Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 31 juillet) : Kariye Kili­se­si, Balat, Fener…

Bul­le­tin météo de la jour­née (mer­cre­di) :

  • Istan­bul : 10h00 : 30.4°C / humi­di­té : 47% / vent 20 km/h
  • Anta­lya : 14h00 : 38.5°C / humi­di­té : 65% / vent 17 km/h
  • Anta­lya : 22h00 : 43.0°C / humi­di­té : 75% / vent 7 km/h

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 02 - Cinci Meydanı Sokak

Avant de prendre mon petit déjeu­ner, je sors dans les rues sans soleil pour me rendre à la petite Sainte-Sophie dans l’es­poir d’at­tra­per la deuxième prière du muez­zin, mais à ma grande sur­prise elle est fer­mée et n’ouvre qu’à 8h00. Du coup, je vais faire un tour sur les quais pour regar­der la Mer de Mar­ma­ra au petit matin, voir les bateaux sta­tion­nés en face de la ville, en attente d’on ne sait quoi…

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 03 - Kennedy Caddesi

Je quitte Istan­bul ce matin. Ma valise est prête et étran­ge­ment j’ai le cœur ser­ré de par­tir d’i­ci une nou­velle fois. Mon saut dans l’in­con­nu com­mence aujourd’­hui puisque je pars en Asie et que je ne sais abso­lu­ment pas ce que je vais y trou­ver ; je com­mence à me sen­tir un peu angois­sé. Comme pour me ras­su­rer, je com­mence à ras­sem­bler les notes que j’ai prises pen­dant ces cinq jours tout en pre­nant mon petit déjeuner.

Verre à thé turcVoi­ci ce que j’ai noté :

  • Les hommes, les jeunes sur­tout s’embrassent en se pre­nant la main et en se don­nant un coup de front, d’un côté, puis de l’autre, comme deux per­sonnes qui se font la bise, mais avec la tête.
  • Au moins d’a­vril les femmes por­taient de longs man­teaux qui leur arrivent aux pieds. Août, elles les portent encore alors que les tem­pé­ra­tures sont sim­ple­ment indécentes.
  • Les com­mer­çants passent leur temps à jeter de l’eau les trot­toirs devant chez eux. Au début je pen­sais que c’é­tait pour net­toyer mais je me demande si ce n’est pas pour rafraî­chir l’atmosphère.
  • Les chats ne sont jamais mal­trai­tés, par­tout on leur donne de l’eau et des cro­quettes, par­fois de la viande fraîche ou des sau­cisses de mou­ton. On ne les chasse jamais et on ne voit ni rats, ni sou­ris dans les rues où par­fois pour­tant les ordures jonchent les trot­toirs. Les chats mangent même les scarabées.
  • Je me suis ren­du compte que la forme des verres à thé était en fait la forme de la tulipe, fleur sym­bole de l’empire otto­man de Süleyman.
  • Tous les matins, un type vend du tabac en vrac juste à la sor­tie de l’hô­tel à même la selle de son scoo­ter pour­ri. Il me tend le poing pour qu’on se salue. Check.

J’ar­rive à l’aé­ro­port Atatürk au ter­mi­nal des vols domes­tiques après que le chauf­feur du taxi m’ait deman­dé où j’al­lais. Au début je me suis dit que je ne voyais pas en quoi ça le regar­dait et j’ai failli lui dire Sin­ga­pore, mais j’ai bien fait de lui répondre Anta­lya parce que du coup il m’a dépo­sé au bon ter­mi­nal. J’i­ma­gine ma tronche s’il m’a­vait dépo­sé au ter­mi­nal d’où ne partent que des vols inter­na­tio­naux. Le temps est cou­vert, ven­teux et lourd. La cha­leur n’est plus aus­si forte. Ou alors c’est moi qui sup­porte mieux. Je ne sais pas. L’aé­ro­port est tout petit avec un grand hall, moins spa­cieux, les gens y sont très gentils.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 04 - Atatürk Havalimanı

