Les faveurs de Néfertiabet

Stèle : la princesse Néfertiabet devant son repas

Stèle : la prin­cesse Néfer­tia­bet devant son repas. Ancien Empire, 4e dynas­tie, règne de Khéops (2590–2565 av. J.-C.). Musée du Louvre

La pyra­mide était entou­rée de plu­sieurs petites, dont les bases sub­sistent encore. On y recon­nait aisé­ment la situa­tion de celle qu’­Hé­ro­dote dit avoir été bâtie par la fille de Chéops, au frais de ses amants, qui payaient cha­cune de ses faveurs d’un bloc de pierre d’É­thio­pie. Cette pyra­mide n’a­vait, selon notre auteur, qu’un phletre de base, c’est-à-dire soixante-sept pieds et demi ; elle était donc beau­coup plus petite que celle dont nous venons de par­ler ; mais je me suis convain­cu que c’é­tait parce que les pierres en étaient moindres, et non pas parce qu’il y en avait moins. Cepen­dant en ne pre­nant que la moi­tié du nombre mar­qué ci-des­sus, nous aurons cent-soixante sept mille trois cents quatre-vingt trois faveurs et demie, somme qui, pour une jeune prin­cesse, paraî­tra tou­jours assez considérable.

Jean-Fran­çois Champollion

Un esprit cha­grin serait en droit de se deman­der qui est le pingre qui y est allé d’une seule demi-faveur (et l’es­prit encore plus cha­grin répon­dra cer­tai­ne­ment : “tous”)

Read more

Délices du Caire et de la nuit d’orient

Source BNF

De la nuit cai­rote, je res­sens encore les odeurs et les cou­leurs, la pous­sière du désert sur les trot­toirs, je revois les murs de terre sèche, le Nil majes­tueux reflé­tant à l’in­fi­ni un soleil écra­sant. Visite gui­dée par­mi les rayon­nages de la bibliothèque.

Avec Gas­ton Mas­pe­ro et son Guide du visi­teur au Musée du Caire (1902). Une visite vir­tuelle dans le célèbre musée par un égyp­to­logue de renom.

Cinq mois au Caire et dans la Basse Égypte / par Gabriel Charmes, 1880, un texte suave et moderne. (more…)

Read more

Fruits sucrés du passé

Louis VIII par Hen­ri Leh­mann,
châ­teau de Versailles

Le roi de France Louis VIII, dit Le Lion, fils de Phi­lippe-Auguste, mari de Blanche de Cas­tille et père du futur Louis IX, plus connu sous le nom de Saint-Louis, était un homme d’une pié­té exem­plaire. Son his­toire est tra­gique. Par­ti en croi­sade contre les Albi­geois sou­te­nus par Ray­mond VII, comte de Tou­louse (gra­ve­ment sus­pec­té de ne pas avoir vou­lu cau­tion­ner le mas­sacre des héré­tiques Cathares), il mène ses troupes aux portes d’A­vi­gnon qui fini­ra par tom­ber puis aux portes de Tou­louse. Mais l’hi­ver, ses mala­dies et les déser­tions auront rai­son de son armée. Le Roi de France Louis VIII sera frap­pé par la dysenterie.
Il lui aurait pour­tant suf­fi de prendre le trai­te­ment qu’on recom­man­dait à l’é­poque pour chas­ser le mal : cou­cher avec une jeune vierge, mais le Roi était pieux et refu­sa. Il mou­rut en 1226 dans d’a­troces souf­frances (près de la natio­nale 9), à Mont­pen­sier. Entre la dys­en­te­rie et cou­cher avec la vierge, mon cœur balance.

