Saint-Nicolas en Europe — 1
Dans une des plus septentrionales îles de la couronne des terres qui ceignent les Pays-Bas, Ameland, sur les terres frisonnes de l’Archipel des Wadden (Waddenzee), se perpétue une tradition directement issue du culte puissant que Saint-Nicolas a instillé dans l’Europe du Nord. Car si Nicolas est la plupart du temps représenté avec sa parure d’évêque, on oublie souvent qu’il était avant tout marin, alors face à l’Océan, on attend la venue du saint, de ses complices et de ses soldats, surgissant dans la nuit dans une symbolique de forces fécondantes.
Dès le soir du 5 décembre tombé, les hommes envahissent les rues, vêtus d’uniformes blancs en papier mâché et de masques volontairement innocents assurant un parfait anonymat, et emportent avec eux les jeunes hommes qui ont eu 18 ans dans l’année, dans une virée à vocation initiatique. Si on vire manu militari les étrangers et les touristes comme des malpropres, c’est littéralement pour conserver l’hermétisme de ces cérémonies, mais secrètement aussi pour ne pas éventer les abus qui sont permis aux hommes ce soir-là ; violences, combats, courses et alcool, tout est autorisé. C’est sans dire que les femmes se doivent de ne pas sortir dès lors que le cor a sonné, sans quoi elles seront pourchassées dans les rues et vivement rossées.
Sous cette exaltation poussée à l’extrême des valeurs masculines, on assiste en fait à un rite d’initiation des jeunes hommes pour leur entrée dans la vie des adultes. Cette entrée se fait la nuit, et dans l’anonymat. Si les femmes sont chassées, c’est pour préserver l’espace public, par définition masculin.
Une fois les hommes défoulés, ils pénètrent dans la demeure des femmes et simulent des violences sexuelles, avant de nocer avec force friandises et boissons.
Sur cette île battue par les vents de la Mer du Nord au paysage modelé par le déplacement des dunes de sable, on retrouve une communauté catholique, en plein bastion du protestantisme le plus radical, mais là ne se trouve certainement pas la raison de cette fête aux origines mal définies, mais il semblerait qu’on assiste à un savant mélange de rite cosmogonique avec la correspondance de la Saint-Nicolas avec le début de la période du repos des marins ; dans les contrées aux activités maritimes, les femmes tiennent le foyer et cette fête semble marquer le retour des hommes — et symboliquement, leur retour aux affaires en somme…
Localisation d’Ameland sur Google Maps.
Tags de cet article: ethnologie, Hollande, île, initiation, lumière, nuit, océan, religion, rite, sable, société
Saint Nicolas marin ?
Ouais, c’est même leur saint patron !
je sais pas, j’ai jamais entendu dire qu’il était marin. Il est aussi le saint patron des vitriers, des bouchers et des femmes stériles, tu sais…
C’est bien pour ça que je l’évoque, parce que ça pourrait expliquer cette fête en particulier. En fait, avant d’être le saint à qui on attribue la résurrection des trois enfants tués par le boucher et toutes sortes d’autres fariboles, son nom était invoqué pour calmer les tempêtes et on prêtait aux icônes le représentant (Nicolas vient de Myre, dans l’actuelle Turquie d’Asie) la vertu de faire tomber le vent lorsqu’on les immergeait dans les eaux rageuses. La raison de cette croyance, c’est qu’on lui prête une vie sur la mer où d’ailleurs il sauve plusieurs bateaux d’un naufrage certain. D’ailleurs, dans les pays du Nord, Saint-Nicolas arrive toujours par la mer depuis l’Espagne avec son compagnon Pierre le Noir. Il est peut-être moins connu comme marin que Brandan qui traversa la manche dans une auge à cochon en pierre 🙂 mais il semble effectivement avoir eu une vie (réelle et non hagiogaphiée) proche des marins, des pêcheurs et de la mer en général. Moi aussi ça m’a étonné.
mais ça n’explique pas les vitriers 🙂
Et encore moins les femmes stériles 😀