Paris en quelques traits et en couleurs

Un des pro­jets que je me suis fixé cette année est de par­cou­rir les rues de Paris et de leur don­ner un peu de cou­leurs… Du trait à la mise en cou­leurs, trois étapes que je met­trai sys­té­ma­ti­que­ment en images, parce qu’à mon sens, de la pro­gres­sion d’un tra­vail nait sa sub­stance. J’es­saie de m’ap­pli­quer à rendre une âme aux choses, à leur don­ner du sens en quelques traits, en cadrant à la manière d’un pho­to­graphe, en des­si­nant à la manière d’un peintre, en écri­vant quelques pages à la manière d’un écrivain…

Paris - Louvre - 1

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Le Sen­tier en quatre jours

Si le quar­tier du Sen­tier est connu pour son indus­trie plus ou moins maf­fieuse du tex­tile en gros et ses his­toires de blan­chi­ment d’argent, l’o­ri­gine de son nom est beau­coup moins connue. La quar­tier a de fait pris le nom d’une rue autre­fois impor­tante por­tant le même nom et retrou­ver le pour­quoi de cette appel­la­tion est plu­tôt hasar­deux. On en retrouve une trace plau­sible en 1875 dans l’His­toire de Paris rue par rue, mai­son par mai­son de Charles Lefeuve.

Ori­gine du nom : cette voie, dite aus­si rue du Chan­tier, doit son nom, soit au sen­tier pri­mi­tif sur lequel elle a été ali­gnée, soit à quelque ancien chan­tier. Pré­cé­dem­ment, rue du Gros Che­net, entre les rues Réau­mur et des Jeû­neurs, et rue du Sen­tier, entre la rue des Jeû­neurs et le bou­le­vard Pois­son­nière. La rue du Sen­tier avait pré­cé­dem­ment por­té les noms de rue du Chan­tier, rue du Cen­tier, rue Cen­tière. Elle est indi­quée, ain­si que la rue du Gros Che­net, sur le plan de Gom­boust (1652).

Le Sen­tier prend donc son nom d’une seule rue et se trouve plus ou moins enca­dré par la rue du Sen­tier à l’ouest, la rue Réau­mur au sud, le bou­le­vard de Sébas­to­pol à l’est et le bou­le­vard Pois­son­nière à l’est. C’est à peu près dans ce cadre que j’ai évo­lué pen­dant quatre jours tan­dis que j’é­tais en for­ma­tion rue de Clé­ry et j’ai mis à pro­fit les deux heures dont je béné­fi­ciais le midi pour sillon­ner le quar­tier et me rem­plir de tous ces pay­sages que je ne connais­sais pas, et pour décou­vrir ce qui était très exac­te­ment l’an­cien quar­tier de la Cour des Miracles. Retour en novembre 2009. (more…)

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Cette ville est un autre monde, dedans, un monde flo­ris­sant (4ème partie)

