Motel de Moka / La fin des vacances

Motel de Moka / La fin des vacances

Motel de Moka

La fin des vacances

Voi­là, c’est fini, on sonne la fin de la récréa­tion, le temps des cerises n’est pas encore arri­vé, mais on ferme tout, le rideau de fer est bais­sé, on range les pin­ceaux, on rac­croche les gants, on se range des bagnoles, on coupe le son et on ouvre les mirettes, garez-vous sur le côté ma petite dame papiers s’il vous plaît mer­ci de cou­per la musique et de des­cendre du véhi­cule les mains sur le capot et le men­ton en l’air, remet­tez vos lunettes et chas­sez le spleen, retour­nez-vous et sau­tez trois fois autour de vous-même. A pré­sent, étei­gnez les lumières des­cen­dez quatre marches et sen­tez l’air frais ouvrez bien grand les narines et arrê­tez de vous tré­mous­ser. Pre­nez un café trois sucres qu’on jette par-des­sus l’é­paule pour conju­rer le sort un muf­fin aux fruits rouges regar­dez ce qui se passe sur Pread Street les bus qui passent toutes les deux minutes la bonne odeur du jus d’o­range frai­che­ment pres­sé et des scones au fro­mage. On range ses sty­los et ses cahiers on pré­pare son car­table pour le len­de­main on fait un bisou et au dodo.

Finies les vacances demain on retourne au bou­lot pas pour faire sem­blant pas pour rire pas pour du beurre c’est pour de vrai avec un gros maca­ron une boîte à goû­ter pour le quatre heures et puis on devient grand. Finis les bavar­dages au fond de la classe les com­mé­rages et les rumeurs les his­toires d’a­do­les­cents, allez hop, rideau.

Demain on retourne sur les che­mins de l’é­cole finies les vacances fini le temps de prendre le temps et de tour­ner en rond autour du pot fini cet hiver mal­heu­reux lais­sé loin der­rière soi. Alors, on monte le son, on ouvre les fenêtres et on regarde la course des nuages pous­sés par le vent, celui qui chasse tout, on appuie sur le bou­ton et on écoute ZIP, de Pop­no­name

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Le temps très lent des toutes petites choses #7

Le temps très lent des toutes petites choses #7

Le temps très lent

des toutes choses #7

Un mar­di matin comme toutes les semaines, un matin frais et doux sous un ciel de prin­temps. La nature crie son bon­heur de pou­voir exhi­ber à nou­veau ses charmes aux yeux de qui sait prendre le temps de l’ad­mi­rer, elle se pavane dans des poses lan­gou­reuses telle une femme lisant une lettre d’a­mour dans un tableau de Fra­go­nard. Il flotte dans l’air quelque chose de sen­suel que le prin­temps rend encore plus pré­gnant, comme si la nou­veau­té d’une année qui se dévoile avec ses plus beaux ori­peaux n’é­tait que le signe avant-cou­reur d’une belle aventure.

Pour­tant, le ciel gris n’est autre chose que le signe d’un soleil radieux et tendre qui hurle sa lumière au-des­sus des nuages. C’est tou­jours la manière de voir les choses qui pré­vaut sur leur réa­li­té. De toute façon, la réa­li­té n’existe pas. Voi­ci la réponse à tout. Quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive, la réa­li­té n’existe pas, on ne peut pas comp­ter sur elle car elle n’est pas fiable.

Je passe mes jour­nées à faire des allers et retours sur mes car­nets, en notant scru­pu­leu­se­ment tout ce qui se dit, ce qu’il y a à faire, ce qui a été fait, je place tout dans une sorte de conti­nuum qui n’a d’autre rai­son d’être que sa propre exis­tence. Il n’en­voie aucun signe, ni dit rien, ne répond à aucune ques­tion et ne résout aucun mys­tère. Il faut se faire à cette manière d’être car c’est celle qui m’a­nime. Quant à la réa­li­té de l’être, elle n’existe pas.

