Sep 4, 2013 | Carnet de voyage en Thaïlande, Carnets de route (Osmanlı lale), Prises de son, Sur les portulans |
Plus de trois semaines passées sous le soleil brûlant d’une Thaïlande qui vit dans l’année 2556 et j’ai pris un peu le temps de procéder à des enregistrements lorsque j’en avais la présence d’esprit. J’ai ainsi pu récolter plus d’une quarantaine d’ambiances du nord au sud, en commençant par Chiang Mai, puis Bangkok et enfin Koh Pan Ngan. J’aurais pu être plus méthodique, recueillir beaucoup plus, de meilleure qualité, associer ces ambiances sonores à des photos, mais ce n’est pas un projet que j’avais prémédité et j’ai tout fait au fil de l’eau sans idée préconçue. Et finalement je me dis que le son sans l’image permet de se plonger dans une autre dimension, de s’immerger dans l’inconnu sans préjugé. Juste avec des mots pour expliquer ce que c’est et d’où ça vient.

Wat Chedi Luang, Chiang Mai
Thaïlande, août 2013
Chiang Mai
(1) Marché du dimanche (1′03″)
Le dimanche à Chiang Mai, un marché ambulant s’installe dans quelques rues centrales de la vieille ville, s’étendant depuis la porte de Tha Phae le long de Thanon Rachadamnoen. Le soir venu, je voyais un peu d’un mauvais œil que le marché s’installe précisément dans la rue où se trouvait mon hôtel, craignant du bazar, mais lorsque j’ai vu que s’installait un marché de restaurants ambulants dans la cour du Wat Phan On, j’étais ravi de pouvoir me restaurer à moindre frais et de mets succulents. Du coup, je me suis trouvé un peu démuni les jours suivants. C’est à la sortie de ce temple que se trouvait ce petit orchestre traditionnel qui m’a mis en joie. On entend vers la fin une voix qui parle dans un haut-parleur et qui à un moment a enjoint les passants à s’arrêter pour faire honneur à l’hymne national. Surprenant.
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(2) A la terrasse d’un café (1′02″)
Au croisement de Thanon Rachadamnoen et de Thanon Prapokklao, se trouve un petit café où l’on peut boire des jus glacés et se restaurer sur le pouce. Si c’est à la croisée des chemins entre deux des plus grandes artères, c’est relativement calme. Entre le bruit des scooters et quelques taxis qui passent dans les environs, ambiance rock’n’roll décontractée.
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(3) Chants de moines Wat Inthakhin Saduemuang (1′11″)
Le temple de Wat Inthakhin Saduemuang se trouve à proximité de la place du musée des arts de Chiang Mai. C’est un temple récent, moderne, dans lequel trône un beau bouddha blanc nimbé d’une lumière violacée qu’on ne serait pas étonné de voir dans une boîte de nuit branchée. Aux dernières heures de la journée, j’ai assisté à la récitation des chants de moines. Le chantre, dos à son auditoire, caressait un chien qui se frottait contre lui et autant dire que les moinillons, à peine plus âgés de douze ou treize ans étaient loin d’être attentifs à la lecture. Assis sur les marches du temple, je leur tournais le dos pendant que j’enregistrais.
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(4) Cloches de 18h00 à Wat Sum Pow (1′08″)
Traversant un peu par hasard la cour du Wat Sum Pow, un petit temple discret juste en face du Wat Phan On, j’ai aperçu un moine qui se dirigeait avec une mailloche vers la rangée de cloches tibétaines au pied du temple. Je n’ai pas vraiment réussi à savoir pourquoi les cloches étaient sonnées à 18h00 précises tous les jours mais j’imagine que cela correspond à la fin de la journée ou peut-être à une prière en particulier, mais je vais me renseigner.
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(5) Prière à Wat Umongmahaterachan (2′30″)
Dans le jardin du très joli temple Wat Umongmahaterachan, je me suis posé pour écouter le chant lancinant de ce moine qui toussait dans le micro en récitant sa prière. On entend parfois au fond le chant des fidèles. Musicale et envoûtante, entonnée d’une voie rauque, cette petite ritournelle dont je ne comprends aucun mot se termine dans la récitation de quelques mots qui tombent, comme si plus personne ne l’écoutait.
