L’ai­guière aux oiseaux ou aiguière de Saint-Denis (Mr 333)

L’ai­guière aux oiseaux ou aiguière de Saint-Denis (Mr 333)

L’ai­guière aux oiseaux est un vrai tré­sor issu des échanges liés à l’his­toire médi­ter­ra­néenne. Elle est men­tion­née par le moine béné­dic­tin Dom Michel Féli­bien dans son His­toire de l’ab­baye royale de Saint-Denys en France, en  1706, mais bien aupa­ra­vant, on retrouve trace de cet objet déjà aux pre­miers temps de l’é­di­fi­ca­tion de la basi­lique puisque dans les œuvres-mêmes de l’ab­bé Suger, on en retrouve men­tion, dès la fin du XIè siècle. Si on ne sait pas vrai­ment d’où elle vient, ni dans quelles condi­tions elle est arri­vée en France, on se doute tout de même qu’elle a pu être offerte en cadeau ou plus pro­ba­ble­ment volée ou sor­tie d’E­gypte lors d’un pillage au milieu du XIè siècle. Ce que nous indique son cou­vercle en or, faus­se­ment de style orien­tal puis­qu’on sait de source sûre qu’il a été fabri­qué en Ita­lie, c’est que l’ob­jet a voya­gé jus­qu’à Saint-Denis en pas­sant par un ate­lier d’or­fè­vre­rie de haut rang, cer­tai­ne­ment dans le sud du pays. Orné de fili­granes tor­sa­dés, de rosettes et de minus­cules entre­lacs de type « ver­mi­cel­li », ce cou­vercle épouse l’ouverture en amande du bec ver­seur et « chris­tia­nise » l’objet. (source Qan­ta­ra)

L’his­toire de son arri­vée jus­qu’à Saint-Denis demeure un mystère.

Aiguière aux oiseaux - Musée du Louvre - cristal de roche

Aiguière aux oiseaux — Musée du Louvre — cris­tal de roche (Mr 333)

Ce qui fait de cet objet une rare­té, c’est non seule­ment sa matière, puis­qu’il a été réa­li­sé dans du cris­tal de roche, d’un seul bloc. De dimen­sion modestes, haute de 24cm et à peine large de 13,5cm, le décor réa­li­sé sur son flanc en forme de poire repré­sente des oiseaux sty­li­sés enrou­lés autour de motifs flo­raux d’ins­pi­ra­tion per­sane. Même l’anse n’est pas rap­por­tée et fait par­tie du même bloc. La voir ain­si tou­jours soli­daire du corps prin­ci­pal plus de 1000 ans après sa créa­tion en fait une pièce tout-à-fait excep­tion­nelle, même si la par­tie supé­rieure taillée en ronde bosse repré­sen­tant cer­tai­ne­ment un oiseau ou un bou­que­tin, située sur le haut de l’anse a disparu.

Dom Michel Félibien - Trésor de Saint-Denis (1706) - Planche issue de l'Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denys en France - détail

Dom Michel Féli­bien — Tré­sor de Saint-Denis (1706) — Planche issue de l’His­toire de l’ab­baye royale de Saint-Denys en France — détail

La tech­nique uti­li­sée par les artistes cai­rotes de la période fati­mide est une taille par abra­sion par des maté­riaux per­met­tant une grande pré­ci­sion (sable et dia­mant) dans une pierre d’une dure­té de 7 (le dia­mant étant à 10). Même si ce n’est pas évident au pre­mier coup d’œil, la pièce de cris­tal de roche est creu­sée de l’in­té­rieur, évi­dée par abra­sion, ce qui repré­sente un tra­vail de longue haleine et de pré­ci­sion. A son point le plus fin, l’é­pais­seur au col n’est que de 3mm et il aura fal­lu à l’ar­tiste pas­ser un outil dans un gou­let de moins de 2cm de large. On remarque aus­si que la symé­trie de la pièce n’est pas par­faite, cer­tai­ne­ment parce que l’ar­tiste a été contraint par la forme de la pierre initiale.

La période de fabri­ca­tion remonte très cer­tai­ne­ment au der­nier quart du Xè siècle et elle porte au col une ins­crip­tion en cou­fique signi­fiant “béné­dic­tion, satis­fac­tion et [mot man­quant] à son pos­ses­seur”. Source Wiki­pe­dia.

On retrouve la men­tion de la pré­sence de cet objet dans le tré­sor de Saint-Denis sur cette gra­vure de Dom Michel Féli­bien, sous le nom de vase d’A­lié­nor, mais on recon­naît bien sa forme, l’oi­seau et le bec, ain­si que son cou­vercle en or por­tant chaînette.

Dom Michel Félibien - Trésor de Saint-Denis (1706) - Planche issue de l'Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denys en France

Dom Michel Féli­bien — Tré­sor de Saint-Denis (1706) — Planche issue de l’His­toire de l’ab­baye royale de Saint-Denys en France

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L’é­po­pée de Rama contre le démon Rha­wa­na : kecak à Ubud, Bali

L’é­po­pée de Rama contre le démon Rha­wa­na : kecak à Ubud, Bali

Ubud… (suite)
Au cœur du Pura Dalem Taman Kaja. On y joue ce soir un spec­tacle où sont regrou­pés une cen­taine d’hommes et de femmes de la com­mu­nau­té Taman Kaja. La cour du temple est déga­gée et c’est devant le petit por­tail sculp­té que va se jouer la céré­mo­nie, autour d’une immense can­dé­labre sur lequel sont dis­po­sées des lampes à huile. Une à une, un homme en sarong les allume, puis les chan­teurs entrent, le regard bais­sé, comme s’ils étaient concen­trés, et cha­cun prend sa place, de manière concen­trique autour du pylône lumi­neux. Cha­cun sait ce qu’il a à faire, aucun n’hé­site, ils se jugent à la bonne dis­tance ; c’est millimétré.

Mon cœur bat fort, je ne sais pas pour­quoi. Peut-être le fait d’a­voir mar­ché vite pour ne pas rien rater, peut-être un peu d’é­mo­tion, comme si je savais que ce que j’al­lais voir avait le par­fum de l’ex­pé­rience unique. Comme sou­vent, je me laisse por­ter par mes envies en terre étran­gère, sans rien pré­voir, sans rien ima­gi­ner. Les idées pré­con­çues font tous les ans des mil­liers de vic­times qu’on retrouve incons­cientes dans le monde entier.

Un homme en blanc jette de l’eau sur les hommes, tou­jours tête bais­sée à l’aide d’un petit gou­pillon végé­tal et d’un bol en lai­ton. J’ai l’im­pres­sion d’a­voir vu cette scène des cen­taines de fois, ailleurs, je ne sais pas.

