça.

Après être res­té deux bonnes heures dans l’é­glise, je vais man­ger vite un pide (le pide est l’é­qui­valent turc de la piz­za) sur la ter­rasse du res­tau­rant (Kariye Pembe Köşk Aile çay bah­çe­si, que je ne recom­mande pas pour la fraî­cheur de la nour­ri­ture) qui a bien com­pris que sa situa­tion pri­vi­lé­giée dans le quar­tier lui per­met­tait de gon­fler hon­teu­se­ment ses prix, ce qui n’empêche abso­lu­ment pas les pigeons de chier allè­gre­ment sur les nappes en kilim.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 87 - Tekfursaray Hançerli Panayla Kilisesi

Quand je repars, je tente de trou­ver un lieu que j’ai repé­ré sur le guide et que je n’au­rais cer­tai­ne­ment pas trou­vé tout seul. Après l’angle d’une rue où se trouve une petite mai­son sous une ton­nelle de vigne four­nie de trouve une entrée sur­plom­bée d’un tout petit clo­cher en fer indi­quant que nous sommes devant l’en­trée d’une église… ortho­doxe. Construite à l’é­poque byzan­tine, la toute petite église Tek­fur­sa­rayı Han­çer­li Panay­la Rum Kili­se­si Vakıfı (on trouve dans cette appel­la­tion Tek­fur­sa­rayı, le nom du palais de Constan­tin Por­phy­ro­gé­nète situé non loin de là, et le mot Rum qu’on retrouve un peu par­tout et qui à l’o­ri­gine dési­gnait les Romains, puis par exten­sion les Grecs et qu’on retrouve en arabe sous la forme Rumi ou Rou­mi, mot dési­gnant les non-Arabes, chré­tiens, ou par exten­sion, les hommes blancs…) se cache der­rière une enceinte peinte en jaune. Lorsque je passe la tête par l’en­trée, je trouve deux femmes assises en train de dis­cu­ter sous un porche ombra­gé. L’une d’elle ma fait signe d’en­trer puis d’at­tendre. Elle revient de l’in­té­rieur avec une grosse clef dans une main et une hache dans l’autre, et lors­qu’elle voit mes yeux ronds comme des sou­coupes, elle éclate de rire puis pose la hache à l’en­trée de l’é­glise. Elle ouvre la porte et je découvre là un tré­sor, un pur tré­sor… Une église ortho­doxe avec son ico­no­stase, ses icônes immenses, des chan­de­liers et une odeur de cire et de ren­fer­mé indi­quant que le lieu est très peu uti­li­sé. Elle m’ex­plique dans un gali­ma­tias de turc, de grec, de fran­çais et d’an­glais que je ne peux pas faire de pho­tos et je tente de lui deman­der qui elle est. Elle m’ex­plique qu’il y a deux semaines encore l’é­glise fonc­tion­nait les jours de messes et qu’elle n’est qu’une fidèle ortho­doxe, grecque, mais le prêtre s’est vola­ti­li­sé avec la caisse et n’ayant plus de nou­velles, c’est elle qui tient la bou­tique et elle me dit qu’elle va devoir assu­rer l’en­tre­tien avec les autres fidèles, et comme il n’y a plus de prêtre, il n’y aura plus de messes. L’his­toire est à la fois cocasse et triste, car je peux sen­tir chez cette femme ron­douillarde la tris­tesse de la fin d’une époque. Elle me fait visi­ter et m’in­dique en grec le nom de cha­cun des saints repré­sen­tés sur les icônes ; Saint Patrick, Saint Nico­las (qui est Turc), Saint Élie, Sainte Bar­ba­ra, Saint-Jean…
J’a­vise une icône per­cée d’un trou dans lequel des gens ont dépo­sé des billets, cer­tai­ne­ment pour les offrandes. Je ne fais jamais ça, mais cette fois-ci j’ai dépo­sé un billet de 20TL dans le cercle. Je ne m’at­ten­dais pas à trou­ver ce petit joyau dans les rues bru­lantes du vieil Istan­bul, au milieu des immeubles bas où vivent pour la plu­part des Ana­to­liens dans une rela­tive pau­vre­té. Je res­sors de là ébloui, remer­cie cha­leu­reu­se­ment la vieille dame et nous nous quit­tons en nous pre­nant mutuel­le­ment les mains et en se sou­hai­tant cha­cun dans la langue de l’autre une bonne fortune.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 88 - Draman Caddesi

