May 4, 2010 | Arts |
Tout est dans le titre, ou presque. Voici comment se définit ce blog : Ce site parle des paysages évoqués, représentés ou transformés dans les arts: peinture, littérature, musique, cinéma, etc. Il traite également de la création ou la transformation des paysages par les architectes, les artistes et les paysagistes.
Tout simplement captivant de retrouver Rubens, Turner ou Caspar Friedrich.
Some Landscapes, par Andrew Ray ; beau comme un labyrinthe végétal, ludique, touffu et spacieux comme un jardin anglais.

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Apr 30, 2010 | Arts, Histoires de gens, Sur les portulans |
Une belle après-midi printanière, une bouteille d’eau coincée dans le sac-à-dos entre les objectifs et l’appareil, deux carnets dans la poche et c’est parti sur les routes du Val-d’Oise, à une trentaine de kilomètres de Paris à vol d’oiseau, exactement à la limite qui sépare l’Île de France et la Picardie, derrière les champs de colza, les étangs de pêche et un paysage d’une platitude monotone. Partir de l’autre côté, sur la route à contrepoint. Arrivée à Asnières-sur-Oise, au hameau de Baillon.

Royaumont est une abbaye fondée par Louis IX entre 1228 et 1235. Celui qui sera canonisé pour ses actes de piété contrite et sa croisade partiellement échouée n’avait rien d’un joyeux luron (celui-là même qui mourut de dysenterie au bord de la nationale 9) et c’est dans ce lieu de méditation qu’il se retirait pour compulser les livres de l’armarium du cloître. Le lieu est d’ailleurs ponctué de citations des œuvres de Guillaume de Saint-Pathus narrant la vie et les habitudes ô combien… stimulantes de Louis IX. Prières à tous les repas, et même au milieu d’une nuit généralement courte (les heures canoniales ne laissent point le temps de se reposer).
Sa mère, Blanche de Castille était, elle, une habituée d’une autre abbaye du département, Maubuisson qu’elle fonda en 1241 sur la commune de Saint-Ouen-l’Aumône.
[audio:funerailles.xol]

On commence la visite par un grand parc ombragé très sobre, peu fleuri mais la saison s’y prête peut-être encore assez mal. Il fait bon flâner dans ces larges allées sous les fleurs des marronniers.

Comme toute abbaye digne de ce nom, on y trouve une église, mais ici, on n’en voit plus que quelques rares éléments. En effet, l’intégralité du site servit de filature après que la Révolution ait dissout les Ordres religieux. En 1792 on ordonne de démanteler l’église pour en utiliser les pierres afin de construire d’autres locaux (il est toujours délicat de poser un regard moral sur les erreurs du passé, mais tout de même, quel gâchis…). Aujourd’hui, seule reste la tour nord (rescapée par sa construction compacte puisqu’elle contient un escalier), ainsi que quelques piliers indiquant encore l’emplacement du chœur. Autant dire que l’édifice que l’on a sous les yeux n’a plus grand chose à voir avec le bâtiment d’origine, même si le retour des sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux a permis la restauration partielle et donne une idée correcte de l’aspect d’origine.

Il y est également question d’une vaste salle qui servait de réfectoire aux frères convers et donc le carrelage que l’on foule au pied est fait d’une immense mosaïque des carreaux de faïence colorée restaurés et reproduits de manière artisanale, tels qu’ils étaient lorsque l’abbaye était encore utilisée.

La visite se termine par un bâtiment scindé en deux parties, dont la partie centrale est soutenu par trente-et-une arches séparées par un vide aujourd’hui comblé par des dalles de verre, donnant en surplomb sur un petit canal et sous lequel il aurait été mal venu de passer en des temps reculés, puisque ce canal porte le doux nom de… latrines.

