Mots d’un voca­bu­laire oublié IX

Aver­tis­se­ment: billet à haute teneur en mots rares et pré­cieux, sau­vés de l’oubli.

  1. 1er volet
  2. 2nd volet
  3. 3ème volet
  4. 4ème volet
  5. 5ème volet
  6. 6ème volet
  7. 7ème volet
  8. 8ème volet
  9. 9ème volet
  10. 10ème volet

Grec­quage

Le grec­quage est une des étapes du pro­ces­sus de la reliure. Elle consiste à entailler sur le dos du volume à l’aide d’une scie à main. Ces entailles rece­vront les nerfs qui ne seront dès lors plus saillants par rap­port au dos des cahiers.
Après avoir bal­lot­té le volume par le dos et par la tête, afin de bien éga­li­ser les cahiers, le relieur le place entre deux mem­brures, qui sont des ais plus épais d’un côté que de l’autre, d’une façon telle que le volume sorte de 6 à 8 mil­li­mètres ; il le place dans la presse et le serre très légè­re­ment. Comme les mem­brures sont plus épaisses du côté du dos que du côté de la tranche, elles serrent davan­tage le dos et tiennent le volume mieux assu­jet­ti. Ensuite il fait avec la scie les entailles néces­saires d’une pro­fon­deur égale au dia­mètre des nerfs. Au-des­sus de la pre­mière grecque, et au-des­sous de la der­nière, il donne un léger coup de scie pour loger la chaînette.

Grè­ne­tis

Orne­ment consti­tué d’un rang ou d’un semis de petits grains en relief sur un fond. Dans l’art des médailles, le grè­ne­tis désigne plus par­ti­cu­liè­re­ment le rang de petits grains en relief situé au bord des mon­naies, des médailles et des jetons ; le grè­ne­tis limite ain­si l’u­sure du métal sur les bords. Le grè­ne­tis (ou gre­ne­té), com­po­sé de grains hémi­sphé­riques en demi-relief ou en haut relief (à peu près trois quarts de sphère), est obte­nu de plu­sieurs manières : soit en repous­sant une feuille de métal avec un outil dont l’ex­tré­mi­té a la forme du grain que l’on veut obte­nir, le métal res­sor­tant ain­si de l’autre côté (dans ce cas le grain est creux) ; soit en fon­dant le fond et son décor de grains (pré­pa­ré en creux dans le moule) ; soit encore en matri­çant une plaque de métal épaisse avec une empreinte (ou matrice) où la forme du grain est en creux (dans les deux der­niers cas le grè­ne­tis est plein). De tout temps, le grè­ne­tis a ser­vi à orner non seule­ment des médailles, mais des pièces d’or­fè­vre­rie ou de bijouterie.

Ignu­do

Vient de l’i­ta­lien, adjec­tif nudo, signi­faint “nu”, plu­riel ignu­di. Ignu­do est le mot inven­té par Miche­lange pour décrire les vingt figures mâles assises qu’il a incor­po­rées dans les fresques de la voûte de la cha­pelle Six­tine. Cha­cun d’entre eux repré­sente la figure de l’homme de manière idéa­li­sée, dans un mélange de clas­si­cisme antique et d’une repré­sen­ta­tion moderne du héros nu. Inutile de dire qu’au­cune de ces repré­sen­ta­tions a quoi que ce soit à voir avec la Bible.

Kylix

Dans la Grèce antique, un kylix (en grec ancien κύλιξ / kúlix) est un vase peu pro­fond et éva­sé uti­li­sé pour dégus­ter du vin lors des symposia.

Manu­fac­ture typique des usten­siles de ban­quet, coupe de liba­tions et objet de jeux de cot­tabe, il connaît une dif­fu­sion maxi­male à par­tir du VIe et jusqu’à la fin du IVe siècle avant notre ère, quand le can­thare, l’é­lé­gant calice à volutes des rituels de Dio­ny­sos, reprit sa place comme coupe à vin la plus répandue.

Note: La racine indo-euro­péenne du mot Calice est *K°lik- = coupe, vase. On la retrouve dans le sans­krit Kalá­sas (coupe, pot) et Kali­ka (bou­ton de fleur), en grec ancien Kúliks (coupe), en latin calix (coupe, vase à boire).

