Jun 30, 2013 | Architectures, Arts |
Pierre Patel, dont les œuvres ont orné jadis le Cabinet d’Amour du Château de Versailles, est un peintre classique, fortement influencé par les compositions paysagistes de Le Lorrain. Il donne en 1668 une composition parfaite et surtout impossible du château royal tel qu’il était à l’époque, dans une perspective haute recréé à partir des éléments du terrain et de ses observations. Un travail de recomposition titanesque, qui est une témoignage unique de la vallée dans laquelle il est encastré. A l’époque, ni les bâtiments latéraux, ni la chapelle ne sont encore présents et les arbres ne sont encore que des jeunes pousses. Les détails valent vraiment la peine d’y regarder de plus près.
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Jun 28, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 8 août) : Arrivée à Patara, Gelemiş, Kumluova, le Lêtốon
Bulletin météo de la journée (jeudi) :
- 10h00 : 36.8°C / humidité : 26% / vent 20 km/h
- 14h00 : 40.5°C / humidité : 19% / vent 7 km/h
- 22h00 : 36.3°C / humidité : 44% / vent 6 km/h
Il reste encore dix jours de Turquie, j’en suis au jour 14. J’ai l’impression d’être ici depuis une éternité et l’angoisse qui m’étreignant avant d’arriver de me retrouver dans des lieux qui ne me conviendraient pas est loin derrière moi. Je suis ici dans mon élément, malgré cette chaleur, malgré cette impression de ne pas pouvoir respirer… Mais tout va bien.
Je prends mon petit déjeuner sur une terrasse recouverte d’une tonnelle très années 70, qui donne sur un paysage de collines et la mer au loin ; le vent rafraîchissant du matin souffle tandis que je me repais de fromage blanc et d’une infusion de sauge très délicate avant de plonger dans la piscine. Pendant tout ce séjour, je fais exprès de me gaver au petit déjeuner pour n’avoir pas à poser les pieds sous la table le midi et ainsi perdre le moins de temps possible. Finalement, je me demande si l’objectif initial des vacances qui est de se reposer n’a pas été oublié en cours de route. Mais est-ce si grave que ça ?
Aujourd’hui, direction Saklıkent pour aller se fondre dans les gorges (kanyonu). Il paraîtrait que le site est très fréquenté en cette saison et les guides conseillent de partir tôt. De plus, ce que j’en ai vu à mon retour de Pamukkale, de nuit, ne m’a pas beaucoup plu. Une enfilade de boutiques attrape-couillon-de-touriste s’étire sur près de 500 mètres avant d’arriver au parking. Mais il en faut plus pour me désarmer et sans le savoir, je prends une route le long d’une rivière large et caillouteuse qui me fait arriver de l’autre côté de ce lieu de perdition. J’arrive sur un parking où je me gare tranquillement et je me fais alpaguer par un rabatteur qui me demande de venir manger dans son restaurant ; il est à peine 11h00… Je lui dis peut-être après la visite, mais je me rends compte une fois que je me suis éloigné que je suis en fait garé sur le parking de son restaurant… (more…)
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Jun 25, 2013 | Livres et carnets |
Dauzat : « Tulipe; emprunté au turc tülbend, proprement “(plante)-turban”. » […]
En 1562, Soliman fait les honneurs de son jardin à Ogier Ghislain de Busbeck, ambassadeur du Saint Empire germanique, qui s’extasie devant une fleur inconnue, la tulipe et rentre chez lui avec quelques bulbes. L’année d’après, le baron de Busbeck fait admirer les premières tulipes de son jardin à ses visiteurs. Dans les années qui suivirent, la réputation de la tulipe gagne l’Europe, les bulbes voyagent dans les malles de diplomates et des marchands, la fleur s’épanouit en Hollande, la demande augmente, le commerce s’organise, les prix montent (en 1637, mille pièce d’or pour un seul oignon), les spéculateurs s’en mêlent, la production se diversifie, des grossistes engagent des fortunes pour attaquer le marché anglais, qui boude les bulbes. Le flegme britannique provoque un repli panique à la bourse de Haarlem, c’est le krach.
En dehors de la bulle financière, la folie-tulipe continue ; sur les bords du Bosphore, toute la population est touchée. Au début du XVIIIè siècle, un « registre des jardins de tulipes d’İstanbul » répertorie onze cent huit variétés. Quand commence une grande époque de fête et d’insouciance, qui coïncide avec la fin du règne d’Ahmed III, on l’appelle l’ère des tulipes. Un vent de plaisir souffle sur la ville, le sultan nomme un ministre des jardins et la tulipomanie connaît son apothéose. En 1720, des réjouissances sans précédent sont organisées dans toute la ville en l’honneur de la circoncision de quatre fils du sultan qui reçoit dans son palais de Beşiktaş, sur les bords du Bosphore, avec des tortues-lampions dans les jardins de tulipes.
