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Rada­mis­to

Del­phine Galou (“Rada­mis­to” (Xeno­bia) -
Hän­del­fest­spiele Karls­ruhe — 2009
)

Je pour­suis ma quête des œuvres baroques les plus belles, les plus spec­ta­cu­laires, et je trouve dans l’acte I de l’o­pé­ra de Haen­del (dans l’acte II se trouve le très fameux Las­cia ch’io pian­ga — per­met­tez que je pleure — dont Fari­nel­li aurait fait, selon la légende, un pur moment de plai­sir) ces deux arias du très réci­ta­tif Rada­mis­to (HWV 12a/12b).
Rada­mis­to, c’est une his­toire tra­gique d’un amour contra­rié par un tyran qui convoite la femme d’un autre et se range à la rai­son en s’en détour­nant pour reve­nir vers son épouse.
L’en­re­gis­tre­ment est celui d’A­lan Cur­tis avec Il Com­ples­so Baroc­co (2009)1.

Le pre­mier aria est Stra­gi, mor­ti, sangue ed armi, un air mar­tial et entraî­nant, pom­peux de l’a­mou­reux tyran­nique Tiridate.
Le second est Tu vuoi ch’io par­ta, beau­coup plus doux et lan­ci­nant, une com­plainte de la femme bafouée et fidèle Polis­se­na, un des plus beaux mor­ceau de l’opéra.

[audio:Aria- Stra­gi mor­ti sangue ed armi.xol] [audio:Aria- Tu vuoi chio parta.xol]

Note :
(1) Donc, rien à voir avec la photo.

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“Evvi­va il coltellino !!”

Depuis que les paroles de l’a­pôtre Paul dans l’é­pitre aux Corin­thiens, dans leur inter­pré­ta­tion la plus ortho­doxe, avaient condam­né les femmes à ne pas par­ler, à ne pas s’ex­pri­mer au sein des églises, les enfants et les hautes-contres étaient les seuls à pou­voir inter­pré­ter les pièces baroques d’au­teurs aus­si célèbres que Haen­del ou Cal­da­ra, dont, pour la plu­part, la fonc­tion était de ser­vice les offices (comme les can­tates de Bach) à l’in­té­rieur des églises, la musique de chambre à pro­pre­ment par­ler n’exis­tant alors pas réellement.

Au centre, Car­lo Bro­schi, plus connu sous le nom de Fari­nel­li,
peint par Jaco­po Amigoni

La période baroque, concen­trée sur le XVIIè siècle et une par­tie du XVIIIè, est une période musi­cale, qui, notam­ment en Ita­lie, est vécue comme une suc­ces­sion de sur­en­chères artis­tiques de vir­tuo­si­té ame­nant les com­po­si­teurs à déve­lop­per en volutes et phrases musi­cales dignes des rhé­to­riques les plus sub­tiles leurs pièces dont sont friands les cours royales d’Eu­rope. (more…)

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Pétales de Mar­gue­rite I

Florence

[audio:KV488Adagio.xol]

Il aura fal­lu l’éner­gie d’une femme pour que je puisse enfin me dire que je pou­vais lire et ne pas m’en­nuyer dans les livres d’une femme (mis à part certes quelques uns d’An­ne­ma­rie Schwar­zen­bach). Et quelles femmes ! La pre­mière est proche de mon cœur, la seconde en était aus­si éloi­gnée que pos­sible, sur­tout après que l’on m’ait for­cé à lire un de ses livres quand j’é­tais au lycée. La sou­ve­nir néga­tif n’en était que plus pré­sent et mar­quant. C’est avec le marin de Gibral­tar que j’ai plon­gé dans la lec­ture de Mar­gue­rite Duras et peut-être dans ce qui sera un renou­veau de lec­ture pour moi. J’y suis allé confiant et je suis res­sor­ti de là avec l’im­pres­sion nette d’a­voir tou­ché quelque chose du doigt, une écri­ture à la fois fine et rêche, à la fois sen­sible et tra­gique. On m’a dit une fois que Duras était la plus amé­ri­caine des écri­vains fran­çais, il y a cer­tai­ne­ment quelque chose de ça.
Rare­ment, dans tout ce que j’ai lu, je n’ai lu un aus­si beau texte sur la chaleur :

A Flo­rence, com­bien fit-il ? Je ne sais pas. Pen­dant quatre jours, la ville fut en proie à un calme incen­die, sans flammes, sans cris. Angois­sée autant que par les pestes et les guerres, la popu­la­tion, pen­dant quatre jours, n’eut pas d’autre sou­ci que de durer. Non seule­ment ce n’é­tait pas une tem­pé­ra­ture pour les hommes, mais pour les bêtes non plus ce n’en était pas une. Au zoo, un chim­pan­zé en mou­rut. Et des pois­sons eux-mêmes en mou­rurent, asphyxiés. Ils empuan­tis­saient l’Ar­no, on par­la d’eux dans les jour­naux. Le maca­dam des rues était gluant. L’a­mour, j’i­ma­gine était ban­ni de la ville. Et pas un enfant ne dut être conçu pen­dant ces jour­nées. Et pas une ligne ne dut être écrite en dehors des jour­naux qui, eux, ne titraient que sur ça. Et les chiens durent attendre des jour­nées plus clé­mentes pour s’ac­cou­pler. Et les assas­sins durent recu­ler devant le crime, les amou­reux se négli­ger. L’in­tel­li­gence, on ne savait plus ce que ça vou­lait dire. La rai­son, écra­sée, ne trou­vait plus rien. La per­son­na­li­té devint une notion très rela­tive et dont le sens échap­pait. C’é­tait encore plus fort que le ser­vice mili­taire. Et Dieu lui-même n’en avait jamais tant espé­ré. Le voca­bu­laire de la ville devint uni­forme et se rédui­sit à l’ex­trême. Il fut pen­dant cinq jours le même pour tous. J’ai soif. Ça ne peut plus durer. Cela ne dura pas, cela ne pou­vait pas durer, il n’y avait aucun exemple que cela eût duré plus de quelques jours. Dans la nuit du qua­trième jour il y eut un orage. Il était temps. Et cha­cun, aus­si­tôt, dans la ville, reprit sa petite spé­cia­li­té. Moi non. J’é­tais encore en vacances.

