Sep 28, 2011 | Arts, Chambre acoustique |
Delphine Galou (“Radamisto” (Xenobia) -
Händelfestspiele Karlsruhe — 2009)
Je poursuis ma quête des œuvres baroques les plus belles, les plus spectaculaires, et je trouve dans l’acte I de l’opéra de Haendel (dans l’acte II se trouve le très fameux Lascia ch’io pianga — permettez que je pleure — dont Farinelli aurait fait, selon la légende, un pur moment de plaisir) ces deux arias du très récitatif Radamisto (HWV 12a/12b).
Radamisto, c’est une histoire tragique d’un amour contrarié par un tyran qui convoite la femme d’un autre et se range à la raison en s’en détournant pour revenir vers son épouse.
L’enregistrement est celui d’Alan Curtis avec Il Complesso Barocco (2009)1.
Le premier aria est Stragi, morti, sangue ed armi, un air martial et entraînant, pompeux de l’amoureux tyrannique Tiridate.
Le second est Tu vuoi ch’io parta, beaucoup plus doux et lancinant, une complainte de la femme bafouée et fidèle Polissena, un des plus beaux morceau de l’opéra.
[audio:Aria- Stragi morti sangue ed armi.xol]
[audio:Aria- Tu vuoi chio parta.xol]
Note :
(1) Donc, rien à voir avec la photo.
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Jul 22, 2011 | Arts, Chambre acoustique |
Depuis que les paroles de l’apôtre Paul dans l’épitre aux Corinthiens, dans leur interprétation la plus orthodoxe, avaient condamné les femmes à ne pas parler, à ne pas s’exprimer au sein des églises, les enfants et les hautes-contres étaient les seuls à pouvoir interpréter les pièces baroques d’auteurs aussi célèbres que Haendel ou Caldara, dont, pour la plupart, la fonction était de service les offices (comme les cantates de Bach) à l’intérieur des églises, la musique de chambre à proprement parler n’existant alors pas réellement.

Au centre, Carlo Broschi, plus connu sous le nom de Farinelli,
peint par Jacopo Amigoni
La période baroque, concentrée sur le XVIIè siècle et une partie du XVIIIè, est une période musicale, qui, notamment en Italie, est vécue comme une succession de surenchères artistiques de virtuosité amenant les compositeurs à développer en volutes et phrases musicales dignes des rhétoriques les plus subtiles leurs pièces dont sont friands les cours royales d’Europe. (more…)
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Jul 16, 2011 | Livres et carnets |

