Oct 14, 2013 | La vallée des rubis |
Les formes successives d’une âme n’ont pas d’autre rapport entre elles que celui qu’ont le nuage et les plantes que sa pluie fait croître. Vous savez que la créature n’a aucun souvenir de ses états antérieurs. Il est difficile de limiter cette idée avec des paroles d’Europe. Du moins puis-je dire que ce qui a été traduit par « Tu renaîtras chacal » le serait moins mal par « de tes actes, à ta mort, un chacal naîtra ». Car il s’agit là d’exprimer la pensée de races pour lesquelles le chacal ne sait pas qu’il fut homme, n’est soumis qu’à des lois animales ; pour lesquelles la destinée n’est point marquée par la conscience que l’individu en prend, mais par l’infime changement qu’elle apporte au monde.
André Malraux
La tentation de l’occident , Pléiade, 1926
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Oct 14, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |
On peut commencer à lire Joseph Kessel en passant par la grande porte, avec Le Lion et les livres qui ont été portés à l’écran et que l’on connaît plus pour leur succès propre que par le nom de celui qui en a écrit l’histoire, comme La passante du sans-souci ou L’armée des ombres. Ou alors on peut entrer par la petite porte avec ses romans de jeunesse ou tardifs, ou ses reportages magnifiques. Il y a de toute façon beaucoup de matière, beaucoup à lire, et c’est ce que j’ai commencé à faire, sans trop crier gare. Une réédition récente de La vallée des rubis m’a permis de découvrir un texte passionnant sur un des lieux les plus étranges de ce monde ; Mogok. Mogok est une ville birmane située dans la région de l’ancienne capitale royale Mandalay. Réputée pour ses mines de pierres précieuses et semi-précieuses, les étrangers ne peuvent s’y rendre qu’avec un permis spécial et à condition qu’ils bénéficient d’une licence leur permettant d’exploiter le commerce des pierres. On sait aussi que les ouvriers des mines sont souvent drogués afin de supporter les conditions de travail abominables dans lesquelles sont extraites les gemmes, et que les autorités font tout pour que cela ne soit pas connu. Pas assez apparemment, mais cela n’empêche pas l’exploitation de continuer.
L’histoire de Kessel se déroule depuis Paris jusqu’à Mogok, où le narrateur et son ami Jean se rendent pour retrouver les traces d’un trésor de rubis « sang-de-pigeon » perdu de manière mystérieuse. Avant d’arriver sur les terres birmanes, ils passent par Bombay, ce qui sera pour eux une expérience glaçante… Je livre ici deux pages de ce grand livre, à lire avec précautions. Âmes sensibles… s’abstenir… (more…)
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Oct 12, 2013 | La vallée des rubis |
Je fermai un instant les yeux pour mieux imaginer, mieux voir ce que suggéraient ces paroles. Les cataractes crevaient le ciel, noyaient l’horizon et, sous les trombes d’eau, les petits hommes jaunes cherchaient dans la boue les morceaux de minerai précieux… Quand je regardais à nouveau autour de moi, la verte vallée s’étendait jusqu’aux toits de Mogok.
Joseph Kessel
La vallée des rubis, Gallimard, 1955
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Oct 11, 2013 | La vallée des rubis |
Quand je l’ai rencontrée à Paris nous avions dix huit ans à peine, je débarquais de ma province et j’avais l’impression de sortir de prison, de rentrer du Goulag, de Magadan ou d’ailleurs et de retrouver une liberté qu’en réalité je n’avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangereux pour un adolescent que les armes, puisqu’ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d’un infini départ, d’amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour nous y mener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n’avions plus de révolution, il nous restait l’illusion du voyage, de l’écriture et de la drogue.
Mathias Enard
L’alcool et la nostalgie, Éditions Inculte, 2011
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Oct 10, 2013 | La vallée des rubis |
Ceci est un bien petit livre, et sans doute je n’aurais pas dû le publier ; il ne semblera tolérable qu’à mes amis, connus ou inconnus.
Que les lecteurs indifférents me le pardonnent, d’autant plus que ce sera le dernier peut-être.…
Pierre Loti
, Avant-propos du château de la belle au bois-dormant, Éditions Calmann-Lévy
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