Mar 21, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |

Mme D. tombe de haut.
Nous aussi.
Éberlués, le mot est assez juste pour qualifier nos premiers pas dans ce nouvel Hanoï du printemps 1992. En moins d’un an, la capitale du Vietnam a entamé, elle aussi, une mue d’autant plus surprenante qu’elle rompt ici avec trente-huit années — et non dix-sept — de stalinisme. Je songe à la réflexion d’un diplomate de Huê : « Les différences entre les deux Vietnam s’estompent, vous verrez. Mais c’est le nord qui fait tout le chemin. » Austère, cette ville ? Ah non ! C’est une grâce alanguie qui nous accueille, une fraîcheur intacte qui s’essaie à la liberté. Et peut-être au plaisir. Faut-il, à nouveau, compter les Honda, les Simson ou les Babetta (motos est-allemandes) dans les rues ? Photographier les élégantes trop maquillées dans les allées du parc Hoàn Kiêm ? Énumérer ce fourmillement de boutiques privées, d’étalages de terrasses où l’on joue au mah jong et au tô tom ; fourmillement qui, chaque jour davantage, rivalise avec celui de Saigon ? Parler des couleurs qui chatoient désormais sur les avenues ? De l’effronterie des marchandes de litchis qui commentent à voix haute le look de l’étranger ? Raconter tout ce que l’on vous propose — mais à voix basse cette fois — sur ces trottoirs du centre qui prennent, vers le soir, des allures de frairies ?

Raymond Depardon et Jean-Claude Guillebaud, La colline des anges
Retour au Vietnam (1972–1992)
Editions Points 1993
© Raymond Depardon/Magnum Photos
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Mar 17, 2013 | Livres et carnets |

Rivière Congo
Photo © CIFOR (Center for International Forestry Research)
Voici un récit journalistique écrit par Lieve Joris, une écrivaine belge de langue flamande dont le grand-oncle fut missionnaire au Zaïre. Lieve Joris et le Congo, c’est une vieille affaire, elle en a déjà tiré un livre en 1987 depuis qu’elle est partie sur les traces de cet oncle. Dans ce petit livre à l’écriture nerveuse, elle décrit son voyage sur les hauts plateaux du Congo, une partie du monde revêche et abandonnée, dans laquelle une umuzungu (une blanche) n’a rien pas grand-chose à faire, alors lorsque l’une d’elle traverse les villages, c’est une véritable attraction, on se presse autour d’elle, on veut la toucher, on veut la voir… C’est la raison pour laquelle elle ne pourra faire son voyage à pied qu’accompagnée de personnes proches des milices ou de l’armée. Obligée de mentir sur qui elle est, elle s’invente deux enfants et un mari, car une femme non mariée et sans enfants, ça n’existe tout simplement pas. On se rend compte alors du gouffre qui sépare les deux mondes, gouffre culturel, gouffre entre deux civilisations qui ne se connaissent ni ne peuvent s’interpénétrer tant les échanges dont elle parle ne se font que par interprète interposé. Les rencontres avec les notables des villages, les femmes, ses guides, tout ceci reste confronté à la barrière de la langue et manque d’authenticité, mais on ne pourra faire ce reproche à l’auteur qui a tenté de transpercer cette région difficile, dans laquelle elle se trouvera plusieurs fois placée face à des écueils. Arrivée près du lac Tanganyka, la situation va même faillir tourner en eau de boudin. On sent dans ce livre une tension incroyable entre les habitants, les militaires et la personne de Lieve Joris qui ne peut que livrer un témoignage de son passage, sans pouvoir outre mesure écrire sa propre page d’histoire au Congo. Elle dessine à sa manière une carte de cette région résistante à la manière des explorateurs du XIXème siècle.
Dehors, la lune pendait tel un ballon lumineux entre les cases. Dans quelques jours, elle serait pleine ; je pensai au curé Jorojoro qui avait été ravi de savoir qu’elle nous accompagnerait durant notre voyage. A Bijombo, j’avais reçu une lettre de lui. D’une belle écriture élégante, il me souhaitait bon courage et disait qu’à Minembwe tout le monde était en pensée avec moi.
Comme partout en Afrique, les enfants de Kagogo jouaient dehors les nuits de clair de lune. Ils se pressaient en riant devant les grandes ouvertures des fenêtres de la case et reniflaient bruyamment à cause de la fumée s’élevant du feu de bois. Ils portaient des tee-shirts déchirés et des blousons trop grands. Leurs yeux vifs, futés brillaient à la lueur du feu.
Lieve Joris, Les hauts plateaux
Actes Sud, 2009
traduit du flamand par Marie Hooghe
Ce livre a reçu le prix Nicolas Bouvier 2009
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Mar 14, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale) |