En par­lant de pieux, voi­ci une petite anec­dote qui appar­tient éga­le­ment à l’Histoire.
Mame­louk (مملوك) est un terme arabe qui signi­fie pos­sé­dé. Les mame­louks n’é­taient ni plus ni moins que d’an­ciens esclaves qui se consti­tuaient en milices au ser­vice d’un calife otto­man. Ils enva­hirent l’É­gypte à par­tir de 1250 et mal­gré le fait qu’ils étaient de grands bâtis­seurs (et pilleurs éga­le­ment) et des artistes hors-pair, lais­sant leur trace dans tous les plus beaux monu­ments de l’É­gypte ayyu­bide, ils n’é­taient pas spé­cia­le­ment répu­tés pour leur déli­ca­tesse comme en témoigne l’o­ri­gine de leur nom. Leurs occu­pa­tions consis­taient sur­tout à pas­ser à peu près tout le monde au fil de leur lame recour­bée. Leurs sup­plices pré­fé­rés étaient al-taw­sit et al-kha­zuq.
Al-kha­zuq consiste à empa­ler les corps, tan­dis que al-taw­sit consiste à les décou­per en deux à par­tir de l’ab­do­men. Une raf­fi­ne­ment suprême.

Je ne me lasse jamais de ces petits faits qui font la grande histoire…

Read more

Kom ash-Shu­q­qa­fa

Ima­gi­nez-vous mar­cher dans les rues d’A­lexan­drie en 1900 der­rière un âne. L’âne marche d’un air débon­naire et sou­dain dis­pa­rait de l’ho­ri­zon, englou­ti par un trou béant qui s’est ouvert sous son poids. C’est appa­rem­ment le scé­na­rio qui s’est dérou­lé le jour où ont été décou­vertes les cata­combes de Kom ash-Shu­q­qa­fa (Kom-el-Chou­qa­fa — la col­line aux tes­sons), non loin du canal el Mah­mou­diya. Cet immense hypo­gée est le plus grand site archéo­lo­gique mis à jour à Alexan­drie et demeure le der­nier ves­tige de la reli­gion égyp­tienne, même si le style en est clai­re­ment romain, et la déco­ra­tion dans un style typi­que­ment gré­co-romain carac­té­ris­tique d’A­lexan­drie. Construit à la fin du Ier siècle, il a été uti­li­sé pen­dant près de trois siècles. Ce sont en tout 300 tombes qui ont été mises à jour, répar­ties sur trois niveaux dont le plus bas est aujourd’­hui inon­dé et impra­ti­cable, à 35 mètres sous terre, le tout entiè­re­ment creu­sé dans la roche. Le lieu est orga­ni­sé autour d’une grande rotonde qui des­sert toutes les pièces, tombes prin­ci­pales comme d’autres plus récentes. L’en­semble est com­po­sé d’un puits par lequel on pas­sait les corps, la rotonde, la salle prin­ci­pale, toute un bor­dée de locu­li (niches) et un tri­cli­nium, une salle de ban­quet des­ti­née aux invi­tés. Les pre­miers archéo­logues à y entrer trou­vèrent de la vais­selle et des amphores encore pleines de vins.

L’é­poque de construc­tion de cet hypo­gée cor­res­pond avec le moment où la ville d’A­lexan­drie ne sait pas quelle reli­gion adop­ter, tiraillée entre les pré­misses d’un chris­tia­nisme hési­tant, le pan­théisme de Rome ou d’A­thènes et les anciennes croyances égyp­tiennes. On voit mêlé dans la tombe disques solaires, sta­tues d’Anu­bis (dieu dévoué au pas­sage vers le pays des mort) affu­blée de la queue de ser­pent d’Aga­thos (Aga­tho­dae­mon, αγαθος δαιμων) et vêtu comme un légion­naire  romain. On y voit éga­le­ment des pein­tures repré­sen­tant l’en­lè­ve­ment de Per­sé­phone par Hadès et la momi­fi­ca­tion d’Osi­ris. La confron­ta­tion des dif­fé­rents styles a tou­jours quelque chose d’un peu étrange par­fois, pour ne pas dire ridi­cule. Le haut-relief d’A­nu­bis sty­li­sé “à la grecque”, avec muscles saillants et pose manié­rée, le tout mêlé à la repré­sen­ta­tion dans laquelle s’ex­prime le refus de tour­ner le corps est sin­gu­liè­re­ment inap­pro­priée, mais c’est un témoi­gnage des temps trou­blés, entre deux eaux.

