Cette ville est un autre monde, dedans, un monde flo­ris­sant (1ère partie)

Je n’aime pas spé­cia­le­ment Paris, du moins, je pen­sais ne pas vrai­ment l’ai­mer. Je n’aime pas beau­coup les gens qui y vivent car par esprit de cla­nisme, ils s’en­ferment dans un vision ténue des choses, qui géné­ra­le­ment ne va pas au-delà du bou­le­vard péri­phé­rique, quand ce n’est pas aux grands bou­le­vards. Je déteste cette men­ta­li­té qui fait sen­tir au ban­lieu­sard qu’i­ci on ne compte pas les dis­tances en mètres mais en sta­tions de métro. C’est ma petite guerre personnelle.

Mais Paris, c’est aus­si un pas­sé d’une incroyable richesse ; née sur les restes d’une ancienne cité romaine dont les axes prin­ci­paux existent encore ; le car­do, nord-sud, cor­res­pond à la rue Saint-Jacques et au bou­le­vard Saint-Michel et le decu­ma­nus, est-ouest, à la rue Souf­flot. Les plus anciens bâti­ments issus de cette vie antique remon­tant au Ier siècle s’y cachent encore, comme les arènes ou les thermes de Clu­ny. On ima­gine mal à quel point ce Paris d’au­jourd’­hui porte en lui encore les stig­mates de sa vie pas­sée, notam­ment du Moyen-Âge qui a été la période pen­dant laquelle son expan­sion a été la plus forte, et donc son urba­nisme. Les mou­ve­ments qui ont le plus chan­gé son visage ont été l’as­sè­che­ment des régions maré­ca­geuses de la rive droite dont on dit à tort qu’elle cor­res­pond à l’ac­tuel Marais. En réa­li­té, le Marais d’au­jourd’­hui cor­res­pond à la cou­ture du Temple, et qui est en fait la der­nière par­tie non défri­chée de ce quar­tier, assai­ni depuis long­temps déjà. On peut aus­si par­ler de l’en­fouis­se­ment de la Bièvre, rivière secon­daire qui bala­frait le quart sud-est de la ville et qui a été pen­dant de longues années un déver­soir pol­lué pour les indus­tries de la tan­ne­ries et ser­vant de dépo­toir aux bou­che­ries éta­blies sur les quais, mais éga­le­ment de l’é­ta­blis­se­ment de Paris comme ville phare, véri­table pôle d’at­trait avec la construc­tion des for­ti­fi­ca­tions de Phi­lippe Auguste puis plus tard de l’en­ceinte de Charles V.

Mat­thaüs Merian, un gra­veur suisse, des­si­ne­ra dans son ate­lier bâlois en 1615 un plan de Paris d’une incroyable pré­ci­sion tant topo­gra­phique qu’­his­to­rique et sur lequel dans le coin infé­rieur gauche, il gra­ve­ra ces vers qui résonnent comme la pro­messe d’un monde à décou­vrir coûte que coûte.

Cette ville est un autre monde
Dedans, un monde florissant,
En peuples et en biens puissants
Qui de toutes choses abonde.

Matheus Merian Basi­lien­sis, 1615

Liens:

2ème par­tie
3ème par­tie
4ème par­tie

Read more

Flâ­ne­ries iliennes

Au hasard des sai­sons, je prends avec moi le temps de répondre aux ques­tions qu’il me pose du haut de ses sept ans. La faim nous mène dans le quar­tier Saint-Séve­rin qui, déci­dé­ment, ne livre guère le meilleur en matière de gas­tro­no­mie. Il fut un temps où je sor­tais sou­vent le soir dans ce coin, un quar­tier qui ne sen­tait pas encore la mau­vaise graisse et dans lequel on pou­vait se pro­me­ner sans se faire rabattre comme si on était un tou­riste amé­ri­cain. Le quar­tier pue la sale affaire et l’attrape-nigaud…

Il reste encore quelques anciennes mai­sons qu’on recon­naît à leurs murs pen­chés, aux toits à pré­sent recou­verts de zinc et à leurs hautes che­mi­nées mas­sives. L’âme du vieux Paris médié­val se trouve dans les hau­teurs de ces immeubles sans âge.

Au 17 rue de la Harpe, au car­re­four de la rue Saint-Séve­rin, se trouve un endroit qu’il fau­drait s’in­ter­dire de fré­quen­ter, mais les cou­leurs et les odeurs qui se dégagent de cette petite échoppe sont comme un piège qui se referme sur le pas­sant. Fina­le­ment, le lou­koum au citron aura rai­son de ma bonne volonté.

Autre­fois, au pied des futs des colonnes de la Concier­ge­rie, on voyait des pigeons chier sur la pierre. Aujourd’­hui ce sont les camé­ras de vidéo sur­veillance qui rongent le cal­caire. Au fond, la Tour de l’Hor­loge, déla­brée à un point inima­gi­nable. Elle fut la pre­mière hor­loge publique du Royaume de France, ins­tal­lée en 1371.

(more…)

Read more