Jul 16, 2012 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Avant-dernier volet avant de conclure avec le sujet ; voici un retour en arrière avec le père du précédent. Second siège de Constantinople, 717–718. Les Sarrazins du calife omeyyade tentent de prendre d’assaut la ville, protégée par la muraille de Théodose sur la terre et par la chaîne de Galata interdisant l’entrée dans la Corne d’Or. L’hiver 717 est considéré comme un des pires dans l’histoire des sièges pour les assaillants. Pataugeant dans la boue froide et la neige, les Sarrazins affamés furent obligés de dévorer leurs chevaux pour survivre, jusqu’au déroulement des combats.
Léon III l’Isaurien et son fils Constantin V Copronyme
La bataille fait rage et sous les coups de boutoir de l’armée des Sarrazins, les Chrétiens sortent les grands moyens : une icône… Selon la légende, c’est en partie le point de départ de la guerre déclarée aux images dans l’empire byzantin…
A chaque instant il fallait s’attendre à une ruée générale sur les premiers murs de défense que, plusieurs fois submergés sous le nombre, nous finîmes par leur abandonner. Il fallait dès lors veiller à tenir leurs béliers loin des portes et surtout empêcher leurs machines de siège d’être hissées sur le glacis. En l’un des points de la muraille, insuffisamment fortifiée et sur lequel les Arabes semblaient vouloir concentrer leurs coups, la population du quartier voisin vint en procession faire don d’un portrait du Christ trônant. Les fidèles étaient persuadés que cela seul suffirait à déjouer les entreprises des Sarrazins et rendrait la porte invulnérable. Et chacun de citer des cas où les assaillants avaient été repoussés ou jetés au sol comme sous l’effet d’une puissance invincible. A peine eut-on le temps de disposer l’icône, bien en évidence à l’emplacement convenu, qu’une pluie de traits s’abattit sur le rempart. Cela n’avait fait au contraire qu’exciter la fureur des Musulmans ; et des quartiers de roche, propulsés par la détente brève et sèche des catapultes, vinrent mordre la surface lisse de la pierre qui grinçait affreusement sous le choc, se fendait en deux au point d’impact, étoilant sa surface en une multitude d’éclats tranchants. Aucun n’atteignait son but. Mais les secousses brutales, imprimées toujours au même endroit de la muraille, et qui la faisait vaciller, eurent pour résultat que l’icône se décrocha et, à la stupeur générale, tomba au pied du mur d’enceinte. De plus la maçonnerie ayant été ébréchée, la terre et les pierres qui y avaient été bourrées à la hâte se répandirent au-dehors, comme d’une outre crevée. Cette accumulation de débris formait pour l’assaillant une rampe d’accès par où il lui devenait plus facile de s’élancer. Et au lieu de réparer au plus vite, d’évacuer cette terre et de remettre le contrefort d’aplomb, la garnison n’eut plus qu’une idée : entrouvrir un instant la porte pour sortir récupérer à tout prix l’icône qui gisait en contrebas, parmi les pierres et les gravats. […] L’icône fut perdue dans la bataille, brûla peut-être quand s’effondra la tour, ne put jamais être récupérée. Voilà en tout cas à quels périls la fureur idolâtrique de certains avaient exposé la ville et jusqu’à l’existence même de l’empereur. Léon III retint la leçon et sans doute ce jour-là se jura-t-il d’y porter remède à la première occasion.
Extrait de la « Vie de Léon III », rédigée par Hilarion, historiographe à la cour, pour servir à l’édification de l’empereur Léon V l’Arménien.
Quelques temps après, la flotte pourtant robuste du calife fut littéralement broyée par l’utilisation d’une technique absolument nouvelle et parfaitement maîtrisée: le feu grégeois. La substance projetée contre les navires prenait feu instantanément et continuait de brûler sur l’eau, interdisant tout espoir de survie pour ceux qui se jetaient à l’eau pour tenter d’échapper au feu qui dévorait leur embarcation. De l’événement apparemment sans conséquence de l’icône perdue découla une averse de haine sur un Empire qui commençait déjà à se déliter.
Texte extrait de l’Iconoclaste, d’Alain Nadaud
Editions Quai Voltaire, 1989
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Jul 14, 2012 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Revenons un peu en arrière. Constantin V fut l’un des empereurs les plus craints de la période byzantine. Résolument iconoclaste, il persécuta moines et moniales de la pire façon qui soit, missionnant des expéditions punitives au sein même des monastères, obligeant les gens d’église à toutes sortes d’exactions qui font froid dans le dos. Nous sommes dans une époque sombre. Léon III l’Isaurien, son père, fut celui qui amena en terre de Constantinople l’idéologie iconoclaste et en fit une nouvelle politique théologique, au terme du siège qui opposa le Califat Omeyyade à la Nouvelle Rome et qui se termina dans un bain de sang. Son esprit radical le portant à soutenir les idées de son père, il se fit très rapidement des ennemis dans le camp des chrétiens, générant de nombreuses réactions et des sobriquets lui tombèrent vite sur le dos. La légende reste tenace, mais on ne sait réellement si les événements qui lui valurent le surnom de « Copronyme » (Κοπρώνυμος), ce qui veut dire littéralement « nom de merde », ont réellement eu lieu. Voici la relation des faits intervenus le jour de son baptême par le Minsourator Léontios.
