Photo © Birding Mongolia
On en viendrait presque à oublier que lorsque les Hommes se battent et s’entre-déchirent, la nature, elle, continue de vivre dans la plus belle des intelligences, celle où se partagent les intérêts communs, loin de l’imbécile apparence, des chimères du paraître et de la course à la vanité… Belle leçon de nature, au milieu de l’orgueil et des combats.
[audio:Borbanngadyr.xol]Dans les endroits les plus stériles, où seuls parviennent à pousser quelques maigres brins d’herbe, vit une autre espèce de rongeur, l’imouran, à peu près de la taille d’un écureuil. La teinte de son pelage se confond avec la prairie sur laquelle il se déplace comme un serpent, ramassant les graines éparpillées par le vent, et les transportant dans sa minuscule demeure. L’imouran a une amie fidèle, l’alouette jaune, à dos brun et tête brune. Quand l’imouran court dans la plaine, elle se poste sur son dos, battant des ailes pour maintenir son équilibre, et se fait joyeusement porter au galop par cette curieuse monture à la longue queue en broussaille. L’alouette en profite pour débarrasser avec dextérité le pelage de son compagnon de tous les parasites qui s’y sont enfouis ; elle sait aussi faire entendre son chant mélodieux, tout le temps que dure cette course allègre. C’est pour cela que les Mongols ont surnommé l’imouran « le coursier de la joyeuse alouette ». D’ailleurs celle-ci sait encore lui rendre d’autres services ; elle avertit toujours l’imouran de la présence des aigles et des faucons, en poussant trois coups de sifflets aigus avant de se réfugier derrière une pierre ou dans un fossé. Dès qu’il entend ce signal, nul imouran ne sort plus la tête de son trou tant que le brigand des airs ne s’est pas éloigné. C’est ainsi que l’alouette et son coursier vivent en amical voisinage.
Ferdynand Ossendowski, Bêtes, hommes et dieux
A travers la Mongolie interdite, 1920–1921
Editions Phebus Libretto