Je reprends la route pour me diri­ger vers un autre quar­tier, Fener. Ancien quar­tier grec de la ville, la com­mu­nau­té pré­sente avant 1955 a consi­dé­ra­ble­ment dimi­nué pour lais­ser place à des gens pauvres de la cam­pagne ana­to­lienne. C’est aus­si dans ces quar­tiers que se déve­loppe de plus en plus un esprit très com­mu­nau­taire et beau­coup plus tra­di­tio­na­liste qu’ailleurs, notam­ment en ce qui concerne la reli­gion. Les femmes voi­lées sont beau­coup plus pré­sentes qu’ailleurs, les hommes portent la barbe, le saroual et le tar­bouche. Lorsque j’ar­rive au pied d’un autre musée, la Fethiye Camii, je tombe nez à nez avec trois hommes pati­bu­laires en train de faire la sieste à l’en­trée. On me fait payer l’en­trée 5TL. Cette église est en réa­li­té divi­sée en deux par­tie. La pre­mière est celle qui se visite et qui porte le nom de musée, est éga­le­ment connue sous le nom d’é­glise Theo­to­kos Pam­ma­ka­ris­tos (radieuse mère de Dieu) mais n’est en fait que le parac­clé­sion de l’é­glise, sépa­ré de la seconde par­tie par un mur. Le seconde par­tie a été trans­for­mée en mos­quée que je visite juste après. Le bâti­ment date du XIème siècle et fut spé­cia­le­ment divi­sé en deux par­tie pour accueillir d’un côté les musul­mans, de l’autre les chré­tiens, ce qui, si on y réflé­chit est un par­fait signe d’œcuménisme de la part des conqué­rants (en l’oc­cur­rence, le sul­tan Murat III). La par­tie ouest de l’é­glise conserve encore quelques pein­tures à fresques très anciennes, dont une qui repré­sente les Rois Mages. L’ab­side du parac­clé­sion est recou­verte d’une superbe mosaïque dorée repré­sen­tant le Christ en majes­té. La cou­pole est le véri­table chef d’œuvre du lieu avec son Christ Pan­to­cra­tor entou­ré des douze apôtres, une superbe mosaïque éclai­rée par la lumière aveu­glante des fenêtres de la cou­pole. On peut ima­gi­ner l’ef­fet sur les fidèles à l’é­poque de sa construction.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 106 - Fethiye Camii

Turquie - jour 5 - Istanbul - 104 - Fethiye Camii

Je me rends ensuite dans la mos­quée qui, à ma sur­prise, est cli­ma­ti­sée. Un jeune gar­çon est en train de réci­ter dans un micro des sou­rates en arabe en se dan­di­nant sous le regard amu­sé de ses deux cama­rades qui font com­plè­te­ment autre chose. Le son de sa voix enva­hit l’an­cienne église dont la cou­pole a dû être magni­fique en son temps, mais nous ne le sau­rons pas de sitôt. Je le disais tout à l’heure, j’ai l’im­pres­sion que le quar­tier est strict, très reli­gieux, c’est pal­pable dans l’air et je croise des per­sonnes habillées de façon très aus­tère, hommes et femmes, enfants aus­si, et pas un ne semble remar­quer ma pré­sence. Ma tenue, pour une fois, me semble presque indé­cente dans ce quar­tier où l’on ne voit pas un seul bout de chair, alors que je porte un t‑shirt et un ber­mu­da (je confesse que j’ai des chaus­settes dans mes chaus­sures de marche, ce qui doit me don­ner un petit air…allemand…). Une chose me paraît tout de même assez frap­pante : j’ai bien vu quelques tou­ristes à la Kariye Kili­se­si, mais depuis que je suis sor­ti du cir­cuit des lieux les plus connus, je n’ai pas croi­sé un seul visage qui ne soit pas turc. Même à la Fethiye, j’ai eu l’im­pres­sion de déran­ger pen­dant la sieste. Je ne suis pas cer­tain qu’ils voient grand-monde, même au mois d’août…