  1. The Cata­combs of Kom el-Shu­qa­fa, the “Mound of Shards,” Part I: An Intro­duc­tion and the First Level by Zah­raa Adel Awed
  2. The Cata­combs of Kom el-Shu­qa­fa, the “Mound of Shards,” Part II: The Second Level and the Main Tomb by Zah­raa Adel Awed
  3. The Cata­combs of Kom el-Shu­qa­fa, the “Mound of Shards,” Part III: The Hall of Cara­cal­la (Neben­grab) by Zah­raa Adel Awed

Mes­sage per­so : page 453

Read more

Petits miracles entre nous

Pho­to © Andy Hares

Quel­qu’un de très cher m’a offert un guide tou­ris­tique de l’É­gypte. Le guide Geo pour ne pas le nom­mer. Pen­dant long­temps, j’ai évi­té le rayon tou­risme des librai­ries, dédai­gneux, me disant que la seule lit­té­ra­ture valable pour voya­ger était celle des écri­vains voya­geurs, leurs trop nom­breux ouvrages d’ex­pé­rience, mais j’ai lais­sé ces idées au ren­cart et je pense à pré­sent que rien ne vaut un guide de voyage pour plon­ger direc­te­ment au cœur du sujet.
Aus­si, à la fin du pre­mier para­graphe de la page 413 concer­nant l’oasis de Siouah, je relève quelques mots qui piquent ma curio­si­té comme l’ai­guillon d’une vive en plein mois d’août.

Depuis un siècle, l’his­toire de l’oa­sis serait consi­gnée dans le mys­té­rieux Manus­crit de Sioua, com­pi­la­tion de récits par­fois ances­traux, gar­dé secret.

Pho­to © Walid Has­sa­nein

Selon toute vrai­sem­blance, on m’a tou­jours caché l’exis­tence de ce docu­ment et je trouve ça vexant. Du coup, j’ai cher­ché par moi-même sur Inter­net, mais rien ne m’est appa­ru per­ti­nent. En outre, je me vite trou­vé dévié par le cou­rant et j’ai atter­ri sur le site de Gal­li­ca que je n’a­vais pas consul­té depuis des lustres. Beau­coup de choses ont chan­gé et sur­tout, le fonds s’en trouve consi­dé­ra­ble­ment aug­men­té. J’ai trou­vé ce livre au titre inter­mi­nable : Nou­velles annales des voyages, de la géo­gra­phie et de l’his­toire : ou Recueil des rela­tions ori­gi­nales inédites, com­mu­ni­quées par des voya­geurs fran­çais et étran­gers ; des voyages nou­veaux, tra­duits de toutes les langues euro­péennes ; et des mémoires his­to­riques sur l’o­ri­gine, la langue, les mœurs et les arts des peuples, ain­si que sur les pro­duc­tions et le com­merce des pays peu ou mal connus : accom­pa­gnées d’un bul­le­tin où l’on annonce toutes les décou­vertes, recherches et entre­prises qui tendent à accé­lé­rer les pro­grès des sciences his­to­riques, spé­cia­le­ment de la géo­gra­phie / publiées par MM. J. B. Eyriès et Malte-Brun dont le pre­mier tome date de 1819.

J’ai éga­le­ment trou­vé cette petite perle: Algé­rie et Tuni­sie : récits de voyage et études, par Alfred Baraudon.

Un peu plus loin, le Jour­nal des voyages et des aven­tures de terre et de mer publié entre 1877 et 1929.

Journal des voyages et des aventures de terre et de mer

Et pour finir, Études de mytho­lo­gie et d’ar­chéo­lo­gie égyp­tiennes. Vol. 6, par Gas­ton Mas­pe­ro (1912).

Des tré­sors comme ça, il y a en a par­tout sur le web et toute une vie ne suf­fi­ra pas à satis­faire les plus curieux, mais il faut que ça reste entre nous, hein ? Et puis avec tout, je n’ai tou­jours rien trou­vé sur ce pré­cieux manus­crit de Siouah…
Loca­li­sa­tion de l’oa­sis de Siouah (ou Siwa) sur Google Maps.

Read more