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Arta­serse, par Domè­nec Terradellas

Juan Bau­tis­ta Ote­ro par © Car­los Pericás

Voi­ci un com­po­si­teur dont vous n’en­ten­drez pas par­ler tous les jours, car dans la mul­ti­tude de com­po­si­teurs ita­liens, fran­çais ou alle­mands qui émaillent la période baroque de la musique, ils s’en trouvent peu qui, comme lui, sont cata­lans. Domè­nec Ter­ra­del­las est né à Bar­ce­lone, mais très vite, à l’âge de 19 ans, il part à Naples pour étu­dier la musique et autant dire que cet évé­ne­ment bou­le­ver­se­ra sa vie mais aus­si sa vision de la musique. Arta­serse est une œuvre majeure, pro­fonde, com­po­sée sur un livret de Pie­tro Metas­ta­sio, jouée pour la pre­mière le 26 décembre 1744 au Théâtre San Gio­van­ni Gri­so­sto­mo de Venise. Si Ter­ra­del­las n’a pas l’in­ven­ti­vi­té déca­pante de Haen­del, il signe là une orches­tra­tion auda­cieuse avec un orchestre com­plet et fébrile, d’a­près l’his­toire du roi aché­mé­nide Artaxerxès Ier.

[audio:artaserse.xol]

Atto II — Aria di Arbace: Per Quel Pater Amplesso

Domè­nec Ter­ra­del­las – Arta­serse – Direc­tion : Juan Bau­tis­ta Otero
Arta­serse: Ana Maria Pan­za­rel­la (sopra­no) — Arbace : Céline Ric­ci (sopra­no) — Man­dane : Mari­na Com­pa­ra­to (mez­zo­so­pra­no) — Semi­ra: Sun­hae Im (sopra­no) — Arta­ba­no: Agustín Pru­nell-Friend (ténor) — Mega­bise: Mariví Blas­co (sopra­no)
RCOC Records, 2008

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Empe­reurs infor­tu­nés de Byzance (6) : les grap­toi et les man­di­bules de Méthode

Afin de bou­cler le cha­pitre sur les empe­reurs de Constan­ti­nople et de jeter un voile sur cette période trouble qui n’eut presque que pour unique objet ce qu’on appe­la la que­relle des images, nous allons ter­mi­ner avec l’un des pires artistes de l’i­co­no­clasme, l’empereur Théo­phile (qui, selon l’é­ty­mo­lo­gie, veut tout de même dire qui aime Dieu, ou qui est aimé de Dieu — ça n’aide en rien à com­prendre, c’est juste pour pré­ci­ser). Celui-ci est mort dans son lit après avoir été bles­sé lors de la prise de sa ville natale par le calife, cal­me­ment, loin du tumulte des choses poli­tiques et des com­plots our­dis, et l’his­toire retien­dra de lui qu’il œuvra pour ten­ter de réduire la cor­rup­tion dans son empire.

Deux poètes venus de Pales­tine à la demande du patriarche de Jéru­sa­lem afin de le convaincre de ces­ser de per­sé­cu­ter les chré­tiens ado­ra­teurs des images firent les frais de sa cruau­té ; Théo­phane et Théo­dore, par­ti­cu­liè­re­ment viru­lents dans leurs poèmes et dans leurs pro­pos finirent atta­chés dans une cel­lule où le bour­reau se char­gea de leur lais­ser un joli sou­ve­nir. (more…)

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Empe­reurs infor­tu­nés de Byzance (5) : Léon III l’I­sau­rien, à l’o­ri­gine de la que­relle des images

Avant-der­nier volet avant de conclure avec le sujet ; voi­ci un retour en arrière avec le père du pré­cé­dent. Second siège de Constan­ti­nople, 717–718. Les Sar­ra­zins du calife omeyyade tentent de prendre d’as­saut la ville, pro­té­gée par la muraille de Théo­dose sur la terre et par la chaîne de Gala­ta inter­di­sant l’en­trée dans la Corne d’Or. L’hi­ver 717 est consi­dé­ré comme un des pires dans l’his­toire des sièges pour les assaillants. Patau­geant dans la boue froide et la neige, les Sar­ra­zins affa­més furent obli­gés de dévo­rer leurs che­vaux pour sur­vivre, jus­qu’au dérou­le­ment des combats.

