Gunung Kawi
Ubud stories #11
23 février 2014 : Gunung Kawi, un temple sacré au fond d’une vallée
J’ai passé une bonne partie de ma journée à Tampaksiring, au Pura Tirta Empul, à profiter de cette belle journée sans pluie, sous un soleil de plomb que les sources ont réussi à rafraîchir un peu. Je saute à nouveau dans mon taxi pour rouler à peine plus de cinq minutes vers le temple de Gunung Kawi (le mont aux poètes). La voiture s’arrête dans la rue d’un petit village qui ne dit absolument pas où pourrait se trouver l’entrée du temple. Le chauffeur me fait signe de prendre la rue à gauche et l’entrée se trouve au bout de la rue. Je me demande pourquoi il ne souhaite visiblement pas aller plus loin…
La journée est déjà bien avancée et le soleil commence à être bas dans le ciel. Quelques boutiques dans des cahutes branlantes ferment déjà leurs portes. Il ne reste que celle d’une vieille dame qui me fait signe qu’elle dispose de boissons fraîches au frigo et de crèmes glacées dans un congélateur hors d’âge qui doit avoir du mal à produire du froid avec cette température. La chaleur m’a essoré et je lui prends des sodas et des bouteilles d’eau que je fourre dans mon sac à dos, ne sachant pas ce qui m’attend dans les environs.
Au bout de la rue se trouve un portail en pierre volcanique, comme un monument coupé en deux, net, donnant sur un monde inconnu, un chemin qui s’enfonce dans la végétation en pente vers une vallée cachée derrière les rizières. Dès l’entrée, on ne nous cache pas qu’il faut descendre plus de 200 marches pour arriver au temple, marches qu’il faut remonter une fois en bas… Alors je ne traine pas, je n’ai pas envie de me laisser surprendre par la nuit. Le spectacle qui s’offre à moi dès la descente est superbe… Des rizières en espaliers s’étendent à perte de vue, délicatement cachées au pied des palmiers. Des ouvrages d’art soigneusement entretenus au beau milieu d’un écrin de verdure.
L’atmosphère est lourde, humide, des insectes et surtout des libellules virevoltent autour de moi et la descente m’occasionne des suées dont je ne me sentais pas capable à cause de la raideur des marches. La fin du sentier donne sur un rocher fendu en deux au travers duquel on se faufile en se demandant dans quel royaume magique on est en train de pénétrer. Une pancarte nous indique que nous entrons dans un sanctuaire et que le sarong est de rigueur. Le chemin se termine dans la vallée d’une petite rivière, sur un site grandiose où les parois rocheuses ont été sculptées de candis de chaque côté de la rivière, de manière symétrique. Le sanctuaire bâti pour le roi Anak Wungsu date du XIè siècle ; d’un côté les candis sont dédiés à sa famille, notamment le roi Udayana, de l’autre à ses concubines. Au milieu, la rivière Pakrisan.
Le lieu est d’un calme presque lunaire et je me rends compte que je suis absolument seul dans le temple, peut-être à cause de l’heure tardive, c’est du moins ce que je croyais, car lorsque je me suis approché de la rivière, je suis tombé nez-à-nez, si je puis dire, avec un homme nu qui venait de se baigner dans la rivière. Pas gêné le moins du monde, il était en train de remettre son sarong d’un blanc immaculé sans se préoccuper de moi.
Un souffle de vent léger a fait tressauter une sorte de petit moulin à vent agrémenté d’un petit personnage qui frappe sur des tubes de bambous.
Moulin à vent
Au pied d’une des falaises se trouve un monastère avec des cellules creusées à même la roche, un endroit chargé de sens où l’on peut presque sentir la présence des moines qui ont vécu ici. Il est utile de préciser que le temple est hautement symbolique pour les bouddhistes et les hindouistes, car le roi Udayana, hindouiste s’est marié à la princesse de Java, alors bouddhiste ; c’est ici le carrefour où se rejoignent deux religions qui ne s’entendent pas toujours.
Malheureusement, je n’ai que peu de temps avant que la fin du jour n’enveloppe le paysage et m’empêche de remonter les 200 marches escarpées, je dois quitter cet endroit magique et retrouver mon chauffeur de taxi.
Dans la rue qui donne sur le temple, une épaisse fumée emplit l’air, une fumée âcre qui prend à la gorge et qui donne une couleur étrange aux rues du petit village. Le soleil qui ne va pas tarder à disparaître darde ses rayons au travers des feuilles de palmier et au travers de la fumée des herbes sèches que les habitants font brûler sur le seuil de leur maison. Moment magique au détour du portail d’une maison ; une jeune fille fait ses gammes sur un métallophone assise à côté de son professeur. L’air saturé d’odeurs végétales, la lumière jaune d’une fin de journée magnifique, le son d’un gamelan, le visage d’une jeune fille… Cette journée reste gravée dans ma mémoire comme une des plus belles que j’ai passées en Indonésie.
Voir l’ensemble des photos sur Flickr.
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