Derniers kilomètres sur la route qui mène à la Cappadoce. Je viens de dépasser Aksaray (Saray : palais ; Ak : blanc) et je me dis que je n’ai finalement qu’une très vague idée de ce que je vais pouvoir découvrir ici. L’arrivée d’internet a ceci de confortable qu’on peut commencer à voyager avant même de partir, mais je dois confesser que je ne suis pas du tout dans cette optique. Je n’ai que quelques images floues de ce qu’est la Cappadoce, des images que je ne tente pas de faire durcir plus que ça, tant j’ai envie de me laisser surprendre par l’écart entre le fantasme et la réalité. Je ne fantasme qu’avec ce que j’en ai lu sur le Guide Bleu, mon compagnon de route et une fois encore, ce que donne à voir ou à imaginer ces guides ne sont qu’une vision très fragmentaire et très éloignée des émotions qui peuvent nous assaillir sur le terrain. J’avoue être angoissé, de la même manière que j’étais angoissé lorsque je suis arrivé à Antalya, pétri de doutes, apeuré par l’inconnu qui s’ouvre devant moi, sur la réserve lorsque je ne suis plus en terrain connu, prêt à me laisser violenter par ce qui m’attend. (more…)
Il fait tellement chaud que je pense pouvoir compter sur les mosquées ou les églises pour me rafraichir un peu, mais en pure perte. Je finis quand même après quatre jours à ne plus ressentir la chaleur comme une fatalité et j’ai l’impression que mon corps ne transpire plus autant. C’est étrange à dire, mais j’ai l’impression d’avoir passé mon temps à suer du matin au soir pendant ces quelques jours. Les choses vont mieux à présent, et c’est vraiment comme si mon métabolisme s’adaptait doucement. Ce matin, je file encore vers Eminönü pour prendre le bus. Je verrai bien sur place comment faire et par chance, en regardant les plans de bus de la gare routière, un type me tape sur l’épaule et me dit « Kariye Museum ? this bus » et il me fait monter dans le E38 qui va jusqu’à Edirnekapı, une des portes de la ville située près des remparts. Par bonheur, le bus est climatisé, ce qui surprend un peu quand on voit que ce sont quand même de grosses machines qui crachent leur diesel dans des nuages de fumées noires. On s’imagine facilement que ce sont des fours roulants mais pas du tout.
Lorsque le bus s’arrête, le chauffeur klaxonne pour prévenir qu’il est là (comme à peu près tout ce qui roule à Istanbul) et parler d’un arrêt est peut-être exagéré. On dirait plutôt que, jeune ou vieux, il faut attraper le bus en marche, et donc pour en descendre, c’est à peu près le même tarif. Le chauffeur, sans chaleur excessive mais très serviable me fait signe lorsqu’il est temps pour moi de descendre, ce qui m’arrange plutôt étant donné que je voyais bien les arrêts défiler sur le tableau de contrôle, mais je n’avais aucune idée du nom de l’arrêt qu’il fallait que je prenne. C’est Edirnekapı, tout simplement.
L’église est très bien indiquée, des panneaux indiquent à ma grande surprise le chemin au travers des petites rues qui descendent le long de la colline pour arriver au pied de ce qui fut autrefois l’église Saint-Sauveur-in-Chora. Cette église byzantine se trouvait à l’époque de sa construction en dehors de la ville, dans les champs (en grec, le mot chora désigne ce qui fait partie de la ville mais n’est pas en son centre même) En turc, l’église peut prendre trois appellations différentes :
Kariye Kilisesi (église de Chora)
Kariye Camii (mosquée de Chora)
Kariye Müzesi (musée de Chora)
A l’époque de la conquête, l’intérieur de l’église fut recouvert d’un badigeon léger qui au lieu d’endommager les mosaïques, les protégèrent de la lumière pendant des années, jusqu’à ce qu’elle fut réhabilitée en musée. Pour cela, je préfère parler d’église plutôt que de musée puisque c’est sa vocation première. On arrive à l’église en passant par une petite place ombragée sous les marronniers, sur la gauche, là où se trouve un türbe (tombe) à l’angle d’une rue sans passage, où deux femmes voilées de noir sont en train de prier derrière les grilles.
