Ubud sto­ries #2 : Pura Dalem Agung Padangtegal

Ubud sto­ries #2 : Pura Dalem Agung Padangtegal

Pura Dalem Agung padang tegal

Ubud sto­ries #2

Pura Dalem Agung Padang­te­gal, un haut lieu de la culture bali­naise et de la reli­gion. Bali est sur­nom­mé l’Île des dieux car c’est la seule île de l’Ar­chi­pel indo­né­sien à pra­ti­quer le boud­dhisme en majo­ri­té. Dans un pays à très grande majo­ri­té musul­mane, Bali est un bas­tion d’une reli­gion qui compte des dieux par milliers.

Ici est le lieu de dévo­tion au dieu suprême Sang Hyang Wid­hi Wasa, connu aus­si sous le nom d’A­cin­tya, ou Tung­gal. Dans le boud­dhisme bali­nais, il n’y a pas de dieu supé­rieur à celui-ci, à l’o­ri­gine de tout, l’é­qui­valent de Brah­ma dans le boud­dhisme tra­di­tion­nel. Je m’en ren­drai par­ti­cu­liè­re­ment compte plus tard lorsque je visi­te­rai l’en­ceinte de la forêt des singes.

C’est un petit temple dans lequel on ne peut pas entrer. Toute la res­pec­ta­bi­li­té du lieu trans­pire dans les innom­brables sta­tues qui en forment l’en­ceinte de pierre. La pierre est noire, très cer­tai­ne­ment vol­ca­nique et poreuse, ce qui per­met à une végé­ta­tion micro­sco­pique de s’y atta­cher et de pros­pé­rer dans des condi­tions d’hu­mi­di­té opti­males. Je touche cette pierre végé­tale et me laisse impré­gner par la dou­ceur de cette vie qui pros­père sur les ves­tiges du passé.

Au milieu de la cour du temple, vierge de toute pré­sence, se trouve un sanc­tuaire recou­vert de paille de riz, au toit légè­re­ment ren­flé, au milieu duquel se trouve un trône vide ; c’est la repré­sen­ta­tion la plus com­mune du dieu. Le vide est son attri­but. Pré­sent sans l’être, omni­po­tent sans être repré­sen­té, il est l’in­car­na­tion de cette dualité.

Ce qui me frappe sur­tout en ces lieux, c’est la mul­ti­pli­ci­té des créa­tures qui ornent les limites du temple. Monstres gri­ma­çants, visages aux yeux exor­bi­tés, désaxés, faciès aux dents poin­tues, billes rondes presque ridi­cules, cer­taines sont armées de masses et de gour­dins impres­sion­nants… Tous sont recou­verts de la même mousse verte intense. L’ombre des grands arbres joue avec les reliefs de ces per­son­nages cen­sés repous­ser les esprits malins. Les bas-reliefs fine­ment cise­lés témoignent de la richesse et de l’im­por­tance des lieux dans les croyances.

Je me sens bai­gné d’une atmo­sphère pro­tec­trice, tan­dis que le soleil éclate et que l’air semble se faire rare tant l’hu­mi­di­té est pré­gnante. Pen­dant ce temps-là, la horde joyeuse des Chi­nois et des Aus­tra­liens conti­nue de se prendre en pho­to par­mi les singes pour les­quels je n’ai qu’une petite pen­sée… Et s’ils chas­saient ces intrus de leur ter­ri­toire ? Une bonne fois pour toute.

Moment récol­té le 21 février 2014. Ecrit le 23 jan­vier 2019.

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Retour sur terre en com­pa­gnie des toutes petites choses

Retour sur terre en com­pa­gnie des toutes petites choses

Ce n’est pas vrai­ment l’en­fer, mais c’est tout de même bien loin d’être le para­dis. Trois semaines en dehors des choses connues et l’es­prit com­plè­te­ment relâ­ché, et je suis inca­pable de me réadap­ter com­plè­te­ment à la vie d’i­ci. C’est comme si j’é­tais res­té dans un entre-deux de la connais­sance, que tout me sem­blait éloi­gné de mes pré­oc­cu­pa­tions, si tant est que j’aie encore des préoccupations.

Tout est étran­ge­ment silen­cieux et calme, confor­table et je trouve étrange de n’a­voir pas beau­coup de sou­ci à me faire. C’est comme un cocon de dou­ceur qui m’en­ve­loppe. La dou­ceur rêvée des ins­tants calmes et des rêves qui se font dis­crets, qui hantent mes journées.