Léon III l’I­sau­rien et son fils Constan­tin V Copronyme

La bataille fait rage et sous les coups de bou­toir de l’ar­mée des Sar­ra­zins, les Chré­tiens sortent les grands moyens : une icône… Selon la légende, c’est en par­tie le point de départ de la guerre décla­rée aux images dans l’empire byzantin…

A chaque ins­tant il fal­lait s’at­tendre à une ruée géné­rale sur les pre­miers murs de défense que, plu­sieurs fois sub­mer­gés sous le nombre, nous finîmes par leur aban­don­ner. Il fal­lait dès lors veiller à tenir leurs béliers loin des portes et sur­tout empê­cher leurs machines de siège d’être his­sées sur le gla­cis. En l’un des points de la muraille, insuf­fi­sam­ment for­ti­fiée et sur lequel les Arabes sem­blaient vou­loir concen­trer leurs coups, la popu­la­tion du quar­tier voi­sin vint en pro­ces­sion faire don d’un por­trait du Christ trô­nant. Les fidèles étaient per­sua­dés que cela seul suf­fi­rait à déjouer les entre­prises des Sar­ra­zins et ren­drait la porte invul­né­rable. Et cha­cun de citer des cas où les assaillants avaient été repous­sés ou jetés au sol comme sous l’ef­fet d’une puis­sance invin­cible. A peine eut-on le temps de dis­po­ser l’i­cône, bien en évi­dence à l’emplacement conve­nu, qu’une pluie de traits s’a­bat­tit sur le rem­part. Cela n’a­vait fait au contraire qu’ex­ci­ter la fureur des Musul­mans ; et des quar­tiers de roche, pro­pul­sés par la détente brève et sèche des cata­pultes, vinrent mordre la sur­face lisse de la pierre qui grin­çait affreu­se­ment sous le choc, se fen­dait en deux au point d’im­pact, étoi­lant sa sur­face en une mul­ti­tude d’é­clats tran­chants. Aucun n’at­tei­gnait son but. Mais les secousses bru­tales, impri­mées tou­jours au même endroit de la muraille, et qui la fai­sait vaciller, eurent pour résul­tat que l’i­cône se décro­cha et, à la stu­peur géné­rale, tom­ba au pied du mur d’en­ceinte. De plus la maçon­ne­rie ayant été ébré­chée, la terre et les pierres qui y avaient été bour­rées à la hâte se répan­dirent au-dehors, comme d’une outre cre­vée. Cette accu­mu­la­tion de débris for­mait pour l’as­saillant une rampe d’ac­cès par où il lui deve­nait plus facile de s’é­lan­cer. Et au lieu de répa­rer au plus vite, d’é­va­cuer cette terre et de remettre le contre­fort d’a­plomb, la gar­ni­son n’eut plus qu’une idée : entrou­vrir un ins­tant la porte pour sor­tir récu­pé­rer à tout prix l’i­cône qui gisait en contre­bas, par­mi les pierres et les gra­vats. […] L’i­cône fut per­due dans la bataille, brû­la peut-être quand s’ef­fon­dra la tour, ne put jamais être récu­pé­rée. Voi­là en tout cas à quels périls la fureur ido­lâ­trique de cer­tains avaient expo­sé la ville et jus­qu’à l’exis­tence même de l’empereur. Léon III retint la leçon et sans doute ce jour-là se jura-t-il d’y por­ter remède à la pre­mière occasion.

Extrait de la « Vie de Léon III », rédi­gée par Hila­rion, his­to­rio­graphe à la cour, pour ser­vir à l’é­di­fi­ca­tion de l’empereur Léon V l’Arménien.