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(6) Prêche du midi à Wat Umongmahaterachan (2′32″)
Retour dans le même temple le lendemain midi où un homme prêchait dans un haut-parleur alors qu’il n’était pas dans le temple. Dans le même haut-parleur, je pouvais entendre un coq chanter. Un endroit bien agréable où s’asseoir pour méditer parmi les briques moussues et les statuettes de Bouddha recouvertes de coulures de bougies oranges.
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(7) Prière à Wat Chompu (1′17″)
Petit temple hors-les-murs de la vieille ville, sur les chemins de traverse, Wat Chompu se trouve près de Thanon Tha Phae. Doté d’un Bouddha immense, le temple discret est accessible par une petite porte en pierre hors d’âge. Découvert par hasard, c’est un lieu au milieu d’une vie calme, sur la route qui mène vers Chinatown et le marché de Warorot, où je suis arrivé à l’heure de la prière, rassemblant un grand nombre de fidèles, dont des Occidentaux.
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(8) Clochettes au vent à Wat Phra That Lampang Luang (0′52″)
Malheureusement, quand on n’a qu’un matériel très rudimentaire, le résultat est parfois un peu décevant, ce qui est dommage pour cette ambiance. Le temple de Wat Phra That Lampang Luang est un des plus beaux que j’ai vus en Thaïlande, complètement perdu entre deux villes de moyenne importance. Le lieu est magique, d’une beauté simple et ténébreuse et lorsque le vent s’est levé juste avant que ne tombe une pluie incessante qui marquera cette journée, les clochettes accrochées au chedi se sont mises à tinter dans le vent, laissant imaginer une cohorte de fantômes qui envahissait les lieux silencieux. Le vent fait aussi un peu cracher le micro, ce qui rompt malheureusement la magie du moment.
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(9) Conversation entre deux personnes à Lampang (1′05″)
A la fin de cette très belle journée, même si elle fut abondamment pluvieuse, je suis allé à Lampang, ville que j’ai malheureusement trouvée sans beaucoup d’intérêt, et les deux temples que j’y ai visité intra-muros n’avaient vraiment pas beaucoup d’intérêt. J’ai réussi à intercepter une discussion dans la rue entre mon chauffeur de taxi et le conducteur d’une petite calèche tirée par un âne.
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(10) Voiture publicitaire dans le centre de Chiang Mai (0′12″)
Souvent dans les rues passent des voitures arborant de grandes affiches publicitaires, soit pour vanter les mérites de l’action d’un homme politique local (hum), soit pour annoncer le prochain show de Muai-thaï (มวยไทย), ce qu’on connaît sous le nom de boxe thaï. C’est le cas ici ; je n’ai pu attraper qu’une dizaine de secondes. La particularité de ces réclames réside dans le fait que le volume est beaucoup, mais alors beaucoup trop fort.
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(11) Répétition du défilé pour l’anniversaire de la reine Sirikit au temple Wat Pa Pao (1′05″)
Wat Pa Pao est un tout petit temple situé juste à la sortie de l’enceinte de la vieille ville. Représentatif du style chan, c’est un tout petit temple dont la cour plantée d’arbres est comme un îlot de verdure ombragée dans la ville. Le 12 août, c’est l’anniversaire de la reine Sirikit et avant ces festivités surdimensionnées, tous les enfants du pays sont réquisitionnés pour répéter pour le défilé de ce jour particulier pour les Thaïs. C’est à une de ces répétitions que j’ai assisté discrètement, tandis que de l’autre main je filmais une petite fille qui sautait à la corde et qui, puisqu’elle m’avait surpris, s’est particulièrement bien appliquée. Si vous ne le saviez pas, vous vous apercevrez que les Thaïs répètent souvent deux fois la même chose.
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(12) Dernier jour : dans la rue à Chiang Mai (2′02″)
Tandis que déjà je regrette de devoir partir de cette ville qui me fascine, je grave quelques sons pris dans la rue : voitures, scooters, camions, taxis, vélos, klaxons et surtout l’inénarrable tuk-tuk 400cc de marque Daihatsu avec son bruit reconnaissable entre tous. Chiang Mai, dernier volet, dernières impressions, et l’envie d’y revenir.…
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La suite : Thaïlande, sous une lumière d’ocre (2) – Ambiances sonores à Bangkok
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Jul 30, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale) |
Cette année, le moins que l’on puisse dire, aura été riche en voyages. Après être parti une douzaine de jours en Thaïlande au mois de mars, une dizaine de jours en Turquie (Istanbul et la Cappadoce) au mois de mai, quelques jours en Bretagne (ah ben si, ça compte quand-même), voilà que je suis à quelques jours de repartir en Thaïlande.

