1993 : Venise sau­vage et secrète

1993 : Venise sau­vage et secrète

 

J’ai visi­té Venise en voyage d’é­tudes alors que j’é­tais déjà à l’u­ni­ver­si­té et la pre­mière chose que j’ai faite en arri­vant a été de lais­ser le groupe des lycéens pour aller boire un vrai café ita­lien dans une petite échoppe au comp­toir duquel on venait sim­ple­ment s’ap­puyer avec sa tasse et les volutes de fumées pour seuls com­pa­gnons. Les sou­ve­nirs que j’en ai sont vagues. J’ai des sou­ve­nirs écor­nés, des bribes de sou­ve­nirs que j’ai du mal à recol­ler entre eux pour leur don­ner une cohé­rence, des odeurs qui me reviennent, mais pas grand-chose somme toute. C’est triste de voir que les plus belles mer­veilles du monde peuvent vous suf­fo­quer et vingt ans après ne plus vivre que par l’en­tre­mise de quelques pho­tos. Je me sou­viens du ghet­to, et d’un cap­puc­ci­no pris dans un des salons du Café Flo­rian, des rues le long des canaux, déser­tées, de l’eau sau­mâtre qu’on m’a­vait dit puante, du par­fum entê­tant de belles véni­tiennes com­pas­sées, je me sou­viens comme si c’é­tait hier du sein blanc et des doux che­veux blonds… véni­tiens… de la belle Aude, je me sou­viens des soi­rées éclai­rées par les réver­bères dans des rues où j’o­sais me ris­quer seul, laby­rinthe plus effrayant que dans n’im­porte quel conte, du Har­ry’s Bar et du fan­tôme d’He­ming­way, du Hol­lan­dais Volant per­du quelque part, de la Fenice majes­tueuse dans son écrin de pierre, du Lido de Tho­mas Mann, de Vis­con­ti et de Bogarde, des scuole indes­crip­tibles et du bureau de poste, des mots ita­liens ou véni­tiens peut-être qui flot­taient dans l’air avec un air natu­rel, dont j’ar­ri­vais presque à sai­sir toutes les nuances, de l’air brouillas­seux qui plane sur la lagune et peut-être aus­si, qui sait, au détour d’une rue ou d’une pla­cette où se trou­ve­rait une locan­da, un puits à la mar­gelle ouvra­gée, un chat qui s’é­chap­pe­rait à l’angle, peut-être, je ne sais plus, le fan­tôme gaillard de Cor­to Mal­tese. J’ai tra­qué le soleil dans l’ombre, la lumière dans les ténèbres et le sou­ve­nir en est presque effa­cé à présent.

Reliques d’un voyage d’é­tudes il y a vingt ans, j’ai retrou­vé de vieilles pho­tos de Venise oubliées dans un album. De vraies pho­tos en noir et blanc que le temps n’a même pas alté­rées, c’est ce que j’ai rame­né de cette Venise qui s’est levée devant moi, une Venise sau­vage et secrète puis­qu’à l’é­poque j’a­vais pris le par­ti de ne choi­sir que des cadrages sévères, déshu­ma­ni­sés, en évi­tant soi­gneu­se­ment, si pos­sible les cli­chés de cartes pos­tales. Cer­taines n’é­vitent pas l’é­cueil, mais peu importe, ce sont mes pho­tos, ma vision, ce que je me suis appro­prié et qui semble rele­ver désor­mais d’une autre époque, d’un temps sans numé­rique, une temps de mémoire, avec de vrais appa­reils pho­tos qu’il fal­lait cares­ser pour qu’ils soient dociles et que la magie de la lumière fasse son œuvre. Ces temps, comme ces pho­tos dans mon cœur, demeurent magiques.

