Jul 13, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 9 août) : Dans les gorges de Saklıkent (Kanyonu)
Bulletin météo de la journée (vendredi) :
- 10h00 : 38.7°C / humidité : 27% / vent 15 km/h
- 14h00 : 42.0°C / humidité : 23% / vent 11 km/h
- 22h00 : 40.0°C / humidité : 67% / vent 4 km/h
Réveillé ce matin par le chant des criquets dans l’atmosphère brûlante qui frappe au carreau. Mes nuits climatisés ressemblent à des cauchemars où j’oscille entre la nudité parfaite et l’engoncement dans les toiles blanc cassé, saucissonné comme une rosette de Lyon ou un foie gras cuit à cœur. Ils se sont répartis ente le jardin de la piscine et celui sur lequel donne la coursive, ce qui a le don de produire un son en stéréo passablement enivrant. Je dis criquet, mais je suis vraiment incapable de dire quel genre de coléoptère est capable de faire ce genre de bruit et je ne suis pas certain que si j’arrive à connaître le nom turc cela m’avance à grand chose.
Ce n’est pas parce que je suis en vacances que je ne lis pas. Je viens de finir le livre de Daniel Arasse, On n’y voit rien, que j’ai trouvé beaucoup moins fascinant qu’Histoires de peintures, beaucoup moins éclairant, plus égocentré et sur ma lancée je commence la lecture, dès le petit matin, de Les Croisades vues par les Arabes d’Amin Maalouf.
Je prends quelques notes sur la manière de tenir mes carnets, comment les ordonner, de les numéroter et de les indexer, de mettre des onglets, d’insérer du matériau à l’intérieur. Vœux pieux. Il me semble qu’en ce moment je mange beaucoup, peut-être l’effet de la chaleur, ou alors parce que les repas sont plus légers, ou alors parce que je ne ressens plus beaucoup la sensation de satiété.

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Jun 28, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 8 août) : Arrivée à Patara, Gelemiş, Kumluova, le Lêtốon
Bulletin météo de la journée (jeudi) :
- 10h00 : 36.8°C / humidité : 26% / vent 20 km/h
- 14h00 : 40.5°C / humidité : 19% / vent 7 km/h
- 22h00 : 36.3°C / humidité : 44% / vent 6 km/h
Il reste encore dix jours de Turquie, j’en suis au jour 14. J’ai l’impression d’être ici depuis une éternité et l’angoisse qui m’étreignant avant d’arriver de me retrouver dans des lieux qui ne me conviendraient pas est loin derrière moi. Je suis ici dans mon élément, malgré cette chaleur, malgré cette impression de ne pas pouvoir respirer… Mais tout va bien.
Je prends mon petit déjeuner sur une terrasse recouverte d’une tonnelle très années 70, qui donne sur un paysage de collines et la mer au loin ; le vent rafraîchissant du matin souffle tandis que je me repais de fromage blanc et d’une infusion de sauge très délicate avant de plonger dans la piscine. Pendant tout ce séjour, je fais exprès de me gaver au petit déjeuner pour n’avoir pas à poser les pieds sous la table le midi et ainsi perdre le moins de temps possible. Finalement, je me demande si l’objectif initial des vacances qui est de se reposer n’a pas été oublié en cours de route. Mais est-ce si grave que ça ?

Aujourd’hui, direction Saklıkent pour aller se fondre dans les gorges (kanyonu). Il paraîtrait que le site est très fréquenté en cette saison et les guides conseillent de partir tôt. De plus, ce que j’en ai vu à mon retour de Pamukkale, de nuit, ne m’a pas beaucoup plu. Une enfilade de boutiques attrape-couillon-de-touriste s’étire sur près de 500 mètres avant d’arriver au parking. Mais il en faut plus pour me désarmer et sans le savoir, je prends une route le long d’une rivière large et caillouteuse qui me fait arriver de l’autre côté de ce lieu de perdition. J’arrive sur un parking où je me gare tranquillement et je me fais alpaguer par un rabatteur qui me demande de venir manger dans son restaurant ; il est à peine 11h00… Je lui dis peut-être après la visite, mais je me rends compte une fois que je me suis éloigné que je suis en fait garé sur le parking de son restaurant… (more…)
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Jun 14, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Sven Hedin est un personnage qui a beaucoup fait pour la découverte de certains territoires, comme le désert du Taklamakan ou le Pamir que son métier de géographe lui a permis de cartographier avec détail. Ses explorations ont été pour la plupart périlleuses et la première qu’il a menée dans le désert du Taklamakan aurait pu vraiment mal tourner et finir de manière tragique si lui-même et ses guides n’avaient pas eu la volonté de s’en sortir jusqu’au bout.

