Hen­ryk Sie­mi­radz­ki — Orgie romaine au temps de César (1872)

Voi­ci un très beau tableau d’un peintre polo­nais par­fai­te­ment confi­den­tiel et tout aus­si par­fai­te­ment aca­dé­mique, Hen­ryk Sie­mi­radz­ki. Si on le connait si peu, c’est que la majo­ri­té de ses œuvres sont expo­sées en Rus­sie, en Ukraine et en Pologne. Les scènes qu’il se plaît à peindre sont pour la plu­part des scènes bibliques ou de l’An­ti­qui­té, dans un style géné­ra­le­ment assez plan-plan. Mais par­fois, on trouve des petits tré­sors, des coups de génie venus de nulle part, qui vous font vous arrê­ter et regar­der plus attentivement.
C’est l’ef­fet que m’ont fait ces lumières dif­fu­sées par les lampes à huile de ces Romains débau­chés sous un ciel de soir tom­bant, toute une gamme de varia­tions de cou­leurs dégra­dées par la dis­tance et les dif­fé­rents points de vue. Un tableau qui, mal­gré son sujet, est d’une véri­table beau­té, d’une grande maî­trise technique.

Henryk Siemiradzki - Orgie Romaine au temps de César (1872) - Musée Russe de Saint-Pétersbourg

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Un artiste de la lumière mécon­nu: Vasi­li Dimi­trie­vich Polenov

BAL152046Voi­ci un peintre tout à fait fas­ci­nant mais dont mal­heu­reu­se­ment le nom ne fait pas par­tie du Gotha : Vasi­li Dimi­trie­vich Pole­nov (1844 — 1927) — Поленов Василий Дмитриевич.
Élu membre de l’A­ca­dé­mie impé­riale des beaux-arts en 1883, il fai­sait par­tie aupa­ra­vant du mou­ve­ment des Ambu­lants, mou­ve­ment exac­te­ment en réac­tion avec l’ins­ti­tu­tion dans laquelle il pro­fes­sa par la suite. S’il s’ins­tal­la avec sa famille sur les rives de la rivière Oka (affluent de la Vol­ga la rejoi­gnant à Nij­ni Nov­go­rod), on trouve beau­coup de ses pein­tures ayant pour thèmes quelques scènes de la Bible, ain­si que des pay­sages de Pales­tine, d’Égypte, du Liban ou de la Grèce. On voit clai­re­ment au vu de son trai­te­ment de la lumière com­ment il a réus­si à cap­ter deux façons dif­fé­rentes dont la lumière s’é­tale sur les pay­sages. Le pan de son œuvre euro­péenne dénote clai­re­ment avec son œuvre orien­tale, ce qui en fait à mon sens un peintre par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible, d’une grande expres­si­vi­té. La diver­si­té de ses sujets est pro­pre­ment incroyable, pas­sant de sujets très aca­dé­miques à des scènes de rues ou des scènes pay­sannes ; c’est là à mon sens une carac­té­ris­tique de la pein­ture russe de cette époque. On trou­ve­ra dans ces œuvres aus­si bien des aqua­relles fines que des huiles légères, vapo­reuses, dont le trai­te­ment de la lumière est tou­jours très sub­til. Voi­ci ci-des­sous 38 de ses œuvres. (more…)

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Maître du Cru­ci­fix — n°434 — Cru­ci­fix peint avec huit scènes de la passion

Ce cru­ci­fix expo­sé dans l’an­cien théâtre des Médi­cis de la Gale­rie des Offices est un tableau remar­quable, remar­quable par sa taille (250 cm de haut), et la richesse de son décor doré, mais aus­si par les motifs peints pour évo­quer la croix. On dis­tingue huit scènes dif­fé­rentes de la Pas­sion du Christ, comme par exemple la Fla­gel­la­tion ou Jésus devant le San­hé­drin qui est loin d’être le thème le plus com­mun de l’i­co­no­gra­phie chré­tienne. On remar­que­ra éga­le­ment la finesse avec laquelle est peint le per­izo­nium (pagne) du Christ et avec quelle com­plexi­té il est noué, mais sur­tout la tech­nique du cloi­son­nage qui per­met de sépa­rer les cou­leurs par un trait épais, dif­fé­rente du reste du trai­te­ment avec lequel le corps du Christ est peint. Les stig­mates sont repré­sen­tés avec du sang cou­lant dou­ce­ment des plaies (sauf pour le stig­mate du flanc) et le visage peint avec une forte inten­si­té dra­ma­tique, ce qui n’est pas for­cé­ment le cas avec les cru­ci­fix contem­po­rains de celui-ci, géné­ra­le­ment beau­coup plus sobres.