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Nisi domi­nus (RV 608) — Cum dede­rit delec­tis suis som­nun : Largo

Nisi domi­nus (RV 608) — Cum dede­rit delec­tis suis som­nun : Largo

La tur­bine

Le bruit de la nuit

Dans son petit appar­te­ment du centre-ville, les rideaux tirés, volets fer­més, il est presque trois heures du matin lors­qu’elle ouvre un œil, les deux, entre ses pau­pières lourdes du som­meil qu’elle vient de subir. Ses longs che­veux raides épar­pillés sur l’o­reiller, la joue col­lée des­sus et la bouche sèche, elle ne bouge pas, les yeux entr’ou­verts. Quelque chose ronfle. Non, ça ne ronfle pas, ça vrom­bit. Elle cligne des yeux, tou­jours à moi­tié ouverts et regarde dans le vague de son salon qui, tous les soirs, se trans­forme en chambre. Elle ne regarde rien en par­ti­cu­lier, juste l’obs­cu­ri­té envi­ron­nante. Pas un seul bruit en dehors de ce vrom­bis­se­ment. Juste ce vrom­bis­se­ment qu’elle n’ar­rive pas à attra­per, un son de très basse fré­quence, tel­le­ment bas qu’il en est insai­sis­sable, c’est une ligne mono­corde qui semble par­fois s’é­touf­fer et qui dis­pa­raît com­plè­te­ment lors­qu’une voi­ture passe, pour reprendre quelques secondes après que le der­nier son domi­nant ait com­plè­te­ment dis­pa­ru de son champ audi­tif. Elle ne bouge pas, reste dans la posi­tion dans laquelle elle s’est réveillée. Pas un geste, seul le bruit de sa res­pi­ra­tion se mêle avec le son étrange.

Elle ima­gine que c’est peut-être la chau­dière de l’im­meuble. Une machi­ne­rie quel­conque, une pompe de rele­vage, même si elle ne sait pas vrai­ment ce que c’est, elle a enten­du ça l’autre fois quand elle est allée au maga­sin de bri­co­lage, pompe de rele­vage, ça sonne bien, c’est peut-être ça, une pompe de rele­vage, une pompe de rele­vage fait for­cé­ment un bruit qui res­semble à ça quand c’est en train de rele­ver et que ça pompe. Ouais. C’est for­cé­ment un truc comme ça. Bien. Mais en atten­dant, elle ne dort plus, elle reste figée seule dans son lit chaud et ce bruit sourd qui vrom­bit. Elle ne bouge pas d’un poil, referme ses pau­pières et s’i­ma­gine qu’elle va se ren­dor­mir faci­le­ment. Ce qu’elle fait sans rien deman­der à personne.

Elle se réveille avec la radio qui lui susurre à l’o­reille qu’il est lar­ge­ment temps qu’elle se lève pour aller bos­ser. Ce qu’elle fait. Elle se lève en ramas­sant ses beaux che­veux bruns qu’elle entor­tille rapi­de­ment his­toire de ne pas les avoir dans le visage et fonce direc­te­ment dans la cui­sine, ouvre un tiroir, en sort une cap­sule de café qu’elle colle dans sa cafe­tière, une tasse ramas­sée sur le bord de l’é­vier, elle attend que la machine se réveille elle aus­si. En se met­tant en marche, la machine à expres­so fait un bruit de cafe­tière qui se met en marche, méca­nique, sourd et vibrant, qui lui fait ins­tan­ta­né­ment pen­ser à ce bruit qu’elle a enten­du cette nuit, bien qu’il soit très dif­fé­rent. Le café coule et pen­dant ce temps, elle appuie sur le bou­ton qui ouvre tous les stores, plie sa couette, pose l’o­reiller des­sus et emmène le tout dans le pla­card de l’en­trée, suite à quoi elle replie son clic-clac d’un geste expert, méca­nique, simple et effi­cace. La nuit a dis­pa­ru de la sur­face de son appar­te­ment en quelques minutes, comme si la jour­née d’hier n’a­vait pas connu d’aboutissement.

L’é­tude d’ar­chi­tecte dans laquelle elle a com­men­cé à tra­vailler il y a six mois se trouve à dix minutes en voi­ture, un peu en retrait de la ville, dans une zone d’ac­ti­vi­té qui, comme toutes les zones d’ac­ti­vi­té n’a pas beau­coup d’âme, mais l’en­vi­ron­ne­ment est boi­sé et donne sur le ver­sant d’une col­line arbo­rée et les locaux sont modernes et spa­cieux, loin des entre­pôts com­mer­ciaux des envi­rons. C’est un bâti­ment d’ar­chi­tecte, for­cé­ment, avec une cour inté­rieure dans laquelle sont plan­tés des hor­ten­sias autour d’un gigan­tesque magno­lia à grandes fleurs blanches. Son bureau donne direc­te­ment dans la cour, ce qui lui pro­cure une vue repo­sante et sans dis­trac­tion, ce dont elle pense avoir besoin pour tra­vailler serei­ne­ment. Son der­nier pro­jet sur lequel elle tra­vaille avec sa col­lègue est une mai­son en bois, basse consom­ma­tion et inté­gra­le­ment recou­verte d’un bar­dage en bam­bou qui vien­dra mas­quer la tota­li­té de la façade, fenêtres com­prises. Elle est assez fière de ce qu’elle a réus­si à sor­tir sur sa table de dessin.