Mais le clou de la visite reste tout de même le cloître, et y passer quelques minutes baigné par la lumière du soleil, dans le silence d’une campagne douce et d’une après-midi tranquille a un effet réellement apaisant.
Localisation de l’abbaye sur Google Maps.
Toutes les photos de cette journée ici, et là pour voir les photos en diaporama.
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Apr 28, 2010 | Arts, Histoires de gens, Livres et carnets |
Avant que je n’étudie l’histoire de l’art, j’ai pioché mes premières expériences et mes premiers émois dans les pages de volumes aux pages jaunies et à l’odeur rance de la Grammaire des styles qu’on trouvait encore à l’époque aux éditions Payot, sur les tables de gravures innombrables sans lesquelles toute approche naïve ne serait que pure perte. L’art se nourrit de ses propres images, et son histoire se gave d’exemples et d’illustrations. Ma mère m’a alors offert la très majestueuse Histoire de l’Art de l’essayiste anarchiste et historien de l’art Élie Faure (parent du géographe — tout aussi anarchiste — Élisée Reclus), une œuvre monumentale en cinq tomes dont la rédaction s’étale entre 1919 et 1921 et qui aujourd’hui reste absolument incontournable. Je replonge dans ces pages lestes, dénuées de la lourdeur académique des écrits trop souvent conventionnels et intellectualistes de l’époque et de ces mots aériens pleins de formes, on goûte la saveur de la simplicité.
La base de l’édifice humain est faite de découvertes quotidiennes, et ses plus hautes tours sont des entassements patients de généralisation progressives. L’homme a copié la forme de ses outils de chasse et l’industrie sur les becs, les dents et les griffes, il a emprunté aux fruits leurs formes pour ses premiers pots. Ses poinçons, ses aiguilles ont été d’abord des épines, des arêtes, il a saisi dans les lames imbriquées, les articulations et les fermoirs des os l’idée des charpentes, des jointures et des leviers. Là est le seul départ de l’abstraction miraculeuse, des formules les plus purifiées de toute trace d’expérience, du plus haut idéal. Et c’est là que nous devons chercher la mesure de notre humilité et de notre force à la fois.

Au contact de Faure, on s’initie à l’art dans ce qu’il a de plus fondamental ; dans sa vision des choses, reprendre le cours d’une histoire provenant des tréfonds des âges est une manière de nous faire adhérer à l’idée qu’il y a une continuité naturelle entre l’utile de la technique et la fonction esthétique de l’art. Sans cette présupposition, on risque la fausse route.
L’art est d’abord un outil d’utilité immédiate, comme les premiers balbutiements du verbe : désigner les objets qui l’entourent, les imiter ou les modifier pour s’en servir, l’homme ne va pas au-delà. L’art ne peut être encore un instrument de généralisation philosophique qu’il ne saurait pas utiliser, mais il forge cet instrument, puisqu’il dégage de son milieu quelques lois rudimentaires qu’il applique à son profit.
Elie Faure, Histoire de l’art, t.1
Avant l’histoire, I (Folio Essais, p.40, 41, imprimé en 1988)

J’aime me rappeler ces mots qu’il se plaisait à répéter et dont la paternité revient à Auguste Renoir:
Ne me demandez pas si la peinture doit être objective ou subjective. Je vous avouerai que je m’en fous.
Concernant les rapports entre Élie Faure et Auguste Renoir, je trouve dans la préface de Martine Chatelain-Courtois les mots dans lesquels on saisit la figure maîtresse de Faure, maître avant tout, personnage charismatique :
Le passeport de Faure Élie-Paul-Jacques, qui donne des conférences sur l’art dans le monde entier en 1931–1932, indique : « Profession : Médecin ». Et Renoir, qui appréciait d’autant plus la modestie du grand écrivain qu’il se voulait lui-même un simple « ouvrier de la peinture », partageait avec son « cher docteur » un silence complice en évitant les discussions d’esthétique, et en lui parlant avec humour de ses hémorroïdes — quitte à dire le bien qu’il pensait de son œuvre quand Élie Faure n’était plus là.
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Apr 6, 2010 | Arts |
Il existe un moment critique, lorsqu’on n’a en tête que le doux bruissement des pages tournées au cœur de la bibliothèque (j’ai appris ce matin que le mot Bible venait de bibliothèque, et non le contraire — du grec ancien βιϐλία (Biblia), mot neutre au pluriel qui signifie « livres », oui parce qu’en fait, c’est ce qu’est la Bible, une collection de livres, au cas où l’information soit passée inaperçue) sous la coupole immense, où l’on peut très vite se retrouver suspecté de n’être qu’un rat parmi les livres, dévorant des tonnes et des tonnes d’ouvrages collectés patiemment et sauvés de la brutalité du monde (oui, le monde est brutal, les gens aussi — j’entre en phase de rébellion structurelle), conservés pendant des centaines d’années par des êtres tout entier dévoués à la culture du papier (on reconnaît généralement le messie à son pull en acrylique rouge et un pantalon à pinces de couleur… indéfinissable) dans un contexte où très vite, on se voit taxé d’intello poussiéreux et fatiguant. Bref. J’ai découvert des livres fascinants et je me dois de vous faire partager ça sans quoi on aurait tôt fait de me faire un procès pour rétention d’information.