Vol OHY220 sur Air­bus A320 avec la com­pa­gnie low-cost Onur Air, je suis le seul Fran­çais à bord. Que des Turcs, pas d’é­tran­gers. On m’a­vait pour­tant dit que le coin était très fré­quen­té… Je regarde les tam­pons sur mon pas­se­port. Le rouge est celui qui cor­res­pond à l’en­trée (giriş), le bleu à la sor­tie (çıkış). Pour l’ins­tant, j’ai deux rouges et un bleu.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 08 - Atatürk Havalimanı

En sor­tant de l’a­vion, j’ai attra­pé une grosse suée en arri­vant dans le boyau menant au hall. A la sor­tie de l’aé­ro­port, le type de la loca­tion de voi­ture n’est pas là ; il arrive avec un quart d’heure de retard car cet imbé­cile m’at­ten­dait à la porte des départs (je dis «imbé­cile» car comme je le lui ai fait remar­qué, il était nor­mal que je sorte au niveau des arri­vées et non des départs… vu que j’ar­ri­vais… enfin bref… sinon après il s’est mon­tré tout à fait char­mant). Il m’ex­plique com­ment faire pour reve­nir, les prin­ci­paux points à rete­nir pour retrou­ver l’aé­ro­port (Hava­li­manı, le mot à rete­nir, aéro­port en turc, c’est le mini­mum). La clim tourne à fond dans la voi­ture et il m’emmène jus­qu’à la sta­tion essence où se trouve l’a­gence de loca­tion et où nous réglons les détails (paie­ment, assu­rance, etc.). Il me demande à quel endroit je veux lui rendre la voi­ture et je ne sais pas pour­quoi mais je lui dis à l’aé­ro­port. C’est là qu’on voit que je suis inca­pable d’a­voir une vision à moyen terme car en fai­sant ça, je me tire une balle dans le pied (je dirai pour­quoi quand il sera temps de par­ler du retour). Avant de mon­ter dans la voi­ture, une Renault Sym­bol qui me laisse scep­tique (la Sym­bol est en réa­li­té une Dacia Logan réser­vée au mar­ché des pays émer­gents), j’en fais le tour et je regarde autour de moi. La sta­tion se trouve au milieu de nulle part, quelques grandes mai­sons se trouvent sur le bord de la route, dans une sorte de désert où l’on ne voit que quelques tours d’ha­bi­ta­tion au loin, per­dues dans une éten­due rocailleuse. Je fais le plein d’es­sence sur place (ils sont pas fous quand-même) et j’ap­prends très vite que ce n’est pas la peine de se ser­vir tout seul et sur­tout qu’il faut don­ner un pour­boire au mon­sieur qui met de l’essence.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 10 - Antalya

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 11 - Antalya

Je file vers l’Oto­gar (gare rou­tière) pour prendre mon ticket pour le car. C’est un vaste hall dans lequel sont ali­gnées les com­pa­gnies de car qui sillonnent le pays ; je vais au stand de Metro­Tu­rizm prendre un ticket pour un tra­jet Anta­lya-Nevşe­hir que je n’ai pas réus­si à ache­ter sur Inter­net avant de par­tir. L’O­to­gar se trouve à l’ouest de la ville et je suis juste à côté de la route qui file sur Kaş. La mon­tagne com­mence juste à la sor­tie de la ville avec de gros mame­lons coniques qui se jettent dans la mer. De grands immeubles bordent la route sur le front de mer ; vision béton­née à laquelle il fau­dra que je m’ha­bi­tue tout au long des nom­breux kilo­mètres que j’a­va­le­rai pour rejoindre Kaş. Sur le papier, Antalya/Kaş c’est 200 kilo­mètres, 3h30 de route… sur le papier. Sans les pauses pipi, sans les autres pauses (repas, pho­to, etc.). Donc 5h00.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 16 - Antalya

