Aug 29, 2014 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Le jeune homme porte le doux nom de Alexis-Henri-Charles Clérel, il est vicomte de Tocqueville. On le connait pour avoir écrit de très belles pages pertinentes sur la Révolution Française et si on le considère comme un des pères de la sociologie moderne, il a fortement influencé les esprits libéraux et l’expansion colonialiste. C’est à ce titre que le gouvernement français l’envoie aux Etats-Unis dans ce qu’ils ont d’embryonnaires pour en étudier le système carcéral. Il en revient finalement, en plus de son rapport, avec un livre sur les institutions américaines qui, encore aujourd’hui, reste une référence en ce qui concerne les études politiques américaines et la philosophie politique.
Ce qui m’intéresse dans ces neuf mois passés sur le sol américain, c’est cet autre petit livre qu’il en rapporte : Quinze jours dans le désert, un livre que j’avais depuis longtemps sur mes étagères et que je me suis décidé à prendre à bras le corps un soir de néant. Tocqueville rédige ces quelques pages à partir des notes qu’il a prises pendant son voyage sur le vapeur qui le ramène en Europe. D’un écrit racontant ces quinze jours passés dans le désert en 1831, des quelques rencontres qu’il y fera, il rapporte, à mon sens, un des plus beaux textes écrit sur les immensités vides et leur indicible grandeur, un texte qui palpite, qui vibre au rythme des battements du cœur.
Le désert était là tel qu’il s’offrit sans doute il y a six mille ans aux regards de nos premiers pères ; une solitude fleurie, délicieuse, embaumée ; magnifique demeure, palais vivant, bâti pour l’homme, mais où le maître n’avait pas encore pénétré. Le canot glissait sans efforts et sans bruit ; il régnait autour de nous une sérénité, une quiétude universelles. Nous-mêmes, nous ne tardâmes pas à nous sentir comme amollis à la vue d’un pareil spectacle. Nos paroles commencèrent à devenir de plus en plus rares, bientôt nous n’exprimâmes nos pensées qu’à voix basse. Nous nous tûmes enfin, et relevant simultanément les avirons, nous tombâmes l’un et l’autre dans une tranquille rêverie pleine d’inexprimables charmes.
D’où vient que les langues humaines qui trouvent des mots pour toutes les douleurs, rencontrent un invincible obstacle à faire comprendre les plus douces et les plus naturelles émotions du cœur ? Qui peindra jamais avec fidélité ces moments si rares dans la vie où le bien-être physique vous prépare à la tranquillité morale et où il s’établit devant vos yeux comme un équilibre parfait dans l’univers ; alors que l’âme, à moitié endormie, se balance entre le présent et l’avenir, entre le réel et le possible, quand, entouré d’une belle nature, respirant un air tranquille et tiède, en paix avec lui-même au milieu d’une paix universelle, l’homme prête l’oreille aux battements égaux de ses artères dont chaque pulsation marque le passage du temps qui pour lui semble s’écouler goutte à goutte dans l’éternité. Beaucoup d’hommes peut-être ont vu s’accumuler les années d’une longue existence sans éprouver une seule fois rien de semblable à ce que nous devons de décrire. Ceux-là ne sauraient nous comprendre. Mais il en est de plusieurs, nous en sommes assuré, qui trouveront dans leur mémoire et au fond de leur cœur de quoi colorer nos images et sentiront se réveiller en nous lisant le souvenir de quelques heures fugitives que le temps ni les soins positifs de la vie n’ont pu effacer.
Nous fûmes tirés de notre rêverie par un coup de fusil qui retentit tout à coup dans les bois. Le bruit sembla d’abord rouler avec fracas sur les deux rives du fleuve ; puis il s’éloigna en grondant jusqu’à ce qu’il fut entièrement perdu dans la profondeur des forêts environnantes. On eût dit un long et formidable cri de guerre que poussait la civilisation dans sa marche.