Je fais n’im­porte quoi, je lis trois livres à la fois, je joue à la belote avec des incon­nus, je relis mon car­net de voyage en Thaï­lande pour faire reve­nir les odeurs et les sen­sa­tions qui sont tou­jours très pré­sentes, je des­sine des motifs arabes sur un grand cahier en me deman­dant encore à quel moment je vais pas­ser à la réa­li­sa­tion de ces pein­tures que je sou­haite appli­quer sur les contre-marches de mon esca­lier, et si je suis comme ça c’est que je vis encore à l’heure asia­tique. La tem­po­ra­li­té n’est pas la même. Les quelques Thaïs que j’ai ren­con­trés au long de mes dif­fé­rents voyages ne sont pas des gens pres­sés, rien ne semble affec­ter leur déter­mi­na­tion à ne pas être déter­mi­nés dans leurs actions. C’est quelque chose d’as­sez désta­bi­li­sant lorsque l’an­goisse de ne pas être à l’heure que l’on res­sent et que l’on essaie de ne pas trop mon­trer n’est pas du tout per­çue de la même manière par un chauf­feur de taxi abso­lu­ment non­cha­lant et tai­seux, qui, lorsque vous lui faites remar­quer que c’est hal­lu­ci­nant ces embou­teillages à sept heures du matin vous sou­rit d’un air com­pa­tis­sant en repre­nant sa conver­sion avec son pote au télé­phone. De toute façon, que peut-il y faire ? A part s’en foutre, il ne lui reste qu’à conti­nuer de rou­ler cul à cul sur la seule route qui mène à l’aé­ro­port. Tout ce qui arrive… arrive. Désta­bi­li­sant aus­si cette étrange facul­té à ne jamais se démon­ter parce que visi­ble­ment, tout ceci ne ren­tre­ra pas dans le coffre du taxi ; ça finit tou­jours par ren­trer. Un car bloque la cir­cu­la­tion parce que lui-même est pas­sé par une route où il n’a pas la place de manœu­vrer ? Peu me chaut comme dirait l’autre, il y a tou­jours une bonne âme pour tailler la moi­tié d’un arbre ou dépla­cer une moto mal garée pour que tout ce petit monde soit enfin déli­vré de tout ce qui gène. Et ça finit par pas­ser, même si ça prend une heure. Il y a tou­jours une solu­tion à tout. Et puis sur­tout, ไม่เป็นไร ไม่เป็นไร ça se dit à peu près mai phen rai et ça signi­fie énor­mé­ment de choses. C’est bon, c’est ok, tout roule, ce n’est pas très grave, ne t’en fait pas, don’t wor­ry, etc. En bref, pas la peine de se prendre la tête. Ce n’est pas du fata­lisme, c’est juste un art de vivre, une façon désin­volte et assez sal­va­trice de se mou­voir dans le monde, un monde par­fois rude et sans conces­sion, c’est juste que ไม่เป็นไร… En réa­li­té, les Thaïs ne disent jamais ça. En tout cas, dans les nom­breuses situa­tions où j’au­rais pu l’en­tendre, il n’est jamais sor­ti de sa tanière. C’est comme si c’é­tait induit par la situa­tion, comme le hüzün stam­bou­liote, la sau­dade por­tu­gaise ou même le tea time lon­do­nien… une conven­tion qui ne dit pas son nom et qui est ancrée comme un ongle au bout du doigt.

Com­ment faire pour s’é­ner­ver (oui parce que c’est ce que fait tout Fran­çais nor­ma­le­ment consti­tué quand les choses ne vont pas comme il le sou­haite) quand autour de vous tout le monde se contre­fout roya­le­ment des consé­quences et tout ce qui peut arri­ver, grave, pas grave ou moyen­ne­ment grave, parce qu’en réa­li­té, ไม่เป็นไร… Ce n’est pas la solu­tion à tous les maux, ni même une uni­ver­selle clé des­ti­née à rendre le monde plus doux ou la misère moins contrai­gnante, c’est juste que ce n’est pas si grave que ça.

Et puis soyons un peu hon­nête, en Asie de manière géné­rale, plu­tôt perdre la vie que perdre la face… ไม่เป็นไร est la conju­gai­son thaï­lan­daise de cette manière d’être. Gar­der la face est une façon de mon­trer aux autres qu’on a adop­té une cer­taine ligne de conduite des­ti­née éga­le­ment à res­pec­ter autrui, sans le mettre dans l’embarras. Curieuse façon de voir les choses, me direz-vous, sur­tout vu depuis la lor­gnette qui est la nôtre, où les rap­ports de domi­na­tion s’exercent d’a­bord par le lan­gage avant de se tra­duire dans les actes. Alors pour­quoi sans arrêt être sur le qui-vive lorsque les innom­brables évé­ne­ments de la vie sont fina­le­ment ce qui peut arri­ver de mieux ? Non, ce n’est pas la théo­rie du Die beste aller mögli­chen Wel­ten de l’a­mi Leib­niz, mais une vision très posi­tive du monde qui per­met de s’af­fran­chir des mal­heurs du monde tout en s’im­po­sant une règle morale de res­pect d’au­trui. Et ça fonc­tionne plu­tôt pas mal.

Gar­dez-vous de pen­ser à faire du mal à autrui, il ne vous arri­ve­ra que des bri­coles, un sale kar­ma qui fera de votre pro­chaine vie un enfer dans lequel vous serez peut-être ame­nés à man­ger des insectes ou à vous pro­me­ner de branche en branche en pous­sant des cris de gib­bon… Parce que même pauvre, malade, sur­en­det­té, alcoo­lique ou mou­rant, dites-vous que ce qui vous arrive n’est fina­le­ment pas for­cé­ment désem­pli d’une cer­taine dou­ceur de vivre, et que mal­gré tout et défi­ni­ti­ve­ment, de manière irré­vo­cable et iné­luc­table… ไม่เป็นไร.