On contourne dans un premier temps l’église par le jardin qui se trouve à ses pieds et qui offre une jolie vue sur les quartiers hauts de la ville. J’entre dans l’église qui est de taille assez réduite, mais qui offre dès les premiers instants une vision époustouflante de ce que pouvait être l’art byzantin, l’art d’avant la conquête. On dit souvent que cette église est le chant du cygne de l’art byzantin, avec notamment ses deux superbes coupoles et la scène de l’Anastasis du Paracclesion, scène qui tient du mystère parfait. L’église est construite sur un plan qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir. La partie centrale, qu’on peut appeler église principale et qui est en fait un Naos prolongé par une abside orientée est, est décorée très simplement de marbres colorés et d’une coupole nue. Au-dessus de la porte se trouve une Dormition de la Vierge assez étrange puisqu’on voir au-dessus de Marie, le Christ tenant un enfant (lui-même ?) dans ses bras, surmonté d’une mandorle et de la représentation byzantine du séraphin. Sur les piliers latéraux, seulement deux mosaïques représentant Marie et l’enfant à droite et Saint-Jean Baptiste à gauche. C’est donc une représentation de la Déisis.
Avant d’entrer dans ce naos, on accède à deux narthex. Le premier, l’exonarthex, commence l’histoire sur la partie nord avec l’annonce à Joseph de la naissance du Christ puis raconte au fur et à mesure la vie du Christ jusqu’à ses miracles et la coupole du Christ Pantocrator qui est certainement la pièce maîtresse de ce lieu ; le Christ bénissant entouré de ses ancêtres.
Le narthex intérieur ou exonarthex s’envisage en repartant du nord où l’on peut voir des scènes plus anciennes dans la chronologie (Annonciation, la présentation au temple, etc.).
La visite se termine par le Paracclesion (littéralement, église parallèle), orienté est également, dans lequel on trouve la seconde coupole intéressante, la Vierge à l’enfant. Dans le narthex on trouve également une vierge à l’enfant avec les Patriarches sous une coupole en mosaïque, mais celle-ci, comme tout le Paracclésion est peint à fresque, ce qui témoigne d’un changement d’époque et de technique (du XIII au XIVè siècle).
Plus on avance, plus on va vers la fin des temps. On arrive au plafond du jugement dernier, où l’on peut voir un archange tenant au-dessus de lui une immense coquille d’escargot blanche, symbole fort de pureté et de cyclicité relative à la résurrection.
Enfin, dans l’abside, la scène la plus connue ; l’Anastasis (en grec anastatis, stasis = rester, gésir, ne pas bouger. Anastasis = se relever) est une scène poignante, chronologiquement située après le jugement dernier puisque c’est le moment de la Résurrection (non pas du Christ) à la fin des temps où les morts se relèveront de leur tombe après la pesée des âmes. Une scène très belle, très dynamique où les corps semblent en lévitation et qui préfigure réellement l’art italien du Quattrocento.
Au pied du Christ se trouvent tout un tas d’outils brisés dont je n’ai pas encore réussi à comprendre la signification, mais on peut rester des heures devant cette scène sans ressentir la moindre lassitude. Voilà pourquoi je voulais venir me perdre dans ce quartier et voir cette église, car accrochée au flanc de cette colline se trouve le vestige le mieux conservé de cette chrétienté qui a fait Constantinople, il ne fallait pas que je manque ça.
Après être resté deux bonnes heures dans l’église, je vais manger vite un pide (le pide est l’équivalent turc de la pizza) sur la terrasse du restaurant (Kariye Pembe Köşk Aile çay bahçesi, que je ne recommande pas pour la fraîcheur de la nourriture) qui a bien compris que sa situation privilégiée dans le quartier lui permettait de gonfler honteusement ses prix, ce qui n’empêche absolument pas les pigeons de chier allègrement sur les nappes en kilim.
