Je crois que je suis arri­vé à Ubud un peu par hasard. Pour­quoi cette ville en par­ti­cu­lier et pas les plages pleines de sur­feurs, bat­tus par les vents et les vagues ? Parce que la mer n’est pas si clé­mente que ça dans cette par­tie du monde et j’ai pré­fé­ré être au cœur de l’île et pou­voir y trou­ver là une base arrière un peu au centre de tout. Quant aux spec­tacles des céré­mo­nies musi­cales, on ne peut vrai­ment arri­ver ici et ne pas se lais­ser hap­per par le charme étrange que dégagent ces orchestres musi­caux jouant du métal­lo­phone dans un rythme endia­blé, avec une rigueur incroyable et pen­dant de longues heures. Pro­me­nez-vous à Ubud le soir et vous ne man­que­rez pas d’en­tendre les orchestres jouer dans la fièvre et le moi­teur des ténèbres.

Le Palais d’U­bud est réel­le­ment cen­tral dans la ville, au car­re­four où l’on trouve le mar­ché, l’an­cien office du tou­risme qui est en train de tom­ber en ruine, et le musée d’art moderne. On hési­te­rait presque à y entrer, car on voit bien que l’en­ceinte com­prend des bâti­ments où doivent vivre des notables. J’ai cher­ché des infor­ma­tions sur cette enceinte, mais je n’ai rien trou­vé de per­ti­nent. Il me sem­blait pour­tant avoir lu quelque part qu’un sul­tan vivait là, même si son pou­voir était par­fai­te­ment réduit et dilué dans une démo­cra­tie nais­sante éten­due entre dix-sept mille îles sur plus de 6 000 kilomètres.

On s’é­ton­ne­ra de la taille rela­ti­ve­ment réduite de ce bâti­ment qu’on appelle palais, car rien ne le dis­tingue réel­le­ment des autres mai­sons du centre, si ce n’est qu’on trouve à son entrée deux gardes de pierre, deux monstres vêtus de sarong et d’un mor­ceau de tis­su noué autour de la tête. Les étoffes changent a prio­ri tous les jours. Par­tout sur les murs, ce ne sont que têtes de monstres gri­ma­çants, singes riant, corps de femmes sur­mon­tés d’un visage hor­rible, tirant une langue déme­su­rée retom­bant sur une poi­trine opu­lente, dra­gons aux doigts ouverts en éven­tail, bêtes étranges des­cen­dant des murs la tête en bas. Tout un monde oni­rique et terrifiant.

Le soir venu, c’est dans ce décor prin­cier que prennent vie des ombres assises sur le sol der­rière leurs impo­sants ins­tru­ments. Com­po­sés de lames de métal épais, des hommes en uni­formes clin­quants, sarongs et tis­su noué sur la tête, com­mencent à cares­ser bru­ta­le­ment les touches avec mailloches et autres tiges de bois dans une symé­trie abso­lu­ment par­faite. Rien ne dépasse jamais.

Les femmes, sublimes dan­seuses vêtues d’or et de fleurs tres­sées, avancent dans une cho­ré­gra­phie raf­fi­née, mou­vant leurs doigts dans des convul­sions exta­tiques et fai­sant prendre à leur visage les plus étranges expres­sions, pas­sant dans la seconde de la crainte la plus sombre à la joie extrême. Le rire et les larmes passent sur leur visage magni­fique, car ces femmes ont la par­ti­cu­la­ri­té, en dehors du fait qu’elles soient maquillées et apprê­tées pour l’oc­ca­sion, d’être vrai­ment très belles. Leur visage est d’une beau­té stu­pé­fiante et leur grâce fait d’elles de réelles déesses empreintes d’un savoir qui ne se per­pé­tue qu’i­ci, sur l’île des Dieux.

Voi­ci à nou­veau un car­net sonore datant de février 2014, accom­pa­gné de pho­tos plus belles que je n’au­rais pu les prendre et d’une vidéo mon­trant réel­le­ment en quoi consiste le Legong bali­nais, une vidéo bien mieux mon­tée que je n’en suis capable… En route pour le Legong.

Legong - 1934 - Anna Northcote (Severskaya), Private Collection

Dan­seuses de Legong — 1934 — Anna Nor­th­cote (Severs­kaya), Pri­vate Col­lec­tion — Sur le site de Michelle Pot­ter

Danseuse de Legong au Palais d'Ubud

Dan­seuse de Legong au Palais d’U­bud — Pho­to © Jorge Dal­mau

Danseur de Legong à Ubud - Photo © Matt Palsh

Dan­seur de Legong à Ubud — Pho­to © Matt Palsh

Danseuse de Legong - Photo © Alberto

Dan­seuse de Legong — Pho­to © Alber­to

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