Le refuge de Connie Mangskau (Les oubliés du pays doré #12)
Constance Mangskau était née en 1907 à Chiang Mai, d’un père anglais et d’une mère thaïe, ce qui faisait d’elle une hybride dans un monde colonial qui n’aimait pas les hybrides. À dix-huit ans, elle avait épousé un planteur de caoutchouc norvégien dont elle ne gardait que le nom et deux filles. Veuve trop jeune, elle avait dû accepter un poste de secrétaire à la British American Tobacco Company pour nourrir ses enfants.
Anna et le Roi, vision d’un Orient fantasmé (Les oubliés du pays doré #11)
Bangkok, 1862. La mousson tambourine sur le toit du Grand Palais. Anna Leonowens débarque avec ses malles, son fils Louis, et cette détermination anglaise qui sert de cuirasse aux femmes seules. Elle a trente et un ans, prétend-elle. En réalité, elle vient de franchir le cap des quarante. Elle ment sur son âge, sur ses origines, sur tout ce qui pourrait la rendre vulnérable dans ce monde d’hommes et d’empires.
Les visiteurs du Roi Mongkut (Les oubliés du pays doré #10)
Les cartes du Siam, en 1856, sont fausses. On le sait. Les cartographes de Paris tracent des fleuves qui n’existent pas, inventent des montagnes, déplacent les villes. Louis-Antoine Léon de Rougé le sait aussi, lui qui débarque à Bangkok avec dans sa malle les dernières publications de la Société de Géographie. Il a vingt-huit ans, une formation d’ingénieur, et cette façon particulière qu’ont les hommes de son époque de regarder le monde comme un problème à résoudre.
La maison des Surawadee (Les oubliés du pays doré #9)
Bangkok, 1937. Une année lourde comme une mangue trop mûre. On construit des maisons en espérant qu’elles résisteront aux moussons et aux coups d’État comme on porte un talisman contre la malchance. C’est cette année-là que Sa-Ang Surawadee fait bâtir une demeure en teck sur pilotis, dans un bout de ville encore rempli de cocotiers, de buffles et de canaux sinueux où les enfants plongent depuis les berges en hurlant de joie.
Alexander MacDonald, Bangkok editor (Les oubliés du pays doré #8)
On naît toujours quelque part, même quand ce quelque part ne nous retient pas. Alexander MacDonald voit le jour en 1908 à Lynn, ville industrielle du Massachusetts où les manufactures de chaussures grondent jour et nuit. Son père travaille dans l’une d’elles. L’odeur du cuir tanné imprègne les vêtements, la peau, les nuits et les rêves. Mais le jeune MacDonald ne deviendra pas cordonnier pour autant.
Un Allemand à Bangkok (Les oubliés du pays doré #7)
On a trouvé dans les archives de Darmstadt une photographie sépia, datée de 1910. Karl Döhring pose devant une porte de Wat Chetuphon, la bouche close, les mains derrière le dos. Son regard fixe l’objectif avec cette morgue des hommes qui savent dessiner, et qui sont certains de leur art. Derrière lui, du granit baroque dans la chaleur de Bangkok.
Une histoire de bouddhas (Les oubliés du pays doré #6)
Jim Thompson disparaît le 26 mars 1967. Il part faire une promenade digestive après le déjeuner de Pâques. Il ne reviendra jamais. Cinq ans plus tôt, en janvier 1962, Thompson escalade une montagne dans la province de Phetchabun. Il cherche une grotte. Il a acheté cinq têtes de Bouddha en calcaire blanc à des antiquaires de Bangkok. Elles sont extraordinaires.
Les vies des autres, par William Warren (Les oubliés du pays doré #5)
William Warren est mort à Bangkok en 2011. Quatre-vingt-un ans. Une vie presque entière passée en Thaïlande. Quand on meurt à Bangkok après soixante ans de résidence, est-on encore un expatrié ? Ou devient-on autre chose – un hybride, un fantôme inversé, un Occidental devenu asiatique par sédimentation lente ? William Warren fait partie de ces ombres qui se perdent dans la lumière des soirs tropicaux.
La maison de Kamthieng (Les oubliés du pays doré #4)
Sur les rives de la Ping, dans le royaume de Lanna que Bangkok ne contrôle pas encore tout à fait, on élève une maison en teck. Les artisans choisissent les arbres en palpant l’écorce, en pressant l’oreille contre le tronc pour écouter la densité du bois. Ils regardent les nœuds et y voient déjà la structure de la construction, forts de leur expérience.
Dans l’ombre de Jim Thompson (Les oubliés du pays doré #3)
On commence toujours par Jim Thompson. C’est son nom qu’on cherche dans les bases de données, les archives des journaux, les registres d’état civil. Jim Thompson, l’Américain, industriel qui fit renaître l’industrie ancestrale de la soie thaïlandaise. Jim Thompson, disparu en 1967 dans les Cameron Highlands de Malaisie.
Les fantômes de l’Oriental (Les oubliés du pays doré #2)
On arrive toujours à Bangkok par le fleuve. Même aujourd’hui, même en avion, c’est le Chao Phraya qui nous accueille, serpent brun et majestueux charriant l’histoire. En 1876, deux capitaines danois, Hansen et Andersen, comprirent cela. Ils achetèrent une bâtisse au bord de l’eau. Un hôtel. Pourquoi pas, après tout. Le Siam s’ouvrait au monde comme on ouvre une fenêtre sur l’Orient. Avec un O majuscule.