Quand je repars, je tente de trouver un lieu que j’ai repéré sur le guide et que je n’aurais certainement pas trouvé tout seul. Après l’angle d’une rue où se trouve une petite maison sous une tonnelle de vigne fournie de trouve une entrée surplombée d’un tout petit clocher en fer indiquant que nous sommes devant l’entrée d’une église… orthodoxe. Construite à l’époque byzantine, la toute petite église Tekfursarayı Hançerli Panayla Rum Kilisesi Vakıfı (on trouve dans cette appellation Tekfursarayı, le nom du palais de Constantin Porphyrogénète situé non loin de là, et le mot Rum qu’on retrouve un peu partout et qui à l’origine désignait les Romains, puis par extension les Grecs et qu’on retrouve en arabe sous la forme Rumi ou Roumi, mot désignant les non-Arabes, chrétiens, ou par extension, les hommes blancs…) se cache derrière une enceinte peinte en jaune. Lorsque je passe la tête par l’entrée, je trouve deux femmes assises en train de discuter sous un porche ombragé. L’une d’elle ma fait signe d’entrer puis d’attendre. Elle revient de l’intérieur avec une grosse clef dans une main et une hache dans l’autre, et lorsqu’elle voit mes yeux ronds comme des soucoupes, elle éclate de rire puis pose la hache à l’entrée de l’église. Elle ouvre la porte et je découvre là un trésor, un pur trésor… Une église orthodoxe avec son iconostase, ses icônes immenses, des chandeliers et une odeur de cire et de renfermé indiquant que le lieu est très peu utilisé. Elle m’explique dans un galimatias de turc, de grec, de français et d’anglais que je ne peux pas faire de photos et je tente de lui demander qui elle est. Elle m’explique qu’il y a deux semaines encore l’église fonctionnait les jours de messes et qu’elle n’est qu’une fidèle orthodoxe, grecque, mais le prêtre s’est volatilisé avec la caisse et n’ayant plus de nouvelles, c’est elle qui tient la boutique et elle me dit qu’elle va devoir assurer l’entretien avec les autres fidèles, et comme il n’y a plus de prêtre, il n’y aura plus de messes. L’histoire est à la fois cocasse et triste, car je peux sentir chez cette femme rondouillarde la tristesse de la fin d’une époque. Elle me fait visiter et m’indique en grec le nom de chacun des saints représentés sur les icônes ; Saint Patrick, Saint Nicolas (qui est Turc), Saint Élie, Sainte Barbara, Saint-Jean…
J’avise une icône percée d’un trou dans lequel des gens ont déposé des billets, certainement pour les offrandes. Je ne fais jamais ça, mais cette fois-ci j’ai déposé un billet de 20TL dans le cercle. Je ne m’attendais pas à trouver ce petit joyau dans les rues brulantes du vieil Istanbul, au milieu des immeubles bas où vivent pour la plupart des Anatoliens dans une relative pauvreté. Je ressors de là ébloui, remercie chaleureusement la vieille dame et nous nous quittons en nous prenant mutuellement les mains et en se souhaitant chacun dans la langue de l’autre une bonne fortune.
Je reprends la route pour me diriger vers un autre quartier, Fener. Ancien quartier grec de la ville, la communauté présente avant 1955 a considérablement diminué pour laisser place à des gens pauvres de la campagne anatolienne. C’est aussi dans ces quartiers que se développe de plus en plus un esprit très communautaire et beaucoup plus traditionaliste qu’ailleurs, notamment en ce qui concerne la religion. Les femmes voilées sont beaucoup plus présentes qu’ailleurs, les hommes portent la barbe, le saroual et le tarbouche. Lorsque j’arrive au pied d’un autre musée, la Fethiye Camii, je tombe nez à nez avec trois hommes patibulaires en train de faire la sieste à l’entrée. On me fait payer l’entrée 5TL. Cette église est en réalité divisée en deux partie. La première est celle qui se visite et qui porte le nom de musée, est également connue sous le nom d’église Theotokos Pammakaristos (radieuse mère de Dieu) mais n’est en fait que le paracclésion de l’église, séparé de la seconde partie par un mur. Le seconde partie a été transformée en mosquée que je visite juste après. Le bâtiment date du XIème siècle et fut spécialement divisé en deux partie pour accueillir d’un côté les musulmans, de l’autre les chrétiens, ce qui, si on y réfléchit est un parfait signe d’œcuménisme de la part des conquérants (en l’occurrence, le sultan Murat III). La partie ouest de l’église conserve encore quelques peintures à fresques très anciennes, dont une qui représente les Rois Mages. L’abside du paracclésion est recouverte d’une superbe mosaïque dorée représentant le Christ en majesté. La coupole est le véritable chef d’œuvre du lieu avec son Christ Pantocrator entouré des douze apôtres, une superbe mosaïque éclairée par la lumière aveuglante des fenêtres de la coupole. On peut imaginer l’effet sur les fidèles à l’époque de sa construction.
