Notes hiver­nales #1

J’a­vais entre­pris mon blog comme un bloc-notes, mais je n’ai jamais réel­le­ment retrans­crit ces web-notes ici. Aus­si, j’ai des tonnes de liens qui pour­rissent dans un coin que j’ai appe­lé la Malle des Indes. Il serait peut-être temps pour moi de com­men­cer à les déli­vrer, d’au­tant que ça ne sert que si c’est partagé.

1. Archéo­lo­gie de l’abandon

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Une année comme une étoile, les traces de pas dans la neige

A l’heure du matin où j’ouvre d’or­di­naire les yeux, il n’y avait cette fois-ci que les ténèbres froides, l’es­prit embru­mé par les vapeurs de l’ombre. Au dehors déjà, la nuit conti­nuait de tom­ber fine­ment comme des pous­sières pous­sées par le vent et je n’ar­ri­vais tou­jours pas à me sor­tir du sommeil.
Dehors, il nei­geait encore comme au pre­mier matin. La neige est comme un écrin sur une ville qui mérite par­fois de revê­tir ses plus beaux atours, un pur moment de grâce, ce qui par essence ne sera jamais per­ma­nent. Bien sûr pour voir ceci, il ne faut pas avoir per­du sa naï­ve­té, avoir su gar­der son cœur pur. Gar­der son cœur pur…
Au len­de­main soir du len­de­main, le ciel avait bleui, exha­lant de sa nuit gla­ciale les cou­leurs d’une gar­ni­son d’étoiles.
Au matin du len­de­main, le ciel avait rosi de nuées grises crê­tées de taches jaunes du reflet du soleil et au len­de­main de ce matin, le ciel avait repris des cou­leurs de marbre cipo­lin.
L’an­née a pas­sé comme une étoile, une étoile noire et néfaste, une année de déchi­re­ments. Je ne vou­lais pas lais­ser de traces et pour­tant, les traces de pas dans la neige qui mènent jus­qu’à la pierre sont les miennes.

Lampe marocaine sous la neige

Que cette année se ter­mine enfin, que je passe à autre chose.

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Stav­kirkjes

Hopperstad stavkirke

Stav­kirke, c’est ain­si qu’on nomme les églises faites de bois qu’au­tre­fois on trou­vait par­tout en Europe du Nord, construites avec des futs de pin syl­vestre et qu’on appe­lait éga­le­ment par­fois « églises en bois debout » ; Les fon­da­tions du bâti­ment reposent sur des pieux (stav). Si elles sont riche­ment déco­rées de motifs fai­sant écho à la mytho­lo­gie odi­nique, elles sont la plu­part construites sur d’an­ciens lieux sym­bo­liques païens. Il n’en reste plus aujourd’­hui qu’en Norvège.

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Ain­si naissent les plus belles his­toires lorsque l’aube blanche gran­dit dans l’air froid

A la fin des jour­nées d’hi­ver, tan­dis que la nuit enva­hit les longues heures froides, j’ouvre les pages de livres qui sont comme des gri­moires déco­rés de runes anciennes, pleins de signes et de magie nor­dique. J’at­tends alors jus­qu’au matin pour me sou­ve­nir des mots, regar­dant la lueur gri­ma­çante du jour poin­ter au loin, étei­gnant les petites lumières qui donnent encore le jour au milieu des ténèbres.

Iceland

[audio:ragnheidur.xol]

