Premier volet du Carnet Cajun : Cousin éloigné de Clifton Chenier, Roscoe Chenier est un bluesman à la voix grave et puissante, un homme discret qui à la fin de sa vie portait d’amples costumes extravagants, brillants comme ses chemises. Toujours élégamment vêtu de pantalons de costumes, chemisettes blanches et cravates noires, il a une réputation de ne pas être une personne très expansive, comme si sa musique lui avait permis d’exprimer tout ce qu’il avait à l’intérieur. Né en 1941 à Opelousas, Louisiane, il est décédé en 2013 et n’a eu une carrière de bluesman que dans le périmètre des États-Unis, raison pour laquelle on le connait peu ici. Il est surtout connu pour un titre remarquable datant de 2006, Bad Luck, repris comme un classique du genre. Caractéristique du swamp blues (blues du marécage), ce sont des sonorités lourdes jouées sur les graves de la guitare, sur un rythme lent et pesant. Plus qu’un son louisianais, le titre fait penser à une litanie indienne, aidée par les percussions, lentes elles aussi…
L’été se prête à toutes les fantaisies. Ayant pris sous le bras quelques livres de James Lee Burke, dont le héros Dave Robicheaux habite La Nouvelle Ibérie (New Iberia), en plein cœur de la Louisiane, je m’amuse à écouter pour accompagner mes lectures de ces musiques qui sont comme des complaintes, tantôt gaies, tantôt tristes, un peu rustres la plupart du temps, mais qui ont toutes pour caractéristique de parler de cette Louisiane si haute en couleurs. Cette partie du monde est chargée d’histoire pour plusieurs raisons.
D’abord, elle fut le réceptacle d’un immense exode qui vit se déplacer des familles entières venues d’Acadie, province canadienne alors peuplée des premiers colons français arrivés sur le continent, lors du Grand Dérangement au milieu du XVIIIème siècle. Les Acadiens, francophones, s’installent alors dans la dernière terre où le français est parlé sur le continent, mais à cette époque devenue possession espagnole ; la Louisiane, qui, ne l’oublions pas, porte le nom du roi Français Louis XIV. Ces Acadiens, avec le temps, prendront un nom bien particulier qui les distinguera par la suite de leurs ancêtres. La prononciation acadienne du mot acadien donne par anglicisme acadjonne. Par aphérèse et adoucissement, le mot Acadien s’est transformé en Cadien, puis Cajun. Le terme existe toujours aujourd’hui et désigne une large communauté francophone disséminée sur le territoire américain et répartis entre la Louisiane, le Texas et le reste des États-Unis. On estime aujourd’hui à presque 600 000 individus la population d’origine cadienne. S’il peut paraître étrange d’entendre parler un français un peu rustre en plein cœur du pays sudiste, il faut bien avoir à l’esprit que cette culture très particulière est en train de s’éteindre. Au début du XXème siècle, le Français cadien était encore une langue nettement parlée et transmise, et la plupart des locuteurs étaient des locuteurs uniques, ne parlant que français. Aujourd’hui, les Cajuns sont bien évidemment bilingues, et beaucoup d’entre eux délaissent le français au profit de l’anglais.
Le second événement qui marque l’histoire du pays cajun, c’est la guerre de Sécession, qui vit emporter dans la tourmente les planteurs cadiens qui, on s’en doute, ne se trouvaient pas du bon côté de la barrière et finirent pour la plupart exécutés. Mettant le pays à feu et à sang et ruinant les exploitations agricoles de la région, la guerre civile américaine ne doit pas faire oublier que la Louisiane est en plein cœur du sud sudiste, en plein pays confédéré qui n’hésite que rarement à arborer le drapeau rouge à croix bleue, symbole ségrégationniste toujours pas abdiqué et qui lie dans un joyeux désordre esclavagisme, racisme, ségrégation, suprématie blanche et Ku Klux Klan…
En dernier ressort, l’ouragan Katrina en 2005 en a terminé de ruiner la Nouvelle-Orléans et la région. 1500 morts, 150 000 sinistrés. La Nouvelle-Orléans a perdu aujourd’hui près de 30% de sa population, chassée par le désespoir et l’incurie de l’État dans la gestion de la crise sanitaire et humaine. Autre fait étrange, la population de la Nouvelle-Orléans, poumon du pays cajun, diminue quasiment de moitié entre 1960 et aujourd’hui. C’est également une des villes les plus peuplées par des Afro-Américains, avec, au dernier recensement en 2000, 67% de la population d’origine afro-américaine.