Œno­choé

Œno­choé attique à figures rouges : scène de sacrifice
Vers 430 — 425 avant J.-C. Athènes
Argile, H. : 21,5 cm. ; D. : 17 cm.
Dépar­te­ment des Anti­qui­tés grecques, étrusques et romaines. Musée du Louvre

Dans la Grèce antique, une œno­choé (pro­non­cia­tion cor­recte : /enɔkɔe/ ; cou­rante et peu recom­man­dée : /ø-/ ; du grec ancien οἰνοχόη / oino­khóê, d’οἶνος / oĩnos, le « vin », et χέω / khéô, « ver­ser ») est un pichet à vin qui sert à pui­ser le vin dans le cra­tère — où il a été cou­pé à l’eau — avant de le servir.

Ce type de vase se carac­té­rise par une anse unique et une taille allant de 20 à 40 cm. On dis­tingue clas­si­que­ment plu­sieurs types sui­vant la forme de l’embouchure et de la panse. Le plus cou­rant (type 1) pos­sède un bec tré­flé. Le type 8 res­semble aux chopes modernes, avec un corps cylin­drique et une embou­chure à lèvre. L’a­po­gée de l’œ­no­choé se situe à la période géo­mé­trique. Elle se fait plus rare pen­dant la figure noire. C’est cepen­dant sur l’œ­no­choé à figures rouges archaïque que se fonde cette clas­si­fi­ca­tion, éla­bo­rée par John Beazley.

L’autre type de vase à ver­ser est l’olpè.

Patène

Asie Mineure, Xe — XIe siècle
Patène : Cru­ci­fixion, Bronze gra­vé, traces d’étamage
D. : 24 cm. ; H. : 35 cm.
Dépar­te­ment des Objets d’art, Musée de Louvre.

La patène, du latin pate­na, plat, déri­vant lui-même du grec pata­ni, écuelle, est un objet litur­gique de la reli­gion chré­tienne. Dans les Églises d’O­rient, on l’ap­pelle “dis­cos” (disque).
Il s’a­git d’une petite assiette en métal doré, sur laquelle le prêtre, lors de l’of­fer­toire pen­dant la célé­bra­tion eucha­ris­tique, pose l’hos­tie, c’est-à-dire le pain qu’il va consa­crer et qui va deve­nir le Corps du Christ.
Avant et après la messe, la patène est posée sur le calice, si bien que patène et calice, dési­gnés aus­si vases sacrés, sont géné­ra­le­ment fabri­qués par un même arti­san. Avant leur pre­mière uti­li­sa­tion, les vases sacrés sont consa­crés avec le Saint chrême.
Autre­fois très riche­ment déco­rées, les patènes tendent, dans le catho­li­cisme et depuis la réforme litur­gique des années 1960–1971 à deve­nir beau­coup plus épu­rées. Ne pas confondre avec patère.
On peut voir une patène et un calice repré­sen­tés sur deux mosaïques monu­men­tales de la basi­lique Saint-Vital de Ravenne (VIe siècle). L’une est offerte à l’é­glise par l’empereur Jus­ti­nien et l’autre par l’im­pé­ra­trice Théo­do­ra. Ces offrandes solen­nelles célèbrent le retour à la com­mu­nion ortho­doxe et la libé­ra­tion de la ville après un épi­sode de domi­na­tion arienne.

Phor­minx

La phor­minx (en grec ancien φόρμιγξ / phór­minx) est un ins­tru­ment de musique à cordes, ancêtre de la lyre, qui ser­vait en Grèce antique à accom­pa­gner les chants des aèdes. Elle était répu­tée avoir été inven­tée par Her­mès avec une cara­pace de tor­tue et des boyaux de bœuf.

Piri­forme


Aiguière à tête de taureau
XIe — XIIe siècle, Iran, Khurasan
Alliage de cuivre mar­te­lé, décor gravé
Dépar­te­ment des Arts de l’Is­lam, Musée du Louvre

Du latin pirus, poire et du suf­fixe ‑forme. Qui est en forme de poire.

spon­dée

En poé­sie, le spon­dée (du latin spon­deus) est un pied, c’est-à-dire un élé­ment métrique com­po­sé de deux syl­labes longues.
En poé­sie latine, le spon­dée est d’u­sage fréquent.
Il peut faci­le­ment rem­pla­cer un dac­tyle ou un ana­peste. En effet, la syl­labe longue valant deux brèves, ces trois mètres comptent cha­cun quatre temps. Il n’y a donc pas de chan­ge­ment de lon­gueur au final.
Il appa­raît donc régu­liè­re­ment à l’in­té­rieur du très com­mun hexa­mètre dac­ty­lique où il rem­place l’un ou l’autre dac­tyle, voire le tro­chée final.