Turquie - jour 5 - Istanbul - 121 - Fener

Je des­cends le quar­tier de Fener avec ses rues pen­tues et ses mai­sons autre­fois riches. Ici vivaient les riches arma­teurs et com­mer­çants grecs dans une opu­lence tran­quille, à l’é­cart du reste de la ville. Tout est calme ici, je ne croise que quelques âmes, des femmes sur­tout, des Ana­to­liennes avec leur fichu sur la tête. Le quar­tier semble être endor­mi. Sans le faire exprès, j’ar­rive au pied du Lycée Grec (Büyük Okul Fener Rum Lise­si), une grande bâtisse en briques rouges qu’on voit de loin depuis la Corne d’Or. J’ar­rive plus bas vers le bras de mer après être pas­sé par Balat, l’an­cien quar­tier juif. Là aus­si, il n’y a plus autant de Juifs qu’en d’autres temps. La popu­la­tion s’est uni­for­mi­sée et on ne trouve plus guère que des Ana­to­liens. Le quar­tier est très ani­mé, les com­mer­çants sont affables et je pro­fite d’une petite épi­ce­rie pour faire le plein d’eau et me jeter un Sir­ma citron der­rière la cra­vate. Je dois avouer que j’ai beau­coup mar­ché et que je com­mence à avoir mal aux pieds. C’est dom­mage car j’au­rais sou­hai­té pou­voir visi­ter un peu plus les deux quar­tiers, mais je suis fran­che­ment vanné.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 137 - Büyük Okul Fener Rum Lisesi -  Aya Stefanos Bulgar kilisesi

Je rejoins le Balat Parkı, au pied du pont bleu d’Hasköy, celui pré­ci­sé­ment qui empêche les bateaux d’al­ler à Eyüp. Ici s’é­tend une grande pelouse grasse qui vient d’être arro­sée et je m’as­sieds le cul dans l’herbe mouillée, vite rejoint par un cor­niaud qui porte dans sa gueule un pois­son grand comme une dau­rade et qui s’ins­talle juste à côté de moi. Il m’a­boie des­sus, mais après quelques caresses, il vient me léchouiller les doigts avec son haleine pois­son­nière puis s’en­dort à côté de moi, ava­chi sur l’herbe. Un peu plus loin, des poufs sont épar­pillés sur l’herbe devant un bateau qui porte le doux nom de Okya­nus Nar­gile Cafe, où je com­mande un çay au jeune gar­çon qui, j’en suis cer­tain, n’a jamais vu un étran­ger de sa vie. Je m’as­sou­pis à moi­tié au vent léger qui fait un bien fou après cette jour­née dans la four­naise des hauteurs.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 127 - Hasköy köprüsü

Turquie - jour 5 - Istanbul - 128 - Hasköy köprüsü

Je remonte ensuite les quais jus­qu’à Eminönü en pas­sant devant les bar­be­cues qui s’ins­tallent au bord de la route et qui fument au vent. Les gens viennent ici en atten­dant la rup­ture du jeûne et pré­parent leur bar­be­cue de pois­son ou de bro­chettes (şiş) de viande. A quelques endroits, on peut voir les restes de la muraille de Théo­dose dépas­ser entre les mai­sons déla­brées. Il fait une douce cha­leur sur la Corne d’Or.

Turquie - jour 5 - Istanbul - 147 - Haliç

Les quais entre le pont Atatürk et le pont de Gala­ta sont désa­gréables et je réus­sis à me faire accos­ter par un gitan qui pue l’al­cool et qui me demande de l’argent d’une manière assez agressive.

J’ar­rive à Eminönü van­né, où je mange un börek à la viande au Sarıyer Börek­çi­si.

Au pied de la Yeni Camii, j’at­tends le chant du muez­zin qui ne vient pas. Je pose ma camé­ra et j’at­tends. Un petit homme à la barbe blanche me regarde et me salue avec ces mots « Selâmün aleyküm » qui res­semble lar­ge­ment à la for­mule de salut tra­di­tion­nelle. Un peu décon­te­nan­cé, je lui répond en inver­sant les mots mais ça res­semble plus à quelque chose comme « Aleyküm Selâm ». Il sou­rit et voyant cer­tai­ne­ment que je ne suis pas habi­tué, il me donne une petite tape sur l’é­paule en me sou­riant. Dans la vidéo au-des­sus, on voit un homme en polo bleu rayé blanc mon­ter les marches avec ses clefs en main. C’est lui le muez­zin de la mos­quée, que je ver­rai ren­trer par une petite porte au pied du mina­ret. Il se fera même engueu­ler par un type qui devait l’at­tendre de pied ferme parce qu’il avait près de deux minutes de retard.

