Des cinq points en amours

De retour du châ­teau d’E­couen pour une visite théâ­tra­li­sée avec la troupe du Théâtre de la Val­lée, je découvre avec un cer­tain plai­sir ces quelques mots susur­rés de Clé­ment Marot, celui qui fut pro­tes­tant sans gran­de­ment le dire et grand coquin sans gran­de­ment le cacher…

Fleur de quinze ans (si Dieu vous sauve et gard)
J’ai en amours trou­vé cinq points exprès :
Pre­miè­re­ment, il y a le regard,
Puis le devis, et le bai­ser après ;
L’at­tou­che­ment le bai­ser suit de près,
Et tous ceux-là tendent au der­nier point,
Qui est, et quoi ? Je ne le dirai point :
Mais s’il vous plaît en ma chambre vous rendre,
Je me met­trai volon­tiers en pourpoint,
Voire tout nu, pour le vous faire apprendre.

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Notes hiver­nales #1

J’a­vais entre­pris mon blog comme un bloc-notes, mais je n’ai jamais réel­le­ment retrans­crit ces web-notes ici. Aus­si, j’ai des tonnes de liens qui pour­rissent dans un coin que j’ai appe­lé la Malle des Indes. Il serait peut-être temps pour moi de com­men­cer à les déli­vrer, d’au­tant que ça ne sert que si c’est partagé.

1. Archéo­lo­gie de l’abandon

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Le corps mer­veilleux de Galswinthe

Gals­winthe, fille d’Atha­na­gild, roi des Wisi­goths d’His­pa­nie,  a vécu au VIème siècle, était reine des Francs et de Neus­trie et femme du roi méro­vin­gien Chil­pé­ric Ier. Son nom signi­fie en gothique « Éner­gique dans la foi » et l’on trouve son nom ortho­gra­phié sous les formes Gal­suin­tha, Gai­le­suin­da et Gele­suin­ta.

Son his­toire, tra­gique, c’est l’é­vêque Gré­goire de Tours qui nous la raconte (His­toire des Francs, livre IV, 28, 592 — tra­duc­tion Robert Latouche.)

Ce que voyant le roi Chil­pé­ric deman­da sa sœur Gals­winthe bien qu’il eût déjà plu­sieurs épouses ; il fit pro­mettre par les ambas­sa­deurs qu’il délais­se­rait les autres pour peu qu’il méri­tât d’a­voir une femme digne de lui et de souche royale. Le père, accueillant ces pro­messes, lui envoya sa fille comme il avait fait pour sa pré­cé­dente avec de grandes richesses, car Gals­winthe était plus âgée que Bru­ne­hilde. Lors­qu’elle fut arri­vée chez le roi Chil­pé­ric, elle fut accueillie avec beau­coup d’hon­neurs et asso­ciée à lui par le mariage. Il éprou­vait aus­si pour elle un grand amour, car elle avait appor­té avec elle de grands tré­sors. Mais son amour pour Fré­dé­gonde qu’il avait eue aupa­ra­vant comme femme pro­vo­qua entre eux un grand dif­fé­rent. Elle avait déjà été conver­tie à la foi catho­lique et ointe de chrême. Or comme elle se plai­gnait constam­ment au roi d’a­voir à sup­por­ter des injures et de ne jouir auprès de lui d’au­cune consi­dé­ra­tion, elle deman­da la per­mis­sion de ren­trer libre­ment dans sa patrie en lais­sant les tré­sors qu’elle avait appor­tés avec elle. Le roi fei­gnant de nier la chose, l’a­pai­sa par de douces paroles. Fina­le­ment il la fit égor­ger par un esclave et on la trou­va morte dans son lit. […] Quant au roi, après avoir pleu­ré la morte, il reprit après quelques jours Fré­dé­gonde qu’il épousa […].