Long tail boat — Baie de Haad Salad — Ko Pha Ngan
Thaïlande — Mars 2013
Si je suis parti en mars avec la ferme intention de me reposer, je n’ai pas résisté à mon envie de battre la campagne, même si les limites naturelles de l’île de Ko Phangan m’ont assez tôt empêché d’aller voir trop loin ; il aurait été dommage de rester le cul sur la plage à attendre que ça passe. J’ai trouvé de quoi faire dans cette petite baie, à observer les gens vivre, à regarder par la lucarne ce qui se passe à l’intérieur et même là où tout a été gangréné par le tourisme de masse, on arrive encore à trouver de quoi se satisfaire en frappant au carreau et en demandant si l’intrusion est permise… Évidemment, cela m’aura été plus compliqué en Thaïlande que dans cette Turquie qui me devient familière et pour laquelle je commence à avoir une certaine appétence au regard de la langue. Le thaï me rebute par son alphabet et ses diphtongues. Le vocabulaire me semble complexe et de toute façon, les Thaïs visibles parlent presque tous anglais et n’incitent pas à ce que vous rentriez dans leur langue. Il faudra que j’apprenne à débusquer les invisibles.
Parmi les moments forts de ce dernier voyage, l’escale à Dubaï où je me suis surpris à parler à l’agent de sécurité qui contrôlait les bagages à main — une belle grande femme toute voilée de noir, aux grands yeux perçants. Mon sac présente une anomalie, une masse compacte au fond ; des livres. Je l’entends parler en arabe à l’un de ces collègues et j’attrape dans la conversation le mot كتاب (kitab) que je reconnais grâce au turc (kitap). Je répète le mot. Elle me dit en souriant kitab = one book, kutub = several books. Et là je reconnais le pluriel interne qu’on retrouve aussi en turc (je fonctionne par association, kütüphanesi = bibliothèque). Nous échangeons un sourire complice…

Wat Pho — Bangkok
Thaïlande — Mars 2013
Un autre moment fort pour moi aura été cette presqu’amitié avec un chien que je m’étais amusé à surnommer trois pattes pour les raisons qu’on imagine. Dès que je descendais sur la plage, quelle que fût l’heure, il était là et me suivait en trottinant quand il n’était poursuivi par les autres chiens qui ne supportaient apparemment pas sa différence.
Parmi les moments de doute, je me suis retrouvé sur un bateau brinquebalant à l’heure du renard sur la mer houleuse du Golfe de Thaïlande entre le Mu Ko Ang Thong National Marine Park et l’île de Phangan. Tandis que les brisants frappaient sur la coque fragile de l’embarcation, je m’imaginais déjà couler à pic tandis que la structure entière du bateau craquait dès qu’une vague était un peu trop forte. Je me suis juré qu’on ne m’y reprendrait pas, malgré une très belle journée passée dans les îles, en compagnie de petits singes sauvages et à me baigner dans une eau aussi chaude que ma douche… J’ai aimé aussi la ville de Thong Sala avec sa grande artère et le marché de nuit où l’on peut manger un pad thaï sur le bord du trottoir… Chaloklum sous une pluie battante, ville discrète où se dessèchent au soleil au bord de la route des milliers de seiches dont l’odeur âcre finit par prendre à la gorge. A Bangkok, je me plairai à nouveau à errer du coté du Wat Pho, de ses entrepôts cachés ou sur les quais du côté du Tha Thewet Pier, où grouillent des poissons-chat énormes dans l’eau grise et puante de la Chao Phraya, ou dans le quartier des vendeurs de Bouddhas que j’ai traversé en tuk-tuk au soleil couchant, ou encore le soir au Wat Suthat où j’ai discuté avec un moine qui m’a appris la différence entre les moines theravāda et les moines mahāyāna. Je retrouverai aussi l’ambiance anxieuse de l’attente dans les aéroports, une ambiance unique, fiévreuse, faite uniquement de passages, de transits, de couloirs traversés et de parcours fléchés. Des énormes comme Roissy ou Bangkok, de tout petits comme Ko Samui, d’où décollent les ATR 72 vrombissant dans la nuit chaude.