Cette vidéo est com­po­sée d’ex­traits pris au bord de la Corne d’Or, à l’ar­rêt du tram­way à Eminönü, sur l’hip­po­drome où des tables sont ins­tal­lées pour le rama­dan, puis dans les petites rues aux alen­tours de Kadır­ga Parkı, à la ter­rasse du petit café sur la place et dans le jar­din public.

Cette der­nière vidéo est com­po­sée d’ex­traits de la prière dans le jar­din de la Kariye Kili­se­si, de la prière à l’in­té­rieur de la Yeni Camii (je ne sais pas bien pour­quoi per­sonne ne m’a viré à ce moment-là, alors je suis res­té) et d’un air de musique turque moderne au pied du pont de Gala­ta.

Je retourne à l’hô­tel, il est 23h27 et les voi­sins sont en train de cas­ser du bois sur le trot­toir en buvant du thé. Le chat monte sur la gly­cine et arrive sur le toit. Le mari n’a qu’une jambe, l’autre est dans le cani­veau, le fau­teuil rou­lant plié à côté. En entrant dans l’hô­tel, le récep­tion­niste me pro­pose un thé que je bois avec bon­heur, mais à l’heure qu’il est, j’ai hâte de prendre ma douche et de pré­pa­rer ma valise. Demain, je quitte Istanbul.

Voir les 154 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

Liens concer­nant la Kariye Kili­se­si:

Épi­sode sui­vant : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 1er août) : Istan­bul – Anta­lya – Kum­lu­ca – Demre – Kaş

Read more

Les cou­leurs du ciel — Pein­tures des églises de Paris au XVIIe siècle — Musée Carnavalet

Voi­ci une expo­si­tion qui mérite le détour, Les Cou­leurs du Ciel, si tou­te­fois vous êtes déjà allés voir Raphaël au Louvre (ce qui n’est pas encore mon cas), Cana­let­to et Guar­di (Musée Jac­que­mart-André), et Cana­let­to (Musée Maillol) et que je ne serai pas allé voir si mon atta­ché de presse offi­ciel ne m’a­vait pas fait de grands signes en me disant qu’il ne fal­lait pas man­quer ça. Effec­ti­ve­ment, cette expo­si­tion qui se niche au creux du petit musée Car­na­va­let (je tiens à dire que l’agent de sécu­ri­té est par­ti­cu­liè­re­ment aimable et sou­riant) montre une cen­taine de tableaux expo­sés d’or­di­naire dans des églises et des­sins pré­pa­ra­toires qui pour une fois se retrouvent regrou­pées sous les lumières (par­fois un peu mal ajus­tées sur cer­taines toiles dont le ver­nis est un peu brillant, mais ça passe) d’un musée.

Claude Vignon - L'adoration des mages (1625)

Claude Vignon — L’a­do­ra­tion des mages (1625)
Paris, église de Saint-Gervais-saint-Protais
Pho­to © Coarc

Si l’on peut se mon­trer par­fois un peu cir­cons­pect quant à la réelle beau­té de cer­taines églises pari­siennes datant pré­ci­sé­ment de cette époque et dont l’ar­chi­tec­ture aus­si bien inté­rieure qu’ex­té­rieure est par­fois un peu mas­sive, un peu lourde (je pense notam­ment à Saint-Nico­las du Char­don­net, ou Saint-Roch) on y trouve des petits tré­sors qu’on ne pense pas for­cé­ment à regar­der, le regard était géné­ra­le­ment plus atti­ré par les ors des autels, les colonnes effi­lées, un pla­fond peint à fresque ou des orgues majes­tueuses que par ce qui se cache dans les niches sou­vent obs­cures ou les cha­pelles absidiales.