Constantin V Copronyme et son père Léon III l’Isaurien
[…] Enfin, on m’apporta un encensoir tout fumant. Le prince impérial fut alors plongé dans l’eau glacée de son baptême, continuant comme un forcené à se convulser et à éclabousser de partout, au risque d’échapper aux mains qui le tenaient. L’hymne sacré s’éleva d’une seule voix du Baptistère :
Tu es baptisé au nom du Seigneur,
Sois notre frère en Jésus-Christ…
A peine ces premières paroles eurent-elles été prononcées, et alors qu’elles nous revenaient, reprises comme en écho, par toute la Grande-Église, qu’on vit le patriarche se reculer, ses traits défigurés par l’épouvante. Aussitôt après avoir sorti l’enfant de l’eau, il ne le portait plus à bout de bras qu’avec dégoût. On aurait dit que d’un instant à l’autre il allait le lâcher. Il se tourna d’abord vers l’empereur sans cesser sa grimace, puis vers l’assistance dans le but d’en réclamer une aide ou de la prendre à témoin, suppliant qu’on l’en débarrassât. Seuls quelques-uns l’entendirent murmurer, pour lui-même : « Mon Dieu, quelle horreur ! Satan a fait son œuvre. Voilà qui présage les plus grands maux pour les chrétiens ! Cet enfant souillera l’Église ! »
Intrigué, et sans qu’on eût compris sur-le-champ les raisons de ce désarroi, chacun à son tour se pencha, inclinant sa lampe au-dessus de la conque de marbre. A la surface de l’eau noire flottaient de minuscules étrons. L’enfant venait de déféquer dans les fonts baptismaux. Qui put imaginer une chose pareille ? […]
Réfutation par le Minsourator Léontios, chef des thuriféraires, des accusations diverses dont il fut l’objet à la suite des incidents qui marquèrent le baptême de Constantin, dit « le Copronyme ».
Le règne de l’empereur, pourtant fin stratège et chef militaire hors pair au point que l’on prêta à son fantôme certaines victoires contre les Bulgares, fut passablement tourmenté. La personne de l’empereur fut elle-même soumise à l’attribution d’un autre surnom ; « Caballinos », c’est-à-dire à peu de choses près, le chevallin. Amateur de courses de chevaux dans l’Hippodrome, il aimait également s’adonner à divers plaisirs dans les écuries… Un de ses passe-temps, dit-on, était de s’asperger le corps de l’urine de ses juments et de s’enduire de leurs excréments… Respectant peu les préceptes de la religion, il convertit l’église Sainte-Euphémie en dépôt de fumier et y installa certains de ses chevaux, et il était de notoriété publique que s’engageait fréquemment des courses poursuites entre les stalles, qui se terminaient dans la litière souillée et puante des animaux, le corps maigre de l’empereur enfourchant celui du premier palefrenier qu’il trouvait…
Atteint du charbon, une plaie béante lui dévorant la cuisse, il finit sa vie tourmentée en campagne et dans un état de délabrement et de folie terrible.
Le simple contact d’une jambière de métal ou d’une étoffe lui était comme un fer rouge appliqué sur sa plaie. Il allait donc à demi nu, ce qui n’était pas, disait-on, tout à fait pour lui déplaire. […] La poussière noire qui tombait de ses pustules emplissait à la fois d’horreur et de compassion les soldats que ses faits d’arme continuaient à lui garder fidèles et qui le vénéraient à l’égal d’un dieu. […] Consumé par une fièvre ardente, Constantin de temps à autre se prenait à hurler : « Je suis brûlé vivant par un feu inextinguible. »
Fragment de « vie, mort et légendes de Constantin V » par un anonyme du XIIème siècle.
Constantin mourut dans d’atroces souffrances le 14 septembre 775, soit disant en serrant contre son cœur l’icône de la Vierge Théotokos qu’il avait passé sa vie à persécuter.
Tous les textes sont extraits de l’Iconoclaste, d’Alain Nadaud
Editions Quai Voltaire, 1989
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Jul 12, 2012 | Livres et carnets |
C’est la meilleure munition que j’aye trouvé à cet humain voyage.
Michel de Montaigne, Essais, Livre III, chapitre II
Saint Thomas — peint par Georges de la Tour.
Vers 1630, huile sur toile, 71 cm x 56 cm
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Jul 12, 2012 | Livres et carnets |
Le célèbre archéologue Prisse d’Avennes, particulièrement inspiré pour transmettre son goût de l’art arabe, possédait dans ses collections particulières deux petits recueils de miniatures indiennes du XVIIème siècle, d’inspiration moghole, de très belles gouaches fines, rehaussées de fil d’or et d’argent.
Recueils de miniatures indiennes n°1
Recueils de miniatures indiennes n°2
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Jul 10, 2012 | Arts, Chambre acoustique |
C’est un compositeur peu connu, mais dont les œuvres maîtresses sont ces petites sonates pour violoncelle et basse continue. Des pièces légères dans un style baroque tardif, d’une gaîté délicate, avec une harmonie tenue par un théorbe en verve. Certaines de ses œuvres ont disparu, d’autres ont été volées et c’est cela qui l’aurait, selon sa famille, précipité vers la tombe. Très jeune, il interpréta ses sonates en compagnie d’un certain Georg Friedrich Haendel…
[audio:geminiani.xol]
Sonata III en Do Majeur — II. Allegro
[audio:geminiani2.xol]
Sonate II en Ré Mineur — I. Andante
Bruno Cocset, Luca Pianca & Les Basses Réunies
Sonates pour violoncelle avec la basse continue opus V — Alpha 123
Francesco Geminiani (1687–1762)
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