Tous les soirs, depuis des mois, je m’en­dors avec la même douce musique, le même mor­ceau, Autumn medi­ta­tion at Dong­ting lake. Inva­ria­ble­ment, tous les soirs et tous les soirs je m’en­dors alors que le mor­ceau n’est pas ter­mi­né. Comme je l’é­coute très peu fort et que je dors la tête sous la couette, je n’en entends pas tous les sons, toutes les notes. Quand je l’é­coute dans d’autres cir­cons­tances, j’en­tends tout (enfin tout ce que je veux bien en entendre), ce qui me per­met, le soir venu d’en devi­ner les sons que je n’en­tends pas, comme un exer­cice de créa­tion à par­tir de ce qui existe. La réa­li­té n’existe qu’à par­tir de ce qu’on veut bien en percevoir.

 

三十輻,共一轂,當其無,有車之用

Trente rais se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’u­sage du char.

埏埴以為器,當其無,有器之用

On pétrit de la terre glaise pour faire des vases. C’est de son vide que dépend l’u­sage des vases.

鑿戶牖以為室,當其無,有室之用

故有之以為利,無之以為用

On perce des portes et des fenêtres pour faire une mai­son. C’est de leur vide que dépend l’u­sage de la mai­son.
C’est pour­quoi l’u­ti­li­té vient de l’être, l’u­sage naît du non-être. 

Lao Tseu, Tao te king, ch.XI

Autumn medi­ta­tion at Dong­ting Lake

by Chi­nese ancient music

Pho­to d’en-tête © REVOLT on Uns­plash

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Joik, le chant de la terre des Saami

Joik, le chant de la terre des Saami

Joik

Le chant de la terre du peuple Saami

Un chant venu du fond des âges

Par­mi les peuples dont l’exis­tence finit par res­sem­bler à une légende, le peuple Saa­mi fait par­tie de ceux dont on connait suf­fi­sam­ment peu de choses pour les ima­gi­ner peut-être aujourd’­hui dis­pa­rus. Connus sous le terme de Lapons, ils n’ap­pré­cient pas d’être appe­lés de cette manière, car le terme venant du sué­dois signi­fie qu’ils portent des haillons.

Confi­né dans un recoin de l’Eu­rope, entre la Nor­vège, la Suède, la Fin­lande et cette petite excrois­sance russe qu’on appelle la pénin­sule de Kola, ce peuple conti­nue aujourd’­hui de vivre sur un ter­ri­toire grand comme la France, même s’il ne reste plus qu’en­vi­ron 100 000 repré­sen­tants. Vic­time d’ac­cul­tu­ra­tion par l’é­van­gé­li­sa­tion chré­tienne et une poli­tique de nor­vé­gia­ni­sa­tion agres­sive, il reste aujourd’­hui un peuple à la culture forte et mil­lé­naire, et même si une majo­ri­té d’entre eux sont désor­mais mélan­gés aux peuples urba­ni­sés, cer­tains d’entre eux conti­nuent de vivre leur vie de nomades éle­veurs de rennes.

Voi­ci un article très détaillé sur le joik (en).

Pho­to d’en-tête Eri­ka Larsen

Le Joik des éle­veurs de rennes

Peuple de tra­di­tion orale, les Saa­mi ont reçu en héri­tage le joik de la part des elfes et des fées qui leur ont confié ce chant qui est cer­tai­ne­ment aujourd’­hui la plus ancienne forme de tra­di­tion orale en Europe. Ce chant qui, contrai­re­ment au kul­ning, n’est pas un chant pour héler les trou­peaux, est l’u­nique forme forme d’ex­pres­sion des Saa­mi et regroupe en réa­li­té plu­sieurs formes de chants qui sont des évo­ca­tions per­son­nelles adres­sées soit à une per­sonne en par­ti­cu­lier, soit à un ani­mal, soit à un paysage.