Après avoir déjeu­né avec Solenn, elle retourne dans son bureau accom­pa­gnée d’une grande tasse de café fort avec une goutte de lait et tan­dis qu’elle déver­rouille son ordi­na­teur, elle per­çoit un son léger. La route est loin de l’é­tude et l’o­rien­ta­tion de son bureau fait qu’elle ne per­çoit pas les bruits de la cir­cu­la­tion. Par­fois une moto qui péta­rade ou un camion qui a du mal à mon­ter la côte, mais en géné­ral, c’est incroya­ble­ment calme. Elle n’au­rait de toute façon pas pu tra­vailler dans un envi­ron­ne­ment bruyant, c’est une constante chez elle. De temps en temps, elle met un peu de musique pour rompre la mono­to­nie des jours plu­vieux qu’elle déteste, mais de manière géné­rale, c’est dans le silence du cocon qu’elle s’est construit qu’elle aime tra­vailler et déve­lop­per ses talents de des­si­na­trice pour les pro­jets qu’elle ima­gine. Le son est de plus en plus pré­sent, le même son qu’elle a per­çu cette nuit et qui l’a extir­pé de son som­meil, le même vrom­bis­se­ment, à peine per­cep­tible, mais bel et bien là, pas de doute pos­sible. Elle reste déci­dée à ne pas se lais­ser dis­traire par cette occur­rence peu oppor­tune et conti­nue à rem­plir le dos­sier qu’elle doit remettre ce soir au ser­vice urba­nisme. Au bout d’un quart d’heure, elle déchausse ses lunettes et les pose sur son cla­vier, elle fait tou­jours ça, et se lève pour aller voir Solenn qu’elle dérange tan­dis qu’elle est en train de lire ses mes­sages sur son téléphone.

- Dis-moi, tu entends ce bruit ?
- Quel bruit ?
- Écoute bien.

Les deux femmes res­tent coites dans un silence assour­dis­sant. Elles n’en­tendent que Caro­line à l’ac­cueil qui parle au télé­phone, mais le son de sa voix par­vient étouf­fé par le dédale de murs qui empêche les sons de se propager.

- Tu entends ? dit-elle.
- Non, répond Solenn, à part Caro­line, je n’en­tends rien du tout. Qu’est-ce que tu entends ? Un once d’im­pa­tience peut se lire sur ses traits.
- Un bruit sourd, comme un moteur. Ce ne serait pas une pompe de rele­vage ?
- Une pompe de rele­vage ? Tu sais à quoi ça sert au moins ?
- Non, c’est un truc qui m’est venu comme ça, dit-elle en sou­riant bête­ment.
- C’est moi qui ait fait les plans du bâti­ment, il n’y a pas de pompe de rele­vage ici, on n’en a pas besoin. C’est dans le cas où l’eau stagne dans un endroit trop bas pour être éva­cuée natu­rel­le­ment…
- OK, je te crois mais tu n’en­tends pas ?, dit-elle en appro­chant le doigt de son oreille, c’est comme s’il y avait un moteur qui tour­nait tout le temps, un son très bas.
Solenn res­ta figée, tout en la fixant.
- Bon, écoute, je n’en­tends rien, ça te dirait de me lais­ser bos­ser un peu ? J’ai un client à rap­pe­ler pour son per­mis de construire.
- Oui, je te laisse, déso­lée. Sur ce, elle retour­na à son bureau et insé­ra un CD de Roland Kirk dans le lec­teur de son PC. Le bureau s’emplit des contor­sions du saxo tout en chas­sant le vrom­bis­se­ment qui la pour­sui­vant depuis son réveil nocturne.