Je pars vendredi soir, le 3, pour rejoindre Bangkok (BKK) où je passerai la nuit près de l’aéroport. Je pourrai ainsi voir la lumière étrange du matin planer aux abords des pistes avant de repartir pour Chiang Mai (CNX) jusqu’au 8. Retour à Bangkok (BKK), jusqu’au 12, puis départ pour Ko Pha Ngan où j’arriverai en bateau en passant par Ko Samui (USM), jusqu’au 22. Retour à Bangkok pour 5 jours, d’où je pars le 27 pour Paris (CDG). Si tout va bien, vous aurez quelques nouvelles de moi si vous passez par Routes Croisées.
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Jul 13, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 9 août) : Dans les gorges de Saklıkent (Kanyonu)
Bulletin météo de la journée (vendredi) :
- 10h00 : 38.7°C / humidité : 27% / vent 15 km/h
- 14h00 : 42.0°C / humidité : 23% / vent 11 km/h
- 22h00 : 40.0°C / humidité : 67% / vent 4 km/h
Réveillé ce matin par le chant des criquets dans l’atmosphère brûlante qui frappe au carreau. Mes nuits climatisés ressemblent à des cauchemars où j’oscille entre la nudité parfaite et l’engoncement dans les toiles blanc cassé, saucissonné comme une rosette de Lyon ou un foie gras cuit à cœur. Ils se sont répartis ente le jardin de la piscine et celui sur lequel donne la coursive, ce qui a le don de produire un son en stéréo passablement enivrant. Je dis criquet, mais je suis vraiment incapable de dire quel genre de coléoptère est capable de faire ce genre de bruit et je ne suis pas certain que si j’arrive à connaître le nom turc cela m’avance à grand chose.
Ce n’est pas parce que je suis en vacances que je ne lis pas. Je viens de finir le livre de Daniel Arasse, On n’y voit rien, que j’ai trouvé beaucoup moins fascinant qu’Histoires de peintures, beaucoup moins éclairant, plus égocentré et sur ma lancée je commence la lecture, dès le petit matin, de Les Croisades vues par les Arabes d’Amin Maalouf.
Je prends quelques notes sur la manière de tenir mes carnets, comment les ordonner, de les numéroter et de les indexer, de mettre des onglets, d’insérer du matériau à l’intérieur. Vœux pieux. Il me semble qu’en ce moment je mange beaucoup, peut-être l’effet de la chaleur, ou alors parce que les repas sont plus légers, ou alors parce que je ne ressens plus beaucoup la sensation de satiété.

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Jun 28, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 8 août) : Arrivée à Patara, Gelemiş, Kumluova, le Lêtốon
Bulletin météo de la journée (jeudi) :
- 10h00 : 36.8°C / humidité : 26% / vent 20 km/h
- 14h00 : 40.5°C / humidité : 19% / vent 7 km/h
- 22h00 : 36.3°C / humidité : 44% / vent 6 km/h
Il reste encore dix jours de Turquie, j’en suis au jour 14. J’ai l’impression d’être ici depuis une éternité et l’angoisse qui m’étreignant avant d’arriver de me retrouver dans des lieux qui ne me conviendraient pas est loin derrière moi. Je suis ici dans mon élément, malgré cette chaleur, malgré cette impression de ne pas pouvoir respirer… Mais tout va bien.
Je prends mon petit déjeuner sur une terrasse recouverte d’une tonnelle très années 70, qui donne sur un paysage de collines et la mer au loin ; le vent rafraîchissant du matin souffle tandis que je me repais de fromage blanc et d’une infusion de sauge très délicate avant de plonger dans la piscine. Pendant tout ce séjour, je fais exprès de me gaver au petit déjeuner pour n’avoir pas à poser les pieds sous la table le midi et ainsi perdre le moins de temps possible. Finalement, je me demande si l’objectif initial des vacances qui est de se reposer n’a pas été oublié en cours de route. Mais est-ce si grave que ça ?