La Nouvelle-Orléans, capitale de la région, haut-lieu de l’identité française d’Amérique, mais pas tout à fait pays cajun. Ici on ne parle pas de comtés mais de paroisse (parish), mais le pays cajun, c’est le bayou et surtout la mèche, la côte du Golfe du Mexique, l’ancien territoire indien des Houmas. Le pays cajun, c’est aujourd’hui un territoire qui s’étend du lac Sabine à l’ouest à la Pearl River à l’est et à la ville de Bâton Rouge au nord, qui comprend les villes (aux terribles accents français ou indiens) de Lafayette, Lake Charles, Saint Martinville, Houma, Opelousas, Thibodaux ou Abbeville, et tout autour du Lac Pontchartrain.
Le mot cajun est un terme péjoratif, dont les Cajuns eux-mêmes se sont emparés comme marque de fabrique. De la même manière, les nordistes appelaient affectueusement les Cadiens les coonass, c’est-à-dire littéralement les “culs de ratons laveurs”, terme qui, on s’en doute, n’a rien de flatteur. En réaction, les coonasses ont créé un autocollant RCA (registered coon-ass), certifiant leur origine et la fierté d’être, en quelque sorte, des culs terreux (je me permets cette petite incartade linguistique, car étant moi-même pour moitié d’origine bretonne, je sais ce que c’est que de se faire traiter de péquenot, ou, dans une autre version propre à la situation, de plouc). Il est intéressant de voir à quel point le mot coonass est proche du français connasse… car en réalité, si l’analogie avec le racoon (raton) s’est faite naturellement, l’origine du mot est bien celle-ci. Les Cajuns sont donc bien des connasses… et fiers de l’être.
Aujourd’hui, cette culture un peu particulière est parfaitement méconnue et trop souvent entachée de clichés. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’ouvrir une nouvelle partie de mon blog, dédiée à la culture cajun et à d’autres aspects de la Louisiane, aux Créoles de Louisiane, en commençant par la musique. Cette nouvelle section s’appelle tout simplement Carnet Cajun.
Si on connait le blues, sait-on réellement que le blues qu’on joue à Chicago n’a rien à voir avec celui de la Nouvelle-Orléans, qu’on appelle Louisiane Blues, ou même Swamp Blues (blues du marécage) ? Et quid du Zydeco ? Voici la vraie musique louisianaise et cajun. Zydeco (prononcer Zaï-dico) vient directement du français et n’est que la version déformée, liée au pluriel et anglicisée du mot haricot. Clifton Chenier, un des plus grands représentants de la musique zydeco (ou zarico) chanta cette chanson qui donna son nom au style ; les haricots sont pas salés. Chanson, qui laisse supposer que celui qui l’a écrit n’avait pas suffisamment d’argent pour mettre de la couenne dans ses haricots pour les saler. Style un peu rustique, musique jouée de préférence avec des instruments aux accents bien connus par cheu nous (violon, accordéon), l’instrument réellement caractéristique en est le frottoir (plaque en métal autrefois utilisées pour laver les vêtements au lavoir — mon arrière-grand-mère en avait un en bois — qu’on fait résonner avec des dés à coudre).
Si tout au long de cette aventure que je vous propose aujourd’hui vous avez comme la sensation d’entendre quelque chose qui ressemble à ce qu’on appelle la country music (et qui personnellement me sort par les yeux), dites-vous bien qu’il y a en une qui est à l’origine de l’autre. En effet, la culture cajun s’est développée jusqu’au Texas, raison pour laquelle la country est fortement inspirée de cette musique traditionnelle un peu gauche qu’est le zydeco.