La jour­née de tra­vail pas­sée, elle s’ar­rête à la piz­zé­ria pour com­man­der une piz­za au cho­ri­zo qu’elle est bien déci­dée à man­ger rapi­de­ment avant de bou­qui­ner un peu. Elle a com­men­cé un livre d’El­la Maillart qui l’a embar­quée dès les pre­mières pages et qu’elle a hâte de retrou­ver. Avant ça, elle allume la télé, s’ins­tal­ler sur son cana­pé et engouffre sa piz­za arro­sée d’huile piquante tout en regar­dant la pre­mière chaîne d’in­for­ma­tions conti­nue sur laquelle elle tombe. La pre­mière ministre fin­lan­daise vient de se faire épin­gler pour avoir pas­sé une nuit en boîte de nuit alors que les res­tric­tions sani­taires lui auraient impo­sé de s’i­so­ler tan­dis qu’elle était cas contact. Ce n’est pas tant la bourde de la femme poli­tique qui la révolte, mais qu’une femme de 36 ans puisse être pre­mière ministre, enfin non, elle n’est pas révol­tée, mais bien plu­tôt admi­ra­tive. Bon et puis elle est vrai­ment très jolie. Tout ceci semble irréel vu de son cana­pé, et le reste des infor­ma­tions ne la pas­sionne guère. Elle finit sa piz­za et éteint la télé avant d’ou­vrir un peu la fenêtre pour chas­ser l’o­deur du cho­ri­zo et attrape son livre. Ella Maillart est un per­son­nage qu’elle adore, elle a lu plu­sieurs de ses livres, notam­ment ceux où elle est par­tie en expé­di­tion avec Anne­ma­rie Schwar­zen­bach. Tout ceci aus­si lui semble irréel, deux femmes qui partent seules en Afgha­nis­tan quelques jours avant le début de la deuxième guerre mon­diale, ça lui paraît fou et en même temps tel­le­ment pos­sible parce que l’é­poque où tout ceci se passe était tel­le­ment dif­fé­rente. Elle met ses lunettes et replonge dans sa lec­ture en se lais­sant déli­cieu­se­ment hap­per par les mots de l’é­cri­vaine suisse. Le calme après une longue jour­née de bou­lot dans une vie plu­tôt bien réglée, sans para­sites, sans dis­trac­tion autre que celles qu’elle choi­sit. Elle se dit qu’elle aime bien sa vie sans encombres, confor­table et soli­taire, et entame les pages là où elle s’é­tait arrêtée.

Au bout de quelques minutes, elle entend à nou­veau le vrom­bis­se­ment comme un bour­don qui s’ap­proche d’elle jus­qu’à deve­nir constant. Un vrom­bis­se­ment. Le vrom­bis­se­ment. Le même. Sans l’a­ga­cer vrai­ment, ni l’in­quié­ter, elle pose ses lunettes et se demande d’où ça peut venir. Ou tout au moins ce que c’est. Elle pose son livre, ses lunettes, et ouvre son ordi­na­teur por­table qui se trouve sur la tablette. Mot de passe, moteur de recherche, elle tape “bruit sourd constant” et arrive sur quelques résul­tats. Le pre­mier lui indique une entrée étrange : le “hum”, un son dont on ne connaît pas l’o­ri­gine et dont l’exis­tence, si elle n’est pas niée, n’est pas non plus confir­mée comme étant un fait avé­ré et scien­ti­fi­que­ment expli­qué. Il y est ques­tion éga­le­ment des acou­phènes, mais elle se doute bien que ce n’est pas ça, car sinon elle l’en­ten­drait conti­nuel­le­ment. D’autres hypo­thèses un peu étranges font état d’un bruit tec­to­nique résul­tant de la dérive des conti­nents ou de phé­no­mènes élec­tro­ma­gné­tiques puis­sants mais non avé­rés avec cer­ti­tude. En bref, si elle a la sen­sa­tion d’ap­prendre quelque chose, elle ne semble pas trou­ver de solu­tion tan­gible à ce phé­no­mène. Ce qui ne la ras­sure ni ne l’in­quiète. Elle s’en étonne sim­ple­ment et prend le par­ti de reprendre sa lec­ture. Le vrom­bis­se­ment ne sau­rait déran­ger une lec­ture aus­si pas­sion­nante que les pages d’El­la Maillart.