Temple de Wat Arun
(Temple de l’aube, Wat Arunratchawararam Ratchaworamahavihara
วัดอรุณราชวรารามราชวรมหาวิหาร)
Bangkok, rive droite du Chao Phraya, Thaïlande
Parce qu’il faut bien revenir… pour pouvoir repartir…
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Jan 20, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 27 juillet) : Retour à İstanbul
Bulletin météo de la journée (samedi) :
- 10h00 : 37.8°C / humidité : 44% / vent 22 km/h
- 14h00 : 37.8°C / humidité : 31% / vent 30 km/h
- 22h00 : 35.2°C / humidité : 78% / vent 13 km/h
Je me réveille sur les coups de 9h00, pour la dernière fois. La nuit n’a pas été bonne parce que j’ai laissé la climatisation toute la nuit et j’ai dû me lever pour l’éteindre, mais forcément, j’ai fini par avoir trop chaud. Il va falloir que j’apprenne à la régler de telle sorte à avoir la bonne température. Quand je me lève, je suis plein de courbatures, les jambes rompues, le dos cassé. Je prends mon petit déjeuner dans la salle du bas et à la télévision passe une très belle demoiselle qui chante du rap et s’amuse avec une canne comme les loulous de New-York City. La caricature est avantageuse. Elle porte le doux nom de Şimal, et chante une chanson qui s’appelle Şimal Yıldızı (chimal yeuldeuzeu) ce qui veut dire, à peu de chose près, Étoile Polaire. Je dois dire que j’aime bien…

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Jan 12, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Mon voyage en Turquie commence. Voilà bien deux ou trois mois que tout est déjà prévu, que les billets d’avion sont réservés, que les chambres d’hôtel le sont exactement. J’ai juste encore un petit doute sur les deux nuits d’hôtel pour les deux derniers jours à Istanbul mais j’attends en fait de voir à quoi il ressemble une fois sur place puisque de toute façon, je passe par là avant d’y revenir à la fin du mois. L’itinéraire, lui, est parfaitement bouclé, même s’il y aura toujours de la place à l’imprévu. Il faut savoir sur si je suis un grand voyageur dans ma tête, il n’y a réellement que peu de temps que j’ai commencé à réellement partir à l’aventure et que malgré mon côté assez peu organisé en apparence (j’ai du mal dans mon travail et dans ma vie à avoir une visibilité au-delà d’une semaine), il me fallait absolument pour partir trois semaines en Turquie m’organiser un minimum d’autant que j’ai commencé à fréquenter des coins un peu excentrés. Sur une carte de la Turquie, voici ce que ça peut donner :

Je pars de Paris le 27 juillet au matin et j’atterris en début d’après-midi à Istanbul, aéroport Atatürk. 5 jours prévus pour voir quelques petites choses qui m’ont échappées en avril. Ensuite départ en avion depuis Atatürk pour Antalya dans le sud, location de voiture et trajet assez long (environ 300 km) jusqu’à la petite ville de Kaş où je dois rester 8 jours. Je repars ensuite en voiture à 30 km de là seulement pour changer de rayon et m’installer dans une toute petite ville, Patara où je reste 4 jours. Ensuite, je retourne à Antalya pour rendre la voiture et prendre le car jusqu’à Nevşehir en passant par la ville de Konya. A Nevşehir, je prends une navette qui m’emmène jusqu’à Uçhisar où je reste 4 jours. Retour à Nevşehir pour prendre un vol interne jusqu’à Istanbul, où je reste deux jours avant de reprendre l’avion pour Paris. Si je compte bien, ça fait 24 jours en comptant le jour du départ. Vingt quatre jours !! Quand j’y pense, ça semble faire une éternité loin de chez soi, loin des gens avec qui l’on est familier et en même temps l’éloignement est d’autant plus important que je suis rarement parti aussi loin, qui plus en est en Asie. Mais voilà, c’est parti, il faut y aller. Lorsque le réveil sonne le 27 au matin, j’ai comme l’impression de ne plus vraiment être dans mon corps, ni même dans mon esprit, c’est comme si déjà j’avais endossé la peau de quelqu’un d’autre, la transformation s’est amorcée.
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