En étu­diant les visages de Paris à tra­vers l’his­toire, depuis les pré­misses de son exis­tence, avant même que Paris ne soit Lutèce(1), lorsque le Pari­sis, bas­sin limo­neux fer­tile de la val­lée séqua­nienne était exploi­té par les Pari­sii(2) pour sa pierre, son cal­caire blanc que l’on trouve jusque dans les murs du châ­teau de Ver­sailles, et cela jus­qu’à nos jours, on voit tout à coup se des­si­ner l’or­ga­ni­sa­tion d’une ville autour de son centre, éta­bli autour des anciens thermes de Clu­ny et de l’île de la Cité. Il en aura fal­lu de l’au­dace pour s’ins­tal­ler sur cette grande île au milieu du fleuve, à une époque où le génie civil n’é­tait pas vrai­ment au faîte de sa gloire et où le fleuve était régu­liè­re­ment pris dans les glaces qui en fon­dant détrui­saient avec une impres­sion­nante constance les ponts de bois, et cela jus­qu’au XVIè siècle. Mais le lieu revê­tait un carac­tère stra­té­gique par­ti­cu­lier et bien vite l’en­droit fut construit, for­ti­fié et pla­cé au centre de la vie de cette nou­velle ville. Son empla­ce­ment sur le fleuve en fit vite un lieu de pas­sage pri­vi­lé­gié tout d’a­bord pour le com­merce flu­vial. De riches mar­chands trouvent leur compte dans cette acti­vi­té et les indus­triels tirent par­ti du flux de la Bièvre pour éta­blir mégis­se­ries, tan­ne­ries et autres acti­vi­tés tex­tiles. Les ponts sont mis à pro­fit pour la construc­tion de mou­lins qui four­ni­ront la farine néces­saire à la cuis­son du pain au four banal (le four est à l’é­poque cen­tra­li­sé pour des ques­tions d’im­po­si­tion, et le plus connu se trou­vait alors… rue du Four). Éga­le­ment, la pré­sence des ponts per­met de ren­for­cer les échanges entre le nord et le sud et hos­tel­le­ries et auberges font leur beurre avec les com­mer­çants et les voya­geurs de pas­sage. La vie prend forme et très vite Paris devient la plus grande ville du monde occidental.

Île de la Cité — Frères Lim­bourg — Mois de Juin — Les Très Riches Heures du Duc de Berry

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Cette ville est un autre monde, dedans, un monde flo­ris­sant (3ème partie)

J’ai décou­vert dans l’At­las de Paris au Moyen-Âge une petite gra­vure repré­sen­tant l’hô­tel de Vau­vert au cœur de Paris, à l’emplacement de ce qui est aujourd’­hui le Jar­din du Luxem­bourg. Vau­vert est une autre forme de « Val Vert », indi­quant clai­re­ment un endroit boi­sé et plu­tôt agréable. L’ex­pres­sion « aller au Diable Vau­vert » remet cette image idyl­lique en cause. En cher­chant l’o­ri­gine de cette expres­sion, j’ai trou­vé autant d’ex­pli­ca­tions que de sources, toutes dif­fé­rentes quand à sa signi­fi­ca­tion et son ori­gine, un grand n’im­porte quoi auquel je ne veux pas don­ner cau­tion. Tou­te­fois, si la lin­guis­tique nous emmène sur des che­mins hasar­deux, l’his­toire, elle, semble être d’ac­cord avec les faits et nous raconte une his­toire qui si elle ne nous laisse aucune cer­ti­tude, nous donne une idée de l’o­ri­gine des mots.

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Cette ville est un autre monde, dedans, un monde flo­ris­sant (2ème partie)

Paris n’a pas tou­jours été un lieu pres­ti­gieux dont l’i­mage rayonne aux quatre coins du monde, qui décen­tra­lise ses musées en pro­vince et dans les émi­rats arabes, qui fait de l’A­ve­nue des Champs-Ély­sée la plus belle ave­nue du monde (en réa­li­té la plus vul­gaire, et de loin) ou qui devient capi­tale de la mode. Au Moyen-Âge, lorsque la ville devient la plus grande ville du monde occi­den­tal, c’est un véri­table coupe-gorge et un lieu de per­di­tion, mais remis dans son contexte de l’é­poque, Paris est loin d’être une ville riche. Les nobles s’en­tassent dans les palais, jamais bien loin du roi, tan­dis que les notables et les bour­geois déve­loppent les vil­lages de Paris (Saint-Laurent, Saint-Ger­main des Prés, Saint-Mar­cel, etc.) avec l’argent flo­ris­sant du com­merce et de l’in­dus­trie — fina­le­ment, rien de nou­veau. Au milieu de tout ce beau monde, une belle pro­por­tion de la popu­la­tion vit dans la misère la plus crasse, et comme dans toute situa­tion de crise, les réseaux mafieux s’ins­tallent, la pros­ti­tu­tion s’ins­ti­tu­tion­na­lise, le crime se propage…