Suo­ve­tau­rile

Dans la Rome antique, le suo­ve­tau­rile dési­gnait un sacri­fice de puri­fi­ca­tion, où l’on immo­lait trois vic­times mâles, un porc (sus), un mou­ton (ovis) et un tau­reau (tau­rus) à Mars afin de bénir et de puri­fier la terre.

C’é­tait un des rites tra­di­tion­nels les plus sacrés de la reli­gion romaine : on condui­sait en pro­ces­sion solen­nelle ces trois ani­maux autour de l’en­droit ou de l’as­sem­blée qu’il fal­lait puri­fier, puis on les égorgeait.

Le détail du rituel nous est par­ve­nu grâce à Caton l’An­cien : la pre­mière étape consis­tait à mener les trois ani­maux autour des limites de la terre à bénir, en pro­non­çant les paroles suivantes :

Cum divis volen­ti­bus quodque bene eve­niat, man­do tibi, Mani, uti illace suo­vi­tau­ri­lia fun­dum agrum ter­ramque meam quo­ta ex parte sive cir­cu­ma­gi sive cir­cum­fe­ren­da cen­seas, uti cures lustrare.
(« Je t’or­donne, Manius, de pro­me­ner cette triste vic­time autour de mon domaine et de ma terre, soit en tota­li­té, soit seule­ment sur la par­tie que tu juge­ras à pro­pos de puri­fier, afin qu’a­vec l’aide des dieux le suc­cès cou­ronne mes entreprises »)

Le sacri­fice est alors affec­tué, et la prière à Mars doit être faite :

Mars pater, te pre­cor quae­soque uti sies volens pro­pi­tius mihi domo fami­liaeque nos­trae, quoius re ergo agrum ter­ram fun­dumque meum suo­vi­tau­ri­lia cir­cu­ma­gi ius­si, uti tu mor­bos visos invi­sosque, viduer­ta­tem vas­ti­tu­di­nemque, cala­mi­tates intem­pe­riasque pro­hi­bes­sis defen­das aver­run­cesque; utique tu fruges, fru­men­ta, vine­ta vir­gul­taque gran­dire beneque eve­nire siris, pas­tores pecuaque sal­va ser­vas­sis duisque bonam salu­tem vale­tu­di­nemque mihi domo fami­liaeque nos­trae; harumce rerum ergo, fun­di ter­rae agrique mei lus­tran­di lus­trique facien­di ergo, sicu­ti dixi, macte hisce suo­vi­tau­ri­li­bus lac­ten­ti­bus inmo­lan­dis esto; Mars pater, eius­dem rei ergo macte hisce suo­vi­tau­ri­li­bus lac­ten­ti­bus esto
« Mars notre père, je te conjure d’être pro­pice à moi, à ma mai­son et à mes gens; c’est dans cette inten­tion que j’ai fait pro­me­ner une triple vic­time autour de mes champs, de mes terres et de mes biens, afin que tu en écartes, éloignes et détournes les mala­dies visibles et invi­sibles, la sté­ri­li­té, la dévas­ta­tion, les cala­mi­tés et les intem­pé­ries : afin que tu fasses gran­dir et pros­pé­rer mes fruits, mes grains, mes vignes et mes arbres : afin que tu conserves la vigueur à mes ber­gers et à mes trou­peaux, et que tu accordes san­té et pros­pé­ri­té à moi, à ma mai­son et à mes gens. Aus­si, pour puri­fier mes champs, mes terres et mes biens, et pour faire un sacri­fice expia­toire, daigne agréer ces trois vic­times à la mamelle que je vais immo­ler. Mars notre père, agréez dans ce but ces trois jeunes victimes. »

Du pain doit ensuite être offert, et les paroles dites simultanément :