Les hommes com­mencent à chan­ter après qu’un des chan­teurs que je n’ar­rive pas à iden­ti­fier tout de suite ait don­né le départ. Tout de suite, on entend l’un d’eux scan­der une syl­labe rapi­de­ment, tou­jours sur le même rythme ; il faut s’ha­bi­tuer, on va l’en­tendre qua­si­ment tout du long. Assis autour du feu les hommes posent leurs mains sur leurs cuisses, un coup d’un côté, un coup de l’autre et leur tête fait une sac­cade de l’autre côté ; le rythme est don­né. Les tcha­kat­cha­kak arrivent, tout parait désor­don­né, mais j’ar­rive à per­ce­voir quelques sons qui donnent l’in­to­na­tion et leur per­mettent de chan­ger de rythme. Sous mes yeux se déroule un spec­tacle très ancien qui n’a pas chan­gé d’un pouce et que la tra­di­tion pousse à main­te­nir vivant. Cette his­toire est un épi­sode du Râmâya­na (रामायण), la célèbre épo­pée hin­douiste com­po­sée à par­tir du IIIème siècle AEC.

L’é­pi­sode pré­cis que raconte le kecak est celui où le prince Râma, alors héri­tier du trône du royaume d’Ayo­dya, ain­si que son épouse Sītā sont ban­nis par le roi Dasa­ra­ta après que la belle-mère de Râma ait com­plo­té pour qu’il n’hé­rite pas du pou­voir. L’his­toire com­mence tan­dis que les amants accom­pa­gnés de Laks­ma­na, le frère de Râma, entrent dans la forêt de Dan­da­ka.

Le roi d’Aleng­ka, le démon Rah­wa­na, a repé­ré le trio, mais sur­tout la belle Sītā qu’il convoite pour sa beau­té. Il envoie son ministre Mari­ca iso­ler la belle pour pou­voir la kid­nap­per, et pour cela, Mari­ca uti­lise ses pou­voirs pour se trans­for­mer en cerf cou­leur d’or. La jeune fille, cap­ti­vée par cet ani­mal, demande à Râma de le cap­tu­rer pour elle. Il part à la chasse et demande à son frère de gar­der une œil sur elle. Sītā entend un cri, pense que c’est son amant qui a besoin d’aide, envoie son pro­tec­teur l’ai­der. Celui-ci part après avoir des­si­né un cercle magique sur le sol et donne l’ins­truc­tion à Sītā de ne pas en sortir.

Rah­wa­na, alors dégui­sé en vieux prêtre affa­mé, lui demande l’au­mône, et c’est sans mal qu’elle sort du cercle magique pour aider le vieil homme. Il l’en­lève jus­qu’à son palais où il tente de la séduire. Pen­dant ce temps, Hanu­man, le singe blanc ami de Râma cherche Sītā. Celle-ci se lie d’a­mi­tié avec la nièce de Rah­wa­na, Tri­ja­ta, lors­qu’­Ha­nu­man appa­raît en lui mon­trant la bague de Râma. Celle-ci lui donne une épingle à che­veux pour pas­ser le mes­sage qu’elle est tou­jours en vie et pour deman­der à Râma de venir l’aider.

Pen­dant ce temps, Râma et son frère tombent sur Mega­na­da, le fils du démon, qui les entraînent dans un com­bat féroce. Celui-ci tire une flèche qui se trans­forme en dra­gon qui les ligote avec des cordes. L’oiseau Garu­da, roi de tous les oiseaux, ami de Dasa­ra­ta, voit depuis le ciel dans quelle situa­tion se trouve Râma et vient libé­rer les hommes. Râma et son frère sont aidés par Sugri­wa, roi des singes et son armées de singes.

Ce tableau se ter­mine avec la défaite de Mega­na­da par Sugri­wa et son armée.

Le der­nier tableau est la danse du feu (San­ghyang Dja­ran). Les dan­seurs et les chan­teurs sortent du car­ré du temple. Un homme vient dépo­ser des coques de noix de coco sèches au centre, à la place du can­dé­labre, et y met le feu. Une ran­gée de chan­teurs entonne un chant dif­fé­rent de ce qui a été chan­té jus­qu’à pré­sent ; ils dressent devant eux des paillasses comme pour se pro­té­ger de quelque chose. Un dan­seur, un grand cos­taud por­tant à l’é­paule une manière de che­val danse en sillon­nant la place d’un pas lour­daud ; il entre dans le feu et balaie de ses pieds le bra­sier puis marche dans les braises. Plu­sieurs fois un homme ras­semble les braises avec un balai et la scène se repro­duit plu­sieurs fois.

La fonc­tion de cette danse est d’ap­por­ter la pro­tec­tion sur les familles, pour leur évi­ter l’in­fluence des forces du mal et les pré­ve­nir des épi­dé­mies. Le che­val à bas­cule, à Bali comme à Java, est asso­cié à la transe. Le che­va­lier qui marche dans le feu entre en transe au son des maigres ins­tru­ments et des chants qui portent le nom de game­lan sua­ra.

Je res­sens un étrange bien-être de me trou­ver ici dans la cour de ce temple, comme légè­re­ment ivre, empor­té par ces chants de transe d’un autre âge. Je rentre me cou­cher le cœur léger, heu­reux d’a­voir vécu cette expé­rience dont je ne soup­çon­nais pas la por­tée. Les cha­mans existent encore, je viens de les ren­con­trer… une nou­velle fois.

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Kecak à Ubud, chœurs, danse du feu et transe (car­net de voyage sonore)

Kecak à Ubud, chœurs, danse du feu et transe (car­net de voyage sonore)

