Le phal­lus de l’a­bri Blanchard

Au tra­vers des dif­fé­rentes lec­tures, compte-ren­dus de fouilles ou articles de revues décor­ti­quées ces der­niers temps, je me suis ren­du compte que la pré­sence de phal­lus dans les abris notam­ment de la Dor­dogne était beau­coup plus réduite que celle des vulves.

Bien évi­dem­ment, il existe cer­tai­ne­ment des sources fiables per­met­tant d’en faire le des­crip­tif et d’en décrire l’u­ti­li­té ou la fonc­tion, mais dans le domaine des repré­sen­ta­tions sexuelles, on trouve des choses très diverses qui para­sitent les interprétations.
Alors on peut se deman­der, pour­quoi plus de vulves que de phal­lus ? (more…)

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Les vulves de l’a­bri de la Ferrassie

Par­mi les pre­mières repré­sen­ta­tions gra­phiques qu’on peut trou­ver datant de l’Auri­gna­cien, on assiste à la nais­sance d’un art de repré­sen­ta­tion avec la pré­sence de vulves gra­vées dans des blocs ou direc­te­ment sur la parois. Par­fois asso­ciées à la pré­sence d’un phal­lus, quelque fois à un ani­mal comme dans l’abri de la Fer­ras­sie en Dor­dogne. On ver­ra dans ces gra­vures des repré­sen­ta­tions de la fer­ti­li­té ou plus sim­ple­ment de la conscience de la dif­fé­ren­cia­tion sexuelle. Jusque là, rien d’ex­cep­tion­nel dira-t-on. (more…)

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L’exal­ta­tion intellectuelle

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L’École d’A­thènes (détail) par Raphaël (1511)
in la Chambre de la Signa­ture (les Stanze) des musées du Vatican.

Traî­nant inva­ria­ble­ment dans les rayons des librai­ries à la recherche de quelque chose qui me plai­rait et dont je ne dis­po­se­rais encore pas, je suis tom­bé sur un cof­fret regrou­pant quelques uns des livres les plus connus de Ste­fan Zweig. N’ayant lu de lui que le Joueur d’é­checs il y a de ça une ving­taine d’an­nées, je me trou­vai assez satis­fait du fait qu’il n’en fasse pas par­tie. Alors j’ai cédé à la ten­ta­tion et je me suis immé­dia­te­ment mis à la lec­ture du pre­mier volume, la Confu­sion des sen­ti­ments (Ver­wir­rung der Gefühle), écrit en 1927. C’est indé­niable, les auteurs de langue alle­mande ont quelque chose que les autres n’ont pas, ce goût pro­non­cé du raf­fi­ne­ment lit­té­raire, de la phrase qui ne ter­mine pas même avec un point, de l’ex­trême pré­ci­sion des mots comme si pour eux écrire un livre reve­nait à cise­ler une plaque de cuivre des plus infi­nis détails. J’ai retrou­vé chez lui ce que j’a­vais trou­vé chez Tho­mas Mann dans la Mort à Venise. En dehors du thème prin­ci­pal, l’a­mi­tié fusion­nelle de deux hommes qu’un pro­fes­seur, au soir de sa vie, confesse comme étant l’é­vé­ne­ment qui le fit aban­don­ner sa vie de débauche pour une vie entiè­re­ment consa­crée aux choses de l’es­prit, j’y vois éga­le­ment une ode sublime à l’exal­ta­tion intel­lec­tuelle et à la place du maître, qu’en d’autres temps on appe­lait péda­gogue. Dans ce pas­sage par­fai­te­ment dosé, on assiste à l’exal­ta­tion intel­lec­tuelle que pro­cure l’in­ter­ven­tion pro­fes­so­rale, aus­si bien chez le maître que chez les élèves, avec la même inten­si­té que si on par­lait d’une étreinte… jus­qu’aux der­niers mots. On trou­ve­ra éga­le­ment dans ce livre des mots superbes sur l’adultère.