Eiusque rei ergo macte suo­vi­tau­ri­li­bus inmo­lan­dis esto.
(« Sois glo­ri­fié par cette vic­time suovitaurilienne. »)

Si la divi­ni­té n’est pas apai­sée, le pro­prié­taire doit refaire le sacri­fice en disant :

Mars pater, siquid tibi in illisce suo­vi­tau­ri­li­bus lac­ten­ti­bus neque satis­fac­tum est, te hisce suo­vi­tau­ri­li­bus piaculo.
(« Mars notre père, si quelque chose t’a déplu dans ce sacri­fice des trois jeunes vic­times, accepte en expia­tion ces trois autres. »)

Les suo­ve­tau­ri­lias peuvent avoir un carac­tère public ou pri­vé : ain­si les fermes étaient bénites par des suo­ve­tau­riles ruraux et pri­vés lors de la fêtes des Ambar­vales en mai. En revanche, des suo­ve­tau­riles publics solen­nels étaient faits tous les cinq ans lors des céré­mo­nies de lustration.

De même, lors­qu’un temple était détruit, le site devait en être puri­fié par un suo­ve­tau­rile afin qu’il puisse être reconstruit.

Un suo­ve­tau­rile était éga­le­ment offert pour bénir l’ar­mée par­tant en campagne .

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La Ménade de Scopas

Elle vient de la terre, des pro­fon­deurs sacrées de la terre de Grèce et des arcanes du IVè siècle avant Jésus-Christ. Nées des orgies de Dio­ny­sos, les Ménades sont des femmes pos­sé­dées per­son­ni­fiant les esprits sau­vages de la nature. Vêtues de peaux de bêtes, d’un bruyant thyrse et d’un tam­bou­rin, elles paradent aux côté des satyres dans les thiases dio­ny­siaques. Tou­jours ivres, en proie au délire de la transe, elles sont tatouées sur le visage et lorsque le délire le plus extrême les sai­sit, elles deviennent folles, s’at­taquent aux voya­geurs qui s’a­ven­turent sur les routes au mois d’oc­tobre et les démembrent pour les dévorer.
Dans la sta­tuaire grecque clas­sique, elle est tou­jours repré­sen­tée les bras écar­tés, entrai­nés par la danse, les jambes pla­cées de telle sorte qu’on la croit bon­dis­sante comme un cabris, les vête­ments agi­tés par le mou­ve­ment et les che­veux au vent. Celle du sculp­teur Sco­pas porte en elle un grâce toute par­ti­cu­lière, sau­vage, primitive.

La poi­trine for­te­ment ten­due vers l’a­vant, sa tunique est défaite au point que des épaules jus­qu’au genou, ce n’est qu’une seule chair, subrep­ti­ce­ment inter­rom­pue par une cein­ture fine et cette chair montre une fesse mus­clée, ten­due par la posi­tion et la nais­sance de la région pubienne sous le voile léger et trans­pa­rent qui par­court l’in­té­gra­li­té de son corps. Der­rière, une cam­brure osée, sug­ges­tive, la femme a la tête reje­tée en arrière, les yeux révul­sés dans une atti­tude d’a­ban­don total. Sa che­ve­lure relâ­chée n’a plus cette forme clas­sique bien ran­gée, mais c’est la che­ve­lure d’une femme en extase. Cette sculp­ture est d’une audace folle et l’on rêve à ce que pou­vait être l’œuvre dans son inté­gra­li­té ; ses mou­ve­ments indiquent qu’elle devait être d’une jolie finesse empor­tée dans un mou­ve­ment dyna­mique. Il ne nous en reste qu’une belle par­tie qui laisse tou­te­fois songeur…