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Le cahier secret de Tony Lee

Le cahier secret de Tony Lee

De la même manière que Pytha­gore en son temps (au VIè siècle avant J.-C.) avait réus­si à théo­ri­ser la gamme hep­ta­to­nique en uti­li­sant sim­ple­ment des rap­ports de nombres entiers par la simple obser­va­tion mathé­ma­tique de la nature (c’est-à-dire sans uti­li­ser d’ap­pa­reil mesu­rant la fré­quence des notes), et même si le coquin n’a fait somme toute que redé­cou­vrir ce que les Baby­lo­niens avaient révé­lé quatre mille ans avant J.-C., la contrainte ico­no­claste de l’Is­lam a géné­ré un mode de repré­sen­ta­tion empê­chant toute carac­té­ri­sa­tion figu­ra­tive ou sym­bo­liste de la nature (en réa­li­té des êtres vivants).

De fait, cette inter­dic­tion ne concerne que les êtres vivants et l’his­toire, si elle n’est pas claire en soi, peut être com­prise par la des­truc­tion des idoles des poly­théistes de la Ka’­ba, à par­tir de laquelle le peintre et le sculp­teur sont consi­dé­rés comme des cri­mi­nels devant Dieu… On retrouve quelques bribes qui évoquent cette inter­dic­tion dans les hadiths, à défaut d’être pré­sente dans le Coran lui-même. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de théo­rie à pro­pre­ment par­ler de l’i­mage, que ce soit dans le Coran ou dans les hadiths. Ce ne sont que des inter­pré­ta­tions. On peut sur­tout inter­pré­ter cette inter­dic­tion comme une peur de l’idolâtrie plus que de l’i­mage elle-même :

« Certes, ceux qui font ces des­sins seront châ­tiés au jour de la résur­rec­tion : on leur dira : don­nez la vie à vos créations. »

— Bukhâ­rî, LXX­VII, 89, 2

Il n’est au final pas ques­tion de châ­ti­ment, ni de musique, mais d’un cahier trou­vé au hasard de mes péré­gri­na­tions sur la toile. Tony Lee, ou A.J. Lee (on peut sup­po­ser qu’il s’ap­pelle — ou s’ap­pe­lait — Antho­ny) est un incon­nu, un strict incon­nu décou­vert sur une page web dont la der­nière mise à jour date de 2009, et dont la date de créa­tion doit remon­ter à ce qu’on pou­vait trou­ver au début des années 2000. Bref une page toute bête, sans fio­ri­tures, don­nant quelques infor­ma­tions sur un cahier scan­né, dont la date de concep­tion remonte entre 1964 et 1985, autant dire une anti­qui­té. Et là, c’est une décou­verte fan­tas­tique. Ledit Tony Lee a consi­gné sur un cahier ligné toutes ses obser­va­tions mathé­ma­tiques et ses études sur l’é­toile dans les motifs d’art isla­mique. Une bible de toute beau­té, dif­fi­ci­le­ment déchif­frable et remet­tant à plat toutes les méthodes de construc­tion des motifs arabes. Écri­ture sobre, sans cor­rec­tion, à peine quelques ajouts, traits assu­rés, des­sins par­faits et com­men­tés, dia­grammes, tableaux de valeurs… Un vrai beau cahier d’é­tudes comme on n’en trou­ve­rait plus aujourd’­hui, habi­tués que nous sommes à tout écrire sur ordinateur.

Com­men­cer la lec­ture de ce cahier revient à plon­ger dans un uni­vers lumi­neux dans lequel on se rend compte que les chiffres et les bases de la géo­mé­trie sont en rela­tion directe avec le divin, c’est-à-dire la créa­tion. Si l’homme est capable de don­ner vie à des formes géo­mé­triques qui se croisent et s’en­tre­croisent et qu’il est de plus en capa­ci­té de don­ner à voir ce que l’u­ni­vers a d’har­mo­nieux, de constant et d’or­ga­ni­sé, c’est qu’il est à deux doigts de connaître un des secrets de l’u­ni­vers, sans tou­te­fois pou­voir s’en appro­cher plus que ça. Icare ne risque plus de se brû­ler les ailes en appro­chant le soleil de trop près. Cette forme d’art est en quelque sorte un révé­la­teur de la puis­sance de la connais­sance mais aus­si de sa limite.

Pour télé­char­ger l’in­té­gra­li­té de ce cahier, c’est sur cette page. Le site est en réa­li­té une base de don­nées per­met­tant de recher­cher des motifs selon plu­sieurs cri­tères. A tiling data­base.

Pho­to d’en-tête © Chris­to­pher Rose

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Une pluie de Bouddhas

Une pluie de Bouddhas

Des Boud­dhas comme s’il en pleu­vait, un mil­lion peut-être, peut-être plus, mais des myriades de Boud­dhas. Des Boud­dhas dans des niches dorées, accom­pa­gnés dans leur éveil de cen­taines de petits bâton­nets rouges à la pointe incan­des­cente des­si­nant dans l’air chaud des volutes incom­pré­hen­sibles et poin­tant du doigt le sens du vent, char­riant une odeur âcre et par­fu­mée qui embaume l’air où que l’on se trouve. Ici ou là, tout nous rap­pelle que la terre que nous fou­lons n’est ni plus ni moins qu’un espace de tran­si­tion entre notre exis­tence faite de chair et le monde vapo­reux des esprits et des dieux ; l’exis­tence des dieux ne fait pas de doutes, ils sont par­tout autour de nous et on nous rap­pelle sans cesse que le Prince Sid­dhar­tha passe son temps à se battre contre la ten­ta­tion de Māra et qu’il prend la terre à témoin dans la posi­tion du Bhû­mis­par­sha-Mudrā. Toute vie ne dure, en réa­li­té, qu’un seul et bref ins­tant de conscience…

Peu importe le nombre qu’ils repré­sentent, c’est la myriade qui fait sens, l’in­con­grue et imper­ma­nente mul­ti­pli­ci­té singulière.