La route est très mon­ta­gneuse, on y entend les cri­quets et je monte assez haut très vite sur­tout vers Olym­pos. Je fais une pause pipi sur un col où il y a un peu de vent. J’ai fait tour­ner la clim tout le temps et la dif­fé­rence de tem­pé­ra­ture entre l’in­té­rieur et l’ex­té­rieur va du simple au double. J’ap­prends à conduire à la turque à mes dépens. La route n’a que deux voies et une bande d’ar­rêt d’ur­gence de chaque côté. C’est ce que je croyais avant de me faire klaxon­ner comme une merde par un Tra­fic qui vou­lait me dépas­ser dans une côté tan­dis que je res­pec­tais les limi­ta­tions de vitesse. Alors pre­miè­re­ment, j’ai appris que les limi­ta­tions de vitesse n’a­vaient aucune impor­tance, et deuxiè­me­ment, que la bande d’ar­rêt d’ur­gence était en fait une ligne qui ser­vait à se rabattre pour lais­ser pas­ser ceux qui vont plus vite que vous… Bon ben voi­là, c’est bon, je le sais main­te­nant. Il suf­fit de se renseigner.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 17 - Antalya

On dirait quelque chose comme les Alpes par­fois, mais au bord de la mer. Je tra­verse des villes au nom que je m’en­traîne à pro­non­cer ; Göyrük, Kemer, Çamyu­va, Ulupı­nar, Kum­lu­ca (koum-lou-dja).

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 27 - Kumluca

Kum­lu­ca. Cette ville est très étrange. Quand on y entre en venant d’An­ta­lya, elle semble gaie, colo­rée, avec ses rues pleines de pal­miers, ses longues ave­nues droites sépa­rées par un terre-plein. Au retour, j’au­rai une autre vision de la ville en pas­sant par un autre chemin.

Route Antalya-Kas

Loca­li­sa­tion sur Google Maps

Le front de mer jus­qu’à Finike est lar­dé d’im­meubles car­rés et colo­rés, construits sur une mince bande der­rière laquelle on ne trouve plus rien d’autre que les marais ou une végé­ta­tion rare au milieu de la pier­raille. Beau­coup de ces immeubles sont aban­don­nés ou gran­de­ment défrai­chis. Beau­coup n’ont même jamais été ter­mi­nés. La route par­court ensuite la cor­niche et donne à voir des rochers affleu­rant à une dizaine de mètres du bord, la lumière tami­sée par la brume rasant l’eau s’en­gouf­frant dans les ravines.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 29 - Demre Finike Yolu

J’ar­rive sur Demre, ville impor­tante du bord de mer située dans une cuvette plate encais­sée entre les mon­tagnes. C’est une ville laide, défi­gu­rée par les serres qui s’é­tendent à perte de vue. Plus loin, le pay­sage est rocailleux, sec et il aura cer­tai­ne­ment fal­lu déga­ger pas mal de pierres pour culti­ver ces terres qui semblent pous­sié­reuses et incultes. Beau­coup de chênes verts et d’o­li­viers, on voit fré­quem­ment des chèvres tra­ver­ser la route et pour la pre­mière fois je vois une tombe lycienne iso­lée au détour d’un virage.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 30 - Demre

J’ar­rive à Kaş sur les coups de 19h00, érein­té par une route pas facile. La pre­mière chose qui me frappe ce sont des toits sur les­quels se trouvent des citernes en formes de bidons de pétrole cou­chés. C’est une petite ville por­tuaire où le muez­zin chante mon arri­vée et sur­tout où je n’ar­rive pas à trou­ver l’hô­tel après avoir tour­né pen­dant une heure (alors quand on connaît Kaş et sachant que j’ai tour­né une heure, vous com­pren­drez que je suis pas­sé plu­sieurs fois devant les mêmes lieux). Je finis par tom­ber sur un res­tau­ra­teur qui me dit que l’hô­tel se trouve en dehors de la ville, der­rière la mari­na. Après avoir rou­lé trois ou quatre kilo­mètres sur la route de Kal­kan, je com­mence à m’in­quié­ter de ne rien trou­ver et je tombe fina­le­ment sur l’hô­tel. Pre­mière décep­tion, je pen­sais que la plage pri­vée était tout de suite au pied de l’hô­tel, c’est en tout cas ce que lais­sait pen­ser les pho­tos. En soi ce n’est pas vrai­ment faux, sauf que la route s’in­ter­pose entre les deux. Une route très pas­sante. Le type de la récep­tion ne parle pas un mot d’an­glais et j’ai le plus grand mal à me faire com­prendre avant que n’ar­rive le patron qui se pré­sente en me disant qu’il s’ap­pelle Mah­mut. Je lui dit mon pré­nom et le pauvre tente de le répé­ter quatre ou cinq fois, sans suc­cès. Il faut que j’a­voue que le cou­rant a du mal à pas­ser entre nous.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 32 - Kaş