Je me rends ensuite dans la mosquée qui, à ma surprise, est climatisée. Un jeune garçon est en train de réciter dans un micro des sourates en arabe en se dandinant sous le regard amusé de ses deux camarades qui font complètement autre chose. Le son de sa voix envahit l’ancienne église dont la coupole a dû être magnifique en son temps, mais nous ne le saurons pas de sitôt. Je le disais tout à l’heure, j’ai l’impression que le quartier est strict, très religieux, c’est palpable dans l’air et je croise des personnes habillées de façon très austère, hommes et femmes, enfants aussi, et pas un ne semble remarquer ma présence. Ma tenue, pour une fois, me semble presque indécente dans ce quartier où l’on ne voit pas un seul bout de chair, alors que je porte un t‑shirt et un bermuda (je confesse que j’ai des chaussettes dans mes chaussures de marche, ce qui doit me donner un petit air…allemand…). Une chose me paraît tout de même assez frappante : j’ai bien vu quelques touristes à la Kariye Kilisesi, mais depuis que je suis sorti du circuit des lieux les plus connus, je n’ai pas croisé un seul visage qui ne soit pas turc. Même à la Fethiye, j’ai eu l’impression de déranger pendant la sieste. Je ne suis pas certain qu’ils voient grand-monde, même au mois d’août…
Je descends le quartier de Fener avec ses rues pentues et ses maisons autrefois riches. Ici vivaient les riches armateurs et commerçants grecs dans une opulence tranquille, à l’écart du reste de la ville. Tout est calme ici, je ne croise que quelques âmes, des femmes surtout, des Anatoliennes avec leur fichu sur la tête. Le quartier semble être endormi. Sans le faire exprès, j’arrive au pied du Lycée Grec (Büyük Okul Fener Rum Lisesi), une grande bâtisse en briques rouges qu’on voit de loin depuis la Corne d’Or. J’arrive plus bas vers le bras de mer après être passé par Balat, l’ancien quartier juif. Là aussi, il n’y a plus autant de Juifs qu’en d’autres temps. La population s’est uniformisée et on ne trouve plus guère que des Anatoliens. Le quartier est très animé, les commerçants sont affables et je profite d’une petite épicerie pour faire le plein d’eau et me jeter un Sirma citron derrière la cravate. Je dois avouer que j’ai beaucoup marché et que je commence à avoir mal aux pieds. C’est dommage car j’aurais souhaité pouvoir visiter un peu plus les deux quartiers, mais je suis franchement vanné.
Je rejoins le Balat Parkı, au pied du pont bleu d’Hasköy, celui précisément qui empêche les bateaux d’aller à Eyüp. Ici s’étend une grande pelouse grasse qui vient d’être arrosée et je m’assieds le cul dans l’herbe mouillée, vite rejoint par un corniaud qui porte dans sa gueule un poisson grand comme une daurade et qui s’installe juste à côté de moi. Il m’aboie dessus, mais après quelques caresses, il vient me léchouiller les doigts avec son haleine poissonnière puis s’endort à côté de moi, avachi sur l’herbe. Un peu plus loin, des poufs sont éparpillés sur l’herbe devant un bateau qui porte le doux nom de Okyanus Nargile Cafe, où je commande un çay au jeune garçon qui, j’en suis certain, n’a jamais vu un étranger de sa vie. Je m’assoupis à moitié au vent léger qui fait un bien fou après cette journée dans la fournaise des hauteurs.