Quelques temps après, la flotte pour­tant robuste du calife fut lit­té­ra­le­ment broyée par l’u­ti­li­sa­tion d’une tech­nique abso­lu­ment nou­velle et par­fai­te­ment maî­tri­sée: le feu gré­geois. La sub­stance pro­je­tée contre les navires pre­nait feu ins­tan­ta­né­ment et conti­nuait de brû­ler sur l’eau, inter­di­sant tout espoir de sur­vie pour ceux qui se jetaient à l’eau pour ten­ter d’é­chap­per au feu qui dévo­rait leur embar­ca­tion. De l’é­vé­ne­ment appa­rem­ment sans consé­quence de l’i­cône per­due décou­la une averse de haine sur un Empire qui com­men­çait déjà à se déliter.

Texte extrait de l’Iconoclaste, d’Alain Nadaud
Edi­tions Quai Vol­taire, 1989

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Empe­reurs infor­tu­nés de Byzance (4) : le Copronyme

Reve­nons un peu en arrière. Constan­tin V fut l’un des empe­reurs les plus craints de la période byzan­tine. Réso­lu­ment ico­no­claste, il per­sé­cu­ta moines et moniales de la pire façon qui soit, mis­sion­nant des expé­di­tions puni­tives au sein même des monas­tères, obli­geant les gens d’é­glise à toutes sortes d’exac­tions qui font froid dans le dos. Nous sommes dans une époque sombre. Léon III l’I­sau­rien, son père, fut celui qui ame­na en terre de Constan­ti­nople l’i­déo­lo­gie ico­no­claste et en fit une nou­velle poli­tique théo­lo­gique, au terme du siège qui oppo­sa le Cali­fat Omeyyade à la Nou­velle Rome et qui se ter­mi­na dans un bain de sang. Son esprit radi­cal le por­tant à sou­te­nir les idées de son père, il se fit très rapi­de­ment des enne­mis dans le camp des chré­tiens, géné­rant de nom­breuses réac­tions et des sobri­quets lui tom­bèrent vite sur le dos. La légende reste tenace, mais on ne sait réel­le­ment si les évé­ne­ments qui lui valurent le sur­nom de « Copro­nyme » (Κοπρώνυμος), ce qui veut dire lit­té­ra­le­ment « nom de merde », ont réel­le­ment eu lieu. Voi­ci la rela­tion des faits inter­ve­nus le jour de son bap­tême par le Min­sou­ra­tor Léontios.

Constan­tin V Copro­nyme et son père Léon III l’Isaurien

[…] Enfin, on m’ap­por­ta un encen­soir tout fumant. Le prince impé­rial fut alors plon­gé dans l’eau gla­cée de son bap­tême, conti­nuant comme un for­ce­né à se convul­ser et à écla­bous­ser de par­tout, au risque d’é­chap­per aux mains qui le tenaient. L’hymne sacré s’é­le­va d’une seule voix du Baptistère :

Tu es bap­ti­sé au nom du Seigneur,
Sois notre frère en Jésus-Christ…

A peine ces pre­mières paroles eurent-elles été pro­non­cées, et alors qu’elles nous reve­naient, reprises comme en écho, par toute la Grande-Église, qu’on vit le patriarche se recu­ler, ses traits défi­gu­rés par l’é­pou­vante. Aus­si­tôt après avoir sor­ti l’en­fant de l’eau, il ne le por­tait plus à bout de bras qu’a­vec dégoût. On aurait dit que d’un ins­tant à l’autre il allait le lâcher. Il se tour­na d’a­bord vers l’empereur sans ces­ser sa gri­mace, puis vers l’as­sis­tance dans le but d’en récla­mer une aide ou de la prendre à témoin, sup­pliant qu’on l’en débar­ras­sât. Seuls quelques-uns l’en­ten­dirent mur­mu­rer, pour lui-même : « Mon Dieu, quelle hor­reur ! Satan a fait son œuvre. Voi­là qui pré­sage les plus grands maux pour les chré­tiens ! Cet enfant souille­ra l’Église ! »
Intri­gué, et sans qu’on eût com­pris sur-le-champ les rai­sons de ce désar­roi, cha­cun à son tour se pen­cha, incli­nant sa lampe au-des­sus de la conque de marbre. A la sur­face de l’eau noire flot­taient de minus­cules étrons. L’en­fant venait de défé­quer dans les fonts bap­tis­maux. Qui put ima­gi­ner une chose pareille ? […]

Réfu­ta­tion par le Min­sou­ra­tor Léon­tios, chef des thu­ri­fé­raires, des accu­sa­tions diverses dont il fut l’ob­jet à la suite des inci­dents qui mar­quèrent le bap­tême de Constan­tin, dit « le Copronyme ».