Tout d’abord, commençons avec ces livres édités dans les années 80 sous une couverture en toile et que je me souviens avoir compulsé dans plusieurs bibliothèques (désormais épuisés), c’est la Grammaire des formes et des styles. Ces livres, édités par l’Office Du Livre, sont de véritables mines d’or comme on n’en fait plus. Cette grammaire n’est ni plus ni moins qu’un inventaire visuel, gravures à l’appui, chaque volume est abondamment illustré et documenté et constitue un véritable puits de science pour toute personne s’intéressant à l’art. Comme je le disais précédemment en citant Malraux, avec l’apprentissage de l’art, rien ne vaut une savante documentation pratique faite d’images, d’icônes, de plans, coupe et élévation, que sais-je !! Abreuvez-nous et tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !! (pardon, je m’emballe — à noter que le sac de Béziers n’est pas un accessoire de mode trendy). Voici les exemplaires que j’ai trouvé (impossible de trouver un catalogue exhaustif — mais non je ne mets pas ces liens au cas où vous auriez une irrépressible envie de me faire des cadeaux…):
Je viens de trouver également ce superbe livre de Jean Clottes (j’en ai parlé lors de mon exposé sur les chamanes de la préhistoire), L’art des cavernes préhistoriques. J’aime beaucoup l’approche très novatrice de Clottes pour qui l’art pariétal est en prise directe avec le chamanisme et pas simplement un art pour l’art, un art de “décoration” ou même fonctionnel. Il introduit une véritable perspective psychologique et religieuse dans l’art des cavernes. J’en parle avec la larme à l’œil et le vice chevillé au corps, car ce livre, édité par Phaidon, est épuisé en France. Seulement, samedi dernier, je l’ai trouvé dans un rayonnage et je compte bien faire main basse dessus (ne comptez pas sur moi pour vous dire où).
Enfin (je me suis fait confirmer par ma petite sœur étudiante en histoire de l’art que c’était une référence), les Manuels de l’Ecole du Louvre. Voici des livres pas faits comme les autres. Si on y trouve des fiches détaillées sur des œuvres clef, ces livres sont bourrés de cartes, plans, bibliographie détaillée, glossaire technique, de trucs et de machins très bien documentés et qui en font réellement un manuel de référence ; ce sont également de très beaux livres richement illustrés d’œuvres pour la plupart exposées dans des musées étrangers. Des livres vraiment très techniques.

Lors de ma visite dominicale à la Conciergerie, j’ai découvert sur un étalage de la boutique que les Editions du patrimoine avaient publié un “vocabulaire” typologique et technique des arts, de vrais bon gros bouquins dont le nombre d’illustrations est plus conséquent que le nombre de pages. Question prix, on avoisine les 75 euros, et là, ce n’est plus de l’ordre du raisonnable. Ce sont de véritables encyclopédies techniques à mon sens réservées à des spécialistes, mais qui restent de très beaux livres.
Pour terminer, j’avoue, j’ai craqué pour cette magnifique œuvre de Louis Massignon (4 tomes, 1952 pages, que mon âme de lecteur brule en enfer !). Ça tombait bien, moi qui avais l’intention de me fouetter avec des orties fraîchement coupées et faire pénitence…

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Mar 25, 2010 | Arts |
Apprendre l’art nécessite plus que des descriptions. Son histoire est pétrie de toutes les diversités des peuples du monde et de mystères qui resteront peut-être à jamais scellés derrière le mortier des temples les plus anciens, et c’est précisément cela qui le rend attrayant. Toutefois, apprendre l’art sans le voir, c’est un peu comme rester au pied de la pyramide et ne pas pouvoir y entrer, une incroyable frustration, ça a besoin de texte mais aussi d’images, de reproductions qu’on idolâtre comme de saintes icônes parce que l’isolement dans les musées, leur éloignement et parfois même l’isolement dans des caves à l’abri de l’humidité, de la lumière et des yeux malveillants du public, tout ceci nous rend le témoignage du passé peu verbeux. Malraux avait cette vision des choses :
« Il appartient à l’histoire de donner aux œuvres toute leur part du passé, mais il appartient à certaines images d’en révéler l’énigmatique part de présent, sans laquelle l’histoire de l’art deviendrait sœur de celle du costume ou de l’ameublement. »
André Malraux, L’Univers des formes, Gallimard, 1960
Pour illustrer cette histoire, il a voulu une immense fresque de la plus belle histoire de notre humanité, qui se traduit aujourd’hui par une collection unique au monde, L’univers des formes, éditée par Gallimard en 42 volumes, vendue à ce jour à plus de 800 000 exemplaires.

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