Un soir en Sicile, il nous arriva de nous perdre dans un vaste marais qui occupe maintenant la place où jadis était bâtie la ville d’Hymère ; l’impression que fit naître en nous la vue de cette fameuse cité devenue un désert sauvage fut grande et profonde. Jamais nous n’avions rencontré sur nos pas un plus magnifique témoignage de l’instabilité des choses humaines et des misères de notre nature. Ici c’était bien encore une solitude, mais l’imagination, au lieu d’aller en arrière et de chercher à remonter vers le passé, s’élançait au contraire en avant et se perdait dans un immense avenir. Nous nous demandions par quelle singulière permission de la destinée, nous qui avions pu voir les ruines d’empires qui n’existent plus et marcher dans des déserts de fabrique humaine, nous, enfants d’un vieux peuple, nous étions conduits à assister à l’une des scènes du monde primitif et à voir le berceau encore vide d’une grande nation. Ce ne sont point là les prévisions plus ou moins hasardées de la sagesse. Ce sont des fait aussi certains que s’il étaient accomplis. Dans peu d’années ces forêts impénétrables seront tombées. Le bruit de la civilisation et de l’industrie rompra le silence de la Saginaw. Son écho se taira… Des quais emprisonneront ses rives, ses eaux qui coulent aujourd’hui ignorées et tranquilles au milieu d’un désert sans nom seront refoulées dans leur cours par la proue des vaisseaux. Cinquante lieues séparent encore cette solitude des grands établissements européens et nous sommes peut-être les derniers voyageurs auxquels il ait été donné de la contempler dans sa primitive splendeur, tant est grande l’impulsion qui entraîne la race blanche vers la conquête entière d’un nouveau monde.
C’est cette idée de destruction, cette arrière-pensée d’un changement prochain et inévitable qui donne suivant nous aux solitudes de l’Amérique un caractère si original et une si touchante beauté. On les voit avec un plaisir mélancolique, on se hâte en quelque sorte de les admirer. L’idée de cette grandeur naturelle et sauvage qui va finir se mêle aux superbes images que la marche triomphante de la civilisation fait naître. On se sent fier d’être homme et l’on éprouve en même temps je sais quel amer regret du pouvoir que Dieu nous a accordé sur la nature. L’âme est agitée par des idées, des sentiments contraires, mais toutes les impressions qu’elle reçoit sont grandes et laissent un trace profonde.
Alexis de Tocqueville, Quinze jours dans le désert
Folio Gallimard
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Jul 1, 2014 | Livres et carnets |
Il est des matins lumineux, même lorsque dehors le ciel n’est qu’un amas de cendres qui ne dit rien. Le goût encore sec du helva (Antep Fıstıklı) dans la bouche, copieusement arrosé de rakı, j’ai fini par me replonger dans le livre profond du Libanais Charif Majdalani, Histoire de la Grande Maison, sur lequel j’étais en panne. Une bonne centaine de pages avalées sans boire un coup et puis l’envie soudaine de replonger dans des livres déjà lus et qui sont peut-être restés un peu en suspens, comme si quelque chose ne s’était pas accompli au bon moment. Mes lectures tombent rarement comme un cheveu sur la soupe, elles font sens à mes yeux, suivent un parcours, une route tracée dans la neige juste avant mon passage, et je n’ai plus alors qu’à mettre mes pas dans ceux des anciens qui sont passés avant moi. Je reprends l’Éloge du voyage de Sébastien de Courtois, celui par lequel j’ai découvert ce très beau livre de Romain Gary, les trésors de la mer Rouge, deux livres qui ne sont finalement qu’une longue trame qu’il suffit de dérouler comme une pelote. Encore engoncé dans la nuit, j’écoute la litanie de Gary et je ferme les yeux en tentant une fois de plus de perdre le contrôle…
Je suis resté ainsi cinq ou six jours, peut-être davantage. Je n’étais attendu nulle part et — pourquoi ne pas l’avouer ? — j’éprouvais un étrange soulagement, mêlé à une sorte d’euphorie d’évasion et presque de conquête, pour avoir ainsi atteint la forme d’existence la plus simple et la plus élémentaire, celle d’un vagabond assis au bord de la route. Les soldats ont partagé avec moi leur pain plat au goût de glaise et leur kasha de millet noyé de graisse.