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La pre­mière femme nue

On dit de l’Aphro­dite de Cnide qu’elle est la pre­mière repré­sen­ta­tion nue d’une femme en Occi­dent. Plus qu’une sta­tue en par­ti­cu­lier, c’est un modèle de sta­tues posant dans un style à part, défi­ni par le sculp­teur Praxi­tèle dans un mou­ve­ment de moder­ni­sa­tion des canons de Poly­clète. Il existe plu­sieurs de ces Aphro­dite, la plus connue étant l’A­phro­dite Bra­schi conser­vée à la Glyp­to­thèque de Munich. Ce type de sta­tue montre un appui sur la jambe droite comme dans toute la sta­tuaire du second clas­si­cisme, une plas­tique géné­reuse et réa­liste met­tant en avant les plis sen­suels de la peau, une tor­sion de la ligne des épaules qui n’est pas paral­lèle à celle des hanches, la main gauche tenant un vête­ment et la droite cachant son sexe — la main pla­cée devant son sexe, l’a-t-on cru long­temps, désigne le sexe plu­tôt qu’elle ne le cache, car en effet, le fait de dési­gner signi­fie que c’est Aphro­dite, déesse de la beau­té, de la fémi­ni­té et de la fécondité.
Selon la légende, Praxi­tèle exé­cu­ta deux mêmes copies, l’une nue, l’autre dite pudique. La pre­mière fut ven­due à la ville de Cnide (en Tur­quie), l’autre à Cos. Avec cette sta­tue, c’est à la fois l’his­toire de l’art, des mœurs et de la sen­sua­li­té qui fait un bond énorme…

Pho­to © Vir­tuelles Anti­ken Museum 
de l’Ar­chäo­lo­gisches Ins­ti­tut Göttingen

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Quinze mille sept cent fois

Enlè­ve­ment de Bri­séis. Achille, sous sa tente, ayant à ses côtés Ulysse et Dio­mède,
assiste plein de cour­roux à l’enlèvement de Bri­séis par Her­mès. Chant I. 320–350. Pein­ture d’une kylix (Bri­tish Museum)

Quinze mille sept cent fois dans l’Iliade, Homère, lais­sant l’ex­pi­ra­tion empor­ter sa voix sous la dic­tée de la Muse, énonce son vers ailé sou­te­nu par les six temps forts et sou­le­vé par la mélo­die propre des mots. Quinze mille sept cent fois, Homère, dans le même sys­tème, change lors­qu’il chante. Chaque mot pos­sède sa propre manière d’en­trer dans la ronde des dac­tyles. Chaque syl­labe se place sur le temps, en oppo­si­tion, à l’at­taque, à la fin, dans le phra­sé ascen­dant de la mélo­die, ou sur la contre­pente, et s’é­tire sur sa voyelle longue, se res­serre sur la brève ; par­fois encore, se res­serre sur la brève en don­nant l’illu­sion de la longue, ou en mar­chant à rebours de toutes les règles, parce qu’au­cune langue ne se laisse réduire à un sché­ma, et la langue d’Ho­mère encore moins que celle de ses imitateurs.
Dire le grec ancien avec la quan­ti­té des voyelles, le jeu ryth­mique des syl­labes, la mélo­die de l’in­to­na­tion, une échelle har­mo­nique, les silences, où la parole reten­tit et se recharge, pro­cure les plus grandes joies, parce qu’on y suit le dérou­tant Homère, qui s’emploie à sur­prendre son monde. Homère assemble — ce serait même l’é­ty­mo­lo­gie de son nom —, et ce fils du fleuve — Mélé­si­gé­nès, « fils du fleuve Mélès », d’a­près les vies anciennes — se contre­dit dans son per­pé­tuel devenir !

Phi­lippe Brunet
tra­duc­teur de l’I­liade — 2010 Seuil

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Mots d’un voca­bu­laire oublié VII

Aver­tis­se­ment: billet à haute teneur en mots rares et pré­cieux, sau­vés de l’oubli.

  1. 1er volet
  2. 2nd volet
  3. 3ème volet
  4. 4ème volet
  5. 5ème volet
  6. 6ème volet
  7. 7ème volet
  8. 8ème volet
  9. 9ème volet
  10. 10ème volet

Ché­lande (Khé­lan­dion)