Sym­bole de la dynas­tie Chakri

Pen­dant ce temps, la Thaï­lande mil­lé­naire vit son petit bon­homme de che­min dans l’ère moderne. Le bon roi Rama IX, Bhu­mi­bol Adu­lya­dej (ภูมิพลอดุลยเดช), mort en 2016 après un règne d’une lon­gé­vi­té excep­tion­nelle (70 ans, 4 mois et 4 jours, pen­dant les­quels il a tout de même épui­sé 26 pre­miers ministres) et une fin de règne mar­quée par un teint cireux et figé, a fina­le­ment lais­sé sa place à son suc­ces­seur. Dans la dynas­tie Cha­kri qui tient le pou­voir (oui enfin plus trop) depuis 1792, il reste quatre des­cen­dants, tous affu­blés de petits noms faciles à retenir.

  • Une pre­mière fille : Ubol­ra­ta­na Raja­ka­nya Siri­vadha­na Bar­na­va­di (อุบลรัตนราชกัญญา สิริวัฒนาพรรณวดี)
  • Un pre­mier fils : Maha Vaji­ra­long­korn Bodin­dra­de­baya­va­rang­kun (มหาวชิราลงกรณ บดินทรเทพยวรางกูร)
  • Som­dech Phra Deba­rat­ta­na­ra­ja­su­da Chao Fa Maha Cha­kri Sirind­horn Rat­tha­si­ma­gu­na­korn­piya­jat Sayam­bo­ro­ma­ra­ja­ku­ma­ri (สมเด็จพระเทพรัตนราชสุดา เจ้าฟ้ามหาจักรีสิรินธร รัฐสีมาคุณากรปิยชาติ สยามบรมราชกุมารี)
  • Som­det Phra­chao Luk Thoe Chao­fa Chu­labhorn Walai­lak Agra­ra­ja­ku­ma­ri (สมเด็จพระเจ้าลูกเธอ เจ้าฟ้าจุฬาภรณวลัยลักษณ์ อัครราชกุมารี)

Et c’est bien évi­dem­ment le gar­çon qui a rem­por­té le coco­tier sous le nom de Rama X et qu’on appel­le­ra pour plus de com­mo­di­té, Vaji­ra­long­korn. Mais voi­là, ce n’est pas un roi comme les autres. On l’a vu des­cendre d’un avion sim­ple­ment vêtu d’un top crop lais­sant appa­raître ses tatouages et d’un jean taille basse, pre­nant dans ses bras un caniche cer­tai­ne­ment royal. Pour faci­li­ter la vie à la famille royale, il s’est marié à une rotu­rière dont la moi­tié de la famille a été accu­sée de cor­rup­tion et crou­pit actuel­le­ment dans une geôle tro­pi­cale. Peu inté­res­sé par les choses du pou­voir, il a déci­dé de gou­ver­ner la Thaï­lande depuis son nid d’aigle bava­rois en lais­sant les affaires cou­rantes à ses sœu­rettes. Voi­là la Thaï­lande dans de beaux draps. Per­sonne ne vous le dira, mais tout le monde regrette le bon roi Rama IX, modèle de ver­tu et de sagesse…

Alors voi­là. La Thaï­lande revient dans la dis­cus­sion. J’aime les redites lorsque tout me convient. J’aime mar­cher à nou­veau dans mes pas et tant que je ne me lasse pas, je peux remettre ça autant de fois que je le sou­haite. Je fais la liste de toutes ces villes tra­ver­sées, de tous ces temples dans les­quels j’ai pu m’as­seoir, les pieds tour­nés à l’exact oppo­sée des Boud­dhas hié­ra­tiques, de tous ces wat, ubo­sot, che­di et viharn croi­sés sur le bord des routes, des Boud­dhas de la semaine (si vous êtes né un mar­di comme moi, sachez que c’est le jour du Pang Sai Yat, et que si Boud­dha est allon­gé ce jour-là, c’est parce qu’il a rabais­sé la fier­té de Asu­ra Rahu, eh oui…) Je me remé­more les lieux per­dus dans les­quels je me suis moi-même per­du, les petits quar­tiers où l’on mange un bouillon de pou­let et des nouilles sous des bâches sombres qui ont cette fâcheuse ten­dance à gar­der la cha­leur étouf­fante, les places gigan­tesques où la misère a du mal à se ter­rer et que l’on peine à sup­por­ter sous ces lati­tudes tro­pi­cales. Je me refais la liste de toutes ces choses que j’ai vues et dont je n’ai pas par­lé ici, parce que le temps est pré­cieux et que je ne sais même plus par où commencer.