Brusquement le soleil se voila et disparut dans une obscurité profonde.
… Une sensation de cataclysme imminent nous enveloppe. Au loin on entend un crépitement ; de minute en minute il se rapproche… Un coup de vent, puis une rafale terrible. Les arbres tordus par l’ouragan se brisent avec des craquements épouvantables. Pendant quelques instants c’est un fracas terrible. En même temps, des tourbillons de poussière nous aveuglent nous étouffent. Fouetté par le souffle irrésistible de la tourmente, le sable fuit sous nos pas ; on a comme une impression d’engloutissement.
La tempête ne dure que quelques heures ; le lendemain le ciel était cependant encore tellement chargé de poussière, que tout vue était masquée dans un faible rayon.
La seconde expédition, plus calme, n’a pas non plus été une sinécure, car pris dans les températures glaciales de la nuit désertique, les hommes ont quand même souffert de conditions extrêmes.
Dans cette région l’eau se rencontre à une faible profondeur (2,40 m ; 1,81 m ; 1,67 m) ; néanmoins, le sol était gelé sur une épaisseur de 22 cm, le creusement d’un puits exige un long travail. Partout la position de la nappe souterraine est indiquée soit par la présence d’un tamaris ou d’un peuplier (Populus diversifolia), soit par des traces d’humidité dans la couche de sable superficielle. Ici, comme dans les vallées du Yarkand-Daria ou de l’Oughuen-Daria, sa salinité diminue à mesure que l’on s’éloigne du fleuve, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Si l’expédition de Hedin relève de l’exploit et faillit tourner à la catastrophe, les contacts avec les populations sont pour le moins surprenants et relève d’un véritable soin à ne pas rompre l’état de fragile équilibre dans lequel vivent des populations éloignées des centres de pouvoir.
Nous appelons, nous crions, aucune réponse. Les guides partent fouiller le bois dans différentes directions ; une demi-heure après, l’un d’eux ramène un naturel et une femme. Surpris par notre arrivée, ces pauvres gens s’étaient enfuis, dans la crainte de mauvais traitements. Une fois remis de leur terreur, ils me donnent des renseignements très importants. J’apprends ainsi que jusqu’au point où le fleuve se perd dans les sables, la forêt est habitée par des bergers qui gardent des moutons appartenant à des marchands de Keria. Chaque troupeau compte de trois cents à deux mille têtes, et chaque propriétaire a l’usage exclusif d’une zone déterminée de pâturage. L’effectif de cette petite tribu de pasteurs ne dépasse pas 150 individus.
Perdus dans des forêts vierges, enveloppés d’immenses déserts, ces indigènes demeurent complètement séparés du reste du monde. Jamais pour ainsi dire ils ne quittent ces bois, et à part leurs voisins et de loin en loin les propriétaires des troupeaux, jamais ils ne voient un être humain. Les fonctionnaires chinois ignorent même l’existence de ces clans de bergers. Pour ne pas attirer sur ces primitifs les exigences d’un fisc sans pitié, je me suis gardé à mon retour de les renseigner à cet égard.

La vie de Sven Hedin, si elle fut passionnante sur le plan de l’exploration et des découvertes géographiques dont il est responsable, ne fut pas exemplaire à tout point de vue. Il se compromit gravement avec le régime nazi du Troisième Reich. Même s’il fit beaucoup pour éviter la mort à certains de ses compatriotes norvégiens, il ne renia jamais ses affinités pour le régime et paya cher de sa personne ses errements en finissant sa vie dans la disgrâce.
Sven Hedin, Dans les sables du Taklamakan
Éditions Nicolas Chaudun, 2011
Liens :
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May 25, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 6 août) : La route d’Arycanda et les mantı
Bulletin météo de la journée (mardi) :
- 10h00 : 36.7°C / humidité : 25% / vent 31 km/h
- 14h00 : 39.6°C / humidité : 18% / vent 17 km/h
- 22h00 : 35.1°C / humidité : 25% / vent 17 km/h

Ce matin, je me réveille tôt ; je sors sur le balcon et j’hume l’air chaud qui traîne alors qu’il est à peine 6h30. C’est la mi-nuit et il flotte un vent venu des terres qui balancé mes serviettes de bain et de toilette dans le précipice en bas de l’hôtel. Une ambiance bizarre. Je dois descendre par mes propres moyens pour aller chercher mes affaires disséminées au milieu de celles des autres. Je me rends compte une fois arrivé en bas que mon maillot de bain est perché dans le figuier, le reste jonche le sol.