Héri­tière des grandes galères de l’an­ti­qui­té, mais ayant nombre de spé­ci­fi­ci­tés Byzan­tines, le Khe­lan­dion, ou “che­lande”, est une type de navire à rames déve­lop­pé pour embar­quer des mar­chan­dises en plus de ses troupes et rameurs. Déve­lop­pé au début du VIIIe siècle après J.C., il s’a­gis­sait de répondre au pro­blème posé par les grands dro­mons mili­taires, qui devaient embar­quer leur ravi­taille­ment sur deux “galères-ser­vantes”, les Ousia­kos. Le Khe­lan­dion devait en fait pou­voir s’en pas­ser et tout embar­quer. Repré­sen­tant le som­met dans la hié­rar­chie typo­lo­gique, bon nombre ser­vaient de navires-ami­raux aux pré­fets mari­times Byzan­tins, Ravenne et Misène par exemple. Les plus vastes mesu­raient 80 mètres de long, envi­ron 10 de large, avec deux rangs de rames et cinq rameurs par avi­ron, en nage “a sca­loc­cio”. Il s’a­gis­saient donc de “dix” rap­por­tées aux stan­dards antiques. Gréés en latin sur trois mâts en géné­ral, ils arbo­raient un arme­ment moins impor­tant que sur les Dro­mons, mais encore dis­sua­dant, répar­ti sur leur pont com­plet. Il com­pre­nait en plus des troupes embar­qués ( plus de 50 hommes ) de puis­santes balistes, faites pour lan­cer des pots à feu gré­geois ( explo­sif ) et autres pots rem­plis de ser­pents qui jetaient l’ef­froi sur le navire enne­mi, mais com­pre­nait aus­si son tra­di­tion­nel siphon lance-flammes à l’a­vant, un épe­ron, et pour l’a­bor­dage, des dau­phins en plomb sou­te­nus par les antennes des mâts des­ti­nés à chu­ter et per­cer le pont du navire abor­dé, ain­si que des nacelles pour un à quatre archers sus­pen­dus aux mâts.

Dro­mon

Un dro­mon (du grec δρόμων, « cou­reur », en fait « croi­seur ») est un navire long, manœu­vrant et rapide mû à la rame et employé dans l’Empire byzan­tin du VIe au XIIe siècle. Ils furent indi­rec­te­ment déve­lop­pés à par­tir de la trière antique et étaient pro­pul­sés à la fois par rame et par la voile.

Le terme dro­mon devient cou­rant à par­tir du VIe siècle en même temps que le terme dro­mo­na­rioi qui dési­gnait l’équipage mais qui finit par dis­pa­raître assez rapi­de­ment. Le mot dro­mo­na­rioi est en effet rem­pla­cé par des termes plus pré­cis : éla­tai (« mate­lots ») et éra­tai (« rameurs »). La pre­mière men­tion du terme dro­mon se trouve dans les chartes de Ravenne du Ve siècle, si l’on ne tient pas compte des men­tions en latin. Même si le terme est par­fai­te­ment com­pris par les contem­po­rains de Jus­ti­nien, ce type de navire n’est pas encore très répan­du avant le VIIe siècle. À par­tir du IXe siècle, le dro­mon est aus­si dési­gné che­lan­dion, sur­tout par la population.

Ils pou­vaient avoir dif­fé­rentes formes et tailles. Ils fai­saient géné­ra­le­ment entre 30 et 50 mètres de long et entre 5 et 7 mètres de large et pou­vaient empor­ter jusqu’à 300 per­sonnes (à la fois des sol­dats et des rameurs). Cepen­dant, les dro­mons étaient répar­tis en trois classes de taille, les plus petits étant géné­ra­le­ment dénom­més monè­ria et les moyens galéia (ils n’avaient qu’un rang de rame mais étaient très rapides). Les plus grands dro­mons (appe­lés mei­zo­nès dro­mô­nés, ché­lan­dia méga­la ou encore dyna­tô­té­ra) avaient deux rangs de rames mues par une cen­taine de rameurs et pou­vaient empor­ter envi­ron deux cents hommes d’é­qui­page en plus.

Cer­tains dro­mons avaient une tour cen­trale (xylo­kas­tron, « châ­teau de bois ») près du mât prin­ci­pal, à par­tir duquel des sol­dats pou­vaient tirer des volées de flèches ou jeter des lances. Chez d’autres, le xylo­kas­tron était pla­cé à la proue. La plu­part des dro­mons étaient équi­pés de « lances-flamme » (sypho­no­pho-rami) qui envoyaient le feu gré­geois et de cata­pultes capables d’envoyer des pro­jec­tiles de 50 kg à plus de 100 mètres. Beau­coup de dro­mons étaient aus­si blin­dés avec des plaques de métal pour se pro­té­ger des éperonnages.