C’est alors seule­ment, lorsque les étin­celles se mirent à cré­pi­ter, que le pro­fes­seur inter­vint brus­que­ment, cal­ma la confron­ta­tion deve­nue trop vio­lente, en rame­nant avec adresse la dis­cus­sion à son objet, mais en même temps pour lui impri­mer, par une impul­sion secrète, un puis­sant élan spi­ri­tuel s’é­le­vant jus­qu’à l’in­fi­ni ; et ain­si il fut subi­te­ment au centre de ce jeu de flammes dia­lec­tiques, lui-même plein d’une allègre exci­ta­tion, aiguillon­nant et modé­rant à la fois ce com­bat de coqs entre les opi­nions, maître de cette vague défer­lante d’en­thou­siasme juvé­nile et lui-même empor­té par elle. Appuyé à la table, les bras croi­sés sur la poi­trine, il regar­dait l’un, puis l’autre, sou­riant à celui-ci, encou­ra­geant celui-là dis­crè­te­ment à la riposte, et son œil brillait du même feu que la veille : je sen­tais qu’il était obli­gé de se maî­tri­ser pour ne point leur ôter à tous, d’un seul coup, la parole de la bouche. Mais il se conte­nait avec vio­lence ; je le voyais à ses mains, qui pres­saient tou­jours plus for­te­ment sa poi­trine comme les douves d’un ton­neau ; je le devi­nais à ses com­mis­sures fré­mis­santes, qui rete­naient avec peine le mot déjà pal­pi­tant. Et subi­te­ment, ce fut plus fort que lui ; il se jeta avec ivresse dans la dis­cus­sion, à la façon d’un plon­geur ;  d’un geste éner­gique de sa main bran­die, il cou­pa en deux le tumulte, comme fait la baguette d’un chef d’or­chestre : aus­si­tôt tous se turent, alors il résu­ma les argu­ments, à sa manière har­mo­nieuse. Et tan­dis qu’il par­lait, resur­gis­sait son visage de la veille ; les rides dis­pa­rais­saient der­rière le jeu flot­tant des nerfs, son cou et sa sil­houette se ten­daient en un geste har­di et domi­na­teur et, aban­don­nant sa pos­ture cour­bée de guet­teur, il s’é­lan­ça dans le dis­cours, comme dans un flot tor­ren­tiel. L’im­pro­vi­sa­tion l’emporta : et je com­men­çai à com­prendre que, d’un tem­pé­ra­ment froid lors­qu’il était seul, il était pri­vé, dans un cours théo­rique ou dans la soli­tude de son cabi­net, de cette manière enflam­mée qui, ici, dans notre groupe com­pact, fas­ci­né et rete­nant son souffle, fai­sait explo­ser une bar­rière inté­rieure ; il avait besoin (oh, que je le sen­tais !) de notre enthou­siasme pour en avoir lui-même, de notre inté­rêt pour ses effu­sions intel­lec­tuelles, de notre jeu­nesse pour ses élans de jeu­nesse. Comme un joueur de cym­ba­lum se grise du rythme tou­jours plus sau­vage de ses mains fré­né­tiques, son dis­cours deve­nait tou­jours plus puis­sant, plus enflam­mé, plus colo­ré et plus ardent ; et plus notre silence était pro­fond (mal­gré soi on per­ce­vait dans l’es­pace les res­pi­ra­tions conte­nues), plus son expo­sé s’en­vo­lait, plus il était cap­ti­vant et plus il s’é­lan­çait comme un hymne. En ces minutes-là tous nous lui appar­te­nions, à lui seul, entiè­re­ment pos­sé­dés par cette exaltation.
Et de nou­veau, lors­qu’il ter­mi­na sou­dain, en évo­quant un pas­sage du dis­cours de Goethe sur Sha­kes­peare, notre exci­ta­tion retom­ba d’un coup. Et de nou­veau, comme la veille, il s’ap­puya épui­sé contre la table, le visage blême, mais encore par­cou­ru par les petites vibra­tions et les fré­mis­se­ments de nerfs, et dans ses yeux lui­sait étran­ge­ment la volup­té de l’ef­fu­sion qui durait encore, comme chez une femme qui vient de s’ar­ra­cher à une étreinte souveraine.

Tra­duit de l’al­le­mand (Autriche) par Oli­vier Bour­nac et Alzir Hella

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Fan­ny Hill, une fille de joie

Fan­ny Hill, or Memoirs of a Woman of Plea­sure, ou Mémoires d’une fille de joie est consi­dé­ré comme le pre­mier roman éro­tique. Écrit en 1749 par John Cle­land tan­dis qu’il pur­geait une peine de pri­son pour dettes, il ren­voya son auteur en pri­son pour inci­ta­tion à la débauche. Il fut inter­dit aux États-Unis jus­qu’en 1966.
Il sem­ble­rait que l’au­teur ait clai­re­ment fait un jeu de mots avec le nom du per­son­nage prin­ci­pal puisque Fan­ny, c’est la vulve et Hill, un mame­lon ou le Mont de Vénus. Tout un programme…
Le texte est inté­gra­le­ment dis­po­nible sur Gal­li­ca. Pour la petite his­toire, Edouard-Hen­ri Avril l’illus­tra et se spé­cia­li­sa par la même occa­sion dans l’illus­tra­tion éro­tique, d’un goût par­fois dou­teux… On pour­ra lire éga­le­ment le texte d’A­pol­li­naire sur l’œuvre.

