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Des pay­sages dans l’art

Tout est dans le titre, ou presque. Voi­ci com­ment se défi­nit ce blog : Ce site parle des pay­sages évo­qués, repré­sen­tés ou trans­for­més dans les arts: pein­ture, lit­té­ra­ture, musique, ciné­ma, etc. Il traite éga­le­ment de la créa­tion ou la trans­for­ma­tion des pay­sages par les archi­tectes, les artistes et les paysagistes.
Tout sim­ple­ment cap­ti­vant de retrou­ver Rubens, Tur­ner ou Cas­par Friedrich.
Some Land­scapes, par Andrew Ray ; beau comme un laby­rinthe végé­tal, ludique, touf­fu et spa­cieux comme un jar­din anglais.

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La Royau­mont de Saint-Louis

Une belle après-midi prin­ta­nière, une bou­teille d’eau coin­cée dans le sac-à-dos entre les objec­tifs et l’ap­pa­reil, deux car­nets dans la poche et c’est par­ti sur les routes du Val-d’Oise, à une tren­taine de kilo­mètres de Paris à vol d’oi­seau, exac­te­ment à la limite qui sépare l’Île de France et la Picar­die, der­rière les champs de col­za, les étangs de pêche et un pay­sage d’une pla­ti­tude mono­tone. Par­tir de l’autre côté, sur la route à contre­point. Arri­vée à Asnières-sur-Oise, au hameau de Baillon.

Abbaye de Royaumont

Royau­mont est une abbaye fon­dée par Louis IX entre 1228 et 1235. Celui qui sera cano­ni­sé pour ses actes de pié­té contrite et sa croi­sade par­tiel­le­ment échouée n’a­vait rien d’un joyeux luron (celui-là même qui mou­rut de dys­en­te­rie au bord de la natio­nale 9) et c’est dans ce lieu de médi­ta­tion qu’il se reti­rait pour com­pul­ser les livres de l’arma­rium du cloître. Le lieu est d’ailleurs ponc­tué de cita­tions des œuvres de Guillaume de Saint-Pathus nar­rant la vie et les habi­tudes ô com­bien… sti­mu­lantes de Louis IX. Prières à tous les repas, et même au milieu d’une nuit géné­ra­le­ment courte (les heures cano­niales ne laissent point le temps de se reposer).
Sa mère, Blanche de Cas­tille était, elle, une habi­tuée d’une autre abbaye du dépar­te­ment, Mau­buis­son qu’elle fon­da en 1241 sur la com­mune de Saint-Ouen-l’Aumône.

[audio:funerailles.xol]
Abbaye de Royaumont

On com­mence la visite par un grand parc ombra­gé très sobre, peu fleu­ri mais la sai­son s’y prête peut-être encore assez mal. Il fait bon flâ­ner dans ces larges allées sous les fleurs des marronniers.

Abbaye de Royaumont

Comme toute abbaye digne de ce nom, on y trouve une église, mais ici, on n’en voit plus que quelques rares élé­ments. En effet, l’in­té­gra­li­té du site ser­vit de fila­ture après que la Révo­lu­tion ait dis­sout les Ordres reli­gieux. En 1792 on ordonne de déman­te­ler l’é­glise pour en uti­li­ser les pierres afin de construire d’autres locaux (il est tou­jours déli­cat de poser un regard moral sur les erreurs du pas­sé, mais tout de même, quel gâchis…). Aujourd’­hui, seule reste la tour nord (res­ca­pée par sa construc­tion com­pacte puis­qu’elle contient un esca­lier), ain­si que quelques piliers indi­quant encore l’emplacement du chœur. Autant dire que l’é­di­fice que l’on a sous les yeux n’a plus grand chose à voir avec le bâti­ment d’o­ri­gine, même si le retour des sœurs de la Sainte-Famille de Bor­deaux a per­mis la res­tau­ra­tion par­tielle et donne une idée cor­recte de l’as­pect d’origine.

Abbaye de Royaumont

Il y est éga­le­ment ques­tion d’une vaste salle qui ser­vait de réfec­toire aux frères convers et donc le car­re­lage que l’on foule au pied est fait d’une immense mosaïque des car­reaux de faïence colo­rée res­tau­rés et repro­duits de manière arti­sa­nale, tels qu’ils étaient lorsque l’ab­baye était encore utilisée.