J’ai posé mes valises à Sukho­thaï où j’ai eu tout le loi­sir de me faire dévo­rer par des mous­tiques car­nas­siers, à Phet­cha­bu­ri où je suis arri­vé en train après un voyage rocam­bo­lesque et où je me suis fait cour­ser par un singe grand comme en enfant qui en vou­lait à mon appa­reil pho­to, à Lam­pang où je me suis arrê­té en rase cam­pagne sous une pluie bat­tante pour visi­ter un temple shan qu’au­cune carte ne men­tionne, qu’au­cun guide ne connaît, j’ai vu un temple tout en métal à Bang­kok et l’en­droit pré­cis où l’on décou­pait les corps pour les funé­railles célestes, des Boud­dhas géants per­dus dans les marais, tel­le­ment grands que l’on a l’im­pres­sion qu’ils ont gran­di contraints entre quatre murs, j’ai vu un che­di dans lequel j’ai pu des­cendre et admi­rer des pein­tures du 15è siècle, des élé­phants se bai­gnant dans la rivière et des enfants jeter des bouts de pain pour nour­rir les pois­sons-chats de la Chao Phraya. J’ai vu des chiens errer autour des temples, atten­dant que les moines leur jette une poi­gnée de riz. L’an­née der­nière, j’ai fait une halte à Hanoï où j’ai visi­té le très joli temple de la lit­té­ra­ture et pu contem­pler la dépouille des­sé­chée de Ho Chi Minh et à Ninh Bình où je me suis pro­me­né sur une rivière encas­trée entre des falaises escar­pées rap­pe­lant la baie de Hạ Long. J’ai vu des pagodes dont la taille sur­pas­sait de loin tout ce que j’a­vais pu voir jusque là. Et sur­tout, j’ai bu un café dont je me sou­viens encore des effluves et qui reste gra­vé à tout jamais en moi comme étant l’o­deur de Hanoï.

J’aime la beau­té du monde car cette réa­li­té-là est unique. On n’y voit que la beau­té qu’on ne cherche pas.

[audio:thai/01-CM.mp3]

Il y a cinq ans de cela, je me suis arrê­té à Chiang Mai où je suis arri­vé un jour de mar­ché, c’é­tait un dimanche, j’y ai man­gé des œufs de caille cuits sur une planche et du riz gluant dans l’en­ceinte d’un temple en plein cœur de la ville, sous une cha­leur étouf­fante. L’hymne natio­nal a reten­ti dans les hauts-par­leurs accro­chés aux lam­pa­daires et toute la ville s’est arrê­tée, figée, pour hono­rer le roi. J’ai vu des Boud­dhas, petits, grands, dor­mant, joi­gnant leurs mains, j’ai vu une pluie de Boud­dhas et je ne compte pas m’ar­rê­ter là. Je pars bien­tôt au pays de la pluie de Boud­dhas, des myriades de Boud­dhas.… Peu importe leur nombre…

Pho­to d’en-tête © Chùa Bái Đính (Viet­nam Nord — août 2017)

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Retour en Cap­pa­doce. La route d’Özkonak

Retour en Cap­pa­doce. La route d’Özkonak

Retour en Cappadoce

La route d’özkonak

La Tur­quie est déjà loin. J’ai lais­sé der­rière moi Istan­bul, ses mos­quées et ses église, la côte sud et ses miracles, la Cap­pa­doce avec ses abri­cots juteux et la terre jaune qui s’est infil­trée sous ma peau. Depuis quelques mois déjà. Un mois pas­sé en Tur­quie, en plein mois de Rama­dan, c’est quelque chose qui laisse des traces. Mais il fal­lait que j’y retourne, m’a­ban­don­ner encore sur des pistes que je n’a­vais pas par­cou­rues, me repaître d’une terre désor­mais fami­lière et hospitalière.

Mais d’a­bord, un peu de musique pour se mettre dans l’am­biance, avec Kud­si Ergü­ner, vir­tuose du ney, cet étrange ins­tru­ment au col éva­sé qui se joue en souf­flant dedans en biseau. 

Cette fois-ci, j’at­ter­ris à Kay­se­ri, pré­fec­ture de la pro­vince du même nom et capi­tale éco­no­mique de la Cap­pa­doce, grosse ville de 1,35 mil­lions d’ha­bi­tants, sans charme mais pas sans his­toire puis­qu’on la retrouve sous l’an­tique nom chré­tien de Césa­rée, dont elle a tiré son nom turc moderne. La der­nière fois que je suis venu en Cap­pa­doce, j’é­tais arri­vé de nuit par Nevşe­hir après un tra­jet pour le moins pica­resque. Dans l’a­vion, j’ai tout de même réus­si à ren­ver­ser mon thé sur mon pan­ta­lon. Lorsque l’a­vion des­cend, il fait un soleil splen­dide sur la par­tie euro­péenne d’Is­tan­bul, sur un pay­sage de champs culti­vés et de lacs, où de temps en temps, émerge les mina­rets élan­cés des mos­quées qui, toutes, ont été construites selon la tra­di­tion ini­tiée par Mimar Sinan.