Charles Poerson - Annonciation (1651-2)

Charles Poer­son — Annon­cia­tion (1651–52)
Paris, Cathé­drale Notre-Dame

Ce que vous avez ici vous récon­ci­lie­ra avec la pein­ture d’é­glise et vous inci­te­ra cer­tai­ne­ment à plus regar­der cette ico­no­gra­phie, for­cé­ment très reli­gieuse, qui sont géné­ra­le­ment des pein­tures pré­vues pour occu­per l’es­pace qui leur est dédié. Les sujets racontent des his­toires de caté­chisme de l’An­cien Tes­ta­ment comme du Nou­veau (j’ai rare­ment vu Abra­ham et Mel­chi­sé­dech autant de fois dans un seul endroit). Les peintres repré­sen­tés ici sont ceux qui pré­ci­sé­ment ont mar­qué une époque de la pein­ture fran­çaise, à une période pré­cise où celle-ci pro­gresse à vive allure, pro­pul­sée par la connais­sance de cer­tains d’entre eux de la pein­ture ita­lienne. On retrou­ve­ra ain­si Charles Le Brun, Noël Coy­pel, Phi­lippe et Jean-Bap­tiste de Cham­paigne, Claude Vignon et bien sûr Simon Vouet, mais bien d’autres aus­si qu’on a un peu moins l’ha­bi­tude de voir et dont les tra­vaux sont tout à fait dignes d’in­té­rêt, comme Charles Poer­son et d’autres.
Par­mi les œuvres qui ont le plus atti­ré mon attention :

  • Claude Vignon, L’a­do­ra­tion des mages (1625). Paris, église de Saint-Gervais-saint-Protais.
  • Simon Vouet, Quatre saints ado­rant le nom de Dieu: Saint Pierre, Saint Jérôme, Saint Mer­ri et Saint Fro­dulphe (1645). Paris, église de Saint-Merri.
  • Nico­las Pous­sin, Saint Denis l’A­réo­pa­gite cou­ron­né par un ange (1620–1621). Paris, église Saint-Germain-l’Auxerrois.
  • Charles Le Brun, La fla­gel­la­tion. Paris, église Saint-Ber­nard-de-la-Cha­pelle. Un tableau ter­rible où l’on voit les yeux du Christ révul­sés de douleur.
  • Charles Poer­son, L’an­non­cia­tion (1651–52). Ancien­ne­ment dans la cathé­drale Notre-Dame, aujourd’­hui au musée des Beaux-Arts d’Arras.

Une expo­si­tion rare et incon­tour­nable qui se pour­suit jus­qu’au 24 février 2013.
Pour en savoir plus, le cata­logue de l’ex­po­si­tion : Sous la direc­tion de Guillaume Kaze­rou­ni, Les cou­leurs du ciel. Pein­tures des églises de Paris au XVIIe siècle, 2012, Paris Musées, 375 p., 49 €.

Read more
Reflets du Danube: car­net de voyage à Buda­pest (jour 3)

Reflets du Danube: car­net de voyage à Buda­pest (jour 3)

Épi­sode pré­cé­dent : Reflets du Danube: car­net de voyage à Buda­pest (jour 2)

Budavari SikloTroi­sième et der­nier jour. C’est le lun­di de Pâques. Je des­cends de ma chambre et vais pro­fi­ter du petit déjeu­ner pour me rem­plir avant de par­tir ; je n’au­rais peut-être pas l’oc­ca­sion de man­ger ce midi si ma prio­ri­té c’est d’at­tra­per l’a­vion. En res­sor­tant du res­tau­rant où je prends un petit déjeu­ner copieux, je me rends compte que je ne suis pas entré du bon côté, les deux jours, puisque par là où je sors, je me trouve face à une per­sonne qui comp­ta­bi­lise les entrées. Déci­dé­ment, je ne m’ha­bi­tue­rai jamais aux hôtels de luxe…
Ce matin, je vais à Buda, je tra­verse à pied les mêmes quar­tiers pour me rendre vers le Danube et reprendre le funi­cu­laire qui m’a­mè­ne­ra sur l’es­pla­nade. Il y a un lieu que je veux voir abso­lu­ment, c’est la très belle église Mat­thias (Mátyás-tem­plom ou Église Notre-Dame-de-l’As­somp­tion de Budavár) sur Szen­thá­rom­ság Tér. (more…)

Read more
La rose et la tulipe, car­net de voyage à Istan­bul 11 : Sainte-Sophie (Aya­so­fya) …