Daniel Rondeau, İstanbul
Folio Gallimard pour NiL Editions, 2002
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Jun 22, 2013 | Histoires de gens, Livres et carnets, Sur les portulans |
Daniel Rondeau, dont je parlerai plusieurs fois ici puisqu’il a produit une série de livres sur les grandes cités de la Méditerranée (Tanger, Alexandrie, Istanbul, Malte), s’est perdu sur les rives de l’antique cité punique détruite par les Romains. L’histoire de Carthage (Qart Hadasht) est d’une complexité rare, depuis sa fondation par la mythique Elissa, plus connue sous le nom de Didon, la Phénicienne jusqu’à son effacement de la carte par les armées du césar Scipion Emilien le Second Africain. Entre ces deux événements fondateurs, un homme se rendit célèbre entre autre pour avoir traversé les Alpes avec ses éléphants africains et avoir eu l’outrecuidance de marcher sur Rome dans l’espoir de la prendre ; Hannibal Barca. C’est de cette grande figure dont Rondeau fait un des points centraux de son livre :
Quelques instants plus tard, quand l’historien me quitte pour rejoindre Tunis, je reste seul devant ce paysage, qui baigne dans une brume de bleu et d’or, et j’en profite pour rassembler mes notes de la journée. Mes deux voisins continuent à se parler, les yeux dans les yeux. Dans leurs phrases revient à plusieurs reprises le nom d’Hannibal. Hannibal fut l’homme le plus glorieux d’une cité disparue. Nous ne connaissons pas son visage, les historiens l’ont négligé (Plutarque ne l’a pas considéré comme un homme illustre) ou caricaturé (Tite-Live et ses épigones se sont focalisés sur sa cruauté, sur le soi-disant cannibalisme des troupes cathaginoises, sur la mauvaise fois punique). Les aventuriers de l’archéologie n’ont jamais retrouvé ses cendres. Au premier siècle de notre ère, Pline l’Ancien évoque simplement l’existence d’un tumulus censé abriter son tombeau. Il suffit pourtant de le nommer pour son ombre se lève.
Autre figure mythique passée sur les terres tunisiennes de l’histoire alors que celle-ci était devenue terre d’islam, Saint Louis, dont la présence à Carthage est entourée d’un voile de mystères et de contes dont on ne sait plus où la fiction déborde sur la réalité historique, mais après tout, peu importe, il n’en reste pas moins de belles histoires.
Photo © Romain Cloff
— Ça tombe bien, je suis une descendante de Sidi Bou Saïd. Tu connais la vérité sur Saint Louis ? Tu sais ce qu’il s’est réellement passé ? Ton roi était à Carthage, à deux kilomètres d’ici, et Sidi Bou Saïd était dans sa maison, là où tu es. Saint Louis voulait tous nous tuer, comme musulmans, et il voulait tuer notre marabout dans le dos. Sidi Bou Saïd lui a fait prendre conscience de ses péchés et, finalement, Sanluwis a rejoint l’islam. Si tu veux en savoir plus, reviens demain, ce soir j’ai des invités, il faut que je prépare le repas.
— Je voudrais simplement jeter un œil sur le tombeau.
Elle ouvre les portes du sanctuaire sans m’autoriser à y pénétrer, puis rejoint sa cuisine en courant. Le lendemain, je repasse, mais elle s’est absentée. Plusieurs personnes m’ont signalé l’existence d’une fleur de lys sur la porte du tombeau du saint. D’après eux, cet emblème royal incrusté dans la pierre du sanctuaire musulman prouve que la légende ne ment pas. Je la cherche tout autour de la mosquée, en vain.
Un livre parcouru de légendes, d’ambiances, baigné de lumières méditerranéennes dans le bleu clair des peintures des villes perchées et le blanc des murs chaulés, et traversé de questions sans cesse en suspens…
Daniel Rondeau, Carthage
Folio Gallimard pour NiL Editions, 2008
Ceci était mon six-centième billet sur ce blog.
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Jun 16, 2013 | Arts, Chambre acoustique |
Sabîl est un album solaire, une pure merveille. Enchanté par Ahmad Al Khatib au oud, d’une perfection et d’un raffinement qui font mouche et Youssef Hbeisch aux percussions, qui de ses envolées lyriques et de ses doigts transfigure le son chaleureux du oud avec une subtilité de joaillier, l’album ne sait trop où aller, entre Andalousie et Palestine, la route est celle des joyeux saltimbanques méditerranéens qui se sont perdu en route (Sabîl). Un album envoûtant, à écouter entre deux thés. Vendredi soir, ils se produisaient tous les deux avec Hubert Dupont à la contrebasse dans l’auditorium Rafiq Hariri de l’Institut du Monde Arabe ; un concert fiévreux de toute beauté.
[audio:sabil.xol]
Maqam li Gaza
[audio:sabil2.xol]
Ors
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