Ubud…
Je me fait abor­der par un type à la peau noire buri­née, por­tant sarong rouge et blanc et che­mise à manche courte, tan­dis que je sors du Pura Taman Kemu­da Saras­wa­ti, un peu per­du dans cette ville dans laquelle je n’ar­rive pas à me repé­rer. Il me dit que ce soir il y a un spec­tacle de kecak, « fire dance ». Tou­jours un peu sur la défen­sive, je regarde sa bro­chure et lui demande un peu en quoi ça consiste, mais il ne me dit que « fire dance ». J’ai lu avant de par­tir qu’il ne fal­lait pas venir à Ubud sans voir au moins un de ces fabu­leux spec­tacle de danse ou de chant bali­nais. Évi­dem­ment, ce sont les tou­ristes qui pro­fitent essen­tiel­le­ment de ces exhi­bi­tions, mais en y regar­dant de plus près, on voit à quel point les Bali­nais sont fiers de per­pé­tuer une tra­di­tion ancienne et pour ceux qui font par­tie des troupes de dan­seurs et de chan­teurs, c’est une véri­table pas­sion qu’ils par­tagent géné­ra­le­ment avec un autre emploi la jour­née. J’ai pris un taxi le len­de­main du spec­tacle et le chauf­feur, lors­qu’il m’a deman­dé ce que j’a­vais fait la veille, m’a dit qu’il fai­sait par­tie de la troupe dont j’a­vais assis­té à la repré­sen­ta­tion. J’en ai pro­fi­té pour lui deman­der pour­quoi il fai­sait par­tie de cette troupe et il s’est mon­tré inta­ris­sable sur le sujet.
Le coquin réus­sit à me vendre un ticket pour m’y rendre. Il m’ex­plique vague­ment com­ment trou­ver le temple. Le soir venu, je m’y rends en pen­sant être large sur l’ho­raire, mais c’é­tait sans comp­ter que les esti­ma­tions de dis­tance qu’il m’a­vait four­ni s’a­vé­raient un peu opti­miste. Je finis par cava­ler un peu pour ne pas rater le début. Je finis par deman­der mon che­min, pas très cer­tain de l’en­droit où je me trouve. Tout le monde ici connaît le kecak qu’on ne joue qu’au Pura Dalem Taman Kaja.

Voir un spec­tacle de Kecak est une expé­rience hors du com­mun. S’ins­pi­rant des textes du Ramaya­na, ces ensembles ne sont com­po­sés que de chan­teurs, une cen­taine envi­ron, scan­dant des chants enivrants où le thème prin­ci­pal est chan­té au rythme des “tcha­kat­cha­kat­cha­kak” qui ont don­né le nom au genre. Il y est ques­tion de singes enga­gés dans une lutte contre un démon, tout cela autour d’une colonne où sont allu­més des feux. Comme dans toutes les céré­mo­nies, un prêtre vient bénir les chan­teurs avant de com­men­cer. Tan­dis qu’ils chantent, les hommes exé­cutent des mou­ve­ments sac­ca­dés, tan­tôt assis, tan­tôt allon­gés. Dans un pro­chain billet accom­pa­gné de vidéos, je par­le­rai plus pré­ci­sé­ment du dérou­lé du spectacle.

C’est le seul type de repré­sen­ta­tion dans lequel il n’y a aucun ins­tru­ment, et éton­nam­ment, je me suis ren­du compte que cer­tains spec­ta­teurs sont sor­tis avant la fin. Au début, je me suis dit que cela ne devait pas être à leur goût, mais je me suis ren­du compte que les ritour­nelles agissent for­te­ment sur l’é­tat de conscience et que cer­tains des chan­teurs étaient en transe. La ryth­mique répé­ti­tive est un des élé­ments qui per­met de modi­fier l’é­tat de conscience dans les rituels cha­ma­niques et j’i­ma­gine par­fai­te­ment que cer­taines per­sonnes puissent être irri­tées par les chants, comme on peut l’être par­fois au son répé­ti­tif d’une percussion.

Voi­ci ici qua­si­ment l’in­té­gra­li­té du spec­tacle à l’é­coute pour s’im­pré­gner de cette ambiance si par­ti­cu­lière à la lumière de quelques torches, par une belle soi­rée nuit balinaise.

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak

Béné­dic­tion des chan­teurs par le prêtre

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak - Danseuses

Dan­seuses

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak - Maître de cérémonie

Danse du démon. Le maître de céré­mo­nie est juste à gauche de la colonne de feu

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak - Chanteurs

Lorsque le démon passe, les hommes s’al­longent, sym­bo­li­sant la mort des singes

Pura dalem taman kaja (localisation)

Loca­li­sa­tion du Pura Dalem Taman Kaja sur Google Maps

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Les mys­tères de la Gue­ni­zah du Caire

Les mys­tères de la Gue­ni­zah du Caire

Dans les anciens royaumes boud­dhistes, il n’est pas rare de trou­ver des caches ou des salles annexes rem­plies des sta­tues de Boud­dha ou de bod­hi­satt­vas qui ont été offerts en offrande au temple, et que les textes — ou l’é­thique — inter­disent de détruire ou de se débar­ras­ser. Il se trouve sim­ple­ment que la place finit par man­quer. De la même manière, les syna­gogues sont en règle géné­rale, si la place le per­met, équi­pées d’une petite salle ser­vant de remise pour les objets cultuels ou les écrits sur les­quels figurent au moins un des sept noms de Dieu. Puis­qu’il est inter­dit d’ef­fa­cer le nom de Dieu ou de détruire le docu­ment sur lequel il est ins­crit, il faut donc remi­ser le docu­ment dans un lieu sacré, mais à l’é­cart de l’es­pace prin­ci­pal de culte. Ain­si existent ces petites salles dans les syna­gogues qu’on appellent gue­ni­za ou gue­ni­zah (גניזה). Si le terme hébreu désigne un endroit de mise en dépôt, il signi­fie éga­le­ment pré­ser­va­tion.

Synagogue Ben Ezra (intérieur) - Le Caire

Syna­gogue Ben Ezra (inté­rieur) — Le Caire

La gue­ni­zah la plus connue est celle que l’on nomme gue­ni­zah du Caire, que l’on trouve dans une petite syna­gogue du Caire, la syna­gogue Ben Ezra. Cette syna­gogue, lieu de culte juif situé en terre d’is­lam, porte en elle une his­toire par­ti­cu­lière ; située dans un vieux quar­tier cai­rote, au des­sus du por­tail sud de la Cita­delle de Baby­lone, à deux pas du Nil, elle est construite sur le lieu exact où Moïse aurait été recueilli dans son panier aqua­tique. On trouve éga­le­ment dans les envi­rons l’é­trange et célèbre église sus­pen­due (Al-Kanî­sah al-Mu’al­la­qah) qui fut autre­fois le siège du patriar­cat copte, ain­si que le monas­tère Saint-Georges, haut lieu de l’or­tho­doxie d’Égypte. Non loin de là, on trou­vé éga­le­ment l’É­glise d’Abou Ser­ga, lieu sup­po­sé où Marie, Joseph et l’en­fant Jésus se réfu­gièrent lor­qu’­Hé­rode ordon­na l’exé­cu­tion des enfants du Royaume. En clair, dans ce Vieux Caire sont ras­sem­blées toutes les reli­gions du livre.