La rose et la tulipe, car­net de voyage à Istan­bul 11 : Sainte-Sophie (Aya­so­fya) …

Epi­sode pré­cé­dent : La rose et la tulipe, car­net de voyage à Istan­bul 10 : Au pied de Sul­tan Ahmet Camii, la majes­tueuse Mos­quée Bleue

Sainte-Sophie est située en plein cœur de la vie stam­bou­liote, et peu importe l’en­droit par lequel on y par­vient, le loi­sir qui est don­né de pou­voir tour­ner autour est un plai­sir pour les yeux qui fait éga­le­ment prendre conscience que nous sommes là en face d’un des plus beaux monu­ments de la Chré­tien­té qui semble nous crier dans sa langue archaïque « Ici tu pénètres en Orient, en terre chré­tienne » ; un témoi­gnage unique de l’his­toire… (more…)

Read more
La rose et la tulipe, car­net de voyage à Istan­bul 3 : le bas Sul­ta­nah­met et Küçük Aya­so­fya Camii (église des saints Serge et Bac­chus, ou petite Sainte-Sophie)

La rose et la tulipe, car­net de voyage à Istan­bul 3 : le bas Sul­ta­nah­met et Küçük Aya­so­fya Camii (église des saints Serge et Bac­chus, ou petite Sainte-Sophie)

La rose et la tulipe

Car­net de voyage à Istan­bul 3 : le bas Sul­ta­nah­met et Küçük Aya­so­fya Camii

(église des saints Serge et Bac­chus, ou petite Sainte-Sophie)

Tant qu’on n’en a pas fait l’ex­pé­rience, on ne sait pas. C’est un peu ce qui guide mes pas quand je suis dans un endroit que je ne connais pas et ça me pose d’au­tant plus ques­tion lorsque cer­tains lieux ne sont pas men­tion­nés sur les cartes, alors que géo­gra­phi­que­ment, on pour­rait pen­ser qu’il doit for­cé­ment y avoir quelque chose à y voir.

Pour reve­nir dans l’histoire, on pour­ra tou­jours retrou­ver trace de l’hippodrome, comme une évo­ca­tion, dans un qua­drige de che­vaux en bronze qui ornait autre­fois le Car­ceres, dans un lieu devant lequel on passe en se deman­dant ce qu’ils font là. Effec­ti­ve­ment, si vous êtes allés à Venise, vous les avez peut-être remar­qués au-des­sus de la porte prin­ci­pale de la Basi­lique Saint-Marc. Ce sont des copies, car la pol­lu­tion les aurait dété­rio­rées, les ori­gi­naux se trou­vant au musée de Saint-Marc. Si vous vous deman­dez pour­quoi ils sont là, c’est sim­ple­ment que les Croi­sés (menés par le Doge Enri­co Dan­do­lo qui est enter­ré quelque part dans Sainte-Sophie) les ont volés en 1204. Si vous vous deman­dez ce que font des che­vaux sur le fron­ton d’une basi­lique, je n’ai pas la réponse.

Le quar­tier que j’ai visi­té se trouve au sud de la Mos­quée Bleue, der­rière le Sphen­do­nè dont je par­lais pré­cé­dem­ment. Évi­dem­ment, il faut à un moment don­né se don­ner les moyens de sor­tir des che­mins tra­cés par les guides tou­ris­tiques. C’est ce que j’ai fait une fois que je suis sor­ti de la Mos­quée Bleue, du côté du grand por­tail à l’opposé de la grande place : on se retrouve pro­je­té dans un autre monde, le bazar Aras­ta. Ce bazar est en réa­li­té une rue bor­dée de com­mer­çants luxueux orga­ni­sés en guildes ven­dant à peu près les mêmes pro­duits qu’au grand bazar, mais avec l’œil atten­tion­né du pigeon­nier. Les prix (non affi­chés) y sont deux à trois fois supé­rieurs et si l’on en croit la répu­ta­tion faite sur les forums, mieux vaut ne pas y ache­ter de tapis. Dif­fi­cile de s’y pro­me­ner en pleine jour­née sans se faire tirer par la manche pour entrer dans les échoppes pro­prettes, où l’arnaque se fait sen­tir à des kilo­mètres sous cou­vert d’un sou­rire bien­veillant. Autant être hon­nête, on s’y sent quand même bien et le lieu ne manque pas de charme. Il faut savoir tout de même que lorsque vous vous pro­me­nez dans ce quar­tier, vous êtes exac­te­ment à l’endroit où se trou­vait le Grand Palais des Empe­reurs de Constan­ti­nople et que vous fou­lez, à quelques mètres au-des­sus, les lieux que tra­ver­saient Constan­tin, Théo­dose ou Justinien…