Vers le début du XIIe siècle, le dro­mon est petit à petit rem­pla­cé par l’ousie puis par l’agra­rion, qui semble dési­gner un bateau à voile sans rames, rond et de fort ton­nage, qui devient alors la norme dans la marine de guerre byzan­tine ; tou­te­fois le terme est tou­jours uti­li­sé par Robert de Cla­ri dans sa chro­nique sur la prise Constan­ti­nople par les croi­sés en 1204 et désigne tou­jours un bateau rapide.

Epi­bate

(Anti­qui­té) Sol­dat de la marine grecque.

Cette infan­te­rie de marine est plus nom­breuse dans les pre­mières années du Ve siècle av. J.-C.. quand l’é­pe­ron­nage ne s’est pas encore impo­sé en tant que stan­dard dans le com­bat naval, comme par exemple durant les guerres médiques en 494 a. J.-C. lors de la bataille de Ladé :

« Ils [les gens de Chios] avaient ame­né […] cent navires qui por­taient cha­cun qua­rante citoyens, com­bat­tants d’élite. »
(Héro­dote, Enquêtes, VI, 15)

Issus comme les rameurs de la classe cen­si­taire des citoyens les plus modestes, c’est-à-dire les thètes, les épi­bates n’ont pas à payer leur équi­pe­ment de hoplite qui leur est four­ni par la cité, au contraire des fan­tas­sins com­bat­tant sur la seule terre ferme.

Exhaure

L’exhaure désigne, par défi­ni­tion, l’é­pui­se­ment des eaux d’in­fil­tra­tion prin­ci­pa­le­ment employé dans les mines et milieux sou­ter­rains. Désigne aus­si les ins­tal­la­tions pour y parvenir.

Du latin exhau­rire, « épuiser ».

Pompes d’ex­haure et vis d’Ar­chi­mède — Leo­nar­do da Vin­ci — Codex Atlan­ti­cus

Liburne

La liburne (du latin libur­na, grec ancien λιβυρνίς) est un type de bateau léger qui tire son nom de la Libur­nie, pro­vince dalmate.

Après les guerres puniques, les Romains construisent des bateaux légers et rapides dont la liburne sur le modèle des bateaux des pirates Illy­riens. Après la bataille d’Ac­tium, elle devient le modèle stan­dard uti­li­sé par la marine romaine. Végèce donne som­mai­re­ment les prin­cipes de construc­tion des liburnes et de la coupe des bois. Les liburnes ont de un à cinq rangs de rameurs. Des navires légers de vingt rameurs les pilotent et servent à la recon­nais­sance navale : ils sont camou­flés (lit­té­ra­le­ment pica­ti ou « peints ») en cou­leur vert océan.

Ins­ti­tu­tions mili­taires de Végèce sur Wikisource.

Nau­to­nier

Mot pro­ven­çal, deri­vé du latin nau­ta, « matelot ».
(Vieilli) Celui, celle qui conduit un navire, une barque.
Syno­nyme : nocher

Cha­ron, nocher des enfers (détail)
Charles-Fran­çois HUTIN, marbre, Dépar­te­ment des Sculp­tures, Musée du Louvre

Navarque

Le navarque (en grec ancien ναύαρχος / nauar­khos, de ναῦς / naus, « le bateau » et ἀρχή / arkhê, « le com­man­de­ment »), lit­té­ra­le­ment le « com­man­dant de navire », est le titre mili­taire don­né aux capi­taines de vais­seaux de guerre dans la Grèce antique. À Sparte, c’est une magis­tra­ture impor­tante don­nant le com­man­de­ment de la flotte. Mais on trouve éga­le­ment des navarques à Athènes.
En Macé­doine et dans les royaumes hel­lé­nis­tiques, chez les Séleu­cides comme chez les Lagides le navarque est l’a­mi­ral de la flotte. Ain­si Alexandre le Grand est navarque de la flotte macé­do­nienne au siège de Tyr.
À Rome, le navarque est le com­man­dant d’un esca­dron de la flotte. Les Byzan­tins uti­lisent par­fois ce terme pour dési­gner le capi­taine d’un navire.
Sans rap­port avec ces fonc­tions mili­taires, le navarque est enfin éga­le­ment le res­pon­sable d’une litur­gie spé­ci­fique à Éré­trie et dans d’autres cités, dans le cadre de fêtes de la navi­ga­tion en l’hon­neur d’I­sis et d’autres divi­ni­tés égyptiennes.