Cette saga com­mence alors que le roi Hákon Adal­steinfós­tri régnait sur la Nor­vège, et elle se pas­sa vers la fin de sa vie. Il y avait un homme qui s’ap­pe­lait Thor­kell ; il était sur­nom­mé Ske­rau­ki ; il habi­tait le Súr­na­dalr, et avait rang de her­sir. Il avait une femme qui s’ap­pe­lait Ísger­dr, et trois enfants, des fils ; l’un s’ap­pe­lait Ari, l’autre, Gís­li, le troi­sième — c’é­tait le plus jeune —, Thor­jörn. Tous gran­dirent à la mai­son. Il y avait un homme qui se nom­mait Ísi ; il habi­tait dans le Nord­moerr, dans le fjord qui s’ap­pelle Fibu­li ; sa femme s’ap­pe­lait Ingi­ger­dr, et sa fille, Ingib­jörg. Ari, le fils de Thor­kell du Súr­na­dalr, la deman­da en mariage, et elle lui fut accor­dée avec de grands biens. Il y avait un esclave qui s’ap­pe­lait Kolr : il s’en alla avec elle [chez Ari]. Il y avait un homme qui s’ap­pe­lait Björn le Blême ; c’é­tait un ber­ser­kr(1). Il allait par le pays et pro­vo­quait les hommes en duel s’ils ne vou­laient pas faire à son gré. Pen­dant l’hi­ver, il vint chez Thor­kell du Súr­na­dalr. C’é­tait Ari, son fils, qui diri­geait alors la ferme. Björn offrit à Ari de choi­sir entre deux choses : pré­fé­rait-il se battre en duel contre lui dans l’î­lot qui se trouve dans le Súr­na­dalr et s’ap­pelle Stok­kahólmr, ou bien vou­lait-il lui livrer sa femme ? Il choi­sit aus­si­tôt de se battre, plu­tôt que de cou­vrir de honte et lui et sa femme. La ren­contre aurait lieu dans un délai de trois nuits. À pré­sent, le temps passe jus­qu’à la ren­contre sur l’î­lot. Alors ils se battent, et pour conclure, Ari tombe et y laisse la vie. Björn consi­dé­ra avoir rem­por­té au com­bat et la terre et la femme. Gís­li dit qu’il pré­fère périr que de lais­ser faire cela, qu’il veut se battre en duel contre Björn. Alors Ingib­jörg prit la parole : « Ce n’est pas parce que j’ai été mariée à Ari que je n’au­rais pas pré­fé­ré t’ap­par­te­nir. Kolr, mon esclave, pos­sède une épée qui s’ap­pelle Grásí­da(2) et tu vas lui deman­der qu’il te la prête car elle a la pro­prié­té de don­ner la vic­toire à celui qui s’en sert dans la bataille. » Il deman­da l’é­pée à l’es­clave, et l’es­clave se fit prier pour la prê­ter. Gís­li se pré­pa­ra pour le duel, le com­bat eut lieu et se ter­mi­na par la mort de Björn. Alors Gís­li consi­dé­ra qu’il avait rem­por­té une grande vic­toire, et l’on dit qu’il deman­da Ingib­jörg en mariage, ne vou­lant pas lais­ser cette excel­lente femme sor­tir de la famille, et qu’il obtint. Il prit donc toute la pro­prié­té et devint un homme impor­tant. Là-des­sus, son père mou­rut et Gís­li reprit toute la pro­prié­té après lui. Alors il fit tuer tous ceux qui avaient accom­pa­gné Björn. L’es­clave récla­ma son épée, et Gís­li ne vou­lut pas la lui rendre : il lui offrit de l’argent à la place. Mais l’es­clave ne vou­lut rien d’autre que son épée, et ne l’ob­tint pas. Celui lui déplut fort, et il se jeta sur Gís­li : ce fut une grande bles­sure. En échange, Gís­li frap­pa l’es­clave à la tête avec Grásí­da, si fort que l’é­pée se bri­sa, mais le crâne en fut fen­du, et l’un et l’autre tombèrent.

Iceland

Notes:
1 — On appelle ain­si les guer­riers-fauves, clai­re­ment rat­ta­chés à l’i­déo­lo­gie odi­nique, qui entraient dans une sorte de fureur sacrée et se ren­daient alors capables des plus invrai­sem­blables exploits. Leur nom peut signi­fier qu’ils se bat­taient à décou­vert (sans che­mise), mais, plus vrai­sem­bla­ble­ment, qu’ils étaient doués de la force d’un ours dont ils por­taient la peau en guise d’ar­mure (che­mise d’ours).
2 — Voi­là un des meilleurs exemples de tra­di­tion véné­rable en Islande. Le nom de l’é­pée vient pro­ba­ble­ment de gnár (gris), cou­leur conven­tion­nel­le­ment attri­buée au fer et à l’a­cier dans ken­nin­gar (méta­phores) des scaldes. Grásí­da signi­fie­rait alors : aux flancs gris. L’arme qui porte ce nom — tan­tôt épée, tan­tôt lance — se retrouve dans maintes sagas. On lui attri­buait des pro­prié­tés mer­veilleuses, comme le dit pré­ci­sé­ment notre texte ; il était d’ailleurs très fré­quent de don­ner un nom aux armes et de faire inter­ve­nir des sor­ciers pour pré­si­der à leur fabrication

Saga de Gís­li Súrs­son (Gís­la saga Súrs­so­nar) écrite entre 1270 et 1320.
Texte extrait de Sagas Islan­daises, Gal­li­mard La Pléiade, tra­duc­tion et anno­ta­tions de Régis Boyer
Tra­duc­tion anglaise sur cette page.

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