Suvarnabhumi (Les oubliés du pays doré #1)
L’aéroport de Bangkok porte ce nom : Suvarnabhumi. Quinze millions de passagers par an prononcent ce mot sans le comprendre. Ils traversent le hall climatisé, traînent leurs valises à roulettes sur le marbre gris, achètent du whisky détaxé. Personne ne sait qu’ils foulent la Terre de l’Or.
Chronique du neuvième mois
Ceci n’est pas une histoire comme une autre. C’est l’histoire d’une expérience nouvelle pour moi, un nouveau paradigme, une plongée à moitié immersive dans quelque chose que je connais déjà et dont je ne n’ai jamais eu l’expérience intime. Neuvième mois du calendrier de l’hégire, Ramadan (رَمَضَان) est le mois sacré par excellence pour tous les Musulmans du monde.
N’attends pas la nuit pour dire que le jour a été beau
Prendre son temps. Prendre le temps pour soi comme s’il n’existait personne d’autre au monde. Histoire de se recentrer, d’évaluer pourquoi on est là, pourquoi on est au monde, se sentir un peu utile à l’ordre des choses et ne pas se dire qu’on ne fait que subir ce qui se passe. Après tout, nos actes ne sont-ils pas une part infime, mais réelle, de tout ce qui se produit chaque jour dans le monde ?
Petit répertoire des rêves d’un long été
J’ai toujours aimé les journées chaudes, brûlantes, pendant lesquelles je m’esquinte la peau au soleil brûlant, toujours avec excès, jamais avec modération, jusqu’à la nausée, aux tremblements fébriles. Une journée passe et je suis à nouveau sur pied. J’ai des souvenirs de journées torrides, cloîtré derrière les stores baissés, dans une semi-obscurité d’où on ne voit percer que quelques fins rayons de soleil sur le tapis.
Moka au bar au Bar Bamboo Metropole
L’Indochine n’existe pas. Elle n’existe plus que dans les manuels d’histoire et dans les romans de Marguerite Duras, dans les récits de François Bizot et les mémoires de guerre de Jon Swain. L’idée de l’Indochine, c’est une image surannée de teintes pastelles, empruntes de colonialisme et d’une certaine nostalgie.
Moka au bar au cà phê hòa tan
Une odeur de lait chaud me cueille au petit matin, surpris comme un vieux chat qui aurait loupé une marche, une odeur de lait chaud qui me fait instantanément penser au salon d’un hôtel de Londres, non loin de la gare dont le nom est associé à l’ours. Paddington. Odeur de café brûlant… de tartines grillées… de confiture… odeur de bacon grillé et de scrambled eggs…
Je suis toujours dans la pièce d’à‑côté
Quelle journée étrange, quelle journée étrange…
Après avoir hiberné en plein été pendant plus d’une semaine parce que je me suis fait rattrapé par un sale virus qui court pas mal ces derniers temps, j’ai vécu une étrange journée.
On n’en a pas fini avec Byzance, ni avec Constantinople d’ailleurs…
Bir varmış, bir yokmuş. Voilà. Nous y sommes. Les lubies d’une collègue qui revient de voyage, un guide touristique datant de 2007 et qui contient quelques informations fausses (il existerait une synagogue toute en bois à Fener qu’on pourrait visiter, elle n’existe plus depuis 1937 et était construite en pierre), la lecture de mes carnets de voyages sur mon blog (…)
Sale gosse
Je suis un petit con, du haut de mon âge avançant, de mes cheveux poivre et sel et de ma vue qui baisse, un petit con qui fait n’importe quoi, qui agit et réfléchit après, mais ce n’est pas grave, ça se finit toujours bien. Même mal, tout se passe.
Une semaine sur terre. Journal du confinement III
Nuit difficile, des rêves qui n’en finissent pas, des rêves qui pourrissent mes matins et qui jouent avec mes peurs. Je suis un grand trouillard, j’ai des phobies, et je me demande si la plus grande n’est pas celle des profondeurs océaniques. Comme je le dis à ceux qui me disent que pour un fils de Breton, c’est quand-même pas de bol, je réponds que dans ma famille, personne n’est marin-pêcheur, ni même marin tout court, et nous nageons tous comme des enclumes.
Une semaine sur terre. Journal du confinement II
Hey mais en fait ça passe super vite !! Sans rire, ma matinée d’hier a filé à une vitesse incroyable… Même pas eu le temps de soupirer d’ennui ou de me donner l’illusion que la journée était trop longue…
Une semaine sur terre. Journal du confinement I
Pendant toute la durée de cette période exceptionnelle, une petite chronique de trois jours en temps de guerre, bien au chaud chez moi.
De bois. Éloge de l’insistance
Non, c’est décidé, je n’irai pas voter. Je pourrais mais je n’irai pas. La raison est tellement simple que je ne sais même pas comment j’ai envisagé un seul instant ne pas m’affranchir de me plier au plus élémentaire des devoirs.






