Les Juifs gui­dés par Jéré­mie lors de l’exode baby­lo­nienne sous Nabu­cho­do­no­sor II, y construi­sirent la pre­mière syna­gogue dans laquelle ils dépo­sèrent à l’in­té­rieur de la gue­ni­zah la Torah inache­vée du scribe Esdras (Ezra — עזרא הסופר). A plu­sieurs reprises dans son his­toire, le lieu fut dévas­té puis recons­truit, mais éton­nam­ment, la gue­ni­zah fut pré­ser­vée, ain­si que les docu­ments qui s’y trouvent. Ain­si, ce sont plus de 250 000 docu­ments, rédi­gés en hébreu, qu’on a pu mettre à jour dans cette petite salle.

Solomon Schechter étudiant les manuscrits de la guenizah de la synagogue Ben Ezra au Caire

Solo­mon Schech­ter étu­diant les manus­crits de la gue­ni­zah de la syna­gogue Ben Ezra au Caire

Le doc­teur Solo­mon Schech­ter, un éru­dit mol­dave exi­lé ensuite aux États-Unis où il fon­da le conser­va­tisme juif amé­ri­cain se fixa comme objec­tif de recen­ser les ouvrages conser­vés ici. A par­tir de 1896, il pas­sa son temps à décor­ti­quer les lignes, dans la pous­sière nocive de ce lieu éteint et secret qui alté­ra pro­fon­dé­ment sa san­té et fit des décou­vertes excep­tion­nelles. La plus impor­tante pièce de cette col­lec­tion se trouve être pré­ci­sé­ment la Torah inache­vée d’Ez­ra, mais éga­le­ment le contrat de mariage d’un rab­bin égyp­tien ayant vécu au XIIIème siècle, Avra­ham Maï­mo­nide, fils de Moïse Maï­mo­nide, célèbre rab­bin anda­lou, une Torah écrite sur une peau de gazelle remon­tant au Vème siècle AEC et enfin, deux exem­plaires d’un extrait du Manus­crit de Qum­rân qui n’a­vait pas encore été décou­vert lors du recensement.

Lettre autographe d’Avraham Maïmonide, conservée à la Gueniza du Caire

Lettre auto­graphe d’Avraham Maï­mo­nide, conser­vée à la Gue­ni­za du Caire

Tous ces docu­ments ont per­mis d’a­voir une vision pro­fonde des mœurs juifs en terre d’is­lam puisque nombre d’entre eux per­mettent de connaître la manière dont on par­lait l’a­rabe au début de la conquête de l’Égypte par les peuples arabes, mais éga­le­ment, puisque beau­coup de ces docu­ments sont des actes de la vie quo­ti­dienne admi­nis­tra­tive, de com­prendre com­ment évo­luait cette socié­té dans ces rap­ports de coha­bi­ta­tion entre les dif­fé­rentes reli­gions. La syna­gogue telle qu’on peut la voir aujourd’­hui a été réno­vée il y a peu, mais la majeure par­tie du bâti­ment est iden­tique à la syna­gogue recons­truite en 1115, ce qui en fait une des plus anciennes syna­gogues du monde. Aujourd’­hui, la tota­li­té des docu­ments sont dis­per­sés et conser­vés dans des biblio­thèques amé­ri­caines ou anglaises.

Synagogue Ben Ezra - Le Caire

Syna­gogue Ben Ezra — Le Caire

Synagogue Ben Ezra (localisation) - Le Caire

Loca­li­sa­tion de la Syna­gogue Ben Ezra du Caire sur Google Maps

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Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 15 août) : La Cap­pa­doce vue des airs et les cités sou­ter­raines de Tat­la­rin et Derinkuyu

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 15 août) : La Cap­pa­doce vue des airs et les cités sou­ter­raines de Tat­la­rin et Derinkuyu

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (car­net de voyage en Tur­quie — 14 août) : Çavuşin, Ava­nos, Mus­ta­fa­paşa et en dehors des routes tracées

Bul­le­tin météo de la jour­née (mer­cre­di) :

10h00 : 25°C / humi­di­té : 49% / vent 4 km/h
14h00 : 29°C / humi­di­té : 21% / vent 11 km/h
22h00 : 23°C / humi­di­té : 34% / vent 6 km/h

Ce matin est un jour par­ti­cu­lier. Je me lève à 4h00 dans la nuit turque pour faire quelque chose que je n’ai encore jamais fait. Dans un pre­mier temps, je cède à la grande faran­dole des tou­ristes en sui­vant leur mou­ve­ment, et dans un deuxième temps, je vais mon­ter dans une mont­gol­fière pour par­cou­rir la Cap­pa­doce depuis les airs. Je ne cache pas que chez moi, le ver­tige est une don­née aléa­toire. Inca­pable de pré­voir quand ça va se déclen­cher, je garde à la fois le — très bon — sou­ve­nir d’un jeune homme qui mar­chait au bord des falaises des gorges de l’Ar­dèche et le très mau­vais du jeune homme un peu plus âgé qui trans­pi­rait toute l’eau de son corps au pied des colosses de pho­no­lite de Bort-les-Orgues, comme en haut du bar­rage sur lequel avait tra­vaillé mon grand-père. Une ter­reur panique, tota­le­ment irra­tion­nelle s’é­tait alors empa­ré de moi et moi qui suis géné­ra­le­ment d’un natu­rel à ne pas me lais­ser sub­mer­ger par les émo­tions, j’a­vais dû me résoudre à faire demi-tour tel­le­ment les scé­na­rios catas­trophes com­men­çaient à prendre forme de manière tota­le­ment absurde. Même his­toire dans l’es­ca­lier métal­lique qui des­cend au centre du Gouffre de Padi­rac quelques années plus tard. Du coup, je n’ar­rive pas à savoir si mon­ter dans une mont­gol­fière est réel­le­ment une bonne idée. Mais j’ai réser­vé ma place, je dois partir.

Je des­cends à la récep­tion où je trouve un couple de jeunes Fran­çais habillés comme s’ils allaient à l’hip­po­drome de Long­champ. Ça sent le voyage de noces de bonne famille, petit ber­mu­da à motif et col Mar­tine. Le mini­bus vient me cher­cher vers 4h30 juste à l’en­trée de l’hô­tel, même pas un pas à faire. Je dors encore à moi­tié et dans l’obs­cu­ri­té je n’ar­rive pas à com­prendre quel che­min nous pre­nons ni où nous arri­vons, tou­jours est-il que je me retrouve dans un champ immense où les pre­miers bal­lons sont en train d’être gon­flés. Les mini­bus déversent tous ceux qui partent ce matin et je constate avec une cer­taine sur­prise et effa­re­ment aus­si que plus de la moi­tié des gens pré­sents ici sont des Chi­nois. Des tables sont ins­tal­lées en plein milieu du champ dans la pénombre de l’aube, des crois­sants et du café sur des nappes en papier, décor sur­réa­liste si l’on ne sait pas ce qu’il se trame ici. Dans une demi-heure, tout ce petit monde sera en l’air, même les Chi­nois qui eux ont le droit à des nouilles déshy­dra­tés au lieu des crois­sants et qui n’ar­rivent pas à se décol­ler du buffet.