Je remonte ensuite les quais jusqu’à Eminönü en passant devant les barbecues qui s’installent au bord de la route et qui fument au vent. Les gens viennent ici en attendant la rupture du jeûne et préparent leur barbecue de poisson ou de brochettes (şiş) de viande. A quelques endroits, on peut voir les restes de la muraille de Théodose dépasser entre les maisons délabrées. Il fait une douce chaleur sur la Corne d’Or.
Les quais entre le pont Atatürk et le pont de Galata sont désagréables et je réussis à me faire accoster par un gitan qui pue l’alcool et qui me demande de l’argent d’une manière assez agressive.
J’arrive à Eminönü vanné, où je mange un börek à la viande au Sarıyer Börekçisi.
Au pied de la Yeni Camii, j’attends le chant du muezzin qui ne vient pas. Je pose ma caméra et j’attends. Un petit homme à la barbe blanche me regarde et me salue avec ces mots « Selâmün aleyküm » qui ressemble largement à la formule de salut traditionnelle. Un peu décontenancé, je lui répond en inversant les mots mais ça ressemble plus à quelque chose comme « Aleyküm Selâm ». Il sourit et voyant certainement que je ne suis pas habitué, il me donne une petite tape sur l’épaule en me souriant. Dans la vidéo au-dessus, on voit un homme en polo bleu rayé blanc monter les marches avec ses clefs en main. C’est lui le muezzin de la mosquée, que je verrai rentrer par une petite porte au pied du minaret. Il se fera même engueuler par un type qui devait l’attendre de pied ferme parce qu’il avait près de deux minutes de retard.
Cette vidéo est composée d’extraits pris au bord de la Corne d’Or, à l’arrêt du tramway à Eminönü, sur l’hippodrome où des tables sont installées pour le ramadan, puis dans les petites rues aux alentours de Kadırga Parkı, à la terrasse du petit café sur la place et dans le jardin public.
Cette dernière vidéo est composée d’extraits de la prière dans le jardin de la Kariye Kilisesi, de la prière à l’intérieur de la Yeni Camii (je ne sais pas bien pourquoi personne ne m’a viré à ce moment-là, alors je suis resté) et d’un air de musique turque moderne au pied du pont de Galata.
Je retourne à l’hôtel, il est 23h27 et les voisins sont en train de casser du bois sur le trottoir en buvant du thé. Le chat monte sur la glycine et arrive sur le toit. Le mari n’a qu’une jambe, l’autre est dans le caniveau, le fauteuil roulant plié à côté. En entrant dans l’hôtel, le réceptionniste me propose un thé que je bois avec bonheur, mais à l’heure qu’il est, j’ai hâte de prendre ma douche et de préparer ma valise. Demain, je quitte Istanbul.
Voici une exposition qui mérite le détour, Les Couleurs du Ciel, si toutefois vous êtes déjà allés voir Raphaël au Louvre (ce qui n’est pas encore mon cas), Canaletto et Guardi (Musée Jacquemart-André), et Canaletto (Musée Maillol) et que je ne serai pas allé voir si mon attaché de presse officiel ne m’avait pas fait de grands signes en me disant qu’il ne fallait pas manquer ça. Effectivement, cette exposition qui se niche au creux du petit musée Carnavalet (je tiens à dire que l’agent de sécurité est particulièrement aimable et souriant) montre une centaine de tableaux exposés d’ordinaire dans des églises et dessins préparatoires qui pour une fois se retrouvent regroupées sous les lumières (parfois un peu mal ajustées sur certaines toiles dont le vernis est un peu brillant, mais ça passe) d’un musée.