Der makam‑i Husey­ni Sema’i

by Hes­pe­rion XXI et Jor­di Savall | Can­te­mir Dimi­trie (1673–1723)

En des­cen­dant les petites rues qui se trouvent der­rière, on s’en­fonce dans un autre uni­vers, un dédale de mai­sons sombres et bran­lantes ; on y arrive en pas­sant sous la voie de che­min de fer et en conti­nuant en s’i­ma­gi­nant qu’on fini­ra par tom­ber sur le front de mer, mais on peut mar­cher long­temps sans la voir, si ce n’est au détour d’une façade, entre deux plaques de tôle. Une petite mos­quée (Akbıyık Cami) est enchâs­sée au milieu de ces rues étroites, où les gamins jouent au bal­lon au mépris des voi­tures qui rasent les murs. Un vieux mon­sieur sur le bord du trot­toir nous regarde pas­ser, l’air impas­sible. On joue au tav­la (back­gam­mon) au pied des fon­taines qui depuis long­temps ne donnent plus d’eau et on fume, assis sur de petits tabou­rets en osier tres­sé. La brou­ha­ha de la ville n’ar­rive pas jus­qu’i­ci et si l’on sent que les mai­sons sont plus modestes que près du centre tou­ris­tique, on y palpe un cer­tain art de vivre, une dou­ceur dans laquelle les Stam­bou­liotes semblent se com­plaire. On le com­prend, ce quar­tier a un charme fou, lié à la pré­sence de ces très belles mai­sons en bois de style pure­ment otto­man. Deux ou trois étages dont les supé­rieurs sont géné­ra­le­ment plus éten­dus grâce aux encor­bel­le­ments. Poutres ornées, peintes, fine­ment décou­pées ; on ima­gine à quel point les Turcs aiment que leurs petites mai­sons ait un aspect coquet. Jus­qu’au bout d’Oyun­cu Sokak, au moment où il faut retra­ver­ser le ligne de che­min de fer pour retour­ner dans la cir­cu­la­tion, les mai­sons sont en retrait et au vu des tra­vaux qui fleu­rissent un peu par­tout, on a vrai­ment l’im­pres­sion que la ten­dance est à l’embellissement. Je croise un homme aux che­veux blancs qui dis­tri­bue de la viande aux chats qui s’ag­glu­tinent autour de ses jambes, sans se sou­cier de ce qui se passe autour, puis je le croise à nou­veau dans l’autre sens, une fois arri­vé au bout de l’im­passe. Il parle aux chats, dans une langue que je connais bien : il est Fran­çais.
Le quar­tier est infes­té de chats, mais c’est plu­tôt bon signe. J’ai vu des rats tra­ver­ser les rues, furi­bards, cer­tai­ne­ment délo­gés de leur cache par des chats sur­ex­ci­tés. L’un deux, accu­lé contre une clô­ture sem­blait deman­der par­don à son bour­reau ; l’his­toire ne dit pas com­ment tout ça s’est terminé.