Partons donc au pays des zaricos, du bayou et de la mèche, des cyprès et de la barbe espagnole, des sandwiches torpilles aux crevettes et aux huîtres, pour en apprendre un peu plus sur nos cousins Cadiens, Cajuns, Coon-asses, Cadjines ou Cayens, sur cette culture qui décline et qui mérite qu’on la connaisse un peu mieux. On en profitera pour faire des détours par cette langue qui par bien des aspects mérite qu’on l’apprécie.
Je vous laisse apprécier les paroles et la musique du titre Les haricots sont pas salés :
Eh, maman,
Eh, maman,
Les haricots sont pas salés,
Les haricots sont pas salés.
T’au volé mon traîneau,
T’au volé mon traîneau,
Garde hip et taïaut,
Les haricots sont pas salés.
T’as volé mon gilet,
T’as volé mon chapeau,
Garde hip et taïaut,
Les haricots sont pas salés.
Beauport est comme un conte, un beau poème romantique de fin d’automne, lorsque le vent souffle sa dernière cantate, assis au fond de l’église. L’abbaye est une fronde à la vie austère, avec ses agapanthes qui lancent leurs pompons bleu-violet dans les airs, ses camélias aux tons rouge sang et ses massifs de buis indomptés.
On peut voir l’abbaye depuis la route qui longe la côte entre Paimpol et le bourg inconnu de Plouézec, au lieu-dit Kérity. De là où l’on est, on ne voit qu’une ancienne église de style gothique, au toit effondré, aux ouvertures sans vie, sans vitraux, son âme ouverte aux quatre vents, celui de la terre, mais surtout celui de la mer et des marécages… De loin, l’édifice fait penser à l’abbaye Saint-Mathieu, sise à la pointe du même nom, tout au bout de la terre. Ici, c’est un autre finis terrae qui nous attend, le point extrême entre le monde des vivants et le monde inconnu qui fit tant de veuves dans la région, veuves dont on peut presque voir le rocher depuis les jardins de l’abbaye, le monde de la mer.
Il ne reste ici quasiment aucun toit, à part quelques uns, certainement refaits depuis le temps, mais les bâtiments des moines sont presque tous à nu. On entre ici dans une grande salle qui devait être le réfectoire, par une petite porte sous une arche en plein cintre. De l’herbe sur le sol et par les grandes fenêtres sous d’autres arcs plein cintre recouverts de lichens et de mousses, on voit le jardin formé de quatre grands carrés. Un grand portail aujourd’hui ouvert donne accès à ce jardin qui devait autrefois subvenir aux besoins des gens d’ici. Flanqués de volutes, c’est une belle clôture entre le monde de l’esprit et le monde de la terre. Tout au bout du jardin, un autre portail, fermé celui-ci, donne sur le chemin de terre qui longe la côte et vient lécher les pieds des marécages et des prés salés le long du rivage. On n’est déjà plus sur terre, on est à mi-chemin entre la terre et la mer.
La salle capitulaire est ouverte au vent, indécise entre le fait d’être au-dedans ou au-dehors. Ici et là on trouve des arcs en anses de panier, ce qui n’est pas si commun dans les environs. Il ne reste plus parfois que les montants des fenêtres, taillés dans un beau granit qui résiste au temps, et surtout au climat qui a cet incroyable pouvoir d’en décourager plus d’un. La pierre et l’eau rendrait malade le plus aguerri des Bretons. Ajoutez à cela la solitude des lieux et le froid qui règne dans ces pièces venteuses et votre séjour sur terre devient le plus terrible des châtiments. Les esprits les plus cyniques diraient qu’en rajoutant une bonne couche de prières et de litanies, vous voilà prêts à embarquer pour les limbes plus vite que par la Nationale 12…
On a beau se promener sous les arcs-boutants aux parterres fleuris qui retiennent l’église de tomber, même si elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, on y trouve peu de motifs de réjouissements. Le jardin carré qui devait servir de cloître, là où l’on trouve aussi les lavabos, est entouré d’ombres et la végétation se greffe dans le moindre petit espace vide, accroche ses crampons à la pierre déjà attaquée par les lichens, s’offre le luxe de s’installer où bon lui semble. On regretterait presque le fait que l’église n’ait pas été restaurée avec l’ajout d’un belle toiture en bois massif et en ardoises luisantes sous la pluie du large, mais l’endroit est suffisamment sombre et beau comme cela pour ne pas en rajouter. Et puis ce n’est pas si courant que de trouver de l’herbe grasse sur le sol d’une église.