Si l’on peut se montrer parfois un peu circonspect quant à la réelle beauté de certaines églises parisiennes datant précisément de cette époque et dont l’architecture aussi bien intérieure qu’extérieure est parfois un peu massive, un peu lourde (je pense notamment à Saint-Nicolas du Chardonnet, ou Saint-Roch) on y trouve des petits trésors qu’on ne pense pas forcément à regarder, le regard était généralement plus attiré par les ors des autels, les colonnes effilées, un plafond peint à fresque ou des orgues majestueuses que par ce qui se cache dans les niches souvent obscures ou les chapelles absidiales.
Charles Poerson — Annonciation (1651–52)
Paris, Cathédrale Notre-Dame
Ce que vous avez ici vous réconciliera avec la peinture d’église et vous incitera certainement à plus regarder cette iconographie, forcément très religieuse, qui sont généralement des peintures prévues pour occuper l’espace qui leur est dédié. Les sujets racontent des histoires de catéchisme de l’Ancien Testament comme du Nouveau (j’ai rarement vu Abraham et Melchisédech autant de fois dans un seul endroit). Les peintres représentés ici sont ceux qui précisément ont marqué une époque de la peinture française, à une période précise où celle-ci progresse à vive allure, propulsée par la connaissance de certains d’entre eux de la peinture italienne. On retrouvera ainsi Charles Le Brun, Noël Coypel, Philippe et Jean-Baptiste de Champaigne, Claude Vignon et bien sûr Simon Vouet, mais bien d’autres aussi qu’on a un peu moins l’habitude de voir et dont les travaux sont tout à fait dignes d’intérêt, comme Charles Poerson et d’autres.
Parmi les œuvres qui ont le plus attiré mon attention :
Claude Vignon, L’adoration des mages (1625). Paris, église de Saint-Gervais-saint-Protais.
Simon Vouet, Quatre saints adorant le nom de Dieu: Saint Pierre, Saint Jérôme, Saint Merri et Saint Frodulphe (1645). Paris, église de Saint-Merri.
Nicolas Poussin, Saint Denis l’Aréopagite couronné par un ange (1620–1621). Paris, église Saint-Germain-l’Auxerrois.
Charles Le Brun, La flagellation. Paris, église Saint-Bernard-de-la-Chapelle. Un tableau terrible où l’on voit les yeux du Christ révulsés de douleur.
Charles Poerson, L’annonciation (1651–52). Anciennement dans la cathédrale Notre-Dame, aujourd’hui au musée des Beaux-Arts d’Arras.
Une exposition rare et incontournable qui se poursuit jusqu’au 24 février 2013.
Pour en savoir plus, le catalogue de l’exposition : Sous la direction de Guillaume Kazerouni, Les couleurs du ciel. Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle, 2012, Paris Musées, 375 p., 49 €.
Troisième et dernier jour. C’est le lundi de Pâques. Je descends de ma chambre et vais profiter du petit déjeuner pour me remplir avant de partir ; je n’aurais peut-être pas l’occasion de manger ce midi si ma priorité c’est d’attraper l’avion. En ressortant du restaurant où je prends un petit déjeuner copieux, je me rends compte que je ne suis pas entré du bon côté, les deux jours, puisque par là où je sors, je me trouve face à une personne qui comptabilise les entrées. Décidément, je ne m’habituerai jamais aux hôtels de luxe…
Ce matin, je vais à Buda, je traverse à pied les mêmes quartiers pour me rendre vers le Danube et reprendre le funiculaire qui m’amènera sur l’esplanade. Il y a un lieu que je veux voir absolument, c’est la très belle église Matthias (Mátyás-templom ou Église Notre-Dame-de-l’Assomption de Budavár) sur Szentháromság Tér. (more…)
Sainte-Sophie est située en plein cœur de la vie stambouliote, et peu importe l’endroit par lequel on y parvient, le loisir qui est donné de pouvoir tourner autour est un plaisir pour les yeux qui fait également prendre conscience que nous sommes là en face d’un des plus beaux monuments de la Chrétienté qui semble nous crier dans sa langue archaïque « Ici tu pénètres en Orient, en terre chrétienne » ; un témoignage unique de l’histoire… (more…)