Turquie mai 2013 - Cappadoce 08 - Vol Istanbul Kayseri

Je ne fou­le­rais pas la terre d’Is­tan­bul tout de suite. J’at­tends mon trans­fert vers Kay­se­ri Erki­let Hava­li­manı (ASR) en siro­tant une limo­na­ta, fraîche et acide et un café turc, dans le grand hall du ter­mi­nal 3 d’Atatürk. L’a­vion qui repart vers l’est s’ap­pelle Afyon­ka­ra­hi­sar, petite ville à mi-che­min entre Konya et Izmir. Dehors il fait 23°C et une fois ins­tal­lé dans l’a­vion, je note le pré­nom des hôtesses de la com­pa­gnie Tur­kish Air­lines ; elles portent des pré­noms qui laissent rêveur : Bunu, Akma­ral… Je bois mon pre­mier Ayran au-des­sus des val­lons arron­dis de l’Anatolie…

Turquie mai 2013 - Cappadoce 11 - Vol Istanbul Kayseri

L’a­vion des­cend sur une plaine arro­sée par la pluie ; la Cap­pa­doce m’ac­cueille sous une pluie fine qui n’est pas sans me rap­pe­ler la Bre­tagne, ce qui a le don de me rendre morose. A l’aé­ro­port, je rejoins le comp­toir qui va me per­mettre d’en­le­ver ma voi­ture de loca­tion. Le type m’emmène cher­cher la voi­ture, c’est une grosse Ford Mon­deo à boîte auto­ma­tique. Vu que je ne sais pas conduire ce genre de véhi­cule j’in­siste pour qu’il me cède une boîte manuelle, ce qui le sur­prend pas­sa­ble­ment, il ne doit pas être habi­tué à tom­ber sur ce genre de per­sonnes. Et tout ceci se passe dans le vent frais d’un trou per­du de Tur­quie, au pied de l’Er­ciyes (du grec argy­ros qui signi­fie argent), mon­tagne iso­lée comme un téton dans la plaine, au toit de neige culmi­nant à 3916 mètres et qui se perd dans les nuages sombres char­gés de pluie.

Turquie mai 2013 - Cappadoce 16

Une fois la voi­ture en main, je file vers Çavuşin où m’at­tend ma chambre d’hô­tel. Le pay­sage n’est pas vrai­ment gai sous ce ciel de plomb. Ce ne sont que des cam­pagnes sans charme, une longue suc­ces­sion de vil­lages inhos­pi­ta­liers, d’u­sines en bord de route, de sta­tions-ser­vice et de camions char­gés à ras-bord. Tout le charme d’une auto­route.
Le type qui me reçoit à l’hô­tel parle un fran­çais impec­cable et m’emmène dans une chambre basse de pla­fond, entiè­re­ment creu­sée dans le grès de la mon­tagne ; ce qui m’in­ter­pelle immé­dia­te­ment, c’est la pré­sence d’un poêle à pétrole et l’in­croyable humi­di­té de la pièce. Je ne me trompe pas, les draps sont trem­pés… Je prends juste le temps de dépo­ser ma valise et salue un type qui me demande si tout va bien. C’est la réplique exacte de Joseph Kes­sel, un homme à la face buri­née qui se serait per­du dans ce trou de Cappadoce.

En 5 minutes de route, je suis à Göreme où je mange des mezze, une bro­chette de pou­let et un ayran. La ville semble déser­tée alors que j’ai eu du mal à trou­ver une chambre d’hô­tel… C’est incompréhensible.

A l’heure qu’il est, tout ce qui m’im­porte, c’est d’être ici à nou­veau, c’est comme si je me retrou­vais chez moi alors qu’au fond, il me semble que je ne connais rien, que je n’ai aucune idée de ce qui m’at­tend, que je ne sais pas tous les secrets et toutes les aven­tures, je ne sais rien du tout, mais tout me semble fami­lier, comme si on m’at­ten­dait, ou comme si moi j’at­ten­dais quelque chose. Je pro­fite de mon repas, un peu exté­nué par les mil­liers de kilo­mètres de cette jour­née, l’a­vion, deux fois, plus de 80km en voi­ture, l’im­pres­sion de bouf­fer de la route en tirant sur la corde pour arri­ver là où on a envie d’être… Demain, je serai sur les routes pour com­prendre ce que je fais là.

Au petit matin, il est 4h00, je n’ar­rive plus à dor­mir, mais je me force à res­ter au lit, dans des draps trem­pés et au beau milieu du gra­vier tom­bé du pla­fond. Si je reste ici, je vais finir par tom­ber malade. Mal­gré le charme de l’hô­tel, j’ai l’im­pres­sion de me retrou­ver à la cam­pagne, dans des draps de coton gros­sier que le maigre poêle n’ar­rive pas à sécher. Je trans­pire mal­gré l’at­mo­sphère insup­por­table. La pierre est si froide par terre que j’en ai mal aux pieds et la douche gla­cée ne fait rien pour me mettre de bonne humeur. J’ai l’im­pres­sion d’a­voir dor­mi dans une grotte et sor­tir au soleil est presque une tor­ture. Étrange lieu.