Aujourd’hui, direction Saklıkent pour aller se fondre dans les gorges (kanyonu). Il paraîtrait que le site est très fréquenté en cette saison et les guides conseillent de partir tôt. De plus, ce que j’en ai vu à mon retour de Pamukkale, de nuit, ne m’a pas beaucoup plu. Une enfilade de boutiques attrape-couillon-de-touriste s’étire sur près de 500 mètres avant d’arriver au parking. Mais il en faut plus pour me désarmer et sans le savoir, je prends une route le long d’une rivière large et caillouteuse qui me fait arriver de l’autre côté de ce lieu de perdition. J’arrive sur un parking où je me gare tranquillement et je me fais alpaguer par un rabatteur qui me demande de venir manger dans son restaurant ; il est à peine 11h00… Je lui dis peut-être après la visite, mais je me rends compte une fois que je me suis éloigné que je suis en fait garé sur le parking de son restaurant… (more…)
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Jun 14, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Sven Hedin est un personnage qui a beaucoup fait pour la découverte de certains territoires, comme le désert du Taklamakan ou le Pamir que son métier de géographe lui a permis de cartographier avec détail. Ses explorations ont été pour la plupart périlleuses et la première qu’il a menée dans le désert du Taklamakan aurait pu vraiment mal tourner et finir de manière tragique si lui-même et ses guides n’avaient pas eu la volonté de s’en sortir jusqu’au bout.

Brusquement le soleil se voila et disparut dans une obscurité profonde.
… Une sensation de cataclysme imminent nous enveloppe. Au loin on entend un crépitement ; de minute en minute il se rapproche… Un coup de vent, puis une rafale terrible. Les arbres tordus par l’ouragan se brisent avec des craquements épouvantables. Pendant quelques instants c’est un fracas terrible. En même temps, des tourbillons de poussière nous aveuglent nous étouffent. Fouetté par le souffle irrésistible de la tourmente, le sable fuit sous nos pas ; on a comme une impression d’engloutissement.
La tempête ne dure que quelques heures ; le lendemain le ciel était cependant encore tellement chargé de poussière, que tout vue était masquée dans un faible rayon.
La seconde expédition, plus calme, n’a pas non plus été une sinécure, car pris dans les températures glaciales de la nuit désertique, les hommes ont quand même souffert de conditions extrêmes.
Dans cette région l’eau se rencontre à une faible profondeur (2,40 m ; 1,81 m ; 1,67 m) ; néanmoins, le sol était gelé sur une épaisseur de 22 cm, le creusement d’un puits exige un long travail. Partout la position de la nappe souterraine est indiquée soit par la présence d’un tamaris ou d’un peuplier (Populus diversifolia), soit par des traces d’humidité dans la couche de sable superficielle. Ici, comme dans les vallées du Yarkand-Daria ou de l’Oughuen-Daria, sa salinité diminue à mesure que l’on s’éloigne du fleuve, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Si l’expédition de Hedin relève de l’exploit et faillit tourner à la catastrophe, les contacts avec les populations sont pour le moins surprenants et relève d’un véritable soin à ne pas rompre l’état de fragile équilibre dans lequel vivent des populations éloignées des centres de pouvoir.
Nous appelons, nous crions, aucune réponse. Les guides partent fouiller le bois dans différentes directions ; une demi-heure après, l’un d’eux ramène un naturel et une femme. Surpris par notre arrivée, ces pauvres gens s’étaient enfuis, dans la crainte de mauvais traitements. Une fois remis de leur terreur, ils me donnent des renseignements très importants. J’apprends ainsi que jusqu’au point où le fleuve se perd dans les sables, la forêt est habitée par des bergers qui gardent des moutons appartenant à des marchands de Keria. Chaque troupeau compte de trois cents à deux mille têtes, et chaque propriétaire a l’usage exclusif d’une zone déterminée de pâturage. L’effectif de cette petite tribu de pasteurs ne dépasse pas 150 individus.
Perdus dans des forêts vierges, enveloppés d’immenses déserts, ces indigènes demeurent complètement séparés du reste du monde. Jamais pour ainsi dire ils ne quittent ces bois, et à part leurs voisins et de loin en loin les propriétaires des troupeaux, jamais ils ne voient un être humain. Les fonctionnaires chinois ignorent même l’existence de ces clans de bergers. Pour ne pas attirer sur ces primitifs les exigences d’un fisc sans pitié, je me suis gardé à mon retour de les renseigner à cet égard.

La vie de Sven Hedin, si elle fut passionnante sur le plan de l’exploration et des découvertes géographiques dont il est responsable, ne fut pas exemplaire à tout point de vue. Il se compromit gravement avec le régime nazi du Troisième Reich. Même s’il fit beaucoup pour éviter la mort à certains de ses compatriotes norvégiens, il ne renia jamais ses affinités pour le régime et paya cher de sa personne ses errements en finissant sa vie dans la disgrâce.
Sven Hedin, Dans les sables du Taklamakan
Éditions Nicolas Chaudun, 2011
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