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 003 - Cappadoce en ballon

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 004 - Cappadoce en ballon

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 005 - Cappadoce en ballon

Pen­dant que les esto­macs se rem­plissent, je reste à côté des bal­lons cou­chés dans les phares des 4x4, à deux pas des flammes qui me chauffent le visage dans cette atmo­sphère encore un peu fraiche. Le jour se lève petit à petit, de manière presque pal­pable et déjà quelques uns des bal­lons sont debout, amar­rés, n’at­ten­dant plus que leur car­gai­son humaine. On me dirige vers les deux bal­lons sur les­quels est écrit en gros Cihan­gi­roğ­lu Bal­loons, sans oublier évi­dem­ment de me faire pas­ser devant un type avec un lec­teur de carte ban­caire qui réclame le prix non négli­geable du vol et que par décence, je tai­rai. On nous invite à mon­ter dans le bal­lon encore atta­ché en nous don­nant deux ou trois conseils pour l’at­ter­ris­sage, mais abso­lu­ment rien en cas de pro­blème. Cela dit, la ques­tion peut être vite élu­dée puis­qu’au cas où le bal­lon tombe, il n’y a pas grand chose à faire, sinon attendre que la nacelle touche le sol et espé­rer que le corps d’un autre amor­tisse sa propre masse. Pour ma part, je me retrouve coin­cé entre un vieux Chi­nois plus grand que moi et sa gre­luche qui a moins de la moi­tié de son âge. J’é­voque ce pas­sage main­te­nant pour évi­ter d’en repar­ler plus parce que ça reste pour moi un des moments les plus désa­gréables de ces vacances. Le type a pas­sé son temps à m’é­cra­ser les pieds, à prendre exac­te­ment les mêmes pho­tos que moi, me pous­sant par­fois pour que je rate mes pho­tos. J’ai haï le peuple chi­nois dans son ensemble pen­dant toute la durée du vol, en me disant que ce type n’é­tait qu’une raclure avec sa catin qu’il avait dû payer pour se marier et qu’il sera très content de reve­nir dans son pays pour faire des soi­rées dia­po avec ses col­lègues de tra­vail en se gar­ga­ri­sant d’a­voir dépen­sé si peu pour cette petite excur­sion. Je me suis quand-même mar­ré quand j’ai vu que le bal­lon le plus haut dans le ciel ce matin-là, était lar­dé d’i­déo­grammes chi­nois. Je me suis dit que ça devait être cultu­rel, tou­jours pas­ser devant les autres, faire mieux, plus, etc. Je me suis encore plus mar­ré quand le pilote du bal­lon nous a dit qu’il était mon­té trop haut et qu’il aurait du mal à redes­cendre… J’ai tou­jours un peu de mal avec ces gens qui ne font aucun effort pour connaître les habi­tants et dans le regard des­quels se lit la peur d’être sub­mer­gé par un autre peuple que le leur. Page tournée.

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Le bal­lon s’en­vole tout dou­ce­ment et je com­mence à être pris d’an­goisse, tout sim­ple­ment parce que j’ai peur d’a­voir le ver­tige, mais tout semble se pas­ser très sage­ment ; je ne sais pas pour­quoi mais rien ne vient, le fait qu’il n’y ait aucun bruit autre que celui du brû­leur et la dou­ceur du dépla­ce­ment de cet étrange aéro­stat me rem­plit de bien être. Les pre­mières choses que je vois sous mes pieds sont des tombes musul­manes dans un cime­tière ouvert, puis très vite, c’est la ville entière de Çavuşin qui appa­raît. Je ne suis vrai­ment pas si loin que ça de mon point de départ et je découvre alors cette petite ville que je ne visi­te­rai que plus tard. L’air est encore gris, le soleil encore caché der­rière l’ho­ri­zon et le bal­lon prend de plus en plus de hau­teur. De là-haut, on découvre tout un tas de recoins tro­glo­dytes qu’on n’i­ma­gine même pas et dont on a peine à ima­gi­ner qu’on puisse y accé­der facilement.

Le mieux est encore de regar­der ce que ça donne en vidéo pour se rendre compte. Une vidéo de 11′24″ réglée au mil­li­mètre avec la très belle musique d’Omar Faruk Tek­bi­lek (From emp­ti­ness) sur l’al­bum Fata Morgana,

Le bal­lon passe à proxi­mi­té du pla­teau de Çavuşin et laisse voir cette pierre si belle tein­tée de cou­leurs spec­trales et à son pied, des ver­gers, des champs culti­vés où ne voit pas trop bien com­ment un trac­teur pour­rait accé­der. Nous sommes main­te­nant suf­fi­sam­ment hauts pour voir un bel hori­zon déga­gé. La han­tise de ce genre de jour­née serait de décol­ler dans les nuages. L’air se réchauffe dou­ce­ment et le soleil pointe le bout de son nez der­rière les mon­tagnes. C’est un ins­tant bref, mais qu’on a l’a­van­tage de vivre quelques secondes avant ceux qui sont res­tés à terre. Un moment pri­vi­lé­gié, de pure grâce, pen­dant lequel per­sonne ne parle, tout le monde se tient extrê­me­ment silen­cieux de peur peut-être de déran­ger l’astre dans son exer­cice mati­nal. Le spec­tacle est magni­fique, au-delà de ce qu’on peut ima­gi­ner et je com­prends mieux main­te­nant pour­quoi ces nuées de bal­lons ont trou­vé dans cette région un lieu pro­pice à la ballade.

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Sous mes pieds, des mou­tons énormes des­sinent des formes mou­vantes sur la terre sèche par leurs dépla­ce­ments. Les che­mi­nées des fées se dressent comme des doigts poin­tés vers nos âmes envo­lées et les pics de tuf sont autant d’a­ver­tis­se­ments qui disent de ne pas venir s’y frot­ter. Dans l’air pur et silen­cieux, on peut entendre les brû­leurs chauf­fer l’air des autres ballons.