[audio:KV488Adagio.xol]
Il aura fallu l’énergie d’une femme pour que je puisse enfin me dire que je pouvais lire et ne pas m’ennuyer dans les livres d’une femme (mis à part certes quelques uns d’Annemarie Schwarzenbach). Et quelles femmes ! La première est proche de mon cœur, la seconde en était aussi éloignée que possible, surtout après que l’on m’ait forcé à lire un de ses livres quand j’étais au lycée. La souvenir négatif n’en était que plus présent et marquant. C’est avec le marin de Gibraltar que j’ai plongé dans la lecture de Marguerite Duras et peut-être dans ce qui sera un renouveau de lecture pour moi. J’y suis allé confiant et je suis ressorti de là avec l’impression nette d’avoir touché quelque chose du doigt, une écriture à la fois fine et rêche, à la fois sensible et tragique. On m’a dit une fois que Duras était la plus américaine des écrivains français, il y a certainement quelque chose de ça.
Rarement, dans tout ce que j’ai lu, je n’ai lu un aussi beau texte sur la chaleur :
A Florence, combien fit-il ? Je ne sais pas. Pendant quatre jours, la ville fut en proie à un calme incendie, sans flammes, sans cris. Angoissée autant que par les pestes et les guerres, la population, pendant quatre jours, n’eut pas d’autre souci que de durer. Non seulement ce n’était pas une température pour les hommes, mais pour les bêtes non plus ce n’en était pas une. Au zoo, un chimpanzé en mourut. Et des poissons eux-mêmes en moururent, asphyxiés. Ils empuantissaient l’Arno, on parla d’eux dans les journaux. Le macadam des rues était gluant. L’amour, j’imagine était banni de la ville. Et pas un enfant ne dut être conçu pendant ces journées. Et pas une ligne ne dut être écrite en dehors des journaux qui, eux, ne titraient que sur ça. Et les chiens durent attendre des journées plus clémentes pour s’accoupler. Et les assassins durent reculer devant le crime, les amoureux se négliger. L’intelligence, on ne savait plus ce que ça voulait dire. La raison, écrasée, ne trouvait plus rien. La personnalité devint une notion très relative et dont le sens échappait. C’était encore plus fort que le service militaire. Et Dieu lui-même n’en avait jamais tant espéré. Le vocabulaire de la ville devint uniforme et se réduisit à l’extrême. Il fut pendant cinq jours le même pour tous. J’ai soif. Ça ne peut plus durer. Cela ne dura pas, cela ne pouvait pas durer, il n’y avait aucun exemple que cela eût duré plus de quelques jours. Dans la nuit du quatrième jour il y eut un orage. Il était temps. Et chacun, aussitôt, dans la ville, reprit sa petite spécialité. Moi non. J’étais encore en vacances.
Marguerite Duras, le marin de Gibraltar. 1952
Folio Gallimard pp. 31–32
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Apr 27, 2011 | Histoires de gens |
L’histoire du manducator fait certainement partie des découvertes archéologiques les plus surprenantes de ces dernières années. En 2006, un chantier de fouilles sur le Lazzaretto Nuovo de Venise a mis au jour un bien étrange squelette datant du XVIè siècle. L’île, pendant les épidémies successives de peste a servi de mouroir et de lieu de quarantaine. Nombre de malades furent envoyés sur l’île pour finir leurs jours et éviter aux Vénitiens la contamination. La plupart des corps découverts dans la fosse étaient simplement recouverts d’un linceul, mais le squelette de femme dont il est question avait une brique coincée dans la bouche grande ouverte. Les archéologues étaient réellement en présence de ce que les textes du Moyen-Âge appellent un manducator, un esprit mâcheur qui mâche du fond de sa tombe. Des récits relatent jusqu’au XIXè siècle des cas de morts qui avaient mangé leur linceuls, dont on avait ouvert le tombeau parce qu’on avait entendu un bruit de mastication. Le corps était découvert frais ; on a tôt fait d’assimiler ces mâcheurs aux vampires et les explications rationnelles ont eu du mal à venir. On a pensé à des personnes enterrées vives tentant de déchirer leur linceul ou à l’action des sucs de décomposition sur le tissu. Le mâcheur entraînait avec lui les autres membres de sa famille et tant qu’il ne cesserait pas de mâcher, l’épidémie continuerait de décimer ses proches. Aussi le seul moyen d’éradiquer le mâcheur était de l’exhumer et de mettre son corps en pièce. Après l’interdiction d’exhumer de 1755, on trouva des moyens de prévention pour éviter la malédiction des mâcheurs : lui déposer une brique ou un caillou dans la bouche ou l’enterrer ventre contre terre…

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Apr 26, 2011 | Arts, Histoires de gens |
Le 5 juillet 2009, un chômeur anglais du nom de Terry Herbert passant une partie de ses journées à chercher des trésors avec sa poêle à frire, a fini par en trouver un, tout bêtement, dans un champ au nord de Birmingham. Pendant six jours, il va déterrer plus de cinq cents fragments d’or et d’argent finement ouvragés avant de prévenir le coroner de sa découverte, une des plus importantes sur le sol anglais. Sous terre, c’est plus de 1600 objets et fragments, répartis de la manière suivante : 45% d’or, 45% d’argent et 10% d’alliages ou matériaux. Sans datation précise à ce jour, on estime que les objets datent d’une période allant du début du VIè siècle au début du VIIIè, période à laquelle la région constituait le royaume barbare de Mercie, qui a prospéré sous le règne du roi Penda (vers 630–655) et qui connut son apogée sous le règne du roi Offa (757–796).

Si le trésor a été retrouvé dans un champ, il a été enterré au croisement de Watling Street, la voie romaine parcourant l’île du sud-est au nord-ouest et des vallées de la Tame et de la Trent. Ce n’est sans doute pas un hasard qu’ils soient tous réunis à cet endroit. Autre chose, tous ces objets sont passablement endommagés, tordus, déchiquetés et sont exclusivement des objets militaires ; aucune parure féminine n’a été trouvée, mais étonnamment, aucune lame d’épée non plus. Les objets sont essentiellement religieux ou des parures de guerre, des pommeaux d’épées, etc. et semblent avoir été entassés en plusieurs fois, ce qui laisse penser que l’endroit était en fait un dépôt. On a cru également à un dépôt votif d’armes comme on en trouve en Scandinavie, mais on jetait alors les armes dans des marais, et qui plus est avec leurs lames. L’hypothèse retenue pour l’instant est que l’endroit était en fait une cache servant de gisement pour un remploi futur d’une matière première prête à être refondue et réutilisée.
Conformément au Treasure Act de 1996, la totalité du trésor a été rachetée par l’État, et la somme de 4 millions d’euros a été partagée entre Terry Herbert et le propriétaire du champ.
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