Le règne de l’empereur, pour­tant fin stra­tège et chef mili­taire hors pair au point que l’on prê­ta à son fan­tôme cer­taines vic­toires contre les Bul­gares, fut pas­sa­ble­ment tour­men­té. La per­sonne de l’empereur fut elle-même sou­mise à l’at­tri­bu­tion d’un autre sur­nom ; « Cabal­li­nos », c’est-à-dire à peu de choses près, le che­val­lin. Ama­teur de courses de che­vaux dans l’Hip­po­drome, il aimait éga­le­ment s’a­don­ner à divers plai­sirs dans les écu­ries… Un de ses passe-temps, dit-on, était de s’as­per­ger le corps de l’u­rine de ses juments et de s’en­duire de leurs excré­ments… Res­pec­tant peu les pré­ceptes de la reli­gion, il conver­tit l’é­glise Sainte-Euphé­mie en dépôt de fumier et y ins­tal­la cer­tains de ses che­vaux, et il était de noto­rié­té publique que s’en­ga­geait fré­quem­ment des courses pour­suites entre les stalles, qui se ter­mi­naient dans la litière souillée et puante des ani­maux, le corps maigre de l’empereur enfour­chant celui du pre­mier pale­fre­nier qu’il trouvait…

Atteint du char­bon, une plaie béante lui dévo­rant la cuisse, il finit sa vie tour­men­tée en cam­pagne et dans un état de déla­bre­ment et de folie terrible.

Le simple contact d’une jam­bière de métal ou d’une étoffe lui était comme un fer rouge appli­qué sur sa plaie. Il allait donc à demi nu, ce qui n’é­tait pas, disait-on, tout à fait pour lui déplaire. […] La pous­sière noire qui tom­bait de ses pus­tules emplis­sait à la fois d’hor­reur et de com­pas­sion les sol­dats que ses faits d’arme conti­nuaient à lui gar­der fidèles et qui le véné­raient à l’é­gal d’un dieu. […] Consu­mé par une fièvre ardente, Constan­tin de temps à autre se pre­nait à hur­ler : « Je suis brû­lé vivant par un feu inextinguible. »

Frag­ment de « vie, mort et légendes de Constan­tin V » par un ano­nyme du XIIème siècle.

Constan­tin mou­rut dans d’a­troces souf­frances le 14 sep­tembre 775, soit disant en ser­rant contre son cœur l’i­cône de la Vierge Théo­to­kos qu’il avait pas­sé sa vie à persécuter.

Tous les textes sont extraits de l’Ico­no­claste, d’Alain Nadaud
Edi­tions Quai Vol­taire, 1989

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Empe­reurs infor­tu­nés de Byzance (3) : Quelques infor­tu­nés empe­reurs jus­qu’aux peurs insen­sées de l’Arménien

A la suite d’Irène l’A­thé­nienne, écar­tée du pou­voir, vien­dra son logo­thète (sur­in­ten­dant des finances) qui régne­ra sous le nom de Nicé­phore Ier et qui res­te­ra sur le trône pen­dant neuf. La fin de son règne s’a­che­va brus­que­ment à la bataille de Plis­ka lorsque son rival, le khan bul­gare Krum lui cou­pa lui-même la tête et avait l’ha­bi­tude de se ser­vir du crâne de son enne­mi comme d’un calice… Son suc­ces­seur, Michel Ier Rhan­ga­bé ne règne que deux ans. Per­son­nage sans enver­gure aux prises de déci­sions contra­dic­toires, il engage une bataille contre les Bul­gares où son futur suc­ces­seur, Léon, se désen­gage avec son bataillon. L’ar­mée byzan­tine est mas­sa­crée, Michel revient à Constan­ti­nople défait et abdique en 813. Il se retire dans un monas­tère et meurt un an plus tard. Léon V est alors cou­ron­né. (more…)

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