Après un petit déjeu­ner pris sur le pouce, je file d’i­ci, presque mal­gré moi et je me rends à Ava­nos où je vais rendre visite à Meh­met Körük­çü, le potier qui parle un peu fran­çais, dans sa grotte lui aus­si, là où il passe ses jour­nées les mains dans la terre à tour­ner. Il est rayon­nant comme la der­nière fois que je l’ai vu et semble sur­pris de me revoir. Pas­sé la sur­prise, il me prend dans ses bras et me tape dans le dos en pro­fé­rant de longues ran­gées de “Selam !” qu’il n’ar­rive plus à conte­nir. “Arka­daşım ! Arka­daşım !” (mon ami, mon ami !). Les larmes lui montent aux yeux et je suis tout autant sur­pris que lui de voir à quel point il est heu­reux de me revoir. Une vraie bonne sur­prise pour tous les deux.

 

Turquie mai 2013 - Cappadoce 22 - Avanos

Turquie mai 2013 - Cappadoce 32 - Avanos

Après m’a­voir offert une tasse de thé qu’il fait chauf­fer sur son petit réchaud élec­trique, il se remet au tra­vail et me laisse le prendre en pho­to, tou­jours sou­riant avec ses dents du bon­heur et ses yeux légè­re­ment bri­dés. Je le laisse un peu tan­dis que des tou­ristes viennent visi­ter sa bou­tique et je vais me pro­me­ner dans la ville pour revoir ces vieilles mai­sons grecques qui tombent en ruine entre les grands konak flam­bant neufs. Le soleil est reve­nu et je pro­fite de ces quelques ins­tants pour retrou­ver la dou­ceur des jours que j’ai pas­sés ici l’é­té der­nier. Une belle mos­quée aux murs épais reste impé­né­trable, impos­sible d’y entrer. Pen­dant ce temps, l’e­zan (appel à la prière) reten­tit entre les murs de la petite ville. On dit que les plus beaux chants d’ap­pel à la prière peuvent s’en­tendre en Tur­quie ; ce n’est pas qu’une légende. Je retourne voir Meh­met et nous buvons encore et encore du thé noir. Il semble pré­oc­cu­pé, se plaint du dos, lui, me dit que ce sont ses pou­mons, il tousse beaucoup…

Turquie mai 2013 - Cappadoce 33 - Avanos

Turquie mai 2013 - Cappadoce 44 - Avanos

Turquie mai 2013 - Cappadoce 45 - Avanos

Turquie mai 2013 - Cappadoce 37 - Avanos

Il me demande de l’at­tendre là, pen­dant que lui s’en­fuit sur sa moto sans casque avec ses san­dales pleines de terre aux pieds. Je l’at­tends sous un aca­cia en fleurs, à l’ombre duquel je m’en­dors presque en écou­tant les bruits de la rue, en cares­sant une énorme chat débon­naire. Meh­met revient avec un petit paquet duquel il sort un sachet d’a­lu­mi­nium, qu’il déroule, encore et encore et dont il sort de la viande séchée décou­pée en fine lamelles et à la cou­leur rouge safra­née. Il m’ex­plique que c’est une spé­cia­li­té d’i­ci, le Pastır­ma. Je ne connais­sais abso­lu­ment pas. Il m’ex­plique que c’est lui qui le fait avec de la viande de bœuf qu’il fait sécher à l’air et qu’il frotte avec un mélange d’é­pices fait d’ail, de piment, du cumin et de papri­ka. Il me parle aus­si d’une épice dont il ne connaît pas le nom fran­çais, il dit çemen, çemen… en cher­chant sur mon petit dic­tion­naire, je m’a­per­çois que c’est en réa­li­té du fenu­grec. Je ne suis pas plus avan­cé, car je ne sais pas ce que c’est non plus. La viande est déli­cieuse et nous la man­geons en riant. Il me confie le paquet en me disant que le reste est pour moi. Et il se remet au tra­vail tan­dis que je bois du thé et som­nole en le regar­dant tour­ner. Il me pré­sente ses fils ; le plus jeune, Oğuz tra­vaille avec lui et ouvrage les pote­ries avec une petite lame. Ömer, lui, n’aime pas la terre, il fait des études mais pro­fite de ses vacances pour aider son père à l’atelier.

 

Turquie mai 2013 - Cappadoce 49

Turquie mai 2013 - Cappadoce 51

Il est temps pour moi de le lais­ser tra­vailler et de par­tir battre la cam­pagne. J’ai repé­ré un petit monas­tère aban­don­né sur la route d’Öz­ko­nak, por­tant le nom de Beh­la Kilise. Le temps tourne au vinaigre ; au loin je peux voir la cam­pagne chan­ger de cou­leur, et des colonnes d’eau se déver­ser par endroits. Le ciel devient noir et ne laisse que peu d’es­poir de se lever. La route est défon­cée et je com­mence à sol­li­ci­ter les sus­pen­sions de la Ford qui ne bronche pas, elle monte sévè­re­ment après une por­tion de route où l’on trouve des usines de fabri­ca­tion de briques rouges, façon­nées avec la terre des envi­rons, que le fleuve Kızılır­mak (fleuve rouge en turc) conti­nue de char­rier dans la val­lée. La vue est superbe sur la val­lée où l’o­rage com­mence à zébrer l’ho­ri­zon. Je finis par trou­ver le monas­tère en contre­bas de la route. C’est un monas­tère aux grandes arches de pierre. La hau­teur sous pla­fond est impres­sion­nante pour un bâti­ment de cette époque (entre le Vè et le XIIè siècle) et les murs sont encore recou­verts de suie. Sur le côté, une voûte s’est écrou­lée et laisse voir un grand espace décou­vert. Un type m’ac­coste et me parle dans un fran­çais bal­bu­tiant, mêlé de turc ; il me dit s’ap­pe­ler Ser­kan et je ne sais pas pour­quoi, mais ça sent le mar­gou­lin. Bref, il me fait la visite du bâti­ment et me dit que le monas­tère a ser­vi d’a­sile psy­chia­trique pen­dant de longues années. Sa pré­sence me dérange, j’au­rais pré­fé­ré visi­ter seul, d’au­tant que les indi­ca­tions qu’il me donne ne sont d’au­cune uti­li­té. Il m’offre une tasse de thé et je tente de m’en débar­ras­ser en lui filant un billet de 20TL, ce qui est déjà beau­coup, mais l’ef­fron­té me réclame plus. Je l’en­voie bala­der en lui ren­dant son verre de thé.