Mar­gue­rite Duras, le marin de Gibral­tar. 1952
Folio Gal­li­mard pp. 31–32

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Le « Man­du­ca­tor », ou vam­pire de Venise

L’his­toire du man­du­ca­tor fait cer­tai­ne­ment par­tie des décou­vertes archéo­lo­giques les plus sur­pre­nantes de ces der­nières années. En 2006, un chan­tier de fouilles sur le Laz­za­ret­to Nuo­vo de Venise a mis au jour un bien étrange sque­lette datant du XVIè siècle. L’île, pen­dant les épi­dé­mies suc­ces­sives de peste a ser­vi de mou­roir et de lieu de qua­ran­taine. Nombre de malades furent envoyés sur l’île pour finir leurs jours et évi­ter aux Véni­tiens la conta­mi­na­tion. La plu­part des corps décou­verts dans la fosse étaient sim­ple­ment recou­verts d’un lin­ceul, mais le sque­lette de femme dont il est ques­tion avait une brique coin­cée dans la bouche grande ouverte. Les archéo­logues étaient réel­le­ment en pré­sence de ce que les textes du Moyen-Âge appellent un man­du­ca­tor, un esprit mâcheur qui mâche du fond de sa tombe. Des récits relatent jus­qu’au XIXè siècle des cas de morts qui avaient man­gé leur lin­ceuls, dont on avait ouvert le tom­beau parce qu’on avait enten­du un bruit de mas­ti­ca­tion. Le corps était décou­vert frais ; on a tôt fait d’as­si­mi­ler ces mâcheurs aux vam­pires et les expli­ca­tions ration­nelles ont eu du mal à venir. On a pen­sé à des per­sonnes enter­rées vives ten­tant de déchi­rer leur lin­ceul ou à l’ac­tion des sucs de décom­po­si­tion sur le tis­su. Le mâcheur entraî­nait avec lui les autres membres de sa famille et tant qu’il ne ces­se­rait pas de mâcher, l’é­pi­dé­mie conti­nue­rait de déci­mer ses proches. Aus­si le seul moyen d’é­ra­di­quer le mâcheur était de l’ex­hu­mer et de mettre son corps en pièce. Après l’in­ter­dic­tion d’ex­hu­mer de 1755, on trou­va des moyens de pré­ven­tion pour évi­ter la malé­dic­tion des mâcheurs : lui dépo­ser une brique ou un caillou dans la bouche ou l’en­ter­rer ventre contre terre…

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L’or de Mer­cie, ou le tré­sor du Staffordshire

Le 5 juillet 2009, un chô­meur anglais du nom de Ter­ry Her­bert pas­sant une par­tie de ses jour­nées à cher­cher des tré­sors avec sa poêle à frire, a fini par en trou­ver un, tout bête­ment, dans un champ au nord de Bir­min­gham. Pen­dant six jours, il va déter­rer plus de cinq cents frag­ments d’or et d’argent fine­ment ouvra­gés avant de pré­ve­nir le coro­ner de sa décou­verte, une des plus impor­tantes sur le sol anglais. Sous terre, c’est plus de 1600 objets et frag­ments, répar­tis de la manière sui­vante : 45% d’or, 45% d’argent et 10% d’al­liages ou maté­riaux. Sans data­tion pré­cise à ce jour, on estime que les objets datent d’une période allant du début du VIè siècle au début du VIIIè, période à laquelle la région consti­tuait le royaume bar­bare de Mer­cie, qui a pros­pé­ré sous le règne du roi Pen­da (vers 630–655) et qui connut son apo­gée sous le règne du roi Offa (757–796).

Si le tré­sor a été retrou­vé dans un champ, il a été enter­ré au croi­se­ment de Wat­ling Street, la voie romaine par­cou­rant l’île du sud-est au nord-ouest et des val­lées de la Tame et de la Trent. Ce n’est sans doute pas un hasard qu’ils soient tous réunis à cet endroit. Autre chose, tous ces objets sont pas­sa­ble­ment endom­ma­gés, tor­dus, déchi­que­tés et sont exclu­si­ve­ment des objets mili­taires ; aucune parure fémi­nine n’a été trou­vée, mais éton­nam­ment, aucune lame d’é­pée non plus. Les objets sont essen­tiel­le­ment reli­gieux ou des parures de guerre, des pom­meaux d’é­pées, etc. et semblent avoir été entas­sés en plu­sieurs fois, ce qui laisse pen­ser que l’en­droit était en fait un dépôt. On a cru éga­le­ment à un dépôt votif d’armes comme on en trouve en Scan­di­na­vie, mais on jetait alors les armes dans des marais, et qui plus est avec leurs lames. L’hy­po­thèse rete­nue pour l’ins­tant est que l’en­droit était en fait une cache ser­vant de gise­ment pour un rem­ploi futur d’une matière pre­mière prête à être refon­due et réutilisée.

Confor­mé­ment au Trea­sure Act de 1996, la tota­li­té du tré­sor a été rache­tée par l’É­tat, et la somme de 4 mil­lions d’eu­ros a été par­ta­gée entre Ter­ry Her­bert et le pro­prié­taire du champ.

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