Avant d’al­ler en ville pour prendre mon dîner, je pique une tête dans la pis­cine pour me rafrai­chir et me détendre un peu, je regarde le soir tom­ber sur la mer et la baie qui se trouve juste en face. J’ai connu des vues moins agréables.

Turquie - jour 6 - D'Istanbul à Kas - 33 - Kaş

Le centre ville de Kaş est en réa­li­té sépa­ré en deux quar­tiers bien dis­tincts. Le pre­mier, à droite du port quand on arrive est plu­tôt ancien, tra­di­tion­nel, c’est ici que vivent les vieux et que l’on trouve de petites bou­tiques agréables, un coif­feur, un kebap, une phar­ma­cie, etc. L’autre par­tie de la ville est occu­pée par des gens qui ne sont pas d’i­ci. Des Anglais et des Fran­çais. C’est bruyant et vul­gaire, ça ne donne pas envie de s’at­tar­der. Pour­tant les mai­sons à bal­con ont beau­coup de charme et une tombe lycienne occupe le haut d’une rue très com­mer­çante qui révèle son audace une fois que les bou­tiques ont fer­mé et que les rues se vident. Un peu plus bas, on entend ces braillards d’An­glais pleins de bière gueu­ler comme des porcs aux ter­rasses des res­tau­rants où je ne met­trai pas les pieds.

Je suis ici en terre lycienne, la Lycie étant une région his­to­rique de Tur­quie. Lorsque le type de l’hô­tel à Istan­bul m’a deman­dé où j’al­lais à pré­sent, je lui ai répon­du « Lykia » et il m’a regar­dé avec des yeux ronds comme des billes, ne voyant pas de quoi je par­lais. Quand je lui ai dit « Kaş », il a répon­du « Ah !! Kaş, Anta­lya !! » de la même manière que les éta­su­niens disent « Den­ver, Colo­ra­do ». Plu­sieurs fois j’ai par­lé de la Lycie en Tur­quie et je me suis dit qu’il n’y avait appa­rem­ment qu’en Lycie qu’on savait où était la Lycie. C’est une terre ancienne qui a vu fleu­rir une civi­li­sa­tion dis­pa­rue et que les pre­miers repré­sen­tants ont occu­pé entre 3000 et 1500 av. J.-C. Le choix de la région a été lar­ge­ment influen­cé par la pré­sence de ce peuple qui a lais­sé der­rière elle des nécro­poles entières de tombes caré­nées dont cer­taines sont immer­gées. Ce qui me marque le plus dès le pre­mier soir, c’est cette cha­leur étouf­fante qui mal­gré la proxi­mi­té de la mer n’ar­rive pas à se dis­si­per le soir venu. L’hu­mi­di­té est telle que la tem­pé­ra­ture reste par­fai­te­ment insupportable.

Je trouve une petite table dans un res­tau­rant bruyant en ter­rasse et j’en­gouffre des mezze frais avec une bière qui tourne vite la tête. Il est temps que j’aille me cou­cher dans la chambre simple à la lite­rie dure où je suis obli­gé de faire tour­ner le cli­ma­ti­sa­tion à fond — et que j’ai un mal fou à faire fonctionner.

Voir les 33 pho­tos de cette jour­née sur Fli­ckr.

Épi­sode sui­vant : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 2 août) : Kaş intime

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