J’ai dormi avec eux, près du feu, cependant que les troupeaux nocturnes et leurs bergers aux chapeaux de bambou passaient en ombres chinoises sur la route, avec leurs ânes chargés de kat. La lune était grasse, jouant la Maja couchée de Goya sur ses coussins vaporeux. J’ai regardé le soleil se lever sur les champs de millet géant qui tombent en terrasses vers les oasis, au fond des gorges obscures, parmi les forêts de figuiers.
Autour de moi, tout était douceur. Ce pays que les anciens appelaient l’« Arabie heureuse », est un sourire fait terre. Dans les fermes aux hautes tours assaillies par l’infanterie rageuse des cactus et des épineux, tours pareilles à d’immenses moulins à vent sans ailes, j’ai écouté les enfants jouer de ces airs des temps oubliés qui se transmettent de pipeau à pipeau depuis la Conquête et où se marient la prière arabe et le flamenco de Grenade.
Le troisième jour — ou le cinquième — je me suis débarrassé de mes frusques et j’ai revêtu une jupe fouta et le fermier m’a ceint le front d’un bandeau blanc. Et savait-il lui-même que c’est un signe ancien d’intouchabilité, une proclamation d’hospitalité accordée ?… Jamais encore je n’avais éprouvé à ce point le sentiment de n’être personne, c’est-à-dire enfin quelqu’un… L’habitude de n’être soi-même finit par nous priver totalement du reste du monde, de tous les autres ; « je », c’est la fin des possibilités… Je me mets à exister enfin hors de moi, dans un monde si entièrement dépourvu de ce caractère familier qui vous rend à vous-même, vous renvoie à vos petits foyers d’infection… J’avais enfin réussi ma transhumance.
Assis de l’aube à la nuit au bord de la route, j’ai été ce vagabond yéménite que les rares voyageurs en auto regardaient avec curiosité et avec le sentiment réconfortant d’avoir échappé en naissant « bien » à cette sauvagerie et ce dénuement… J’ai eu droit ainsi, du fond de ma pouillerie, au regard de l’ambassadeur des États-Unis qui passait dans sa voiture et je suis heureux d’avoir pu enrichir l’expérience yéménite de ce fonctionnaire chinois qui s’est arrêté pour prendre une photo de moi, ce qui me procura un merveilleux sentiment d’authenticité.
J’étais plus fort que Houdini : enfermé pieds et poings liés, comme nous tous, au fond de moi-même et haïssant les limites ainsi imposées à mon appétit de vie ou plutôt des vies, j’étais parvenu, une chique de haschisch aidant, à m’enfuir de cette colonie pénitentiaire qui condamne à n’être que soi-même.
Un groupe de jeunes gens soviétiques, infirmières et médecins de l’hôpital russe de Sanaa, descendent le chemin qui mène vers les gorges, et la plus belle des jeunes filles, au petit nez retroussé de toutes les Katinka de mes rêves blonds, paye au passage un touchant compliment à mon authenticité. Après m’avoir lancé un regard prudent, elle dit à ses compagnons, d’un ton tranchant et définitif :
— Oujasnaïa morda !
Ce qui, librement traduit, signifie : « une gueule absolument abominable… »
Je sentis que j’avais enfin réussi ma vie. Une de mes vies, je veux dire : celle qui n’a duré que quelques instants au bord d’une route d’Arabie, parmi les cactus et les figuiers, et qui doit orner en ce moment de son pittoresque bien yéménite l’album de photos d’un communiste chinois…
Le sergent revint de son congé le lendemain et récupérai mes papiers d’identité, avec une certaine tristesse. J’étais rendu à moi-même…
Romain Gary, Les trésors de la mer Rouge
Gallimard, 1971
D’autres mots de Romain Gary sur La vallée des rubis…
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Jun 18, 2014 | Livres et carnets |
Aussi loin que porte mon regard, je me tourne vers l’est dès que je me lève ; le ciel est d’un gris inquiétant, implacable, tournant autour d’un violet sombre mâtiné d’un bleu atmosphérique. Le soleil n’est pas encore levé.