Abbaye de Royaumont

La visite se ter­mine par un bâti­ment scin­dé en deux par­ties, dont la par­tie cen­trale est sou­te­nu par trente-et-une arches sépa­rées par un vide aujourd’­hui com­blé par des dalles de verre, don­nant en sur­plomb sur un petit canal et sous lequel il aurait été mal venu de pas­ser en des temps recu­lés, puisque ce canal porte le doux nom de… latrines.

Abbaye de Royaumont

Mais le clou de la visite reste tout de même le cloître, et y pas­ser quelques minutes bai­gné par la lumière du soleil, dans le silence d’une cam­pagne douce et d’une après-midi tran­quille a un effet réel­le­ment apaisant.

Loca­li­sa­tion de l’abbaye sur Google Maps.
Toutes les pho­tos de cette jour­née ici, et là pour voir les pho­tos en dia­po­ra­ma.

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L’abs­trac­tion miraculeuse

Avant que je n’é­tu­die l’his­toire de l’art, j’ai pio­ché mes pre­mières expé­riences et mes pre­miers émois dans les pages de volumes aux pages jau­nies et à l’o­deur rance de la Gram­maire des styles qu’on trou­vait encore à l’é­poque aux édi­tions Payot, sur les tables de gra­vures innom­brables sans les­quelles toute approche naïve ne serait que pure perte. L’art se nour­rit de ses propres images, et son his­toire se gave d’exemples et d’illus­tra­tions. Ma mère m’a alors offert la très majes­tueuse His­toire de l’Art de l’es­sayiste anar­chiste et his­to­rien de l’art Élie Faure (parent du géo­graphe — tout aus­si anar­chiste — Éli­sée Reclus), une œuvre monu­men­tale en cinq tomes dont la rédac­tion s’é­tale entre 1919 et 1921 et qui aujourd’­hui reste abso­lu­ment incon­tour­nable. Je replonge dans ces pages lestes, dénuées de la lour­deur aca­dé­mique des écrits trop sou­vent conven­tion­nels et intel­lec­tua­listes de l’é­poque et de ces mots aériens pleins de formes, on goûte la saveur de la simplicité.

La base de l’é­di­fice humain est faite de décou­vertes quo­ti­diennes, et ses plus hautes tours sont des entas­se­ments patients de géné­ra­li­sa­tion pro­gres­sives. L’homme a copié la forme de ses outils de chasse et l’in­dus­trie sur les becs, les dents et les griffes, il a emprun­té aux fruits leurs formes pour ses pre­miers pots. Ses poin­çons, ses aiguilles ont été d’a­bord des épines, des arêtes, il a sai­si dans les lames imbri­quées, les arti­cu­la­tions et les fer­moirs des os l’i­dée des char­pentes, des join­tures et des leviers. Là est le seul départ de l’abs­trac­tion mira­cu­leuse, des for­mules les plus puri­fiées de toute trace d’ex­pé­rience, du plus haut idéal. Et c’est là que nous devons cher­cher la mesure de notre humi­li­té et de notre force à la fois.

Au contact de Faure, on s’i­ni­tie à l’art dans ce qu’il a de plus fon­da­men­tal ; dans sa vision des choses, reprendre le cours d’une his­toire pro­ve­nant des tré­fonds des âges est une manière de nous faire adhé­rer à l’i­dée qu’il y a une conti­nui­té natu­relle entre l’u­tile de la tech­nique et la fonc­tion esthé­tique de l’art. Sans cette pré­sup­po­si­tion, on risque la fausse route.

L’art est d’a­bord un outil d’u­ti­li­té immé­diate, comme les pre­miers bal­bu­tie­ments du verbe : dési­gner les objets qui l’en­tourent, les imi­ter ou les modi­fier pour s’en ser­vir, l’homme ne va pas au-delà. L’art ne peut être encore un ins­tru­ment de géné­ra­li­sa­tion phi­lo­so­phique qu’il ne sau­rait pas uti­li­ser, mais il forge cet ins­tru­ment, puis­qu’il dégage de son milieu quelques lois rudi­men­taires qu’il applique à son profit.

