Goa Gajah
La cave de
l’éléphant
Ubud stories #9
23 février 2014 : Une caverne dans la gueule d’un monstre
Le sommeil, le manque cruel de sommeil avec la fatigue du voyage encore présente. Voilà comment commence cette nouvelle journée. J’ai les cuisses endolories, le front rougi par le soleil et le nez roussi. Mais cela n’entache pas ma bonne humeur, bien au contraire. Ces petites contrariétés font elles aussi partie du voyage, elles vous rappellent que vous avez un corps et que vous ne pouvez faire autrement que de le traîner derrière vous comme un sac à patates.
Je déjeune d’un café fort qui me fait penser au café turc, le fond de la tasse barbouillé de marc, et d’un mie goreng, une des spécialités indonésiennes, un plat de pâtes frites aux légumes et à la viande. Comme souvent avec ce genre de plat, je manque de m’étouffer en faisant le brave ; croquer à pleines dents dans un piment frais n’est jamais vraiment une bonne idée. Un papillon noir et blanc et une libellule viennent me tenir compagnie sous le kiosque. J’observe les ficus repens et les lézards qui courent sur les murs. Un gars de l’hôtel me dit que dans sa langue, on dit cicak (djidjak), ce qui correspond certainement à l’image de la bestiole qui court dans toutes les directions.
A la réception de l’hôtel, j’arrive à négocier un taxi à la journée pour 300 000 roupies, ce qui doit correspondre à une vingtaine d’euros. En fait de taxi, c’est un gros van climatisé ; ce qui ne sera pas un luxe vue la température qu’il fait. Ce n’est pas tant la morsure du soleil qui rend l’atmosphère insupportable mais surtout l’humidité écrasante. J’ai déjà ma petite idée des endroits où je veux me rendre et ma première destination sera Goa Gajah, la cave de l’éléphant.
La cave de l’éléphant est située à la sortie d’Ubud, à 5 kilomètres du centre, déjà dans la nature environnant la petite ville de Beduluh. En à peine 10 minutes, je suis arrivé, même pas le temps de se rafraîchir dans le van. C’est un site sans prétention, presque caché, fiché en surplomb d’une petite rivière.
La réalité historique concernant l’édification de cet endroit n’a, comme souvent dans les mythes hindous, que peu d’importance. On raconte que c’était peut-être l’ermitage d’un moine bouddhiste ou alors une grotte creusée par le géant Kebo Iwo à coups d’ongles.
Ce n’est pas vraiment un temple. Ici on trouve une grotte, des bains et une rivière jonchée de pierres taillées en désordre. La grotte elle-même est taillée dans la roche et l’entrée se fait par la bouche de Boma, gardien du lieu, personnage terrifiant destiné à repousser les esprits, car le lieu est sacré à plusieurs raisons. Ici se trouve la statue de Ganesh (qui donne son à la cave) mais également les trois lingams (लिङ्गं) de Shiva, des représentations phalliques épaisses taillées dans une pierre noire que certains ont caressé de leurs doigts enduits de cendres. Des offrandes ont été déposées au pied des cailloux et des bâtons d’encens brûlent dans une semi-obscurité rendant l’atmosphère chaude absolument suffocante. Je ne peux rester que quelques instants à l’intérieur de peur de m’évanouir, ne sachant si c’est à cause de la chaleur ou d’un sentiment étrange empli de mystères.
Le bassin de Patirtaan que l’on trouve au pied de la cave est une construction comprenant un ensemble de statues de femmes à la poitrine opulente déversant de l’eau depuis des vases qu’elles portent sur le ventre, par lequel on accède en descendant une volée de marches glissantes. On raconte que l’eau sacrée de ces bains ont la vertu de conserver la jeunesse. Je prends dans mes mains un peu de cette eau pour rester jeune ; je ressens surtout son effet bénéfique sur la peau de mon visage recouverte de sueur avec cette température écrasante.
En suivant un petit chemin, on rejoint une rivière à l’eau claire abritée du soleil par les frondaisons de grands arbres aux racines puissantes formant des serpentins de bois s’enfonçant dans une terre poussiéreuse ; ce sont les fameux banians, ces arbres sacrés représentant la connaissance suprême. Le lieu est incroyablement calme, personne à l’horizon, seulement le vent dans les hautes branches et le doux roucoulement d’une tourterelle qui dévale le cours de la rivière ; je me laisse bercer quelques instants par cette impression de bien-être en me reposant au pied des arbres, écoutant le ronron de l’eau, avant de reprendre la route.
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