La reli­gion ori­gi­nelle des Saa­mi étant proche des formes de cha­ma­nisme que l’on retrouve sous ces lati­tudes, il est nor­mal qu’on puisse retrou­ver le joik inté­gré aux rituels cha­ma­niques, eux-mêmes en lien fort avec la nature environnante.

Voi­ci deux vidéos qui illus­trent cette tra­di­tion. La pre­mière montre Sofia Jan­nok, chan­teuse tra­di­tion­nelle. La seconde est un concours de joik enre­gis­tré en 2012.

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Kul­ning, le chant des éle­veurs au cœur de l’hiver

Kul­ning, le chant des éle­veurs au cœur de l’hiver

Kul­ning

Le chant des éle­veurs au coeur de l’hiver

Un chant de gar­deurs de troupeaux

Tan­dis que cer­tains éle­veurs se contentent de gar­der leur trou­peau en leur par­lant, d’autres leur adressent des chants comme des incan­ta­tions à tra­vers la nature. C’est ain­si qu’en Suède (kul­ning) et dans cer­taines par­ties de la Nor­vège (kauk­ning), les éle­veurs lancent leurs cris à tra­vers les mon­tagnes et les plaines dans le but que la voix porte au plus loin afin de ras­sem­bler leurs bêtes. On oublie par­fois que le yodel a d’a­bord eu cette voca­tion avant de deve­nir une part du folk­lore chan­té de la Suisse.

La blo­gueuse et pho­to­graphe sué­doise Jon­na Jin­ton s’est faite la porte-parole de ce savoir ances­tral en se met­tant en scène dans la nature pour expri­mer ce chant à la fois mélan­co­lique et tonique, fait de demi-tons et de quarts de tons, impli­quant une voix haut-per­chée, sur­aigüe et puissante.

La chan­teuse et com­po­si­trice Maria Mis­geld nous livre éga­le­ment un très beau chant. A écou­ter les jours sombres où l’on a besoin de lumière et de chaleur.

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What power art thou…

What power art thou…

What power art thou

Hen­ry Pur­cell et Klaus Nomi

Qui se souvient ?

Qui se sou­vient d’Hen­ry Pur­cell et de son King Arthur, un opé­ra pour le moins ori­gi­nal puisque les per­son­nages prin­ci­paux n’y sont repré­sen­tés qu’en toile de fond, les per­son­nages secon­daires étant les seuls à chan­ter. C’est un semi-opé­ra, une œuvre pro­fonde et magis­trale dont le prin­ci­pal aria est What power art thou (acte III, scène 2), un air lugubre chan­té par le génie du froid (the cold genius).

Mais qui sou­vient aussi ?

Que celui qui a fait connaître cet air dans la sphère de la musique pop est un chan­teur alle­mand qui fut quelques temps cho­riste de David Bowie, un chan­teur dis­po­sant d’une voix hors norme, s’é­ten­dant du bary­ton-basse au contre-ténor et dont la car­rière fut aus­si brillante que brève, fau­chée par le HIV.

Klaus Sper­ber, né en Autriche, plus connu sous le nom de Klaus Nomi, fut celui qui émer­veilla de sa voix haut per­chée l’a­ria de Pur­cell avec une ver­sion qu’on pour­rait qua­li­fier de baroque post­mo­derne.
En 1981, sur l’al­bum nom­mé sim­ple­ment… Klaus Nomi… The Cold Song est une ver­sion libre­ment ins­pi­rée de King Arthur, réor­ches­trée, toute per­son­nelle et par­fai­te­ment mémo­rable, lugubre à sou­hait et pla­cée au millimètre.

Per­son­nage un peu figé dans le temps (figé tout court), hau­te­ment impro­bable et sur­tout ico­nique, il aura eu une car­rière ful­gu­rante mais qui reste dans la mémoire de ceux qui ont connu les années 80 et la vague new-wave.

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