En l’oc­cur­rence, si la reine Gals­winthe a connu des déboires qui ne l’ont pas pour autant ins­crite en haut du tableau, je ne suis pas pour autant insen­sible au tableau d’Eu­gène Phi­lastre fils, un peintre mineur à peu près incon­nu dont la plus grande œuvre est conser­vée au musée de Sois­sons… Le tableau est un peu pom­pier, et son état de conser­va­tion laisse à dési­rer, mais en y regar­dant de plus près, on découvre un vrai tré­sor ; le corps de Gals­winthe. Rare­ment on a repré­sen­té le corps d’une femme en pein­ture avec autant d’ex­pres­sion, à tel point qu’on pour­rait presque le sor­tir du cadre et le faire poser pour un pho­to­graphe moderne. Le trai­te­ment du mou­ve­ment, le torse en avant, bom­bé par le manque d’air, un bras replié sur la main qui lui enserre le cou, l’autre lâche­ment bal­lante ; tout indique que déjà elle s’a­ban­donne à la mort. Le regard de la reine est déjà vide et ses lèvres entr’ou­vertes laissent sup­po­ser qu’elle est en train de rendre son der­nier souffle. Pour­tant dans cette mort, on y voit — peut-être le fan­tasme du peintre* — une car­na­tion claire, une peau par­cou­rue par une chair de poule que l’on peut voir fleu­rir jusque sur le sein dont l’a­réole est ten­due, le pubis est pro­je­té en avant, une jambe allon­gée, l’autre repliée, tout veut nous faire croire qu’elle se débat pour ne pas mou­rir. En réa­li­té, je me pose la ques­tion de savoir si le peintre ne s’est pas expri­mé de telle sorte que son modèle est plu­tôt per­du dans les affres du plai­sir que dans la tor­ture d’une mort nais­sante. On aurait vou­lu évo­quer le vul­gaire meurtre d’une reine qu’on y serait cer­tai­ne­ment allé avec un peu plus d’emphase et de manières… Mais je me trompe peut-être.

* Non, pas le mien…

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Mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde

L’Archi­ba­si­lique du Très-Saint-Sau­veur, plus connue sous le nom de basi­lique Saint-Jean-de-Latran est omnium urbis et orbis eccle­sia­rum mater et caput, Mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde. Moins connue dans les esprits que la basi­lique Saint-Pierre, elle est pour­tant la pre­mière des églises dans l’ordre pro­to­co­laire, avant Saint-Pierre et fait par­tie des quatre basi­liques papales de Rome. Détruite à de mul­tiples reprises, elle est aujourd’­hui recons­truite dans un style majo­ri­tai­re­ment baroque ita­lien (c’est à dire à mon sens, pas tou­jours de très bon goût). On peut tou­te­fois encore admi­rer dans la cha­pelle du bap­tis­tère les restes de la basi­lique pri­mi­tive, com­men­cée en 315, avec une construc­tion d’ins­pi­ra­tion byzan­tine et des mosaïques dorées de toute beau­té qui font oublier la gran­di­lo­quence fas­tueuse de la basi­lique elle-même. Il est à noter que la mosaïque de l’ab­side date du IVème siècle, même si elle a été pro­fon­dé­ment res­tau­rée au XIIème siècle. On peut aujourd’­hui grâce au site du Vati­can visi­ter vir­tuel­le­ment (avec une musique tout ce qu’il y a de plus adap­tée) l’en­semble du bâti­ment comme vous ne le ver­rez cer­tai­ne­ment jamais, comme par exemple la cha­pelle Lan­cel­lot­ti ou la cha­pelle Cor­si­ni, qui ne sont pas ouvertes au public. Même si le lieu est impres­sion­nant de gran­diose et de faste, il reste une des mani­fes­ta­tions les plus flam­boyantes d’un art baroque qui ne s’est jamais embar­ras­sé de sim­pli­ci­té et qui n’hé­site pas à user d’une cer­taine théâ­tra­li­té qui sied mal à un lieu de recueille­ment, fût-il à la tête des autres…

Il est à noter que le Pré­sident de la Répu­blique Fran­çaise reçoit pour comme titre celui de Cha­noine d’Hon­neur de Saint-Pierre-de-Latran. Les deux seuls pré­si­dents de la cin­quième répu­blique à avoir refu­sé leur intro­ni­sa­tion sont Georges Pom­pi­dou et Fran­çois Mitterrand.

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