Elie Faure, His­toire de l’art, t.1
Avant l’his­toire, I (Folio Essais, p.40, 41, impri­mé en 1988)

J’aime me rap­pe­ler ces mots qu’il se plai­sait à répé­ter et dont la pater­ni­té revient à Auguste Renoir:

Ne me deman­dez pas si la pein­ture doit être objec­tive ou sub­jec­tive. Je vous avoue­rai que je m’en fous.

Concer­nant les rap­ports entre Élie Faure et Auguste Renoir, je trouve dans la pré­face de Mar­tine Cha­te­lain-Cour­tois les mots dans les­quels on sai­sit la figure maî­tresse de Faure, maître avant tout, per­son­nage charismatique :

Le pas­se­port de Faure Élie-Paul-Jacques, qui donne des confé­rences sur l’art dans le monde entier en 1931–1932, indique : « Pro­fes­sion : Méde­cin ». Et Renoir, qui appré­ciait d’au­tant plus la modes­tie du grand écri­vain qu’il se vou­lait lui-même un simple « ouvrier de la pein­ture », par­ta­geait avec son « cher doc­teur » un silence com­plice en évi­tant les dis­cus­sions d’es­thé­tique, et en lui par­lant avec humour de ses hémor­roïdes — quitte à dire le bien qu’il pen­sait de son œuvre quand Élie Faure n’é­tait plus là.

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Des livres en géné­ral et des énormes livres d’art en particulier

Il existe un moment cri­tique, lors­qu’on n’a en tête que le doux bruis­se­ment des pages tour­nées au cœur de la biblio­thèque (j’ai appris ce matin que le mot Bible venait de biblio­thèque, et non le contraire — du grec ancien βιϐλία (Biblia),  mot neutre au plu­riel qui signi­fie « livres », oui parce qu’en fait, c’est ce qu’est la Bible, une col­lec­tion de livres, au cas où l’in­for­ma­tion soit pas­sée inaper­çue) sous la cou­pole immense, où l’on peut très vite se retrou­ver sus­pec­té de n’être qu’un rat par­mi les livres, dévo­rant des tonnes et des tonnes d’ou­vrages col­lec­tés patiem­ment et sau­vés de la bru­ta­li­té du monde (oui, le monde est bru­tal, les gens aus­si — j’entre en phase de rébel­lion struc­tu­relle), conser­vés pen­dant des cen­taines d’an­nées par des êtres tout entier dévoués à la culture du papier (on recon­naît géné­ra­le­ment le mes­sie à son pull en acry­lique rouge et un pan­ta­lon à pinces de cou­leur… indé­fi­nis­sable) dans un contexte où très vite, on se voit taxé d’in­tel­lo pous­sié­reux et fati­guant. Bref. J’ai décou­vert des livres fas­ci­nants et je me dois de vous faire par­ta­ger ça sans quoi on aurait tôt fait de me faire un pro­cès pour réten­tion d’information.

Tout d’a­bord, com­men­çons avec ces livres édi­tés dans les années 80 sous une cou­ver­ture en toile et que je me sou­viens avoir com­pul­sé dans plu­sieurs biblio­thèques (désor­mais épui­sés), c’est la Gram­maire des formes et des styles. Ces livres, édi­tés par l’Office Du Livre, sont de véri­tables mines d’or comme on n’en fait plus. Cette gram­maire n’est ni plus ni moins qu’un inven­taire visuel, gra­vures à l’ap­pui, chaque volume est abon­dam­ment illus­tré et docu­men­té et consti­tue un véri­table puits de science pour toute per­sonne s’in­té­res­sant à l’art. Comme je le disais pré­cé­dem­ment en citant Mal­raux, avec l’ap­pren­tis­sage de l’art, rien ne vaut une savante docu­men­ta­tion pra­tique faite d’i­mages, d’i­cônes, de plans, coupe et élé­va­tion, que sais-je !! Abreu­vez-nous et tuez-les tous, Dieu recon­naî­tra les siens !! (par­don, je m’emballe — à noter que le sac de Béziers n’est pas un acces­soire de mode tren­dy). Voi­ci les exem­plaires que j’ai trou­vé (impos­sible de trou­ver un cata­logue exhaus­tif — mais non je ne mets pas ces liens au cas où vous auriez une irré­pres­sible envie de me faire des cadeaux…):