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Le corps mer­veilleux de Galswinthe

Gals­winthe, fille d’Atha­na­gild, roi des Wisi­goths d’His­pa­nie,  a vécu au VIème siècle, était reine des Francs et de Neus­trie et femme du roi méro­vin­gien Chil­pé­ric Ier. Son nom signi­fie en gothique « Éner­gique dans la foi » et l’on trouve son nom ortho­gra­phié sous les formes Gal­suin­tha, Gai­le­suin­da et Gele­suin­ta.

Son his­toire, tra­gique, c’est l’é­vêque Gré­goire de Tours qui nous la raconte (His­toire des Francs, livre IV, 28, 592 — tra­duc­tion Robert Latouche.)

Ce que voyant le roi Chil­pé­ric deman­da sa sœur Gals­winthe bien qu’il eût déjà plu­sieurs épouses ; il fit pro­mettre par les ambas­sa­deurs qu’il délais­se­rait les autres pour peu qu’il méri­tât d’a­voir une femme digne de lui et de souche royale. Le père, accueillant ces pro­messes, lui envoya sa fille comme il avait fait pour sa pré­cé­dente avec de grandes richesses, car Gals­winthe était plus âgée que Bru­ne­hilde. Lors­qu’elle fut arri­vée chez le roi Chil­pé­ric, elle fut accueillie avec beau­coup d’hon­neurs et asso­ciée à lui par le mariage. Il éprou­vait aus­si pour elle un grand amour, car elle avait appor­té avec elle de grands tré­sors. Mais son amour pour Fré­dé­gonde qu’il avait eue aupa­ra­vant comme femme pro­vo­qua entre eux un grand dif­fé­rent. Elle avait déjà été conver­tie à la foi catho­lique et ointe de chrême. Or comme elle se plai­gnait constam­ment au roi d’a­voir à sup­por­ter des injures et de ne jouir auprès de lui d’au­cune consi­dé­ra­tion, elle deman­da la per­mis­sion de ren­trer libre­ment dans sa patrie en lais­sant les tré­sors qu’elle avait appor­tés avec elle. Le roi fei­gnant de nier la chose, l’a­pai­sa par de douces paroles. Fina­le­ment il la fit égor­ger par un esclave et on la trou­va morte dans son lit. […] Quant au roi, après avoir pleu­ré la morte, il reprit après quelques jours Fré­dé­gonde qu’il épousa […].

En l’oc­cur­rence, si la reine Gals­winthe a connu des déboires qui ne l’ont pas pour autant ins­crite en haut du tableau, je ne suis pas pour autant insen­sible au tableau d’Eu­gène Phi­lastre fils, un peintre mineur à peu près incon­nu dont la plus grande œuvre est conser­vée au musée de Sois­sons… Le tableau est un peu pom­pier, et son état de conser­va­tion laisse à dési­rer, mais en y regar­dant de plus près, on découvre un vrai tré­sor ; le corps de Gals­winthe. Rare­ment on a repré­sen­té le corps d’une femme en pein­ture avec autant d’ex­pres­sion, à tel point qu’on pour­rait presque le sor­tir du cadre et le faire poser pour un pho­to­graphe moderne. Le trai­te­ment du mou­ve­ment, le torse en avant, bom­bé par le manque d’air, un bras replié sur la main qui lui enserre le cou, l’autre lâche­ment bal­lante ; tout indique que déjà elle s’a­ban­donne à la mort. Le regard de la reine est déjà vide et ses lèvres entr’ou­vertes laissent sup­po­ser qu’elle est en train de rendre son der­nier souffle. Pour­tant dans cette mort, on y voit — peut-être le fan­tasme du peintre* — une car­na­tion claire, une peau par­cou­rue par une chair de poule que l’on peut voir fleu­rir jusque sur le sein dont l’a­réole est ten­due, le pubis est pro­je­té en avant, une jambe allon­gée, l’autre repliée, tout veut nous faire croire qu’elle se débat pour ne pas mou­rir. En réa­li­té, je me pose la ques­tion de savoir si le peintre ne s’est pas expri­mé de telle sorte que son modèle est plu­tôt per­du dans les affres du plai­sir que dans la tor­ture d’une mort nais­sante. On aurait vou­lu évo­quer le vul­gaire meurtre d’une reine qu’on y serait cer­tai­ne­ment allé avec un peu plus d’emphase et de manières… Mais je me trompe peut-être.

* Non, pas le mien…

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