Dans une socié­té otto­mane qui a créé les « bains turcs », on ne s’é­ton­ne­ra pas de trou­ver des fon­taines par­tout. J’au­rais l’oc­ca­sion d’y reve­nir, mais vous ne ferez pas un pas dans une rue sans tom­ber sur un fon­taine, que ce soit un sabil, un şar­di­van ou une fon­taine de rue, l’eau est par­tout pré­sente ici et joue un véri­table rôle social ; il n’est pas rare de voir des femmes dis­cu­ter au pied de ces fon­taines. Beau­coup sont en marbre et cer­taines sont mani­fes­te­ment fabri­quées en rem­ploi d’autres maté­riaux. Je tombe en arrêt devant l’une d’elle qui m’intrigue ; les pan­neaux laté­raux pré­sentent des coupes de fruits pen­chées à 90°, du coup je me demande d’où peuvent pro­ve­nir ces plaques, de quel bâti­ment, de quel monu­ment. Il ne faut pas oublier non plus qu’Is­tan­bul est sur­nom­mée la ville des citernes. Dès sa fon­da­tion, pré­oc­cu­pée par le pro­blème de l’ab­duc­tion d’eau potable, Byzance se dote­ra d’un sys­tème com­plexe de citernes ali­men­tées par un aque­duc d’une ving­taine de kilo­mètres, pre­nant source dans la forêt de Bel­grad. Lorsque les Otto­mans prirent le contrôle de la ville, ils ne savaient pas que le sous-sol était lar­dé de ces cuves immenses et réin­ven­tèrent un sys­tème d’ab­duc­tion d’eau cou­rante d’é­tat, tou­jours en vigueur.

Tan­dis que je me rends compte que la mos­quée que je voyais depuis le bout de l’A­ras­ta Bazar était bien la petite Saint-Sophie, je com­prends que j’ai fait un immense détour. Tant pis, j’ai vu d’autres uni­vers, d’autres lieux, rafrai­chis par l’air de Mar­ma­ra. La petite Sainte-Sophie se trouve aujourd’­hui entou­rée d’un ilot de ver­dure, à quelques enca­blures de la mer alors qu’au­tre­fois elle se trou­vait qua­si­ment les pieds dans l’eau. Les rem­blais ont per­mis notam­ment de construire la voix de che­min de fer et l’a­ve­nue Ken­ne­dy qui enceint tout le sud de la pénin­sule et remonte jus­qu’à la gare de Sir­ke­ci. On peut aujourd’­hui voir (et sur­tout entendre) le train fri­ser les murs de l’an­tique église.

Cette curieuse petite église a por­té des noms dif­fé­rents. Ori­gi­nel­le­ment construite par Jus­ti­nien à la suite d’un rêve où lui appa­rurent les saints Serge et Bac­chus, elle est tout à fait contem­po­raine de Sainte-Sophie (527). Elle por­ta donc ori­gi­nel­le­ment le noms de deux saints, puis le sur­nom de petite Sainte-Sophie, en rai­son de sa forte res­sem­blance archi­tec­tu­rale, notam­ment à cause de ce très joli dôme sur pen­den­tifs sup­por­té par huit por­tions. Suite à la conquête otto­mane, elle a pris les atours d’une mos­quée et fut rebap­ti­sée en turc Küçuk Aya­so­fya Camıı, soit mos­quée petite Sainte-Sophie. A l’in­té­rieur, tout est beau­té et sim­pli­ci­té musul­mane ; les cha­pi­teaux des colonnes colo­rées ont été conser­vés, ain­si que toutes les gra­vures des lin­teaux, pré­sen­tant un texte en grec. La den­telle que repré­sente la pierre conserve encore des traces de poly­chro­mie. Sous le badi­geon blanc et propre recou­vrant le lieu, on essaie­ra d’i­ma­gi­ner un décor de mosaïques dorées repo­sant pai­si­ble­ment dans l’at­tente qu’on vienne le délivrer.

Le lieu est un véri­table havre de paix, encer­clé par les bâti­ments bas de la madra­sa au milieu duquel trône un şar­di­van. On y entend les oiseaux chan­ter et on peut s’as­seoir sur les marches de l’en­trée le temps de se lais­ser entê­ter par l’o­deur du tabac à Nar­gile pro­ve­nant de sous les arcades.

Album Pho­to

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 165 - Küçük Ayasofya Caddesi

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 173 - Quartier sud de Sultanahmet

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 178 - Quartier sud de Sultanahmet

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 179 - Quartier sud de Sultanahmet

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 179 - Quartier sud de Sultanahmet - Oyuncu Sokak

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 182 - Quartier sud de Sultanahmet - Oyuncu Sokak

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 183 - Quartier sud de Sultanahmet - Oyuncu Sokak

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 184 - Quartier sud de Sultanahmet - Oyuncu Sokak

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 186 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 188 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 189 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 190 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 192 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 194 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 196 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 198 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 200 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Istanbul - avril 2012 - jour 2 - 202 - Küçük Ayasofya Camii (petite Sainte-Sophie)

Read more