Alexandre le Grand — bataille d’Is­sos par Phi­loxé­nos d’Erétrie

Pen­té­con­tère

Le pen­té­con­tère (grec ancien : πεντηκοντήρ) est un bateau de guerre à 50 rameurs (d’où son nom), auquel il faut ajou­ter un bar­reur et peut-être d’autres marins.
Il mesu­rait envi­ron 35 mètres de long, pour 5 mètres de large.
C’est à l’époque de la « Guerre de Troie » qu’apparaissent les pre­miers pen­té­con­tères ou pen­te­con­tores soit aux envi­rons de XIIe siècle av. J.-C..
Ce type de navire dis­pa­rait avec le déve­lop­pe­ment de la trière, qui s’im­pose à par­tir du VIe siècle av. J.-C.

Rostre

Le rostre (ros­trum) est l’é­pe­ron d’a­bor­dage pla­cé à la proue des galères de com­bat de l’antiquité.

 

Trière (Tri­rème)

Du grec ancien τριήρης, de même sens.

Une trière (du grec ancien τριήρης / triế­rês), ou tri­rème, ce der­nier terme étant l’ap­pel­la­tion latine, est une galère de com­bat antique, déve­lop­pée à par­tir de la pen­té­con­tère. Plus court que son pré­dé­ces­seur, c’est un navire équi­pé d’une voile dans lequel prennent place 170 rameurs éta­gés sur trois rangs, d’où son nom. Léger et agile, il per­met le déve­lop­pe­ment de la manœuvre d’é­pe­ron­nage grâce au rostre de bronze mon­té sur sa proue, tech­nique qui donne lieu aux pre­mières batailles à carac­tère réel­le­ment naval.

Les trières appa­raissent en Ionie et deviennent le navire de guerre domi­nant en Médi­ter­ra­née de la fin du VIe siècle av. J.-C. au IVe siècle av. J.-C. puis à nou­veau, du fait de leur effi­ca­ci­té, sous l’empire romain jus­qu’au IVe siècle.

La pre­mière et plus célèbre bataille navale de l’An­ti­qui­té uti­li­sant des trières demeure celle de Sala­mine en 480 av. J.-C. qui met aux prises la flotte grecque, prin­ci­pa­le­ment athé­nienne, face à l’ar­ma­da perse numé­ri­que­ment très supé­rieure. La vic­toire des Grecs donne un coup d’ar­rêt à la deuxième expé­di­tion aché­mé­nide cen­sée ven­ger l’af­front de Mara­thon. D’autres batailles navales sont rela­tées en détail, notam­ment la bataille des Épi­poles au cours de laquelle Athé­niens et Syra­cu­sains s’af­frontent dans le port de Syra­cuse en 413 av. J.-C. pen­dant la guerre du Pélo­pon­nèse.

L’é­qui­page est com­po­sé de :

  • Thra­nites pous­sant sur les rames supérieures.
  • Zygites pous­sant sur les rames médianes.
  • Tha­la­mites pous­sant sur les rames inférieures.

Le déve­lop­pe­ment des guerres mari­times avec la tech­nique de l’é­pe­ron­nage pen­dant cette période de l’An­ti­qui­té sont l’oc­ca­sion de bâtir des galères de plus en plus grandes, de plus en plus rapides et de plus en plus mons­trueuses. L’a­po­théose de ces sur­en­chères arrive avec la flotte des Pto­lé­mée (flotte Lagide) qui construi­ra des galères à doubles coques. Le nom des galères varie en fonc­tion du nombre de rameurs sur une bordée.

  • tétrères (qua­dri­rèmes)
  • pen­tères (quin­qué­rèmes)
  • héxères
  • heptères
  • octères
  • nonères
  • décère (dekere)
  • pas­sé dix rameurs par bor­dée, on arrive aux galères ‘11’, ’12′, ’13′, ’20′, ’30′, jus­qu’à la ‘40’ ou Tes­se­ra­con­tère (Tet­ta­kon­te­ros) de Pto­lé­mée Philopator.

Pour plus de ren­sei­gne­ments sur ces navires de guerre colos­saux, se repor­ter à la sec­tion Anti­qui­té de Navis­to­ry.

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