Elle finit par se cou­cher après avoir lu un quart de son livre. La nuit est tom­bée et plus aucune voi­ture ne passe dans la rue. Rituel immuable, pla­card, couette, oreiller, clic-clac, la chambre est prête. Aupa­ra­vant elle file dans la salle de bain pour se laver les dents et prendre une douche rapide. Une fois cou­chée, volets fer­més et lumière éteinte, elle se met à rêver à la jeu­nesse d’El­la lors­qu’elle navi­guait avec son petit voi­lier sur le lac de Genève, enfant pré­coce et déjà rêveuse, lors­qu’elle entend mon­ter dou­ce­ment le vrom­bis­se­ment, comme cet après-midi, une vibra­tion sourde qui monte et devient constante jus­qu’à ce qu’elle n’en­tende plus que ça. Elle repense à ce qu’elle a lu. Des images de tur­bines sou­ter­raines, de com­pres­seurs élec­triques, de curieux com­plexes indus­triels occa­sion­nant des trem­ble­ments de la terre lui viennent en tête. L’i­ma­gi­na­tion pro­fuse dont elle a tou­jours su faire preuve s’emballe. Ce qu’elle a lu sur les plaintes d’ha­bi­tants du Nou­veau-Mexique notam­ment l’in­ter­pelle, les phé­no­mènes col­lec­tifs étant tou­jours sujets à cau­tion, il y a tout de même géné­ra­le­ment une part de véri­té dans ces étran­ge­tés. Et du coup, sans savoir pour­quoi, elle se sou­vient de cette his­toire de pain mau­dit dans les années 50 à Pont-Saint-Esprit, cité tran­quille du Gard, où des habi­tants furent pris de folie col­lec­tive, ce qui sera plus ou moins expli­ci­té par une intoxi­ca­tion ali­men­taire par l’er­got du seigle, et se dit qu’elle n’a pas fini d’être sur­prise par ce que les évé­ne­ments les plus ano­dins du quo­ti­dien sont en mesure de révéler.

Elle se retourne dans son lit, ferme les yeux, coince sa main déli­cate sous son oreiller et s’en­dort tran­quille­ment en fre­don­nant quelques paroles de Heart of gold de Neil Young. Juste avant de som­brer, elle se dit que ce n’est quand-même pas une tur­bine qui va l’emmerder.

Pho­to by © Dan Meyers on Uns­plash

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Maître du Cru­ci­fix — n°434 — Cru­ci­fix peint avec huit scènes de la passion

Ce cru­ci­fix expo­sé dans l’an­cien théâtre des Médi­cis de la Gale­rie des Offices est un tableau remar­quable, remar­quable par sa taille (250 cm de haut), et la richesse de son décor doré, mais aus­si par les motifs peints pour évo­quer la croix. On dis­tingue huit scènes dif­fé­rentes de la Pas­sion du Christ, comme par exemple la Fla­gel­la­tion ou Jésus devant le San­hé­drin qui est loin d’être le thème le plus com­mun de l’i­co­no­gra­phie chré­tienne. On remar­que­ra éga­le­ment la finesse avec laquelle est peint le per­izo­nium (pagne) du Christ et avec quelle com­plexi­té il est noué, mais sur­tout la tech­nique du cloi­son­nage qui per­met de sépa­rer les cou­leurs par un trait épais, dif­fé­rente du reste du trai­te­ment avec lequel le corps du Christ est peint. Les stig­mates sont repré­sen­tés avec du sang cou­lant dou­ce­ment des plaies (sauf pour le stig­mate du flanc) et le visage peint avec une forte inten­si­té dra­ma­tique, ce qui n’est pas for­cé­ment le cas avec les cru­ci­fix contem­po­rains de celui-ci, géné­ra­le­ment beau­coup plus sobres.