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Le bal­lon monte haut et le pilote, Nigel, un amé­ri­cain venu ici exer­cer ses talents d’aé­ros­tier, nous annonce dans son anglais mâché que nous nous trou­vons actuel­le­ment à 1500 mètres d’al­ti­tude. Une simple ram­barde en osier tres­sé me sépare d’un vide qui pour­rait me ter­ro­ri­ser, mais je n’é­prouve qu’une simple dou­ceur, emmi­tou­flé dans mes ori­peaux d’é­té, le regard per­du à l’ho­ri­zon devant le spec­tacle qui ne cesse de bou­ger de quelques mil­li­mètres dans le vide. Des deux côtés, je peux voir clai­re­ment les contours des deux prin­ci­pales mon­tagnes qui entourent la Cap­pa­doce, le Hasan dağı et l’Erciyes dağı, et juste au-des­sous, les innom­brables petites val­lées creu­sées par l’eau qui s’est infil­trée depuis des mil­liers d’an­nées, dans les­quelles cer­tains bal­lons s’a­ven­turent pour aller voir au plus près. Cette mul­ti­tude de bal­lons est un spec­tacle à la fois gros­sier et impres­sion­nant. J’i­ma­gine que ce bal­let inces­sant qui crible les lieux de ces masses gon­flées d’air doit cer­tai­ne­ment aga­cer les habi­tants de la région pen­dant la haute sai­son. L’in­con­vé­nient de ces grosses bau­druches, c’est qu’il faut bien qu’elles se posent quelque part, et comme le dit très bien Nigel, we go where the wind takes us… Ce qui veut dire aus­si qu’on atter­rit là où on peut et là où le vent veut bien ces­ser de pos­sé­der la toile. Par­fois, on atter­rit dans des champs de par­ti­cu­liers. Mais c’est la ran­çon de la gloire.

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Le bal­lon redes­cend tout dou­ce­ment sans qu’on se rende vrai­ment compte de la vitesse ou de la dis­tance et en peu de temps, on se retrouve au ras du sol, en train de frô­ler des arbustes, des buis­sons, quelques pics de tuf qui ne demandent qu’à vio­len­ter la nacelle et plu­sieurs fois Nigel se retrouve à balan­cer de l’air chaud pour remon­ter au der­nier moment. Ce type est un as, il connaît son aéro­stat et le manœuvre au cen­ti­mètre comme s’il avait la direc­tion assis­tée sur une grosse cylin­drée. Le soleil rasant déchire les vagues de pierre blanche qu’on pour­rait croire tendre comme de la gui­mauve. Dans mes yeux, après Çavuşin, on passe près de la cita­delle de pierre natu­relle d’Üçhi­sar, on sur­vole la val­lée des pigeon­niers (Güver­cin­lik Vadi­si), cer­tai­ne­ment la plus connue des val­lées des envi­rons et enfin Göreme, avec son bourg ramas­sé dans sa val­lée, sur les toits duquel nous pou­vons poser nos regards indis­crets et silen­cieux ; nous pas­sons ici comme des cor­beaux mes­sa­gers qu’au­cun regard ne vient troubler.

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Dans un pre­mier champs, nous avions cru que le bal­lon finis­sait sa course, mais à peine la nacelle posée, la voi­ci sou­le­vée à nou­veau et nous repar­tons un peu plus loin. Deuxième essai, cette fois-ci est la bonne, la nacelle se pose vio­lem­ment après avoir arra­ché un buis­son d’é­pi­neux. Le voyage se ter­mine là. Nigel nous demande d’at­tendre que la nacelle soit bien posi­tion­née sur la remorque du camion qui nous a cou­ru après pour nous retrou­ver dans les champs de Göreme. Le bal­lon s’é­crase au sol et immé­dia­te­ment, une armée d’hommes en bleu s’af­faire à replier la car­casse dégon­flée. Nigel fume un clope, appa­rem­ment fier de lui, puis nous buvons un coup d’une espèce de pétillant sans alcool — rama­dan oblige — que je suis loin de pré­fé­rer à une bonne coupe de cham­pagne pour ce bap­tême de l’air hors du com­mun. Il est à peine 8h00 du matin et la jour­née est loin d’être ter­mi­née. Le mini­bus me ramène à l’hô­tel, où je prends à nou­veau un déjeu­ner copieux, avant d’al­ler dor­mir un peu pour rat­tra­per cette nuit un peu courte.

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Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 144 - Nigel Jeffrey Jovey

Après une bonne douche — voler dans les airs rem­plit de pous­sière — je reprends la voi­ture pour me diri­ger vers une petite ville qui se trouve bien après Nevşe­hir en allant vers l’ouest, ville que je tra­verse en essayant de trou­ver un dis­tri­bu­teur d’argent de la banque par­te­naire de la mienne, mais j’ai beau tour­ner, entrer dans les petites rues encom­brées et pous­sié­reuses, je n’ar­rive pas à trou­ver l’a­gence. La route jus­qu’à Tat­la­rin me réserve quelques sur­prises. C’est une petite route de cam­pagne qui n’ar­rête pas de tour­ner autour du tra­cé des champs et j’y ren­contre des femmes bien élé­gantes, voi­lées, assises sur un trac­teur, d’autres dans des car­rioles tirées par des ânes souf­fre­teux, trois hommes assis sur la même moto pous­sive, des ven­deurs de patates sur le bord de la route, loin de tout, au beau milieu de rien, à dix kilo­mètres de la pre­mière maison.

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 150 - Route de Tatlarin

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 152 - Route de Tatlarin

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 156 - Cité souterraine de Tatlarin

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 166 - Cité souterraine de Tatlarin

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 172 - Tatlarin

La petite ville de Tat­la­rin est per­due, rude et pauvre. C’est une petite ville de cam­pagne en dehors des cir­cuits tou­ris­tiques et lorsque je me gare devant la cité sou­ter­raine (Tat­la­rin yeraltı şeh­ri), qui est d’ailleurs très bien indi­quée (en turc), je me pose tout à coup la ques­tion de savoir si c’est ouvert. Par chance, je vois un type pos­té devant l’en­trée, ou plu­tôt, qui dort dans un recoin. C’est un grand bon­homme mous­ta­chu, racé, en cos­tume, che­mise impec­ca­ble­ment repas­sée, et chaus­sures de villes bri­quées, un spec­tacle un peu déton­nant dans ce décor pous­sié­reux et d’une pau­vre­té mani­feste. Il m’emmène d’a­bord dans l’é­glise de la cité. La pre­mière par­tie est inté­gra­le­ment recou­verte de pein­tures splen­dides, une cru­ci­fixion abî­mée recou­vrant la nef, la seconde est beau­coup plus sobre. Quelques vieilles ampoules à incan­des­cence illu­minent les par­ties les plus belles, lais­sant le reste dans une pénombre qui tranche avec la lumi­no­si­té du dehors.

Les deux pho­tos de l’in­té­rieur de cette église sont dis­po­nibles sur CNRS édi­tions.