Je viens de trou­ver éga­le­ment ce superbe livre de Jean Clottes (j’en ai par­lé lors de mon expo­sé sur les cha­manes de la pré­his­toire), L’art des cavernes pré­his­to­riques. J’aime beau­coup l’ap­proche très nova­trice de Clottes pour qui l’art parié­tal est en prise directe avec le cha­ma­nisme et pas sim­ple­ment un art pour l’art, un art de “déco­ra­tion” ou même fonc­tion­nel. Il intro­duit une véri­table pers­pec­tive psy­cho­lo­gique et reli­gieuse dans l’art des cavernes. J’en parle avec la larme à l’œil et le vice che­villé au corps, car ce livre, édi­té par Phai­don, est épui­sé en France. Seule­ment, same­di der­nier, je l’ai trou­vé dans un rayon­nage et je compte bien faire main basse des­sus (ne comp­tez pas sur moi pour vous dire où).

Enfin (je me suis fait confir­mer par ma petite sœur étu­diante en his­toire de l’art que c’é­tait une réfé­rence), les Manuels de l’E­cole du Louvre. Voi­ci des livres pas faits comme les autres. Si on y trouve des fiches détaillées sur des œuvres clef, ces livres sont bour­rés de cartes, plans, biblio­gra­phie détaillée, glos­saire tech­nique, de trucs et de machins très bien docu­men­tés et qui en font réel­le­ment un manuel de réfé­rence ; ce sont éga­le­ment de très beaux livres riche­ment illus­trés d’œuvres pour la plu­part expo­sées dans des musées étran­gers. Des livres vrai­ment très techniques.

Lors de ma visite domi­ni­cale à la Concier­ge­rie, j’ai décou­vert sur un éta­lage de la bou­tique que les Edi­tions du patri­moine avaient publié un “voca­bu­laire” typo­lo­gique et tech­nique des arts, de vrais bon gros bou­quins dont le nombre d’illus­tra­tions est plus consé­quent que le nombre de pages. Ques­tion prix, on avoi­sine les 75 euros, et là, ce n’est plus de l’ordre du rai­son­nable. Ce sont de véri­tables ency­clo­pé­dies tech­niques à mon sens réser­vées à des spé­cia­listes, mais qui res­tent de très beaux livres.

Pour ter­mi­ner, j’a­voue, j’ai cra­qué pour cette magni­fique œuvre de Louis Mas­si­gnon (4 tomes, 1952 pages, que mon âme de lec­teur brule en enfer !). Ça tom­bait bien, moi qui avais l’in­ten­tion de me fouet­ter avec des orties fraî­che­ment cou­pées et faire pénitence…

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L’u­ni­vers des formes

Apprendre l’art néces­site plus que des des­crip­tions. Son his­toire est pétrie de toutes les diver­si­tés des peuples du monde et de mys­tères qui res­te­ront peut-être à jamais scel­lés der­rière le mor­tier des temples les plus anciens, et c’est pré­ci­sé­ment cela qui le rend attrayant. Tou­te­fois, apprendre l’art sans le voir, c’est un peu comme res­ter au pied de la pyra­mide et ne pas pou­voir y entrer, une incroyable frus­tra­tion, ça a besoin de texte mais aus­si d’i­mages, de repro­duc­tions qu’on ido­lâtre comme de saintes icônes parce que l’i­so­le­ment dans les musées, leur éloi­gne­ment et par­fois même l’i­so­le­ment dans des caves à l’a­bri de l’hu­mi­di­té, de la lumière et des yeux mal­veillants du public, tout ceci nous rend le témoi­gnage du pas­sé peu ver­beux. Mal­raux avait cette vision des choses :

« Il appar­tient à l’his­toire de don­ner aux œuvres toute leur part du pas­sé, mais il appar­tient à cer­taines images d’en révé­ler l’é­nig­ma­tique part de pré­sent, sans laquelle l’his­toire de l’art devien­drait sœur de celle du cos­tume ou de l’ameublement. »

André Mal­raux, L’U­ni­vers des formes, Gal­li­mard, 1960

Pour illus­trer cette his­toire, il a vou­lu une immense fresque de la plus belle his­toire de notre huma­ni­té, qui se tra­duit aujourd’­hui par une col­lec­tion unique au monde, L’u­ni­vers des formes, édi­tée par Gal­li­mard en 42 volumes, ven­due à ce jour à plus de 800 000 exemplaires.

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