Maître du Crucifix n°434 - Crucifix peint avec huit scènes de la passion - 1230-1250 -  Galerie des Offices

Détrempe sur bois — Gale­rie des Offices 
250 x 200 cm — peint vers 1230–1250

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Frag­ments de pein­tures véni­tiennes (1) : Cathé­drale San­ta Maria Assun­ta de Torcello

Frag­ments de pein­tures véni­tiennes (1) : Cathé­drale San­ta Maria Assun­ta de Torcello

Annonciation, Vierge Odigitria  (theotokos) et Apôtres, Torcello, basilique Santa Maria Assunta - XIIè siècle

Sur la lagune de Venise se trouve une petite île que per­sonne ne va visi­ter parce que ce n’est qu’un endroit péri­phé­rique des grands par­cours tou­ris­tiques. Pour­tant, on connait son nom, ou tout au moins on en a déjà enten­du par­ler : Tor­cel­lo. La par­ti­cu­la­ri­té des îles qui com­posent l’ar­chi­pel de Venise c’est de n’être pas tel­le­ment plus haut que le niveau de la mer qui vient lui lécher les pieds et c’est alors ce qu’on voit tous les ans (ou deux fois par an, puisque cela arrive au moment des équi­noxes) aux jour­naux télé­vi­sés comme une ritour­nelle, l’acqua alta. Les Ita­liens ont un don pour nom­mer les choses de la manière la plus simple qui soit. Quand l’eau monte, l’eau devient haute… C’est tout.

De cette petite île, Tor­cel­lo, dépasse un cam­pa­nile car­ré sur­plom­bant une cathé­drale dont on se demande fina­le­ment ce qu’elle fait là puisque l’île n’a­brite plus que quelques habi­tants, tan­dis qu’au Xème siècle elle voyait sa popu­la­tion s’é­le­ver à plus de 10 000 habi­tants. La façade de ce bâti­ment révèle qu’il date de la période romane, et même, puisque nous sommes en Ita­lie, de la période byzan­tine si l’on en croit l’inscription qui fait remon­ter son ori­gine à 639. A l’in­té­rieur se trouve le cul-de-four de l’ab­side, une demi-couple déco­rée d’une mosaïque abso­lu­ment somp­tueuse datant du XIIè-XIIè siècle, parée d’or, repré­sen­tant dans un espace assez grand la Vierge à l’en­fant (Theo­to­kos, mère de Dieu, et Odi­gi­tria, qui montre la direc­tion) entou­rée du mono­gramme qui est le sien (MP ΘY). La figure de la Vierge est sur­plom­bé par une Annon­cia­tion au-des­sus du cul-de-four, l’Ange Gabriel à gauche, la Vierge à droite. Sous les pieds de la Vierge, les douze apôtres mar­chant sur un par­terre de coque­li­cots. Comme toutes les fleurs rouges, celle-ci en par­ti­cu­lier est sym­bole du sang du Christ ver­sé pour les hommes.

Dans la cathé­drale se trouvent d’autres mosaïques très belles, fine­ment exé­cu­tées, notam­ment celle du Juge­ment Der­nier, mais celle-ci a la charme de sa taille, impres­sion­nante et tend à nous faire savoir si on l’a­vait oublié que l’his­toire de Venise a de tout temps été tour­née vers l’O­rient et se place sur le même plan que de l’art de Byzance. Pro­me­nez-vous dans Venise et vous ver­rez que nous sommes aux portes de Constantinople…

Pour en savoir plus : Les peintres de Venise, Enri­co Maria dal Poz­zo­lo, Actes Sud.

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Les der­nières années de Raphaël au Louvre

Les der­nières années de Raphaël au Louvre

Raphaël (Raffaello Sanzio) - La donna velata (détail) - La dame voilée (1516 - 82cm x 61cm)

Pour quelques jours encore, Raphaël est au Louvre, le Raphaël des der­nières années. Fina­le­ment, c’est un Raphaël d’a­te­lier plus qu’un Raphaël inti­miste, en par­tie parce que le peintre connaît un suc­cès d’es­time incom­pa­rable et qu’il doit hono­rer nombre de ses com­mandes, mais tout est là, la com­po­si­tion, le trai­te­ment de la lumière, l’au­dace des pos­tures… Les plus grands repré­sen­tants de son ate­lier sont en bonne place ; on ver­ra ain­si Giu­lio Roma­no (Giu­lio di Pie­tro de’ Gia­nuz­zi), l’a­mi cher et Gio­van Fran­ces­co Pen­ni, le dis­ciple, avec des œuvres hau­te­ment signi­fi­ca­tives. (more…)

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