Ubud stories #13 : Les subak de Jatiluwih
Les subak de Jatiluwih
Ubud stories #13
25 février 2014 : Les superbes rizières en escalier de Jatiluwih
Après la petite déconfiture de la veille, je décide de prendre un peu le temps, de me lever tard et de faire quelques longueurs dans la piscine, histoire de délasser mon esprit, pour de bon.
Après midi, je décide de faire appel à un taxi, un autre, un bien, un fiable — celui d’hier est rayé de la liste de l’hôtel. Je ne parle pas bahasa mais ce que j’entends au téléphone me laisse comprendre qu’un client qui se plaint n’aura pas l’occasion de se plaindre deux fois. C’est un ami de la jeune réceptionniste qui porte le doux nom de Pingki et un grand sourire sincère qui arrive. Un type d’une quarantaine d’année avec les dents de traviole, qui parle tout doucement et à l’air un peu hagard, mais surtout, très gentil. Mon but de la journée, partir sur la route pour aller sur Jatiluwih, un superbe paysage vallonné de rizières en escalier dont la technique de fabrication est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO ; ce sont les fameux subak.
Un subak est un système d’irrigation parfaitement écologique, s’appuyant sur un système hydraulique communautaire, généralement construit en aval d’un temple de l’eau. Le principe est d’une simplicité extrême et repose sur une philosophie typiquement balinaise, le Tri Hita Karana, les trois causes du bien-être (harmonie entre êtres humains, harmonie avec la nature, harmonie avec les divinités). L’eau jaillit là où se trouve le temple, gardé par les prêtres et s’écoule dans les rizières, apportant le substrat nécessaire à la culture du riz, dont le bienfait permet aux hommes de se nourrir.
La route est magnifique, et j’ai largement le temps de regarder puisque nous roulons en moyenne à 30 km/h. Quelques pointes à 80 pour doubler, mais sur Bali on roule doucement en général. Lorsque nous arrivons dans les montagnes, les paysages se transforment et ce sont désormais des lacets qu’il faut enquiller, une succession de lacets et de routes droites au bord desquelles on peut voir les travailleurs des rizières dans leur quotidien. Wayan, mon chauffeur, manque plusieurs fois d’écraser des poules ou des chiens. On sent que la population est pauvre, plus pauvre qu’autour d’Ubud. Il faut environ 1h30 depuis Ubud pour rejoindre Jatiluwih, c’est l’occasion de croiser sur la route des femmes aux alentours des villages, portant leur panier tressé sur la tête.
Nous arrivons sur les hauteurs. Il faut payer 15.000 roupies (1 euro) pour entrer dans le parc. Il laisse la voiture en face d’un warung et m’indique le chemin pour accéder aux rizières. Je croise beaucoup de gens qui travaillent, des visages souriants pour la plupart à qui je m’amuse à lancer des selamat sore auquel on me répond facilement et toujours avec le sourire. Les gens qui n’ont rien à vendre ont le sourire sincère puisque c’est celui qui ne demande rien…
Le chemin des rizières est superbe, on peut y voir les terrasses serpenter avec grâce le long des flancs de la montagne, un riz aux feuilles déjà épaisses masquant l’eau qui baigne à ses pieds.
Le paysage est splendide au pied de la montagne qui elle, a la tête dans les nuages. Il fait un temps doux et humide, agrémenté d’un petit vent agréable qui change des températures parfois accablantes. En sortant des rizières, je dis à Wayan que je souhaite déjeuner quelque chose. Pas de problème, il m’emmène vers une grande terrasse, une usine à touristes pour Chinois, mais je décline et je lui dit que je veux aller déjeuner dans le warung devant lequel il s’est garé où deux jeunes filles semblent s’ennuyer ferme. Il semble de ne pas comprendre, mais moi je me comprends… Je m’assieds et commande un ayam sayur, du poulet dans une soupe de légumes que je partage avec un chien qui n’attend que ça. Je lui donne les os qu’il fait craquer sous la dent.
Comme je suis parti tard, je ne reste finalement pas si longtemps que ça à errer dans les rizières de Jatiluwih, mais suffisamment pour ressentir le calme qui se répand ici comme une onde magique. Le vert, omniprésent, est comme une présence rassurante de la nature au beau milieu de cette île douce, parfois âpre, où la douceur de vivre peut se ressentir partout, même dans les villages les plus reculés et les plus pauvres. Une sorte de langueur semble être la règle, peut-être à cause de la chaleur étouffante de ces lieux humides où flotte une odeur à la fois végétale, source de vie, et mortifère, où les eaux n’ont pas grand-chose à faire que croupir.
En quittant la montagne, la brume se désépaissit, je traverse des villages où chacun semble affairé dans le soir tombant. Le soleil rasant exacerbe les reliefs d’une vie simple au bord de la route, donnant à voir des visages burinés par le soleil et une vie champêtre passée à travailler aux champs. Quelque chose de doux m’enveloppe, d’à la fois satisfaisant et de profondément calme. Je m’endors presque dans le van qui me ramène au village, à la petite vitesse qu’impose ces routes cabossées.
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