Le guide referme la porte der­rière moi, lais­sant cette église du XIè siècle dans l’obs­cu­ri­té des siècles, là où il m’a été impos­sible de prendre la moindre pho­to à cause des inter­dic­tions écrites par­tout. Par­fois, je me mau­dis de voir que je ne peux rap­por­ter que des sou­ve­nirs gra­vés dans ma mémoire au lieu de faire comme ceux qui ne res­pectent pas les règles. Au moins ai-je ma conscience pour moi.
Il m’emmène dans une deuxième salle fer­mée par une porte blin­dée ; le cœur de l’an­tique cité creu­sée dans le roc.

Dans son Ana­base, Xéno­phon, au VIè siècle av. J.-C. décri­vait déjà ces habi­ta­tions rupestres.

Les habi­ta­tions étaient sous terre. Leur ouver­ture res­sem­blait à celle d’un puits, mais l’in­té­rieur était spa­cieux. Il y avait pour le bétail des entrées creu­sées en terre ; les gens des­cen­daient par une échelle. Dans ces habi­ta­tions, il y avait des chèvres, des mou­tons, des vaches, de la volaille et les petits de ces ani­maux. Tout le bétail était nour­ri de foin à l’in­té­rieur. Il y avait aus­si du blé, de l’orge, des légumes et du vin d’orge dans des cra­tères. Les grains d’orge même nageaient à la sur­face et il y avait dedans des cha­lu­meaux sans noeuds, les uns plus grand les autres plus petits. Quand on avait soif, il fal­lait prendre ces cha­lu­meaux entre les lèvres et aspi­rer. Cette bois­son était très forte, si l’on y ver­sait pas d’eau. Elle était fort agréable quand on en avait pris l’habitude.

XÉNO­PHON, Ana­base, livre IV, cha­pitre V, tra­duc­tion P. Cham­bry, éd. Garnier

Si les habi­ta­tions affleu­rant sur les falaises de Tat­la­rin étaient visibles, l’en­trée de cette cité n’a été décou­verte qu’en 1975, en rai­son des ébou­lis qui mas­quaient son entrée. Depuis son ouver­ture en 1991, on peut admi­rer l’en­fi­lade de salles qui la com­posent. Les cou­loirs, par­fois pas plus hauts qu’un petit mètre, per­mettent d’at­teindre au plus pro­fond ces salles. La pre­mière semble être une salle de vie, large, spa­cieuse, avec une échelle qui per­met de rejoindre un sys­tème de ven­ti­la­tion qui remonte jus­qu’à la sur­face. Cel­lier, chambres, tout y est. On y voit même des toi­lettes. On peut éga­le­ment encore voir les meules qui ser­vaient à fer­mer les issues en cas d’at­taques, ce qui rend le lieu fon­ciè­re­ment oppres­sant. Un tout petit cou­loir qui tourne à angle droit par deux fois où je rampe der­rière mon guide m’emmène dans une seconde salle dont le pla­fond est à peine plus haut que moi. Il m’in­dique une bouche d’aé­ra­tion qui conti­nue pen­dant une tren­taine de mètres : l’ou­ver­ture fait 70cm de haut, mais là, c’est trop pour moi, je m’en­gouffre avec ma lampe torche, et avec le gou­lot qui se res­sert, je suis pris d’une crise d’an­goisse. Impos­sible de me retour­ner, je fais demi-tour le cul en l’air, à toute vitesse, la lampe torche coin­cée entre les dents… Mon guide se marre comme une baleine en mar­mon­nant quelques mots en turc. Je finis par me mar­rer aus­si, pas bien cer­tain que ce soit à cause de mon geste ou que ce soit un rire ner­veux. Je sors d’i­ci avec un cer­tain empressement.

Depuis l’es­pla­nade du par­king, je regarde la vie du vil­lage s’é­brouer ten­dre­ment avec l’in­dis­cré­tion du point de vue en hau­teur ; un camion char­gé de sacs de jute, qui doublent sa hau­teur, une jeune femme joue avec ses enfants dans la cour de sa mai­son. Cer­taines des mai­sons sont creu­sées dans le roc et n’af­fleurent que par les voûtes à moi­tié enfouies sous la terre.

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Je reprends mon che­min vers Nevşe­hir sur une route défon­cée, un autre che­min que celui de l’al­ler, un revê­te­ment fait de pierres noires qui criblent le bas de caisse de la voi­ture dans un bruit de gre­naille aga­çant. Dans les champs, des courges spa­ghet­tis et des tour­ne­sols immenses. De retour aux abords de Nevşe­hir, je m’ar­rête quelques ins­tants sur les contre­forts d’un quar­tier aban­don­né où je peux voir clai­re­ment une église ortho­doxe avec son plan en croix grecque, aban­don­née elle aus­si, meur­trie par l’his­toire. Ici devaient vivre les popu­la­tions grecques dépla­cées. Le quar­tier n’a visi­ble­ment jamais été réinvesti.

Je prends la route qui des­cend vers le sud, vers la ville de Derin­kuyu où se trouve une autre cité sou­ter­raine (Derin­kuyu yeraltı şeh­ri). Celle-ci est plus impres­sion­nante encore, elle s’é­tend sur 9 étages et des­cend à plus de 35 mètres sous le sol plat d’une ville au creux d’une val­lée ; c’est la plus grande de Tur­quie, ce qui fait qu’elle est éga­le­ment plus fré­quen­tée que celle de Tat­la­rin, mais tant pis, le dépla­ce­ment vaut le coup.

Cette cité avait une capa­ci­té maxi­male de 50 000 per­sonnes mais en abri­tait en moyenne 10 000, ce qui est abso­lu­ment énorme. On pense qu’un tun­nel caché devait rejoindre l’autre grande cité sou­ter­raine de Cap­pa­doce, celle de Kay­maklı, dis­tante de 9km de celle-ci. Un puits cen­tral per­met la cir­cu­la­tion de l’air, prin­ci­pal point de sur­vie des habi­tants. On trouve au der­nier sous-sol une immense salle capi­tu­laire, qui fai­sait office de monas­tère. L’am­biance y est oppres­sante quand on sait qu’on a toutes ces tonnes de rochers au-des­sus de nos têtes. La des­cente est éprou­vante pour les nerfs, la remon­tée, un soulagement.