On se perd dans le dédale des arcs rampants et dans la salle aux belles ogives larges où l’on trouve une grande cheminée qui devait à peine tromper son monde en donnant l’illusion qu’on pouvait chauffer cette immense espace incontrôlable. J’en frissonne sous ma robe de bure rien que d’y songer. Les murs sont attaqués par les lichens noirs et les champignons, signe que rien n’y fait… Dédale de pierre aux fenêtres ouvertes sur la mer, colonnes dont le pied est mangé par les crocosmias et les pivoines, les murs sont alors envisagés par les bignones (campsis radicans) qui n’ont pas encore le loisir de fleurir en ce mois d’avril. Les colonnes de l’église, elles, sont entreprises par les tapis de pervenches aux fleurs délicates et d’un bleu profond. Sous les lierres grimpants et dans les feuillages des hortensias, on imagine entendre le plain chant des moines, pauvres hères condamnés à la vie régulière sous la statue hautaine de Saint Benoît, les tançant de son regard absent et grave avant même qu’ils n’aient commis le moindre pêché connu… Déjà ils sont pêcheurs, avant même d’avoir mis le nez dehors, déjà ils doivent confesser leur existence, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense. Les anciens bandits des grands chemins et autres truands à la petite semaine auront plus de boulot que les autres, mais il faut bien de nouvelles âmes à sauver.
Mélange curieux de roman tardif, de gothique flamboyant hésitant et pas trop marqué (on est chez les frères, tout de même…), de Renaissance bretonne (vraiment particulier ici) qu’on appelle du bout des lèvres « style Beaumanoir », les dentelles de pierre dessinant les emplacements des vitraux font presque figures de fantaisie déplacée.
On peut faire le tour de l’abbaye dans la fraîcheur des débuts de soirée au printemps, en passant par les jardins, en longeant les hauts murs qui plongent leurs pieds dans la fange des marécages. Ici un arbre pousse dans l’eau saumâtre, préfiguration du bayou. Là on imagine parfaitement les nids de moustiques, nappes peu profondes regorgeant de larves prêtes à bondir hors de leur trou.
Beauport s’éteint sur la grève, Beauport nous transporte dans un autre temps, figé, somptueux, austère. Beauport, qu’on appelle Boporzh en breton, est le lieu qui rattache les vivants à leurs morts. Chargé d’histoire, le lieu se prête aux histoires qu’on imagine soi-même pour s’expliquer rationnellement ce qui ne l’est pas. Abbaye les pieds dans l’eau, fantomatique, religieuse jusqu’au bout des ongles, elle sent la dentelle noire amidonnée et les photos jaunies des ancêtres entrés dans les ordres, la relique sous verre, un peu moisie comme un souvenir de Lourdes ramené par un grand-mère très pieuse.
Entrez à Beauport, sortez-en aussi, laissez-vous retenir par ses griffes acérées, son calme impénétrable, loin des atours de la ville et sur la route de Compostelle, laissez-vous la possibilité d’en réchapper, il y fait trop humide pour vos vieilles articulations. Les rhumatismes claquent, les dents aussi. Beauport vous charme déjà, elle vous a envoutée…
Lucidité et simplicité dans les mots de James Lee Burke lorsqu’il parle de ses compatriotes, en quelques mots seulement alors qu’il aura fallu plusieurs tomes d’écriture et de torture à William T. Vollmann dans son livre des violences.