[audio:Ay Kalelumbror.xol]
Françoise Atlan et Juan Carmona — Ay Kalelumbror
Album Sephardic songs — 1998
Une nuit qu’il rentre à pied d’une veillée chez Tanios Rached, chaussé de ses bottes de cavalier, un revolver dans la ceinture, et qu’il traverse l’allée qui mène au bas de l’escalier de la maison, Wakim le perçoit. Le parfum des fleurs. A peine une touche, une simple allusion, mais que ses narines en alerte captent avec assurance. Il s’arrête, regarde la nuit, les massifs sombres des arbres qui ne sont pour l’instant pas plus grands que lui. Il ne bouge pas, comme lorsqu’on est aux aguets pour surprendre une hyène. Et il respire profondément. Mais il ne le sent plus. Il fait un pas ou deux, prudemment, comme si l’odeur pouvait être effarouchée par le mouvement de l’homme. Puis il s’arrête, tout son corps concentré pour interpréter les sensations que ses narines lui transmettent.
L’horizon ne se dégage pas, il reste voilé, même si la lumière se fait de plus en plus présente. Il reste sombre. Le soleil ne se lèvera pas ce matin.
Mais il ne sent que l’odeur de la terre, des feuilles, des tiges, l’odeur de la nuit et de l’air un peu humide qui vient de la mer. Il reprend sa marche et n’a pas fait trois pas qu’une imperceptible brise se lève, comme si elle lui parlait, comme si elle cherchait à le retenir, à la manière d’un enfant qui se démasque lorsque vous cessez de vouloir découvrir sa cachette, et il sent à nouveau le parfum des fleurs. Il le sent, respire profondément, et même soi, à la deuxième inspiration, il n’y a plus rien, il est sûr maintenant que ça y est. Il avance à grands pas vers l’escalier de la maison, monte les marches avec allégresse, et lorsqu’il arrive en haut, devant la porte, la brise se lève une fois de plus et une fois encore il sent la parfum.
Même si je sais qu’il est là, impossible de voir ses belles couleurs, des roses ottomanes aux feutres mandarine, il reste caché derrière une épaisse couche d’ouate impénétrable. Encore un lever de soleil qui ne verra pas le jour. On dirait un ciel d’orage dans les îles du Golfe de Thaïlande…
Le lendemain à l’aube, avant même l’arrivée de Gérios, il se promène entre les arbres à la recherche des premières fleurs. Mais il n’en trouve pas une seule. Pourtant, le soir, et tous les autres soirs, le parfum est là, fugace, rare, précieux, levé par la brise, le surprenant juste au moment où il renonce à le sentir. Et un soir, alors que quelques fermiers qui veillaient chez lui sont sur le perron et s’apprêtent à partir, l’odeur suave et douce s’impose à chacun indubitablement, non pas passagère, libérée soudain par un petit vent, mais bien là, présente dans l’air de la nuit comme si elle en était l’essence même. Le lendemain de ce jour, Wakim découvre les premières fleurs, cachées derrière les feuilles encore jeunes et qui dansent dans la brise matinale. Sélim et Gérios en découvrent d’autres, il y a bientôt à tous les coins des vergers, et au bout d’une semaine la plantation paraît comme enneigée à perte de vue en plein milieu du printemps.
Heureusement, il y a l’odeur des fleurs d’orangers…
Et plus que jamais je pense au Liban.