Billet d'entrée - Derinkuyu yeraltı şehri

Billet d’en­trée — Derin­kuyu yeraltı şehri

Plan de coupe de la cité souterraine de Derinkuyu

Plan de coupe de la cité sou­ter­raine de Derinkuyu

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 187 - Cité souterraine de Derinkuyu

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 190 - Cité souterraine de Derinkuyu

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 196 - Cité souterraine de Derinkuyu

Je ne cache pas que je me sens mieux à l’ex­té­rieur, sous le soleil piquant. Tout près de la sor­tie de la cité, se trouve une grande et belle église ortho­doxe construite en croix grecque. Per­sonne ne se trouve dans l’en­clos autour, sauf une petite fille que j’ai vu deux minutes aupa­ra­vant qui avait essayé de me vendre une pou­pée en laine. Ce qui m’a éton­né chez elle, c’est son air farouche, ses che­veux blonds et ses grands yeux bleus mali­cieux. Cer­tai­ne­ment une gitane comme il en reste tant ici, au milieu des popu­la­tions, vivant dis­crè­te­ment leur vie nomade. Lorsque j’entre dans l’en­clos, je la sur­prends hon­teuse en train de pis­ser contre le mur l’église.

Par le trou de la ser­rure de la grande porte en bronze, j’ar­rive à sai­sir l’in­té­rieur de l’é­glise déla­brée. Piliers ouvra­gés, fenêtres en forme de croix, c’est un lieu obs­cur et mys­té­rieux, mais encore char­gé d’é­mo­tions et de spi­ri­tua­li­té. Dom­mage que je ne puisse y entrer. Le sol est en revanche par­fai­te­ment arasé.

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 198 - Derinkuyu

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 204 - Derinkuyu

Je quitte la ville un peu trop vite à mon goût, n’ayant pas eu le temps de prendre le temps. Je m’ex­ta­sie devant le chant du muez­zin cra­ché par des hauts-par­leurs accro­chés aux poteaux d’é­clai­rage et devant une ancienne église recon­ver­tie en mos­quée. Ici, les mai­sons sont clai­re­ment de style grec, faites avec ses pierres blanches qu’on voit par­tout. A la sor­tie de la ville, je m’ar­rête dans une sta­tion essence aban­don­née pour pis­ser. Bien éle­vé, je vais dans les toi­lettes, enfin, ce qu’il en reste.

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 211 - Route de Derinkuyu

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Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 215 - Nevşehir

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Je repasse par Nevşe­hir, je m’ar­rête encore, je prends en pho­to des barres d’im­meubles modernes lais­sées en jachère et qui pour le coup semblent aus­si incon­grues que ces mai­sons encore debout mais aban­don­nées. Les temps anciens et la moder­ni­té de cette région ne sont fina­le­ment que deux facettes d’une même identité.

Un peu affa­mé, je rejoins Göreme où je m’ar­rête pour man­ger un peu au Cap­pa­do­cia Kebap Cen­ter, recom­man­dé par le Rou­tard. Ser­vice fran­che­ment désa­gréable, nour­ri­ture dégueu­lasse et chiche, c’est dans ce « res­tau­rant » que j’ai vu des Fran­çais s’in­sur­ger et quit­ter la table parce que le ser­veur refu­sait de leur ser­vir du vin, en plein rama­dan. Mau­dits Fran­çais qui col­portent notre répu­ta­tion dans le monde entier… Un ins­tant, je me suis pris à avoir honte de par­ler la même langue que ces gens.

Je repasse par l’hô­tel pour souf­fler un peu. Abdul­lah m’ac­cueille une fois encore avec ses grands bras dont il m’en­lace pour m’embrasser ; il m’in­vite à m’as­seoir sur la ter­rasse et me fait appor­ter un jus d’a­bri­cot (kayısı suyu) du jar­din. Ses abri­cots sont encore un peu jeunes et pas assez sucrés, mais j’a­dore son inten­tion et je lui demande de venir s’as­seoir avec moi. Nous échan­geons quelques mots en anglais, lui en turc ; avec les gestes, nous finis­sons par nous com­prendre. A l’ombre de la ter­rasse, un petit vent frais rafraî­chit ma peau cuite de soleil. Abdul­lah me demande où je vais après. Je lui dit que j’ai­me­rais bien voir la val­lée que j’ai vu des­cendre au pied de la cita­delle. Il me dit que c’est la Val­lée Blanche (Bağlı Dere) et m’in­dique en bre­douillant quelques mots d’an­glais, puis en deman­dant à Bukem de l’ai­der, com­ment m’y rendre. Je ne com­prends pas tout, mais après avoir gobé mon jus, je me remets en route.

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 216 - Bağlıdere Vadisi

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 218 - Bağlıdere Vadisi

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Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 242 - Bağlıdere Vadisi

Turquie - jour 20 - Cappadoce, dans les airs et sous terre - 245 - Bağlıdere Vadisi

Je me retrouve à prendre un che­min dont je ne sais pas où il peut me mener, sur les pla­teaux qui sur­plombent les petites val­lées de tuf creu­sé. Je trouve sur ces che­mins des poi­riers por­tant de tout petits fruits, des abri­co­tiers sur les­quels je me sers fru­ga­le­ment, dont les fruits regor­geant de sucre me font oublier le jus d’Ab­dul­lah. Je trouve des plantes por­tant des gousses gon­flées d’air, des fleurs d’un bleu pro­fond, deux tor­tues qui rentrent leurs membres sous leur cara­pace quand elles me voient arri­ver vers elle, des hiron­delles qui découpent le ciel, une terre aux cou­leurs ocres et vertes tota­le­ment incon­grues… Je ne sais pas où se trouve exac­te­ment la Bağlı Dere mais peu importe, je suis bien ici et je ter­mine cette jour­née en jouis­sant de cet ins­tant pré­cieux, four­bu de fatigue, rom­pu jus­qu’aux os, dans la lumière du soleil déclinant.

C’est ce soir là que je fais la connais­sance de Biş­ra, la jeune ser­veuse de chez Özlem, où je déguste une fan­tas­tique tes­ti kebap, cuit et ser­vi dans son pot en terre fen­du en deux que le patron vient lui-même appor­ter avec sa manique et le manche du mar­teau avec lequel il fen­dille l’ou­ver­ture avec toute la théâ­tra­li­té dont il est capable. Biş­ra est une belle jeune fille à qui je ne don­ne­rais pas plus de vingt-ans et avec qui j’é­chan­ge­rai quelques mots lorsque je revien­drai en mai de l’an­née d’après.

C’est ce soir là que je me rends compte que tant qu’on dit mer­ci (teşekkür ede­rim) quand les plats arrivent, on nous répond cette étrange for­mule : Afiyet olsun, qu’on peut vite tra­duire par bon appé­tit, mais qui pré­cise qu’on puisse appré­cier ce qui vient de nous être ser­vi. Il ne faut donc pas s’é­ton­ner qu’on nous le répète à chaque fois qu’on remer­cie pour l’ar­ri­vée d’une cor­beille de pain ou d’une bière.

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Épi­sode sui­vant : Car­net de voyage en Tur­quie : Les val­lées aux églises de Çavuşin et la route des thermes de Bayramhacı 

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