Loin de Pigalle, des abords du bois de Bou­logne (de cette ban­lieue dont le nom vient du ban, la loi sei­gneu­riale, et la lieue, l’u­ni­té de mesure qui défi­nit l’es­pace à par­tir du centre de la ville sur lequel s’é­tend l’au­to­ri­té du sei­gneur) et de la rue Saint-Denis, en remon­tant dans le pas­sé, on trouve des hauts-lieux de la pros­ti­tu­tion aux noms évo­ca­teurs. Par­mi les plus connus, on cite­ra la rue de Gla­ti­gny sur l’île de Cité, le fameux Val d’A­mour, qui fut à l’o­ri­gine de l’ex­pres­sion “fille de Gla­ti­gny”, mais on trouve éga­le­ment trace dans une ordon­nance du pré­vôt de Paris, datée de 1367, d’un état de la situa­tion qui force les auto­ri­tés à prendre des mesures et tentent de cir­cons­crire les filles de joie dans leurs péri­mètres, sans grand effet :

Que toutes les femmes pros­ti­tuées, tenant bor­del en la ville de Paris, allassent demeu­rer et tenir leurs bor­dels en places et lieux publics à ce ordon­nés et accou­tu­més, selon l’or­don­nance de Saint Louis. C’est à savoir : à L’A­breu­voir de Mas­con (à l’angle du pont Saint-Michel et de la rue de la Huchette), en La Bou­che­rie (voi­sine de la rue de la Huchette), rue Froid­men­tel, près du clos Bru­nel (à l’est du Col­lège de France abou­tis­sant au car­re­four du Puits-Cer­tain), en Gla­ti­gny (rue nom­mée Val d’A­mour dans la Cité), en la Court-Robert de Pris (rue du Renard-Saint-Mer­ri), en Baille-Hoë (près de l’é­glise Saint-Mer­ri et com­mu­ni­quant avec la rue Taille-Pain et à la rue Brise-Miche), en Tyron (rue entre la rue Saint-Antoine et du roi de Sicile), en la rue Cha­pon (abou­tis­sant rue du Temple) et en Champ-Flo­ry (rue Champ-Fleu­ry, près du Louvre). Si les femmes publiques, d’é­cris ensuite cette ordon­nance, se per­mettent d’ha­bi­ter des rues ou quar­tiers autres que ceux ci-des­sus dési­gnés, elles seront empri­son­nées au Châ­te­let puis ban­nies de Paris. Et les ser­gents, pour salaire, pren­dront sur leurs biens huit sous parisis…

Source Inse­cu­la.
On recon­nait aisé­ment des rues au nom évo­ca­teur : rue Taille-Pain et rue Brise-Miche, qui n’ont rien à voir avec le métier de bou­lan­ger. Aujourd’­hui encore cer­taines rues portent des noms qui ne sont que la défor­ma­tion res­pec­table de noms fleu­ris : La rue des Poi­te­vins, hor­mis quelques noms sans inté­rêt (Gui le queux, Gérard aux Poi­te­vins, etc.) a por­té suc­ces­si­ve­ment et cela jus­qu’au XVè siècle les noms de rue du Pet, rue du Petit-Pet et rue du Gros-Pet. Tout un poème. La rue du Péli­can s’est appe­lée rue Pur­gée, mais sur­tout Rue du Poil-au-con. L’ac­tuelle rue Marie Stuart s’ap­pe­lait autre­fois rue du Tire-Bou­din (pas besoin de dire que le bou­din en ques­tion n’est nul­le­ment bour­ré de viande de porc) et rue du Tire-Vit, elle aurait appré­cié, j’en suis certain.
Une par­tie de l’ac­tuelle rue de Beau­bourg (ce nom même, iro­nique, indi­quait que cette par­tie de la ville a long­temps eu mau­vaise répu­ta­tion) a por­té le nom de rue Trace-Putain, et la rue du Petit-Musc (nom évo­ca­teur qui pour­rait faire pen­ser au par­fum) s’ap­pe­lait en réa­li­té rue Pute-y-musse (pute s’y cache).

1ère par­tie
3ème par­tie
4ème par­tie

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