Pour quelques jours encore, Raphaël est au Louvre, le Raphaël des dernières années. Finalement, c’est un Raphaël d’atelier plus qu’un Raphaël intimiste, en partie parce que le peintre connaît un succès d’estime incomparable et qu’il doit honorer nombre de ses commandes, mais tout est là, la composition, le traitement de la lumière, l’audace des postures… Les plus grands représentants de son atelier sont en bonne place ; on verra ainsi Giulio Romano (Giulio di Pietro de’ Gianuzzi), l’ami cher et Giovan Francesco Penni, le disciple, avec des œuvres hautement significatives.
Giulio Romano, La circoncision
(1499 — 115cm x 122cm)
Que dire de cette exposition qui recense de très grands tableaux, venus de Bologne, Rome, Florence, Madrid ou Los Angeles ? Je dois dire que je suis encore dans la première impression, époustouflé par la façon qu’il a de traiter la lumière sur les grands tableaux d’église, le Sainte-Cécile dont les bords sont traités comme pour le portrait de Baldassare Castiglione, le grand Saint-Michel terrassant le démon, La montée au calvaire (Lo spasimo di Sicilia) surtout, mais aussi sur des tableaux de taille plus modeste, La belle jardinière, et un autre tableau beaucoup plus petit et très original, La vierge aux candélabres, où la lumière des bougies est particulièrement bien rendue. A propos de ce tableau et de plusieurs autres, on constatera que l’attitude de l’enfant est celle d’un enfant… Je veux dire par là, que plus que le fils de Dieu, c’est un simple enfant qui joue avec ses mains et n’hésite pas à plonger l’une d’elle dans le décolleté de sa mère. Ce détail, s’il est passé inaperçu auprès des commanditaires, dit une chose qui aurait pu lui valoir de tomber aux oubliettes… Le fils de Dieu n’est qu’un enfant comme les autres.
Les dessins présentés, œuvres préparatoires ou simples croquis, modelli ou cartons, à la sanguine rehaussée de blanc ou non, à la pierre noire, vous montreront toute la maîtrise de ce peintre dans le disegno, le dessin, qui est à la fois l’âme et l’ossature du projet une fois abouti, un concept central dans la peinture de la Renaissance.
La vierge aux candélabres
(1513 — 65 cm de diamètre)
Pour ma part, je regrette deux choses. Sont exposés l’un à côté de l’autre deux tableaux superbes. L’un est l’Autoportrait avec un ami, que le commissariat de l’exposition a nommé Autoportrait avec Giulio Romano (au moins les choses sont désormais claires), l’autre est le Double portrait d’Andrea Navagero et Agostino Beazzano, deux tableaux très proches par leur facture et par l’intention, puisque ce sont des tableaux très intimistes, des « amitiés ». Le problème que c’est que l’autoportrait est caché derrière une vitre qui le rend terne comparé à l’autre et qui empêche de voir réellement la facture.
Mon second regret est l’absence du Portrait de Baldassare Castiglione, déplacé en cours d’exposition pour aller orner les murs du tout nouveau Louvre de Lens (qui le conservera jusqu’en décembre 2013), et là, je trouve ça d’une part irrespectueux d’amputer l’exposition pour les retardataires, d’autre part assez cavalier de ne pas finalement respecter l’intégrité de l’exposition.
Double Portrait Andrea Navagero et Agostino Beazzano
(1516 — 76 x 107 cm)
Et puis, si vous la connaissez pas encore, vous aurez la chance de croiser le regard légèrement fuyant et les gestes délicats d’un des plus beaux portraits de l’artiste, le portrait de la Donna Velata (la Dame voilée) ordinairement exposée au Palazzo Pitti à Florence.
Plus que quelques jours donc, jusqu’au 14 février pour voir cette exposition magistrale, parfaitement présentée avec des cartels clairs et des exposés pédagogiques sur chacune des salles qui sont autant de coups de projecteurs pertinents pour les profanes, et qui permet de bien comprendre les dernières années du peintre disparu dans sa trente-septième année.
Du 11 octobre 2012 au 14 janvier 2013
Hall Napoléon, sous la pyramide
Tarifs sur place :
Billet spécifique à l’exposition : 12€.
Billet jumelé (collections permanentes et exposition) : 15€.
Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h. Nocturnes les mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.