Rivière Congo
Photo © CIFOR (Center for International Forestry Research)
Voici un récit journalistique écrit par Lieve Joris, une écrivaine belge de langue flamande dont le grand-oncle fut missionnaire au Zaïre. Lieve Joris et le Congo, c’est une vieille affaire, elle en a déjà tiré un livre en 1987 depuis qu’elle est partie sur les traces de cet oncle. Dans ce petit livre à l’écriture nerveuse, elle décrit son voyage sur les hauts plateaux du Congo, une partie du monde revêche et abandonnée, dans laquelle une umuzungu (une blanche) n’a rien pas grand-chose à faire, alors lorsque l’une d’elle traverse les villages, c’est une véritable attraction, on se presse autour d’elle, on veut la toucher, on veut la voir… C’est la raison pour laquelle elle ne pourra faire son voyage à pied qu’accompagnée de personnes proches des milices ou de l’armée. Obligée de mentir sur qui elle est, elle s’invente deux enfants et un mari, car une femme non mariée et sans enfants, ça n’existe tout simplement pas. On se rend compte alors du gouffre qui sépare les deux mondes, gouffre culturel, gouffre entre deux civilisations qui ne se connaissent ni ne peuvent s’interpénétrer tant les échanges dont elle parle ne se font que par interprète interposé. Les rencontres avec les notables des villages, les femmes, ses guides, tout ceci reste confronté à la barrière de la langue et manque d’authenticité, mais on ne pourra faire ce reproche à l’auteur qui a tenté de transpercer cette région difficile, dans laquelle elle se trouvera plusieurs fois placée face à des écueils. Arrivée près du lac Tanganyka, la situation va même faillir tourner en eau de boudin. On sent dans ce livre une tension incroyable entre les habitants, les militaires et la personne de Lieve Joris qui ne peut que livrer un témoignage de son passage, sans pouvoir outre mesure écrire sa propre page d’histoire au Congo. Elle dessine à sa manière une carte de cette région résistante à la manière des explorateurs du XIXème siècle.
Dehors, la lune pendait tel un ballon lumineux entre les cases. Dans quelques jours, elle serait pleine ; je pensai au curé Jorojoro qui avait été ravi de savoir qu’elle nous accompagnerait durant notre voyage. A Bijombo, j’avais reçu une lettre de lui. D’une belle écriture élégante, il me souhaitait bon courage et disait qu’à Minembwe tout le monde était en pensée avec moi.
Comme partout en Afrique, les enfants de Kagogo jouaient dehors les nuits de clair de lune. Ils se pressaient en riant devant les grandes ouvertures des fenêtres de la case et reniflaient bruyamment à cause de la fumée s’élevant du feu de bois. Ils portaient des tee-shirts déchirés et des blousons trop grands. Leurs yeux vifs, futés brillaient à la lueur du feu.
Lieve Joris, Les hauts plateaux
Actes Sud, 2009
traduit du flamand par Marie Hooghe
Ce livre a reçu le prix Nicolas Bouvier 2009
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