Maître du Crucifix n°434 - Crucifix peint avec huit scènes de la passion - 1230-1250 -  Galerie des Offices

Détrempe sur bois — Gale­rie des Offices 
250 x 200 cm — peint vers 1230–1250

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Frag­ments de pein­tures véni­tiennes (2) : Maître padouan, Liber Agregà de Séra­pion (Eger­ton 2020)

Cette page est extraite d’un livre nom­mé Liber agregà de Sera­pion, com­po­sé au XIVème siècle à la demande d’un petit comte, le Comte Car­ra­re­si (Fran­ces­co Novel­lo da Car­ra­ra).  Le livre lui-même est un her­bier offi­ci­nal com­po­sé par un méde­cin venu d’O­rient au IXème siècle, Yahya ibn Sara­fyun (Yuhan­na ibn Sara­biyun, Jean fils de Séra­pion), un chré­tien de culture syriaque. La par­ti­cu­la­ri­té de ce texte est d’a­voir été tra­duit dans la langue ver­na­cu­laire véni­tienne depuis le latin, ce qui consti­tue une rare­té pour un ouvrage enlu­mi­né du XIVème siècle ; de plus il témoigne des échanges cultu­rels entre Padoue et Venise, mais en plus de la cir­cu­la­tion des écrits entre le monde orien­tal et le monde occi­den­tal. Celui qui illus­tra les pages de ce trai­té d’her­bo­ris­te­rie, un Maître padouan, était un fin connais­seur de son sujet et pas un simple exé­cu­tant ; la preuve en est, ce superbe lise­ron des haies (Calys­te­gia sepium), presque plus vrai que nature.

Maître padouan, Liber Agrega de Sérapion, Londres, British Library

Le manus­crit est conser­vé à la Bri­tish Libra­ry, sous le nom Eger­ton 2020 et dis­po­nible à la consul­ta­tion en partie.

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Frag­ments de pein­tures véni­tiennes (1) : Cathé­drale San­ta Maria Assun­ta de Torcello

Frag­ments de pein­tures véni­tiennes (1) : Cathé­drale San­ta Maria Assun­ta de Torcello

Annonciation, Vierge Odigitria  (theotokos) et Apôtres, Torcello, basilique Santa Maria Assunta - XIIè siècle

Sur la lagune de Venise se trouve une petite île que per­sonne ne va visi­ter parce que ce n’est qu’un endroit péri­phé­rique des grands par­cours tou­ris­tiques. Pour­tant, on connait son nom, ou tout au moins on en a déjà enten­du par­ler : Tor­cel­lo. La par­ti­cu­la­ri­té des îles qui com­posent l’ar­chi­pel de Venise c’est de n’être pas tel­le­ment plus haut que le niveau de la mer qui vient lui lécher les pieds et c’est alors ce qu’on voit tous les ans (ou deux fois par an, puisque cela arrive au moment des équi­noxes) aux jour­naux télé­vi­sés comme une ritour­nelle, l’acqua alta. Les Ita­liens ont un don pour nom­mer les choses de la manière la plus simple qui soit. Quand l’eau monte, l’eau devient haute… C’est tout.

De cette petite île, Tor­cel­lo, dépasse un cam­pa­nile car­ré sur­plom­bant une cathé­drale dont on se demande fina­le­ment ce qu’elle fait là puisque l’île n’a­brite plus que quelques habi­tants, tan­dis qu’au Xème siècle elle voyait sa popu­la­tion s’é­le­ver à plus de 10 000 habi­tants. La façade de ce bâti­ment révèle qu’il date de la période romane, et même, puisque nous sommes en Ita­lie, de la période byzan­tine si l’on en croit l’inscription qui fait remon­ter son ori­gine à 639. A l’in­té­rieur se trouve le cul-de-four de l’ab­side, une demi-couple déco­rée d’une mosaïque abso­lu­ment somp­tueuse datant du XIIè-XIIè siècle, parée d’or, repré­sen­tant dans un espace assez grand la Vierge à l’en­fant (Theo­to­kos, mère de Dieu, et Odi­gi­tria, qui montre la direc­tion) entou­rée du mono­gramme qui est le sien (MP ΘY). La figure de la Vierge est sur­plom­bé par une Annon­cia­tion au-des­sus du cul-de-four, l’Ange Gabriel à gauche, la Vierge à droite. Sous les pieds de la Vierge, les douze apôtres mar­chant sur un par­terre de coque­li­cots. Comme toutes les fleurs rouges, celle-ci en par­ti­cu­lier est sym­bole du sang du Christ ver­sé pour les hommes.

Dans la cathé­drale se trouvent d’autres mosaïques très belles, fine­ment exé­cu­tées, notam­ment celle du Juge­ment Der­nier, mais celle-ci a la charme de sa taille, impres­sion­nante et tend à nous faire savoir si on l’a­vait oublié que l’his­toire de Venise a de tout temps été tour­née vers l’O­rient et se place sur le même plan que de l’art de Byzance. Pro­me­nez-vous dans Venise et vous ver­rez que nous sommes aux portes de Constantinople…

Pour en savoir plus : Les peintres de Venise, Enri­co Maria dal Poz­zo­lo, Actes Sud.

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