Dimanche matin, ou plu­tôt midi. Je me réveille avec la tête dans un étau, inca­pable de bou­ger un orteil. Ça fait déjà trois fois que le som­meil me quitte mais rien de bon dans le fait d’ou­vrir les yeux. La migraine est là et semble déci­der à ne pas bou­ger ses fesses. Dehors, il tombe des cordes et il fait frais ; on ne pou­vait pas vrai­ment rêver mieux pour un dimanche en plein mois de juillet.
Je me suis enfin lan­cé dans la lec­ture de Dans la brume élec­trique, de James Lee Burke. L’au­teur texan, ins­tal­lé en Loui­siane, res­semble étran­ge­ment à son per­son­nage, Dave Robi­cheaux, qui res­semble lui-même étran­ge­ment à celui qui l’in­ter­prète dans le film de Ber­trand Taver­nier, Tom­my Lee Jones. Et du coup, je compte bien pas­ser l’é­té avec Dave Robi­cheaux, qu’il fasse chaud ou qu’il pleuve. Any­way the wind blows…

James Lee Burke

Si d’a­ven­ture on me demande ce qui me séduit tant chez cet écri­vain, je crois qu’il suf­fi­ra de don­ner cet extrait en exemple :

La pluie tom­bait au tra­vers de la mar­quise des chênes tan­dis que je des­cen­dais le che­min de terre lon­geant le bayou en direc­tion de ma mai­son. Pen­dant l’é­té, il pleut presque tous les après-midi dans le sud de la Loui­siane. Depuis ma gale­rie, aux envi­rons de 15 heures, on peut obser­ver les nuages qui s’a­mon­cèlent, hauts et sombres comme des mon­tagnes, au large sur le Golfe, puis, quelques minutes plus tard, le baro­mètre se met à dégrin­go­ler, l’air, sou­dain, fraî­chit et se charge d’une odeur qui mêle ozone, métal et pois­son en train de frayer. Le vent com­mence alors à souf­fler au sud et redresse la mousse espa­gnole accro­chée aux cyprès morts du marais, il ploie les typhas du bayou, gonfle et ébou­riffe les paca­niers de mon avant-cour ; puis un rideau de pluie grise avance au sor­tir des maré­cages, tra­verse les îlots de jacinthes mauves flot­tant sur les eaux, ma bou­tique à appâts et son auvent de toile ten­du au-des­sus du pon­ton où s’a­marrent mes barques de loca­tion, et les gouttes d’eau résonnent sur ma gale­rie avec le bruit des billes à jouer en train de rebon­dir sur une tôle ondulée.

James Lee Burke, Dans la brume électrique
Payot Rivages/Noir 1999

[audio:tremblante.xol]

Bande ori­gi­nale du film In the elec­tric mist,
chan­té et joué par Court­ney Gran­ger, artiste amé­ri­cain cajun d’expression française

Les pêcheurs mettent leurs lignes comme des araignées
Pié­geurs, voleurs des âmes
Les attrapes sont mises pour les innocents
Gam­bleurs, évi­teurs des blâmes

Des­cends
Allons
Descends
Dans l’eau saumâtre

Reviens
C’est rien
Reviens
A la terre tremblante

Les voleurs, ça met leurs appâts sur la ligne
La bou­teille, la fier­té et l’argent
Ça voit pas qu’ils sont pié­gés pour toujours
Dedans un fil étranglant

Des­cends
Allons
Descends
Dans l’eau saumâtre

Reviens
C’est rien
Reviens
A la terre tremblante

Pho­to d’en-tête © Kevin O’Ma­ra

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