Ce jour est un jour particulier puisque je prends la voiture pour aller loin, à plus de deux cents kilomètres de là dans la direction du nord-nord-ouest, non loin d’une grande ville qui s’appelle Denizli. Le but de cette journée est d’aller visiter un des plus grands sites de la Turquie, un des plus connus, des plus impressionnants : Pamukkale (pamuk = coton, kale = château ou forteresse). La route est un peu longue, je compte environ 4h30 pour presque 300 km en taillant un itinéraire le plus droit possible, sur une route que je ne connais absolument pas et qui pourrait très bien m’apporter des surprises. La déception d’Arycanda me pousse à préparer et à assurer au maximum cette virée. Je n’ai pas l’intention de revenir bredouille cette fois-ci.
Je prends un petit déjeuner bâclé en cinq minutes et je suis déjà sur la route, appareil photo prêt à tirer et me voici parti.
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May 12, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale) |
Il faut choisir son camp : être du côté de ceux qui subissent ou du côté de ceux qui s’emparent du monde et si on est dans le camp des seconds, rien ne nous empêche de parfois nous laisser porter par le chant du monde en imaginant qu’on puisse parfaitement, pour une fois, baisser la garde et se laisser happer. Dans mon cas, je me laisse totalement laminer, car c’est un bien, une nécessité. Il faudra pour réparer se laisser la possibilité de repartir.

Topkapı Sarayı Müzesi, Harem
mai 2013
Autant dire tout de suite que si j’avais pas mal préparé ce voyage, je me suis confronté à des imprévus, des mauvais mais surtout des bons et le programme auquel, avec une certaine discipline, je m’étais promis de ne pas déroger n’a pas été du tout respecté. Que ce soit en Cappadoce ou à İstanbul, je me suis laissé entourloupé par les gens, par la ville, les odeurs et les lieux, je n’ai presque rien fait de ce que j’avais prévu et cette fois en particulier, j’ai passé beaucoup plus de temps avec les gens qu’à voir des monuments ou des sites naturels.
Pardon à ceux à qui j’avais dit que j’écrirai, mais disons que toute la chaine qui permet d’envoyer des cartes postales est un peu trop compliquée à mon goût ; cartes postales laides et rares, peu d’endroits (à part la poste) pour acheter des timbres, pas de boîtes à lettres dans la rue et nécessité de se contraindre à se déplacer jusqu’à l’unique poste pendant ses horaires d’ouverture. Trop de paramètres, selon moi. Désolé, mais j’avais un monde à explorer…
A présent, me voici de retour, avec des mines d’or à l’intérieur, la peau légèrement bronzée par un soleil qui a voulu se faire discret à İstanbul, les pieds fatigués, une petite sciatique accrochée à la fesse gauche, des valises pleines de cochonneries à manger et de bibelots et plus que tout, une belle et saine fatigue qui va nécessiter quelques jours de travail pour que tout se remette dans l’ordre.
Peu importent les babioles qu’on ramène, peu importent les photos qu’on peut prendre par milliers, car ce qui est le plus important à ramener, c’est le sourire des gens qu’on rencontre, quelques minutes de bonheur passées avec des inconnus dans la rue, les embrassades et les larmes du départ, et surtout la sensation incomparable d’avoir — enfin — pu trouver dans le monde sa deuxième maison, un endroit où laisser son cœur, un endroit où commence un deuxième monde connu.
Aussi, en temps voulu, je vous parlerai d’Ümit, de Moris, d’Ömer, de Nihat, de Bişra, de Fatoş et Bukem, un peu moins de Soliman et de Serkan qui sont des escrocs, mais surtout de Mehmet, d’Emin, de Sumru et de Sıtkı.
PS : j’apprends à l’instant qu’un nouvel attentat a frappé le sud de la Turquie, à Reyhanli, précisément dans la région d’où est originaire Sıtkı.
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