Charif Majdalani, Histoire de la Grande Maison
Seuil, 2005
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May 1, 2014 | Livres et carnets |
Celui qui a déjà voyagé se reconnaîtra dans ces mots de Robert Byron, alors sur le départ pour l’Oxiane au travers du Liban, puis de la Syrie ; il se reconnaîtra dans ce qu’on attend de lui quand il voyage, car il voyage forcément avec les poches pleines de devises étrangères bonnes à être soutirées contre le moindre service, comme si l’effort financier que représente un voyage n’était pas perçu par ceux qu’on visite, dans les pays où l’on voyage, parce que l’ailleurs d’où l’on vient est forcément un eldorado. Difficile parfois de faire passer le message lorsque la misère est présente et parfois lourde à supporter, mais cela fait partie du jeu, même si c’est profondément agaçant d’être sans arrêt sollicité. C’est le prix à payer (en plus) pour courir le monde…
- Vous avez des affaires à Téhéran, monsieur ?
— Non.
— Alors qu’est-ce que vous faites, monsieur ?
— Je fais un voyage en Syrie.
— Vous êtes un officier de marine, monsieur ?
— Non.
— Alors qu’est-ce que vous êtes, monsieur ?
— Je suis un homme.
— Quoi ?
— HOMME.
— Je comprends. Touriste.
Même le mot voyageur est désuet. Et non sans raison : il serait trop élogieux. Le voyageur des temps anciens était celui qui partait, avide de savoir, et que les indigènes accueillaient à bras ouverts, fiers de montrer ce qui faisaient leur originalité. En Europe, les relations basées sur ce type de reconnaissance mutuelle ont depuis longtemps cessé d’exister. Mais en Europe, le « touriste » n’a plus rien d’un phénomène : il fait partie du panorama et, dans neuf cas sur dix, il n’a guère d’argent à dépenser en plus de ce qu’il a déjà dépensé pour accomplir son « tour ». Ici, il reste une erreur de la nature. Si vous venez de Londres et que vous vous trouvez en Syrie pour conclure une affaire, c’est que vous êtes riche. Si vous faites un aussi long trajet sans obligation, c’est que vous êtes très riche. Personne ne se souciera de savoir si vous aimez l’endroit, ou s’il vous ennuie, ni ne songera à vous demander le pourquoi de l’un ou de l’autre : un touriste est un touriste, comme une gale est une gale — un parasite obligé de l’espère humaine, une vache qu’on trait pour son lait, un hévéa qu’on saigne pour son caoutchouc.
Robert Byron, Route d’Oxiane,
Payot et Rivages, 2002
Photo d’en-tête © Christian Bachellier
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Apr 20, 2014 | Arts, Livres et carnets |
Autrefois, je n’aimais pas beaucoup lire les préfaces, dont je ne voyais pas forcément l’intérêt. Le texte original est forcément plus intéressant, et puis j’étais souvent dans la perspective d’un gain de temps maximum, alors la préface, hop, on zappe.
Pourtant, certaines d’entre elles sont de véritables petits bijoux et en commençant Route d’Oxiane de Robert Byron, je suis tombé sur ces mots qu’a écrit un certain Bruce Chatwin, dans une préface solaire, d’une efficacité redoutable, reprenant lui-même des morceaux de textes de Byron, comme dans cet extrait :
[…] les spécialistes argueront que, si Byron a pu faire montre de qualités lyriques certaines dans ses descriptions, il n’a jamais été un « érudit » — et ils auront, en un sens, raison. Mais, bien souvent, il transcende la banale science par sa mystérieuse faculté de juger l’état d’avancement d’une civilisation à son architecture, et de traiter les édifices anciens et les hommes d’aujourd’hui comme deux aspects d’une même continuité historique. Déjà dans The Byzantine Achievement, écrit à l’âge de vingt-cinq ans, on trouve quatre lignes qui en disent à peu près autant sur le schisme entre l’Eglise d’Occident et celle d’Orient qu’une rangée de gros volumes :
L’existence de Sainte-Sophie est atmosphérique ; celle de Saint-Pierre puissamment, immédiatement, matérielle. L’une est une église pour Dieu ; l’autre est une salle de réception pour ses représentants. L’une est dédiée à la réalité, l’autre à l’illusion. En fait Sainte-Sophie est grande et Saint-Pierre bassement, tragiquement, petite.
Bruce Chatwin, préface, août 1980,
in Robert Byron, Route d’Oxiane,
Payot et Rivages, 2002
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