Turquie mai 2013 - Cappadoce 53 - Özkonak

De l’autre côté, le pay­sage est ver­doyant et s’é­tend au pied de ce qui res­semble au lit d’une petite rivière. Je crois bien qu’à part le Kızılır­mak et le lac arti­fi­ciel de Bay­ram­hacı, je n’ai jamais vu de cours d’eau dans cette région. Même un peu val­lon­né, le pay­sage offre un bel hori­zon et je peux consta­ter que le temps ne s’ar­range pas vraiment.

Turquie mai 2013 - Cappadoce 59 - Özkonak

Turquie mai 2013 - Cappadoce 60 - Özkonak

Turquie mai 2013 - Cappadoce 63 - Bağlı dere

Turquie mai 2013 - Cappadoce 65 - Bağlı dere

Turquie mai 2013 - Cappadoce 68 - Bağlı dere

Je reprends la route en pre­nant le che­min de Paşa­bağ que j’ai visi­té l’é­té der­nier et je me rends compte que la val­lée de Zelve, que je connais pas encore n’est pas si éloi­gnée que ça. Mais il est tard à pré­sent et ce sera pour un autre jour. En rebrous­sant che­min, je trouve éga­le­ment le che­min de la bağlı dere, la val­lée blanche, dont m’a­vait par­lé Abdul­lah au Karlık Evi, et que j’ai bien réus­si à voir depuis mon vol en mont­gol­fière. Je retiens l’en­droit pour y reve­nir et je file sur Göreme pour me boire une bière en ter­rasse. L’o­rage est pas­sé au large. Je dîne au res­tau­rant Özlem où j’é­tais déjà venu man­ger un tes­ti kebab brû­lant dans son vase en terre. La ser­veuse s’ap­pelle Bişra, elle est jeune, radieuse, mais s’ap­proche de moi alors que j’es­saie de bara­goui­ner en turc et me demande avec son petit air effron­té si elle peut être prise en pho­to avec moi, ce que j’ac­cepte volon­tiers. Je peux sen­tir le par­fum de ses che­veux qu’elle a coif­fés dans une queue de che­val sur le côté. Je lui com­mande un bar­dak şarap, un verre de vin rouge à la cerise, avant de reprendre ma route alors que la nuit est en train de tomber.

Turquie mai 2013 - Cappadoce 69 - Bağlı dere

Lorsque je m’ar­rête devant le Karlık Evi, j’ai dans l’i­dée de me prendre une chambre qui me per­met­trait de fuir l’hô­tel de Çavuşin et sa grotte humide. Bukem et Fatoş se sou­viennent de moi, elles ont l’air heu­reuses de voir que j’ai retrou­vé le che­min de leur hôtel et me retrou­ver ici me rem­plit de sou­ve­nirs. Pas de chambre pour ce soir, l’hô­tel est plein d’In­diens dont elles se plaignent car ils sont bruyants et pas­sa­ble­ment mépri­sants, mais pour demain soir, aucun pro­blème. Je vais même pou­voir dor­mir à nou­veau dans la grande chambre orange dans laquelle j’a­vais déjà dor­mi cet été, celle qui a deux bal­cons don­nant sur la val­lée. Elles m’offrent un verre de thé et nous par­lons en anglais pour évo­quer Abdul­lah qui n’est pas là en ce moment, ces ins­tants pré­cieux où il m’of­frait des abri­cots secs avant de par­tir en ran­don­née et des tranches de pas­tèque lorsque je reve­nais tard le soir.

Dans mes draps humides, je me prends à rêver de venir habi­ter ici, auprès de ces gens si cha­leu­reux, dans ces mon­tagnes creu­sées par la pluie et j’i­ma­gine que cette Tur­quie-là, tout au long de l’hi­ver, est recou­verte par les neiges. Les chré­tiens qui sont venus sur ces terres pour fuir les per­sé­cu­tions n’ont pas choi­si les lieux les plus hos­pi­ta­liers en ce qui concerne le cli­mat. Et dire que cette Tur­quie-là, si l’on remonte six cents ans en arrière, était encore la Grèce…

Voyage effec­tué en 2013. Voir les 68 pho­tos sur Fli­ckr.

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