Et puis nous regar­de­rons le cour­sier de la joyeuse alouette cou­rir dans la prairie…

Avant…

Pho­to © Bir­ding Mongolia

On en vien­drait presque à oublier que lorsque les Hommes se battent et s’entre-déchirent, la nature, elle, conti­nue de vivre dans la plus belle des intel­li­gences, celle où se par­tagent les inté­rêts com­muns, loin de l’im­bé­cile appa­rence, des chi­mères du paraître et de la course à la vani­té… Belle leçon de nature, au milieu de l’or­gueil et des combats.

Dans les endroits les plus sté­riles, où seuls par­viennent à pous­ser quelques maigres brins d’herbe, vit une autre espèce de ron­geur, l’imou­ran, à peu près de la taille d’un écu­reuil. La teinte de son pelage se confond avec la prai­rie sur laquelle il se déplace comme un ser­pent, ramas­sant les graines épar­pillées par le vent, et les trans­por­tant dans sa minus­cule demeure. L’i­mou­ran a une amie fidèle, l’a­louette jaune, à dos brun et tête brune. Quand l’i­mou­ran court dans la plaine, elle se poste sur son dos, bat­tant des ailes pour main­te­nir son équi­libre, et se fait joyeu­se­ment por­ter au galop par cette curieuse mon­ture à la longue queue en brous­saille. L’a­louette en pro­fite pour débar­ras­ser avec dex­té­ri­té le pelage de son com­pa­gnon de tous les para­sites qui s’y sont enfouis ; elle sait aus­si faire entendre son chant mélo­dieux, tout le temps que dure cette course allègre. C’est pour cela que les Mon­gols ont sur­nom­mé l’i­mou­ran « le cour­sier de la joyeuse alouette ». D’ailleurs celle-ci sait encore lui rendre d’autres ser­vices ; elle aver­tit tou­jours l’i­mou­ran de la pré­sence des aigles et des fau­cons, en pous­sant trois coups de sif­flets aigus avant de se réfu­gier der­rière une pierre ou dans un fos­sé. Dès qu’il entend ce signal, nul imou­ran ne sort plus la tête de son trou tant que le bri­gand des airs ne s’est pas éloi­gné. C’est ain­si que l’a­louette et son cour­sier vivent en ami­cal voisinage.

[audio:Borbanngadyr.xol]

Fer­dy­nand Ossen­dows­ki, Bêtes, hommes et dieux
A tra­vers la Mon­go­lie inter­dite, 1920–1921
Edi­tions Phe­bus Libretto

Après…

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Moka au bar sur les terres vertes du Kalaal­lit Nunaat ou avec les femmes nues des toiles d’An­ders Zorn

Au lever il fait froid, il fait presque soleil, vague­ment. Je me suis levé sur les coups de sept heures, la gorge sèche, pour boire un coup, cal­mer le feu qui s’a­nime à l’in­té­rieur. J’ai rêvé d’a­qua­relles et d’un voyage dans le désert ; une femme toua­reg au loin engon­cée dans ses dra­pe­ries bleues me fixait depuis le toit pous­sié­reux d’une mai­son en adobe, son regard vert intense ne cil­lant qu’à peine. J’ai rêvé de mouettes volant au-des­sus de la terre verte (Kalaal­lit Nunaat).

En octobre, les cou­leurs de la nature sont plus vives, plus nettes et plus nom­breuses que pen­dant les autres mois de l’an­née. La glace, dans la mer, prend des cou­leurs avec le soleil bas et rayonne for­te­ment de bleu, de rouge et de vio­let, et les som­mets des mon­tagnes, qui, chaque matin, sont sau­pou­drés de neige, brillent d’un bleu de glace toute la jour­née, pour virer au rose, et fina­le­ment au rouge sang le soir. Pen­dant une courte période, on peut à nou­veau divi­ser les vingt-quatre heures en jour et en nuit, et per­sonne ne com­prend où est par­tie la longue jour­née claire de l’é­té, ni com­ment on va pou­voir sur­vivre à la nuit éter­nelle de l’hiver.
Le pire en octobre, c’est le silence. L’a­gi­ta­tion de l’é­té dis­pa­raît, la mer gèle de plus en plus, cou­vrant ain­si les der­nières flaques, les rivières coulent de plus en plus fai­ble­ment pour enfin se figer, la neige nou­velle feutre l’a­gréable cris­se­ment des cailloux sous les bottes, et les oiseaux sont par­tis pour des régions plus accueillantes. On découvre une fois qu’ils sont dis­pa­ru à quel point ils chan­taient bien et fort. Au cours de ce mois étrange, on n’en­tend plus que le cri des cor­beaux, quelques appels de goé­lands du haut ciel bleu et, loin sur la mer, le souffle d’ailes de quelques mouettes attardées.

Le rat, in Un safa­ri arctique
Jørn Riel
, Ed 10/18

J’ai décou­vert Anders Zorn un peu par hasard, en feuille­tant une revue, je ne me rap­pelle plus quand ni où, mais j’ai le sou­ve­nir per­sis­tant de ces femmes nues au bord de l’eau, peintes dans des car­na­tions trou­blantes, des peaux velou­tées et des regards las­cifs ou pro­vo­ca­teurs. On sent dans l’œuvre de Zorn une cer­taine vio­lence dans les cou­leurs, un trouble roman­tique et l’an­goisse du sujet. Je repro­duis ici un mini Zorn­Mu­seet autour de ces femmes prises sur le vif, sen­suelles et cal­li­pyges, peintes sans pudeur ou offertes, sou­vent en pré­sence de l’élé­ment liquide, pour une rai­son qui m’é­chappe. La der­nière œuvre est une gra­vure met­tant en scène l’au­teur et un de ses modèles dans une mise en scène tout à fait éton­nante de modernisme…

Si Zorn reste mar­gi­nal par­mi les plus grands peintres, sa noto­rié­té s’est envo­lée de manière spec­ta­cu­laire le 3 juin 2010, lors­qu’une de ses plus lumi­neuses toiles, Som­marnöje (Plai­sirs d’é­té, peinte en 1886) a été ven­due 26 mil­lions de cou­ronnes sué­doises (soit près de 3 mil­lions d’eu­ros). Ce tableau est majes­tueux ; il suf­fit de se rap­pro­cher et de regar­der le trai­te­ment de la matière de l’eau et de la robe de la femme. Un chef d’œuvre de lumière nordique.

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