Nous achetâmes un paquet de crevettes grillées et deux cartons de gros riz brun, que nous mangeâmes dans un petit jardin public ombragé aux abords de Napoleon Avenue. Un groupe de gamins, blancs, noirs et chicanos s’échauffaient au base-ball devant un vieux filet d’arrêt en grillage à poules. C’était des enfants d’ouvriers, de petits durs qui s’engageaient physiquement dans la partie, avec énergie et allant, sans retenue ni souci des conséquences. Le lanceur envoyait des balles mouillées de salive et des boulets de canon pleine tête, les coureurs cassaient toute tentative de virer deux joueurs des coudes et des genoux à chaque base, et ils se laissaient glisser, tête en avant, emportés par l’élan, s’éraflant la figure au passage ; le receveur volait la balle à main nue sous le nez du batteur en plein swing ; et le joueur de troisième base se plaçait tellement près qu’un retour en ligne droite risquait de lui arracher la tête des épaules. Je songeai qu’il n’était pas surprenant que les étrangers à notre pays soient impressionnés par l’innocence et la naïveté de l’agressivité américaine.
James Lee Burke, La pluie de néon
Payot et Rivages, 1996
Voici déjà trois jours que je suis en congés et que je suis comme vidé de tout, au repos complet. Trois jours pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose si ce n’est que j’ai passé toute une journée à embrasser la pelouse un peu sèche au bord d’un étang que quelques libellules d’un bleu de métal s’amusaient à survoler en rase-motte, où des branches de saules pleureur s’évertuaient à pourrir tranquillement, embrassés de pinceaux sombres dansant dans un courant léger, une odeur fraîche et végétale exhalant des profondeurs d’une terre vaseuse, de remugles bouillonnant au passage de poissons gros comme la moitié d’un orteil. Pas encore parti, mais plus vraiment là. Je sais que ces vacances ne seront pas faites pour le voyage, mais simplement pour des moments où l’esprit sera vidé de sa substance, des instants sans grands éclats, sans la lumière vive qu’on recherche lorsque l’inconnu fait surface et se dissout dans la chair. Autre chose m’attend. Autre chose que je me suis décidé à réaliser et qui nécessite du temps, de la disponibilité, du silence et de la fureur.
J’emporte avec moi quelques livres, les James Lee Burke achetés récemment et celui que j’ai commencé avant-hier, La pluie de néon, et puis certainement le très recommandé livre de John Keegan, La guerre de Sécession. J’emporte aussi les Voyages de William Bartram, mais sans conviction, je ne me sens pas l’âme naturaliste en ce moment. Peut-être aussi le livre de Redmond O’Hanlon, Au cœur de Bornéo, pour me rappeler qu’un jour j’étais en Indonésie. Quelques carnets, mon ordinateur pour écrire, des stylos qui fonctionnent, un petit carnet vert dans lequel j’ai rassemblé quelques idées du moment, mon appareil photo LX7, mon enregistreur et pas grand-chose d’autre à vrai dire. Je suis dans l’intérieur en ce moment, rentré comme un chaussette à l’envers, lavée en boule et déjà séchée. J’emporte avec moi mes rêves futurs et je délaisse les rêves passés, sans rien renier, sans rien rejeter.
Le plus drôle, c’est que je ne sais même pas où je vais. Je vais simplement là où le vent souffle, là où j’aurais du temps, là où j’aurais de l’espace et de la volonté. Je pars sur les routes de France, et peut-être de Navarre, on connaît trop peu la Navarre même si on la cite souvent. En réalité qui se préoccupe de la Navarre ? Cet été, je désarme, je n’attends rien, je ne veux rien, je me laisse porter. Je mangerai de grosses pêches blanches sucrées et recouvertes de duvet pelucheux, je boirai des vins blancs fins, secs et nerveux comme un cueilleur de vignes, des tomates parsemées de parmesan râpé, un filet d’huile d’olive jeté par-dessus… Ce sera l’été, linéaire, sans rugosité, sans éclat et sans flamme. Juste un été sans passion, irraisonné, plat comme l’étang de Thau un jour de grand calme.